La justice aristocratique dans la généalogie de la morale de Nietzsche( Télécharger le fichier original )par Pierre Morien MOYO KABEYA Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 0000 |
I. 2. 3. Renversement des valeursPour Nietzsche, c'est avec le ressentiment que commence le soulèvement des esclaves25(*). Ce combat a duré deux mille ans. Nul n'ignore le fait que tout ce qui est long est difficile à voir d'un coup d'oeil »26(*). Comme on peut le remarquer si clairement dans la conclusion de la première dissertation, des choses se sont passées sur le tronc de l'arbre de la vengeance et de la haine judaïque. En effet, le ressentiment y est pour beaucoup. En définitive, on se trouve sur un terrain dévasté par un combat féroce. Le grand gagnant se plait à répéter : « je suis bon donc tu es méchant », « tu es méchant, donc je suis bon ». Nous savons qu'au départ il y a eu un « je suis bon » d'un homme qui considère son action comme supérieure. Il n'attend aucune approbation extérieure pour cela. C'est l'homme vrai qui s'affirme, sûr de lui-même. Il est épris des valeurs de distinction et de distance à tout ce qui est bas et vil. A ce niveau il n'y a aucune comparaison de l'horizon de celui qui parle. « Je suis bon », ici le bon désigne le maître. L'affirmation, « je suis bon, tu es méchant »27(*) s'oppose à « nous les aristocrates, nous les bons, les beaux, les heureux. »28(*) Cette affirmation est essentiellement réaction. Si le premier « bon » était propre à la sphère des maîtres, sans besoin d'un soutien extérieur, le second est une conclusion qui a besoin de prémisses. L'auteur nous place, d'une part devant l'agressivité des maîtres, positive et de l'autre le ressentiment des esclaves.29(*)En d'autres termes, l'action continuelle et sans répit, d'une part et le sabbat, le repos (éternel) de l'autre. L'esclave crie une séparation entre la force et ses manifestations (parce que selon son idéal, l'oiseau de proie peut devenir agneau). C'est ici que les valeurs des maîtres sont terrassées au profit des celles des esclaves : « voici naître le bien et le mal ; détermination éthique, celle du bon et du mauvais ; fait place au jugement moral. »30(*) Ce n'est pas en vain que Nietzsche parle de « par delà le Bien, le Mal », et non « par delà Bon et Mauvais. »31(*) Bien et Mal sont des valeurs de l'inaction, ou plutôt pour utiliser un terme fort, de la « réaction. » On n'affirme pas mais on nie. Personne de ceux qui en sont les bénéficières ne voudra qu'on les remette en question. « C'est pourquoi on les dit non créées, divines, transcendantes, supérieures à la vie. »32(*) Vous savez ce que cache cette machination des réactionnaires. Le ressentiment a créé ces valeurs, la haine les a constituées ; une haine qui empoisonne la vie. Ces valeurs ne peuvent pas être séparées de la vengeance dont elles sont la caractéristique première. Ainsi, la religion (le christianisme en particulier) appelle les faibles, les malheureux, « bon », « heureux les pauvres. » Le renversement des valeurs est la victoire de la morale des faibles, « Rome a été vaincu » par la Judée.33(*) * 25 Ibid., I, §7, p. 45. * 26 Ibid. * 27 G. DELEUZE, Op. cit., p. 13. * 28 F. NIETZSCHE, Op. cit., p. 51. * 29 G. DELEUZE, Op. cit., p. 138 * 30 Ibid., p. 139. * 31 F. NIETZSCHE, Op. cit., I, §17, p. 81. * 32 G. DELEUZE, Op. cit., p. 139. * 33 F. NIETZSCHE, Op. cit., I, p.78. |
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