IV. 4.
2. La justice au service de l'homme
La justice doit être mise au service de l'homme. Il ne
faut pas faire le ridicule d'élever la justice au rend d'une
divinité à invoquer et perdre de vue l'essentiel : la
protection et la promotion de la vie sociale. La vie en commun doit être
protégée (Protéger les garde-fous qui nous permettent
d'être ensemble). Cela suppose une libération continuelle de
l'appareil judiciaire. Personne n'est au-delà du contrat (de la justice,
du compromis). Même si habituellement on considère l'institution
judiciaire comme un troisième pouvoir, nous savons que aussi que les
magistrats sont nommés. Pourtant cela ne change en rien la
finalité de leur travail : veiller à ce que les
différentes parties engagées dans le contrat respectent les
clauses. Nous savons combien les sociétés africaines sont loin de
cet idéal. On assiste à une perversion qui consiste en la
sauvegarde du petit intérêt personnel au mépris du
compromis qui engage un grand nombre. Dans ce sens, la justice s'est avilie en
se mettant au service des poches remplies et des prédateurs. On craint
d'immobiliser le contrat qui nous fonde au centre de la société.
Chacun le déplace autant qu'il le veut, pourvu que cela lui soit
bénéfique. Traduire en justice une autorité est une
audace. On refuse de créer un contentieux judiciaire en traduisant en
justice une autorité de n'importe quel genre.
La libération du service judiciaire suppose aussi
exorciser la justice de la vengeance. (Protéger l'auteur du dommage
d'une vengeance possible pour qu'il réponde de ses actes devant le
tribunal reconnu et habilité à cet effet) Souvent lorsque l'on
fait allusion à la justice, inconsciemment on pense au châtiment,
c'est la contrainte qui vient à l'esprit. Quoiqu'il arrive la vie doit
être protégée, sinon la justice aura raté sa
mission. C'est là l'objectif de la justice : protéger la vie
peu importe ce qui arrive. Avec cette perspective, chacun est bien placé
pour juger de la nécessité de la peine de mort.
En outre, mettre la justice au service de l'homme va de pair
avec la prise en compte du fait que la « justice est
dynamique. » Il est question d'éviter ce que l'on appelle le
« statu quo embelli. » On est en présence d'une
réflexion audacieuse et novatrice. Il faut prendre conscience de la
place de l'homme dans la mise en place de la justice. Il est vrai il y a une
peur que puissent se défaire les bases même du contrat, de la
justice. Mais en se référant au grand projet de la justice au
service de la vie, il faut se servir de cet aspect pour démasquer
là où la justice a déraillé, parce que trop
violente, ou uniquement au service des intérêts individuels ;
ou encore voir telle loi qui n'est pas au profit de la société
parce que source d'un laisser-aller compromettant pour la
société.
La justice a beaucoup contribué au progrès des
sociétés humaines et contribue de manière significative
aujourd'hui encore. Nous ne devons pas perdre de vue cet aspect de service
rendu à la société, parce qu'elle a été mise
en place par l'homme conscient de ses potentialités d'autodestruction.
L'homme doit rester vigilant pour ne pas s'autodétruire lui-même
en se dérobant de cette responsabilité de créateur.
L'homme veut-il rester la mesure de toute chose ? Que garder de cette méditation à
l'école de Nietzsche ?
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