Les organisations de soirées techno. Le loisir dans l'institutionnalisation du mouvement( Télécharger le fichier original )par Fabrice JALLET Université Paris VII Denis Diderot - Master sociologie des politiques culturelles 2009 |
II. La participation des acteurs à l'élaboration des décisions publiquesLa prise en compte des musiques populaires par les politiques publiques concrétise le principe de démocratie culturelle mise en oeuvre par la méthode de concertation qui fait intervenir au côté des décideurs habituels, que sont les pouvoirs publics nationaux, d'autres acteurs intéressés par les politiques publiques. Nous allons voir comment la concertation est apparue dans le processus de décisions concernant le secteur des musiques actuelles. Ce chapitre est une synthèse construite à partir de lectures dans laquelle je tente de comprendre le positionnement des acteurs au coeur du processus de prise de décisions. 107Berthod M. et Weber A., op. cit. II.1. Les enjeux de la reconnaissance : "la culture de tous"La notion d'intérêt général de la culture s'est substitué à l'intérêt du Prince au cours du processus long et complexe dans lequel la grandeur d'une civilisation ou d'une culture s'est finalement attachée à la Nation. La vision française de la Culture l'élève vers l'Universel que l'on illustre par les "oeuvres capital de l'esprit humain". L'article 2 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques prévoit d'ailleurs leur classement dès lors qu'ils "présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation pourront, à toute époque". Le Ministère de la Culture a ainsi été institué sous l'égide d'André Malraux avec cette idée d'une action publique de l' "intérêt public": le "droit à la Culture pour tous". Avec le développement et la reconnaissance des cultures populaires, le principe des droits à la "culture de tous" ou de "droits culturels" s'impose, non comme une évidence du respect de l'Autre mais plutôt comme une solution à des crises chroniques. Les dernières enquêtes dirigées par le DEPS sur les pratiques culturelles des français ont révélé statistiquement la place grandissante des pratiques de loisir dans le champ culturel et donc du besoin de repenser les liens entre l'art et la culture. Pour Philippe Henry, "il convient de mieux comprendre que les pratiques artistiques sont aussi des pratiques culturelles, c'est-à-dire que l'expérience personnelle sensible qui aboutit à l'expression d'un jugement du goût est non dissociable d'une construction relationnelle au sein d'un environnement sociétal donné". La démocratie culturelle nécessite une nouvelle prise en compte des publics en matière culturelle. Son étude sur les nouveaux territoires de l'art, dont le slam, met en évidence une logique de "trajectoires culturelles individualisées" et la diversité des modes de médiation où "chacun sait pour lui-même la place capitale de certains événements ou de certains prescripteurs, croisés par pur hasard (un membre de la famille ou un pair, un enseignant ou un acteur culturel, un concert ou un spectacle particulièrement marquant pour soi...)108. Cette remarque amène à relativiser les définitions construites pour se représenter un secteur culturel complexifié par la rationalisation. Le Rapport Balladur sur la décentralisation récemment rendu, dont la mission était de clarifier les politiques publiques, ne propose aucun éclairage sur cette question comme le commente le Doc Kasimir Bisou : "la politique culturelle est certes "connue" pour ses bâtiments et structures mais pas "reconnue" pour ses valeurs d'intérêt général. Elle fait partie du paysage de l'action publique, mais elle est "invisible" dans les finalités propres qu'elle revendique. Sa liberté est la contrepartie de l'indifférence qu'elle inspire"109 (Doc Kasimir Bisou, 2009). Ce rapport mettrait à mal l'idée de la 108 Henry P., Spectacle vivant aujourd'hui. Une filière artistique à reconfigurer, PUG, 2009, Grenoble, p. 106 109 Doc Kasimir Bisou, Premier regard interrogatif et critique sur le Rapport Balladur et sa conception de la politique de la culture, p.4, disponible sur http://www.irma.asso.fr/IMG/pdf/doc_KBanalyse_rapport_Balladur.pdf République éclairée, qui sélectionne les chefs d'oeuvres de l'Humanité, puisqu'il préconise de confier la compétence de la "création artistique" à toutes les collectivités sous forme de financements croisés sans que l'Etat ne fixe un barême de sélection. Vis-à-vis de la diversité culturelle, il ne ferait pas mieux : Doc Kasimir Bisou conteste la vision consumériste que le rapport préconise pour la décentralisation culturelle puisque l'intervention des collectivités locales dans ce champs ne serait que la "contrepartie" de la contribution à l'impôt local. Et alors que l'Etat continue de financer la culture dite savante avec l'impôt, son intervention dans les musiques populaires est financée par la profession, c'est-à-dire par les taxes sur les supports vierges et sur les entrées de spectacles notamment. L'Etat a délégué en 1985 le rôle de la gestion des droits et la charge de définir l'intérêt général à des entités privées lesquelles protègent davantage les intérêts collectifs de leur affiliés (Sacem, Adami, Spedidam, SCPP, SPPF...). |
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