V. La gestion de la fête
Tous les aspects de la fête font l'objet d'une gestion
de la part des organisateurs de soirées techno. Seulement les
répertorier exhaustivement ne ferait qu'alourdir ce travail (qui compte
déjà de nombreuses pages consacrées à la gestion de
l'organisation) sans toutefois satisfaire le besoin de compréhension.
Nous nous centrerons donc sur comment les organisateurs gèrent deux
types de préoccupations différentes, l'une ayant directement
trait à la fête, la seconde relevant du spectre élargi du
temps de loisir.
V.1.La gestion des risques
"Dans les règles de l'art", organiser la soirée
techno ne se résume plus à vouloir faire la fête
en communauté et simplement réunir les éléments
constitutifs de la fête. Les organisations reçoivent du public
composé de participants dont les intentions sont variables allant de la
volonté d'apprécier
87 Voir en annexe le descriptif des formation Trancemission p.
207.
une manifestation de la culture techno à passer une
"soirée déchaînée", pour reprendre Monique Dagnaud,
en passant par sortir simplement entre amis. "Les jeunes de l'enquête
suivent l'évolution des pratiques culturelles des Français, mais
en surmultiplication : ils constituent la frange avancée, ceux qui
sortent le plus, ceux qui consomment le plus de boissons alcoolisées et
de drogues diverses", souligne-t-elle 88 (Dagnaud M.,
2008). Les organisateurs doivent donc faire face à des situations de
dangerosité.
Pour assurer la gestion de l'hygiène et de la
sécurité, les organisateurs font appel à des
équipes spécialisées dans ces domaines particuliers. Ils
recourent à des agents de sécurité professionnels et
à des associations humanitaires. Même si pour la
sécurité ce n'est pas spécifié explicitement,
l'intervention de ces spécialistes est une "mission rave". La fête
techno requiert des compétences adaptées au public : faire croire
que les participants sont libres et responsables tout en limitant les
éventuels abus.
Une association de sécurité s'est
créée dans ce champs à Perpignan : Association
Sécurité Pour Tous (ASPT). Elle assure la sécurité
pour les différentes organisations qui montent des soirées. Ce
sont des agents de sécurité professionnels qui interviennent dans
les soirées techno sous le titre de bénévoles. Mais ils
sont rémunérés pour garantir l'accomplissement de leur
mission. Qui passerait sa soirée à faire la police gratuitement !
Ils sont sélectionnés en fonction de leur capacité
à s'adapter au contexte. Un comportement inadapté de leur part
pourrait avoir des effets contraires car ils seraient perçus comme une
atteinte à la liberté et un abus de l'autorité.
Au cours de mon enquête, les intervenants de
prévention santé étaient des bénévoles
envoyés par l'association humanitaire Médecins du Monde dans le
cadre explicité de la "Mission Rave". Les risques liés à
la toxicomanie, très présents dans les fêtes techno, sont
leur priorité. Leur rôle est de veiller à la santé
des participants et au besoin de recourir à des secouristes plus
expérimentés, comme les pompiers. Seulement, les organisateurs
cherchent à ne pas ébruiter les incidents se produisant dans
leurs fêtes car ils ne veulent pas que ce soit la fête et
l'organisation qui soient incriminées. De plus, aucune antenne de
Médecins du Monde n'est implantée à Perpignan. Les
organisations font alors appel aux groupes de Toulouse et/ou de Montpellier.
Cette distance est un obstacle à la prévention de la toxicomanie
sur le territoire des Pyrénées Orientales. Premièrement
elle complexifie le dialogue sur les risques de la fête avec les
organisations en dehors des fêtes. Secondement, les prises de contacts
entre les intervenants et les usagers au cours des soirées sont
laissées sans suite ou ne peuvent faire l'objet d'un suivi.
88 Dagnaud M., op.cit. p.69
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