IV.Un mouvement culturel malléable pour ses
amateurs
La diversification des sous-genres est le propre de l'offre
des musiques électroniques. Nous allons voir que contrairement à
son projet initial de subversion de l'industrie culturelle, la techno a
également les traits d'un produit de consommation. Et cette consommation
de masse permise par ses dérivés est à la source d'un
courant musical participatif.
75 Birgy P., op.cit., p.58.
76 Elias N. et Dunning E., op. cit.,
pp.165-166
77Mombelet A. et Walzer N.,
op.cit.
78 Pourtau L., Vers la Définition
d'un Néotribalisme, décembre 2000, disponible sur le site du
GREMES.
IV.1. Consommer la techno
Le courant musical techno n'est pas homogène. On peut
rechercher l'homogéméité par son caractère de
musique de danse ou musique électronique, mais cela ne parvient pas
à expliquer l'hétérogénité de ses emplois
par les individus. Je préfère donc le considérer comme une
"enveloppe musicale et culturelle maléable". Philippe Birgy dans son
ouvrage Mouvement Techno et Transit Culturel a rendu compte de la
variété des courants à l'intérieur de la techno et
de son hétérogénéité79. Ses sous-
genres sont en effet le résultat, d'un recyclage des
éléments présents dans les autres courants musicaux comme
le classique, le jazz, le reggae, le funk, le hip hop ou le rock.
J'ai eu des discutions avec des organisateurs sur ce sujet
pour comprendre cette caractéristique de la techno. Mais même des
organisateurs et djs n'ont pu m'apporter une classification ordonnée des
musiques techno. Puis, s'appuyant sur l'analyse de René Girard, Philippe
Birgy met en évidence les discours corporatistes et la personnalisation
de la musique par ses créateurs : "il ["le discours de
Girard"] fait apparaître que ce désir de distinction est
inspiré par l'image médiatisée d'autres individus qui se
sont distingués pour les mêmes raisons, que tout le foisonnements
des genres, ses constantes ramifications, la complexité des champs de la
mode tiennent à un seul objectif jamais formulé et voué
à l'échec : celui de se mettre à part"80
(Birgy P., 2001). Les créateurs de la musique opèrent donc un
va-et-vient entre le "mimétisme", c'est-à-dire l'observation de
ce que font les autres, et la "différenciation", c'est-à-dire un
démarcage qui n'a d'autre ambition que de se rendre unique.
Du côté de l'audition, les amateurs peuvent
rechercher dans cette variété ce qui leur convient. Leurs
goûts peuvent même évoluer en fonction du même double
processus qui a conduit les créateurs à se distinguer. On
retrouve ainsi des fêtes techno variées dans des détails
alors que le fond respecte les normes du sous-genre choisi. Les organisateurs
peuvent affirmer leur identité dans leurs actes. "Ouai, et du jour
au lendemain, ils nous sortent un nouveau style: la "shrance ". Alors pourquoi,
nous, on crérait pas l' "Electrochill". Et pourquoi on crérait
pas, j'en sais rien, le "rugby-foot", un nouveau sport : le "rugby-foot". Le
rugby avec un ballon rond, c'est un peu plus dur"(Anthony). De ce point de
vue, la techno peut être considérée comme un genre musical
favorisant des expressions culturelles plurielles.
79 Birgy P., op. cit. p.33 Le Tableau des
"quatre "guides" des musiques électroniques de danse".
80 Birgy P., op. cit. p.127
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