II.2. Dialoguer avec les autorités
Organiser des soirées techno amène certains
organisateurs à se responsabiliser notamment dans les différents
contacts avec les autorités publiques. De manière informelle, ils
développent déjà des capacités à expliquer
et rassurer ces autorités. La police et la gendarmerie nationale sont
les autorités d'intervention sur les lieux de la fête. Lorsque
celle-ci n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable, ils
sont avertis par des plaintes de voisins importunés par le bruit et le
rassemblement des particpants. J'ai pu observer que les organisateurs adoptent
systématiquement le discours officiel tendant à fournir les
cautions suffisantes pour continuer la fête : terrain privé,
anniversaire... Dans l'institutionnalisation du mouvement, la volonté
affichée du législateur était de responsabiliser les
organisateurs et de poser "le principe d'un dialogue"72 entre eux et
les pouvoirs publics. Nous allons justement examiner ce dialogue.
71 Hampartzoumian S., op. cit. p. 203.
Voir également le communiqué de presse de rendu de
Rapport parlementaire en annexe : "Il (le rapport) décrit les
mécanismes de solidarités, les compétences techniques et
logistiques ainsi que les organisations humaines à l'oeuvre dans ces
fêtes trop souvent et trop injustement
stigmatisés par des visions et des propos caricaturaux".
72 Voir en annexe la Circulaire du 24 juillet 2002 sur les
dispositions de la loi sur la sécurité quotidienne relative aux
"rave-parties" et sur les dispositions règlementaires d'application
p.222.
Le régime général prévu par le
dispositif "rave parties" a vocation à éclairer les
préfets de département chargés de la mise en place de ce
dialogue. De leur côté les organisateurs doivent démontrer
le bon déroulement du rassemblement. Les organisateurs rencontrés
ont tous conscience qu'il faut dialoguer avec les autorités pour mener
à bien leurs projets. S'ils veulent obtenir l'autorisation d'organiser,
ils doivent se soumettre à certaines obligations et élaborer "un
dossier de déclaration solide" à déposer en
préfecture un mois avant le rassemblement. Doivent être jointes
à la déclaration, les informations garantissant le bon
déroulement de la fête : l'autorisation d'occuper le lieu, les
modalités de communication au maire de la commune concernée et
une démonstration des moyens mis en oeuvre pour assurer la
sécurité et la santé des personnes, la salubrité,
l'hygiène et la tranquilité publique. Pour cette dernière
modalité, "les organisateurs doivent prendre contact" avec les services
publics et privés susceptibles de s'en charger : police, gendarmerie
nationale, protection civile, SAMU, associations de secouristes... Si les
conditions ne sont pas remplies, le préfet peut surseoir à la
délivrance du récépissé de déclaration et
organiser une concertation avec les organisateurs. Cette procédure a
fait l'objet d'une confirmation du Conseil d'Etat, dans son arrêt du 30
mai 2004. L'association Technopol estimait que le préfet excédait
son pouvoir à ne pas délivrer ce récépissé
et que le décret prévoyant ce pouvoir était
illégal. Le juge administratif a rappelé que le préfet
avait le pouvoir de vérifier le caractère suffisant des moyens
prévus par la loi pour garantir le bon déroulement du
rassemblement et qu'à défaut, une concertation peut être
organisée avec les organisateurs73.
Pour être soumis au régime
différencié plus favorable, les organisateurs peuvent signer un
"engagement de bonnes pratiques" et le remettre quinze jours maximums avant le
rassemblement à la préfecture de département, qui leur
remmettra un récépissé. Ce régime est plus
favorable aux organisateurs car il présente, en plus des informations
exigées par le régime général, l'ensemble des
moyens mis en oeuvre pour la réduction des risques. Lors de sa
soirée du samedi 11 juin 2005 à Bélesta, l'association
Mystic Chrysalide a notamment inséré dans son engagement des
plans de situations de la fête, l'attestation d'assurance et les
engagements des partenaires chargés de la réduction des risques
(Agents de sécurité, Médecins du Monde, Agoratek,
Collectif de lutte contre le sida).
Toutes ces démarches sont lourdes de temps et complexes
m'ont avoué les organisateurs. Pour mieux me rendre compte, j'ai fait
l'expérience d'aller à la préfecture pour obtenir un
formulaire de déclaration. Les employés m'ont envoyé le
chercher à la Protection civile, laquelle m'a envoyé à la
Direction Départementale Jeunesse et Sports pour finalement revenir
à la préfecture. Une matinée de marche dans Perpignan et
d'explications de la procédure aux employés des divers services
sans
73 Conseil d'Etat, 30 mai 2004, 5è et 4è
sous-sections réunies, 248460.
avoir obtenu le document.
"Manu et Céline avait été
démarché et on avait un médiateur, un médiateur qui
s'occupait de nous, mais après, avec la loi Sarkozy, ils ont
arrêté les médiateurs. Et c'est vrai que c'était
bien parce qu'on passait par lui et on montait des dossier béton",
raconte Stéphane en évoquant l'aide du correspondant de la
préfecture. Son rôle défini par la circulaire était
de faciliter les démarches des organisateurs en se gardant de les faire
à leur place, le but étant de les responsabiliser. Ces
tâches sont une corvée pour beaucoup d'organisateurs si bien que
certains se spécialisent pour l'ensemble du groupe.
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