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La problématique du loyer perçu anticipativement par l'usufruitier d'un immeuble à  usage résidentiel

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par Bienvenu Médard PONY MATSANDE
Université de Goma - Graduat 2007
  

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A. De l'usufruit s'éteignant par l'effet de l'échéance

Entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, il doit être convenu un terme dans lequel le premier devrait jouir pleinement de l'objet d'usufruit ; et en conséquence il doit conserver et restituer la chose en son état initial.

Jouissant véritablement de son droit, l'usufruitier donna à bail son immeuble à usage résidentiel. Qu'aux termes du contrat, il est stipulé sur l'échéance de sa jouissance ; l'usufruitier conclut ou renouvelle ce dit contrat

1 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil : les obligations, 7e éd., Dalloz, Paris, 1999, pp.889-890.

2 KITOGA KASILENGE, Droit civil: les obligations, Cours polycopié, Troisième graduat, Faculté de Droit, UNIGOM, Goma, 2007-2008, p. 99, inédit.

3 KITOGA KASILENGE, Op.cit., p.100.

au-delà du terme et par paradoxalement en perçut le loyer au-delà du terme bien entendu. Ce loyer d'au-delà de son droit ne lui est pas dû. En conséquence, il est de justice voire d'obligation pour l'usufruitier- bailleur de restituer ce qui ne lui est pas dû sans cause aucune, ce conformément à l'art.252 CCC L III : « ce lui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas äü, s'oblige à le restituer à celui äe qui il l'a inäüment reçu ».

Eu égard aux conditions de l'existence du paiement de l'indu et en analysant le cas d'espèce, il s'est établi une erreur dans le chef du locataire, qui, payant le loyer pensait exécuter régulièrement son obligation et corrélativement un dol dans le chef de l'usufruitier-bailleur, qui éventuellement le contraindrait sous peine de déguerpissement.

Appréciant la bonne ou la mauvaise foi de l'accipiens (l'usufruitier-bailleur) en vue de déterminer l'étendue de la répétition, l'art. 650 CCC L III fait de présomption simple la bonne foi. Il appartient à ce lui qui exerce l'action en répétition de prouver que l'accipiens était de mauvaise foi lors du payement en vue de renverser la présomption.1

A cette appréciation, nous pensons que la mauvaise foi de l'accipiens (l'usufruitier-bailleur) est grandement manifeste. Sachant que son droit s'éteindra imminemment, ce à l'échéance, ce bailleur conclut ou renouvelle le contrat de bail outrepassant l'échéance du terme telle que stipulée dans l'acte constituant l'usufruit. D'où l'établissement de sa mauvaise foi. En conséquence, l'art. 254 CCC L III est d'application, il dispose : « s'il y a eu mauvaise foi äe la part äe celui qui a reçu, il est tenu äe restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, äu jour äu paiement ».

S'agissant du locataire ayant payé le loyer et plus qu'il ne devait tout en sachant que l'usufruit a un terme, nous estimons qu'il est en faute. Celle-ci ne prive-t-elle pas le locataire du droit à répétition de l'indu ? S'agissant de l'indu subjectif, la jurisprudence française fait de la faute du locataire -solvens- un obstacle à la recevabilité de l'action en répétition dans

1 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Op.cit, p.893.

le cas où les sommes étaient réellement dues à l'accipiens, qui les a perçues de bonne foi.1

L'usufruitier restitue les fruits à partir du moment où le contrat d'usufruit a pris fin. Car, pendant le contrat, l'usufruitier fait les fruits siens. Il ne pourrait restituer que les fruits qu'il aura consommés après la durée de validité de son contrat. Il les aurait ainsi consommés de façon indue, d'où il est obligé à les restituer.2

Somme toute, le sort du loyer perçu anticipativement par l'usufruitier-bailleur au-delà de son droit est la répétition au profit du locataire contre l'usufruitier-bailleur ; son droit d'usufruit s'éteignant par l'effet de l'écoulement du temps.

B. De l'usufruit s'éteignant par l'effet de la mort

Mort survenue, le droit d'usufruit s'éteint de plein droit avec comme conséquence que ce droit réel disparaît du patrimoine du de cujus. Laissant ainsi le contrat de bail en cours d'exécution, l'usufruitier-bailleur en avait déjà perçu le loyer et même pour le temps après sa mort.

Analogiquement au paragraphe 1er, le loyer perçu anticipativement par l'usufruitier-bailleur pour le temps après sa mort, constitue un indu aussi subjectif. Car, il n'en avait pas droit ; c'est sans cause qu'il a perçu ce paiement. Ici également, même si la cause d'extinction du droit d'usufruit est extérieure à la volonté de son titulaire, le locataire a le droit et l'action en justice en répétition ; cependant, la condition de l'erreur dans le chef du solvens n'est pas nécessaire car la cause de la restitution apparaît postérieurement au paiement.

L'usufruitier-bailleur venant à décéder, cette action sera dirigée, par le locataire, contre ses ayants cause universel ou ses ayants droit à titre universel. En effet, ce sont ces derniers qui succèdent à l'universalité ou à une quote-part de l'universalité du patrimoine du défunt. Ils succèdent et à ses créances et à ses dettes sans préjudice du bénéfice d'inventaire car ils sont censés continuer la personne du de cujus. Ils ne sont donc par de tiers

1 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Op.cit, p.890.

2 KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., p. 279.

au sens de l'art. 63 CCC L III. Ce qui implique qu'à la finalité de l'action en répétition, ils seront tenus de la restitution de l'indu perçu par le de cujus. D'ailleurs, corrobore l'art. 22 CCC L III : << on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayant cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou résulte de la nature de la convention ». Dans le cas d'espèce (du contrat de bail), l'hypothèse de la nature de la convention est à écarter.

S'agissant de l'appréciation de la bonne ou de la mauvaise foi de l'usufruitier-bailleur (accipiens), il s'avère qu'il peut être, dans ce cas, de bonne foi. Tel est le cas-type où survient la mort brusque. En conséquence, l'accipiens (l'usufruitier-bailleur) ne doit pas être préjudicié, il ne doit restituer que ce dont il s'est enrichi ; c'est-à-dire seulement le capital (loyer) mais non les fruits ou les intérêts qu'il a perçus et consommés parce qu'il les a consommés dans la pensée qu'il en était bien propriétaire.1 C'est dire que l'accipiens de bonne foi n'est tenu de répéter que le capital seul et seulement. Précisons, ici, que le capital est le loyer indu, le fruit est tout ce que fournira ce loyer périodiquement sans que sa valeur ne soit altérée : c'est notamment lorsque ce loyer a été affecté à une activité, surtout commerciale. D'où, les fruits civils. Dans le cas contraire, c'est-à-dire où il serait de mauvaise foi, l'art. 254 lui sera appliqué.

Somme toute, le sort du loyer perçu anticipativement par l'usufruitier-bailleur -accipiens- par rapport à l'extinction de son droit d'usufruit est la répétition au profit du locataire contre les ayants droit universel ou à titre universel de ce premier.

C. Des qualité et intérêt du locataire dans l'action en répétition

<< celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à restituer à celui de qui il a indûment reçu ».2

Le pouvoir d'agir en justice du locataire découle de cet art. 252. C'est ce fait pour l'usufruitier-bailleur de s'enrichir sans cause aux dépens d'autrui qui explique mieux cette action. Autrement, le locataire ayant indûment payé le loyer a qualité pour exercer l'action en répétition.

1 KITOGA KASILENGE, Op.cit., p.100.

2 Voir art. 252 du décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats ou aux obligations conventionnelles.

l'intérêt est à la base de toute revendication en justice. L'intérêt légitime forme la base de l'action judiciaire : « pas d'intérêt, pas d'action ».

Le solvens (le locataire) a un intérêt pécuniaire et légitime :

· Sa prétention est le remboursement du loyer payé indûment ;

· Ce remboursement est consacré par la loi.

SECTION II. DE L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE ET DE L'ACTION
DE IN REM VERSO

§1. De l'enrichissement sans cause

Un individu s'enrichit fréquemment aux dépens d'autrui, l'accroissement d'un patrimoine implique l'appauvrissement corrélatif d'un autre patrimoine. Mais, en règle générale, ce déplacement de richesses se justifie parfaitement : il a une cause légitime, telles la vente, la donation, etc.

Il arrive parfois, cependant que ce déplacement de richesses s'opère sans fondement, sans cause légitime : une personne effectue un paiement dont elle n'est pas tenue (...).1 Nous assimilons ce déplacement de richesses sans cause à la situation de l'usufruitier-bailleur ayant perçu anticipativement le loyer sans juste droit : son droit d'usufruit, dorénavant éteint. Il doit restituer ce surplus à qui de droit, le nu-propriétaire. Ajoutons que TERRE F. et aliï précisent à ce sujet que pour rétablir l'équilibre injustement rompu entre les deux patrimoines, on peut songer à donner à l'appauvri une créance contre l'enrichi. Ainsi, l'enrichissement sans cause deviendra une source d'obligation, l'appauvri ayant une action en récupération : action de in rem verso.2

L'enrichissement sans cause qui est sanctionné par l'action de in rem verso appartient à la catégorie des quasi-contrats. L'action est admise lorsqu'une personne s'est enrichie au détriment d'une autre et que l'appauvrissement corrélatif qui en est résulté ne trouve sa justification ni

1 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Op.cit, p.895.

2 Ibidem.

dans une convention ou une libéralité ni dans une disposition légale ou réglementaire.1

D'origine jurisprudentielle, la notion de l'enrichissement non causé n'est pas réglementée par le droit positif congolais. Elle s'y fonde sur le principe général de l'équité selon lequel : « nul ne peut s'enrichir sans juste cause aux dépens d'autrui ».2 Nous y trouvons les applications de cette action dans l'art. 23 de la loi dite foncière ; 252, 311, 312 CCC L III ; etc.

§2. De l'action de in rem verso

N'ayant aucune autre action judiciaire contre l'usufruitierbailleur (enrichi), le nu-propriétaire (appauvri) a qualité d'agir en justice par l'action de in rem verso en vue de se voir restituer le loyer perçu sans juste cause pour le temps où l'usufruitier ne pouvait jouir de la chose, objet de son droit, par l'effet d'extinction de son droit. Cette action sera intentée contre l'usufruitier lui-même si son droit s'est éteint par l'effet du terme, contre ses ayants cause universel ou à titre universel si son droit s'est éteint par l'effet de sa mort.

Pour exercer cette action, en l'absence de la loi, la jurisprudence a dû mettre en exergue trois conditions, à savoir :

· L'enrichissement d'un patrimoine et l'appauvrissement corrélatif d'un autre ;

· L'absence de cause à ce déplacement de valeur, ce qui signifie que l'enrichissement doit être injuste ;

· L'action de in rem verso doit avoir un caractère subsidiaire, c'est-àdire il faut que l'appauvri n'ait aucun autre moyen d'obtenir satisfaction.3

1 Enrichissement sans cause en Droit français sur hppt:// www.wapikedia.org, lu le 15 juin 2008.

2 KITOGA KASILENGE, Op.cit., p.101.

3 Ibidem..

Quant à l'étendue de la restitution, celle-ci est limitée par une double mesure :

· D'une part, elle ne peut dépasser la montant de l'enrichissement effectif c'est-à-dire de la plus-value procurée au patrimoine du défendeur (l'usufruitier-bailleur) ;

· De l'autre, elle ne peut non plus dépasser l'appauvrissement du demandeur (le nu-propriétaire), la somme dont son patrimoine s'est trouvé diminué.1

En effet, l'intérêt étant la mesure de l'action, l'appauvri ne saurait réclamer davantage que l'appauvrissement qu'il a subi.

Ainsi, a-t-il été jugé que l'usufruitier a droit aux loyers correspondant au temps de jouissance du locataire connu depuis la naissance de l'usufruit même si les loyers ont été payés d'avance.2

1 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Op.cit, p.902.

2 Cass.civ., 20 juillet 1987, 1, 17, note Lanzac de Laborie, cité par A. LUCAS, Op.cit., p.357.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon