Enjeux coopération décentralisée franco-burkinabe dans le développement urbain( Télécharger le fichier original )par Oumarou KOLOGO Institut diplomatique et des relations interntionales de Ouagadougou - Diplome d'études supérieures en diplomatie et relations internationale 2008 |
2.2 L'historique du processus de décentralisation au Burkina Faso2.2.1 Les prémices de la décentralisation avant les indépendances La décentralisation apparaît pour un très grand nombre d'élus comme un mode de légitimation de leurs aspirations naturelles au localisme. Il faut cependant reconnaître que les prémices de ce phénomène existaient déjà dans la Haute Volta précoloniale où coexistaient deux sortes de sociétés selon l'organisation de la chefferie traditionnelle : les sociétés acéphales au Sud et à l'Ouest et les sociétés à pourvoir centralisé : les royaumes mossi, peuhl et gourmantché respectivement au Centre, au Nord et à l'Est. Pour mieux administrer la colonie, le colonisateur subdivise rapidement le territoire en cercles de commandement tenant compte des entités régionales. Cependant la décentralisation commence à prendre tout son sens le 4 décembre 1926 quand deux arrêtés coloniaux créent deux communes mixtes Ouagadougou, Bobo à compter du 1er janvier 1927. La mixité s'explique par la présence de citoyens français et voltaïque dans le conseil municipal. Par la suite, la loi n°55-1489 du 18 décembre 1955 réorganisant les municipalités permet la mise en place de communes de moyen et plein exercice. Ouagadougou et Bobo Dioulasso acquirent les statuts de communes de plein exercice, tandis que Ouahigouya, Banfora et Koudougou sont érigés en communes de moyen exercice par trois arrêtés du 24 mai 1958. Mais au fait, qu'est ce que la décentralisation ? Les politiques de décentralisation font partie des initiatives les plus fortes pour soutenir le développement rural. Dans sa définition la plus élémentaire, la décentralisation désigne le transfert d'une partie du pouvoir de l'Etat national à des instances régionales ou locales. Du point de vue de l'action publique, à l'impératif d'unité de cette action correspond la centralisation; à la revendication de diversité, la décentralisation. Toutes les deux coexistent dans les différents systèmes politiques. Un consensus paraît se dégager, plus nettement au cours des années 1980 et 1990, pour reconnaître qu'un excès de centralisation ou une autonomie locale absolue seraient également déplorables et qu'il faut oeuvrer à la mise en place d'une meilleure collaboration entre les centres de décision nationaux, régionaux et locaux. Le regain d'intérêt pour cette forme d'organisation de l'Etat qu'est la décentralisation, vient de la reconnaissance qu'une prise de décisions moins centralisée permettrait d'améliorer l'efficacité et la responsabilité des institutions publiques nationales ainsi que la capacité des gouvernements locaux et de la société civile à gérer leurs propres affaires. Les recherches récentes de différentes organisations internationales confirment ce point de vue: MEMOIRE DE DESDRI DE KOLOGO OUMAROU. Contact : +226 70224179 ; mail : kologo_jean@yahoo.fr Page 22 Pour Moussa Traore et Mamoudou Barry (2005, p2), la décentralisation peut être définie comme une modalité, une technique d'organisation du territoire visant à donner naissance à des entités administratives autonomes appelées collectivités territoriales à l'intérieur d'un même Etat. Cette technique qui vise le développement à la base au moyen d'un management efficient de la gestion administrative, sociale et financière des collectivités territoriales doit être connue et maîtrisée par les différents acteurs du développement local. Il convient après cette définition, de présenter les étapes du processus depuis les indépendances. 2.2.2 Des indépendances à la décentralisation intégrale : la consolidation du processus A l'aube des indépendances les impératifs d'administration, de développement du pays oeuvrent en faveur d'une continuation de la communalisation du territoire. Ainsi la loi n°24- 60/AN du 24 février 1960 permet la mise en oeuvre de deux types de collectivités locales rurales :
Ces collectivités locales rurales de moyen exercice seront transformées par la loi n°16/AN du 30 novembre 1964 en collectivités locales de plein exercice avec des membres élus et des membres de droit (députés) et passent de 53 en 1960 à 83 en 1964. La chute du gouvernement de Maurice Yaméogo à la suite des événements du 3 janvier 1966 entraîna la suppression des conseils des collectivités locales et leur remplacement par des délégations spéciales dont le commandant de cercle est le président et l'ordonnateur du budget. Cependant, l'avenir des collectivités locales rurales se jouera avec les ordonnances 74-40/PRES/IS/DI du 7 juin 1974 et 74-45/PRES/IS/DI du 2 juillet 1974 qui consacrèrent la départementalisation du territoire. On note que les conseils de départements n'ont jamais fonctionné car les conseillers n'ont jamais été élus. Ces départements ont été dirigés par des délégations spéciales. L'avènement de la révolution d'août 1983, maintient le principe des départements, mais innove avec la mise en place des comités de défense de la révolution. Les départements au nombre de 350 dirigés par des préfets sont regroupés en 30 provinces dirigés chacune à leur tour par des Hautscommissaires. MEMOIRE DE DESDRI DE KOLOGO OUMAROU. Contact : +226 70224179 ; mail : kologo_jean@yahoo.fr Page 23 La décentralisation telle qu'elle se présente maintenant est l'émanation de la législation nationale, élaborée laborieusement depuis 1991. En effet le principe d'érection des collectivités locales en personnalités morales dotées de l'autonomie financière est d'ordre constitutionnel24. Tirant les conséquences de ces dispositions constitutionnelles cinq séries de lois portant sur la décentralisation sont élaborées25. Par la suite, neuf décrets d'application viennent traduire la réalité de ces lois. Dans un souci de rendre opérationnel ces dispositions juridiques, il est créé la Commission Nationale de la Décentralisation (CND) ayant pour mission de partir des études prospectives faites de façon participative afin de proposer des textes dits Textes d'Orientation de la Décentralisation (TOD26). Pour la mise en oeuvre de la décentralisation, la loi 043/98/AN portant programmation de la décentralisation indique un échéancier au bout duquel on devrait aboutir à la communalisation intégrale du territoire avec la mise en place des organes élus dans les communes rurales. Dans la pratique et au regard du fonctionnement des premières municipalités, la mise en oeuvre des TOD a rencontré quelques difficultés. L'innovation majeure est la suppression de la province comme collectivité locale décentralisée et l'érection de la région comme une collectivité locale décentralisée. La loi n°55-2004/AN du 21 décembre 2004 portant code général des collectivités territoriales (CGCT) du Burkina Faso détermine l'orientation de la décentralisation, les compétences et les moyens d'action, les organes et l'administration des collectivités territoriales. Un certain nombre d'instruments sont mis en place et concourent à la réalisation de la décentralisation. L'appui financier est apporté par le fonds de démarrage des communes (FODECOM) et le Service d'Appui à la Gestion et au Développement Communal et de stratégie de formation décentralisée (SAGE DECOM). Le FODECOM permet de doter les nouvelles communes d'un minimum de fonds pour leurs installations et équipements, quant au SAGE DECOM, il apporte un appui technique aux communes en matière de financement d'actions de formation et d'études. L'appui s'est fait aussi à travers un renforcement des structures déconcentrées de l'Etat dans les collectivités locales. 24 Titre XI aux articles 143 et 145 de la constitution du 2 juin 1991 25 La loi 003/93/ADP portant organisation de l'administration du territoire ; la loi 004/93/ADP portant organisation municipale ; la loi 005/93/ADP portant statut particulier de la province du Kadiogo et de la commune de Ouagadougou ; la loi 006/93/ADP portant statut particulier de la commune de Bobo-Dioulasso ; la loi 007/93/ADP portant régime électoral des conseillers de village, de secteur communal, de département, au secteur communal, de la province. 26 Les TOD forment 4 lois réglementant le processus de décentralisation. La loi 040/98/AN du 3/8/1998, portant orientation de la décentralisation au Burkina Faso. Cette loi retrace les grands principes devant guider la décentralisation. La décentralisation doit se concevoir en respectant l'unité nationale. La loi 041/98/AN du 6/8/1998, portant organisation de l'administration du territoire du Burkina Faso. La loi 042/98/AN portant organisation et fonctionnement des collectivités locales. Elle fixe les modalités de gestion des collectivités. MEMOIRE DE DESDRI DE KOLOGO OUMAROU. Contact : +226 70224179 ; mail : kologo_jean@yahoo.fr Page 24 Produit de l'histoire, le processus de décentralisation au Burkina Faso a connu des péripéties depuis l'époque coloniale à nos jours. Encadrée par un arsenal juridique toujours perfectible, un appui financier relatif, la décentralisation apparaît comme une reforme majeure de politique publique de l'Etat burkinabé. Hormis la décentralisation, la thématique de l'évolution de la coopération décentralisée franco-burkinabé a constitué une préoccupation majeure. |
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