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Déterminants de l'avortement provoqué au Gabon

( Télécharger le fichier original )
par Wilfried MENDAME MVE
Institut de Formation et de Recherche Démographique-Yaoundé - DESS Démographie 2005
  

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4-2-2. Facteurs de l'avortement provoqué au Gabon

Dans cette section, nous allons, à l'aide de la régression logistique tester un modèle progressif qui consiste à introduire les variables selon la logique de notre cadre d'analyse. Nous allons d'une part, prendre séparément chaque variable de notre étude dans le modèle pour identifier celles qui ont un effet brut sur l'avortement, ensuite nous introduirons pas à pas chacun des groupes de variables pour voir les effets nets et déterminer les facteurs susceptibles d'expliquer ce phénomène.

Effets Bruts

Nous avons introduit une à une les variables pour mieux voir les effets bruts, nous remarquons que les résultats obtenus sont proches de ceux des tableaux croisés.

Parmi les variables sociodémographiques, seules les variables âge de la femme à l'enquête et statut matrimonial de la femme ont des probabilités significativement associées au khi-deux, ce, au seuil de 1%.

Au Gabon, les femmes pratiquent certes l'avortement à tous âges, mais ce sont celles âgées de
35-49 ans et 25-34 ans qui le pratiquent le plus. En effet, ces dernières courent
respectivement 2,673 et 1,28 fois plus de risques à pratiquer l'avortement que celles de 15-24

ans. Ces résultats confirment ceux des tableaux croisés et montrent bien que l'avortement au Gabon se pratique plus en fin de vie féconde (35-49ans) pour limiter la descendance ou la taille de la famille.

Le recours à l'avortement est également lié au statut matrimonial, ainsi, les femmes célibataires et veuves/divorcées courent respectivement 37% et 65% fois moins de risques d'avorter que celles qui sont mariées. Ce résultat confirme également celui de l'analyse descriptive. Les femmes célibataires quant à elles, sont soumises à une contrainte sociale, les grossesses hors mariages sont parfois mal acceptées par la famille et la société, l'accès à la contraception reste difficile pour celles-ci en particulier lorsqu'elles sont jeunes. La seule issue pour elles devient l'expulsion du foetus.

Les variables socioculturelles influencent aussi l'avortement provoqué au Gabon. L'ethnie prise seule dans le modèle a une probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%. Cette variable comporte seulement quatre modalités significatives, les femmes issues des groupes ethniques Myènè, Fang, Pygmée et Tsogo-okandé. Les trois premiers groupes courent respectivement 49%, 71% et 42% fois moins de risques de recourir à l'avortement que les femmes Shira-punu-vili. Les femmes Tsogo-okandé courent elles 3,95 fois plus de risques d'avorter que celles d'ethnie Shira-punu-vili.

La religion dans le modèle a un effet brut significatif au seuil de 1%. Les femmes musulmanes courent 3,706 fois plus de risques de recourir à l'avortement provoqué que leurs homologues catholiques. Celles d'autres religions chrétiennes et sans religions en courent quant à elles 1,57 et 1,45 fois plus.

Le milieu de résidence a une probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%. Les femmes résidantes en milieu rural courent 2,075 fois plus le risque d'avorter que celles qui résident en milieu urbain. Ces résultats confirment celles de l'analyse descriptive.

Les facteurs socioéconomiques pris une à une dans le modèle expliquent le recours à l'avortement au seuil de 1%.

Les femmes du niveau primaire courent 2,553 fois plus le risque d'avorter que les femmes du niveau secondaire/supérieur, celles sans niveau en courent 3,43 fois plus.

Les femmes de niveau de vie faible courent 0,568 fois moins le risque de recourir à l'avortement que celles de niveau moyen. La modalité niveau de vie élevé est non significative.

Les femmes qui travaillent courent 52% fois moins de risque de recourir à l'avortement que celles sans emploi et au foyer.

La variable intermédiaire utilisation de méthodes contraceptives prise seule dans le modèle a une probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%.

Les femmes qui utilisent ces méthodes courent 3,28 fois plus de risques d'avorter que celles qui n'en utilisent pas.

Effets Nets

Il s'agira ici d'introduire nos trois groupes de variables utilisées (variables sociodémographiques, socioculturelles et socioéconomiques) ainsi que la variable intermédiaire (utilisation des méthodes contraceptives) conformément à notre schéma d'analyse pour mettre en évidence les effets nets de nos quatre modèles et d'identifier celles qui peuvent expliquer le phénomène étudié.

Modèle 1 :

Le premier groupe de variables introduites dans le modèle est constitué du groupe d'âge des femmes à l'enquête, de la parité atteinte et du statut matrimonial. Il ressort des résultats que seules deux variables parmi les trois agissent intégralement sur le recours à l'avortement provoqué au Gabon, la parité n'a que deux modalités significatives. Le pouvoir prédictif dans le modèle est de 64,0% et le test de khi-deux associé est significatif au seuil de 1%.

En ce qui concerne l'âge de la femme au moment de l'enquête, nous remarquons d'après le modèle que les femmes âgées de 35-49 ans et 25-34ans courent respectivement 1,36 et 3,32 fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui en ont 15-24 ans.

Les femmes célibataires et divorcées/veuves/séparées ont respectivement 0,384 et 0,599 fois moins de risques de recourir à l'avortement que celles qui sont mariées. Ce qui confirme non seulement le résultat au niveau descriptif mais aussi l'effet brut.

Les femmes sans enfants courent 1,95 fois plus de risque de recourir à l'avortement que celles qui en ont 1 à 4. Alors que les femmes de parité moyenne (5-9 enfants) courent elles 701% des risques d'en recourir.

Modèle 2 :

Dans le second modèle, nous avons introduit le groupe d'âge des femmes à l'enquête, la parité atteinte, le statut matrimonial de la femme, son ethnie, sa religion, et son milieu de résidence. Le test de khi deux associé reste significatif au seuil de 1% et le pouvoir prédictif du modèle est de 63,2%. L'introduction des variables socioculturels (ethnie, religion, milieu de résidence) n'influence pas la significativité des variables sociodémographiques (variables de contrôle). Seule la variable milieu de résidence est significative parmi celles nouvellement introduites dans le modèle. Il a donc été constaté que les femmes du milieu rural curent 1,759 fois plus de risques d'avorter que celles résidants en milieu urbain.

Deux modalités seulement de la variable ethnie sont significatives, à savoir les ethnies Tsogookandé et Pygmée, les femmes d'ethnie Tsogo-okandé courent 2,81 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles d'ethnies Shira-punu-vili, celles issues d'ethnie pygmée en courent quant à elles 44 % fois moins.

Les femmes qui résident en milieu rural courent 1,76 fois plus de risques d'en recourir que celles résidants en milieu urbain

Modèle 3 :

Dans ce troisième modèle, on a ajouté aux variables sociodémographiques et socioculturelles, les variables socioéconomiques (niveau d'instruction de la femme, son occupation et le niveau de vie du ménage dont elle est issue). Le test de khi deux associé reste significatif au seuil de 1% et le pouvoir prédictif augmente de 3,4 %.

Les variables groupes d'âges et statut matrimonial de la femme sont seules significatives ici. Les femmes âgées de 35-49 ans et 25-34 ans courent respectivement 1,42 et 2,26 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles âgées de 15-24 ans. Selon la parité, les femmes sans enfants courent 2,41 fois plus de risques d'avorter que celles ayant 1-4 enfants.

Les femmes célibataires et divorcées/veuves/séparées courent quant à elles, respectivement 0,59 et 0,62 fois moins que celles qui sont mariées.

Le milieu de résidence comme variable socioculturel perd sa « significativité ».

Parmi les variables socioéconomiques introduites, seules le niveau d'instruction et l'occupation de la femme ont chacune une modalité significative.

Ainsi, les femmes de niveau primaire courent 2,34 fois plus de risques d'avorter que celles du niveau secondaire/supérieur. Elles ont plus accès aux méthodes de contraception, car ayant plus de moyens de s'en informer et de s'en procurer pour éviter les grossesses non désirées et l'avortement.

S'en est de même pour celles qui ont un emploi. Elles courent 65% fois moins de risques de pratiquer l'avortement que celles qui n'en ont pas.

Modèle 4 :

Le dernier modèle montre l'image générale du modèle de régression que nous avons choisi pour expliquer le phénomène étudié. Les variables introduites dans le modèle sont : le groupe d'âge des femmes à l'enquête, la parité de la femme, son statut matrimonial (variables sociodémographiques), l'ethnie dont elle issue, sa religion, le milieu de résidence (variables socioculturelles), le niveau d'instruction, l'occupation de la femme, le niveau de vie du ménage (variables socioéconomiques) dont elle est issue et l'utilisation des méthodes contraceptives (variable intermédiaire). Ces variables ont un pouvoir prédictif de 68,2 % dans le modèle et la probabilité du khi-deux est significative au seuil de 1%. Les modalités des variables suivantes ne sont pas significatives : la religion, le milieu de résidence et le niveau de vie des ménages.

Parmi celles qui sont significatives, nous remarquons que les femmes de 25-34ans courent 1,97 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles âgées de 15-24 ans.

Les femmes sans enfants courent 2,24 fois plus de risques d'avorter que celles ayant 1 à 4 enfants.

Les femmes célibataires et veuves/divorcées/séparées courent respectivement 62% et 69% fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui sont mariées.

En ce qui concerne de l'ethnie, seule la modalité ethnique OKandé-Tsogo est significative et les femmes qui en sont issues courent 2,47 fois plus de risques de recourir à l'avortement que les femmes d'ethnies Shira-punu-vili.

Selon le niveau d'instruction, les femmes du niveau primaire courent 1,97 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles de niveau secondaire et plus. Les gabonaises cétéris paribus qui ont un emploi courent 0,629 fois moins de risques de pratiquer l'avortement que celles qui n'en ont pas.

En ce qui concerne l'utilisation des méthodes contraceptives, les femmes qui en utilisent courent 2,28 fois plus de chances d'avorter que celles qui n'en utilisent pas. Ce résultat cadre avec celui d'Edwige OYE NDONG (EDS 2000) que 19% de l'ensemble des femmes gabonaises ont des besoins non satisfaits en matière de contraception, dont la plupart (14%) pour espacer les naissances. Ainsi, les gabonaises recourent à l'avortement en cas d'échec d'une des méthodes contraceptives utilisée.

Tableau 3 : effets Brut et Net des variables d'étude sur l'avortement.

Variables

Effets Bruts

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 3

Modèle 4

Groupes d'âge des femmes

 
 
 
 
 

15-24

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

25-34

1,287*

1,363*

1,553*

1,421*

1,973*

35-49

2,673***

3,319***

3,061***

2,260***

1,371 ns

Probabilité de khi deux

0.000

 
 
 
 

Parité de la femme

 
 
 
 
 

Pas d'enfant

1,299 ns

1,958***

2,418***

2,405***

2,240***

1-4 enfants

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

5-9 enfants

1,398*

0,700*

0,534 ns

0,771

0,786 ns

10 enfants et plus

1,111

0,396 ns

0,838 ns

0,589 ns

0,654 ns

Probabilité de khi deux

ns

 
 
 
 

Statut matrimonial

 
 
 
 
 

Célibataire

0,370 ***

0,384***

0,525 **

0,586 *

0,620 *

Mariée

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Divorcé/veuve/séparée

0,651*

0,599***

0,679*

0,641*

0,692*

Probabilité de khi deux

0.000

 
 
 
 

Ethnie

 
 
 
 
 

Fang

0,709*

 

0,870 ns

0,818 ns

0,775 ns

Kota-kélé

0,945 ns

 

1,017 ns

0,817 ns

0,747 ns

Mbédé-Téké

0,893 ns

 

1,050 ns

0,956 ns

0,868 ns

Myenè

0,485*

 

0,691 ns

0,725 ns

0,802 ns

Nziébi-Duma

0,878 ns

 

0,913 ns

0,795 ns

0,767 ns

Tsogo-Okandé

3,945***

 

2,807*

2,517*

2,469*

Shira-punu-vili

Réf.

 

Réf.

Réf.

Réf.

Pygmées.

0,416*

 

0,435*

0,403 ns

0,402 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Religion

 
 
 
 
 

Catholique

Réf.

 

0,503 ns

Réf.

Réf.

Protestant

1,271 ns

 

1,185 ns

1,107 ns

1,043 ns

Musulman

3,706**

 

1,990 ns

0,505 ns

1,827 ns

Autres chrétiens

1,571*

 

1,353 ns

1,202 ns

1,164 ns

Sans religion

1,453*

 

1,177 ns

0,954 ns

0,933 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Milieu de résidence

 
 
 
 
 

Urbain

Réf.

 

Réf.

Réf.

Réf.

Rural

2,075***

 

1,759***

1,108 ns

1,078 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Niveau d'instruction

Sans niveau

Primaire Secondaire/supérieur

Probabilité au khi deux

3,427** 2,553*** Réf.

0.000

 
 

1,543 ns 2,342*** Réf.

1,100 ns 1,975*** Réf.

Occupation de la femme

0,625 ns

 
 

0,659 ns

0,651 ns

A l'école

0,515***

 
 

0,649*

0,629***

Travaille

Réf.

 
 

Réf.

Réf.

Sans emploi/au foyer

 
 
 
 
 
 

0.000

 
 
 
 

Probabilité au khi deux

 
 
 
 
 

Niveau de vie

 
 
 
 
 

Faible

0,568***

 
 

0,727 ns

0,821 ns

Moyen

Réf.

 
 

Réf.

Réf.

Elevé

1,174 ns

 
 

1,002 ns

1,063 ns

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Utilisation des méthodes

contraceptives

 
 
 
 
 

Utilise

3,273***

 
 
 
 

N'utilise pas

Réf.

 
 
 

2,283***

 
 
 
 
 

Réf.

Probabilité au khi deux

0.000

 
 
 
 

Probabilité associée au khi deux

 

0,000

0,000

0,000

0,000

Pouvoir prédictif

 

64,0

63,4

66,8

68,2

***= Significatif au seuil de 1%

**= Significatif au seuil de 5%

*= Significatif au seuil de 10% ns= Non significatif

Réf= Modalité de référence

VUE D'ENSEMBLE

Les résultats enregistrés montrent que les facteurs sociodémographiques ont une influence beaucoup plus importante sur l'avortement que les facteurs socioculturels et socioéconomiques au Gabon. Cet état de choses s'explique, car en Afrique, l'avortement touche toutes les femmes quel que soit leur âge, leur parité, ou leur situation matrimoniale (Gastineau, 2002). Au Gabon, d'après cette étude, la pratique de l'avortement s'avère plus fréquente chez les femmes de 25-34 ans qui ont une parité nulle, qui sont mariées, d'ethnie Tsogo-okandé, qui ont un niveau d'instruction primaire, qui sont sans emploi/au foyer et qui utilisent les méthodes contraceptives. Un constat se dégage à partir de ces résultats ; au Gabon, l'âge moyen au premier mariage chez la femme se situe bel et bien entre 25 et 34 ans, il est de 27,8 ans (Mouvagha-Sow M.). Ce qui confirme le résultat selon lequel qu'au Gabon ce sont les femmes mariées qui avortent le plus. En effet, ces dernières ont d'énormes besoins en planification familiale soit pour espacer les naissances ou alors pour les limiter. D'après l'EDS 2000, 7% des naissances survenues au moment de l'enquête n'était pas souhaitées et que près d'une femme sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception. Ce motif a d'ailleurs été évoqué par 55% de femmes à Yaoundé et Douala (Ngwé et al. 2005). Il a aussi été fréquemment cité par les femmes dans un article sur les raisons de l'avortement dans différents pays d'Asie, d'Afrique sub-saharienne, d'Amérique latine et dans quatre pays développés (A. Bankole et al. 1998). Les résultats multivariées montrent également sur le plan sociodémographique que ce sont les gabonaises qui ont une parité nulle qui avortent le plus. Les raisons économiques (manque d'argent pour subvenir aux besoin d'un enfant) peuvent être évoqués pour justifier cet état de fait, nous pouvons également mentionner la condamnation sociale d'une grossesse prénuptiale si celle-ci n'est pas mariée, une relation instable avec un partenaire, un échec de contraception, être trop jeune pour en avoir, enfin ne pas aimer le père de l'enfant.

Sur le plan socioculturel, les femmes d'ethnie Tsogo-okandé sont celles qui recours le plus aux avortements au Gabon. Ce groupe ethnique que l'on retrouve pour la plupart dans les grandes villes (Port-gentil, Libreville) vit la modernité qui est un facteur de changement de mentalité et de comportement à l'égard de la sexualité. Avoir un enfant pour certaines d'entre elles est un motif de vieillissement, pour préserver leur jeunesse et leur beauté elles préfèrent souvent en cas d'échec ou de méconnaissance d'une méthode contraceptive recourir à l'avortement.

Sur le plan socioéconomique, ce sont les femmes qui ont un niveau d'instruction primaire et celles sans emplois qui recourent le plus à l'avortement. Les femmes de niveau d'instruction primaire ont des difficultés de connaissance et d'utilisation des méthodes contraceptives et même de leurs accès, vu leur faible niveau d'étude. Pour pallier à ces manquement elles recourent sans hésitations à l'avortement en cas de grossesse non désirée et ce dans leur majorité de façon clandestine. Celles sans emploi, fautes de moyens financiers ou d'instabilité avec le conjoint pratiquent l'avortement en cas de grossesse non désirée.

Conclusion générale et recommandations

L'avortement provoqué est un sérieux problème de santé publique que les gouvernements des pays en voie de développement veulent combattre avec l'appui des organismes internationaux.

L'enquête démographique et de santé de 2000 a montré que ce phénomène n'est pas marginal au Gabon, elle a estimé à 15% la proportion des femmes de 15 à 49 ans qui ont avorté au moins une fois au cours de leur vie et à 8% celle qui ont avorté au moins une fois depuis 1995 (Barrère, 2000).

Peu d'études ont porté sur le phénomène, en raison du manque de données lié sûrement à son caractère illégal. Parmi celles disponibles, très peu se sont véritablement intéressées aux facteurs susceptibles d'expliquer le recours à cette pratique. En entreprenant cette étude, notre objectif était de chercher à identifier ces facteurs.

Le premier chapitre a décrit le contexte général de l'étude, permettant ainsi de présenter l'environnement socioéconomique et sanitaire du pays d'étude ainsi que certaines caractéristiques démographiques importantes. Ce chapitre a également permis d'examiner le cadre institutionnel et juridique de l'avortement au Gabon.

L'objet du chapitre 2 était de passer en revue la littérature sur le sujet. Nous nous sommes intéressé aux différentes approches explicatives de l'avortement en Afrique, à l'évolution de la législation en la matière et aux débats idéologiques y afférents. Cette revue de la littérature nous a permis d'identifier les différentes variables susceptibles d'expliquer l'avortement. Nous avons pu dégager par la suite notre hypothèse centrale, et les hypothèses spécifiques en découlant. Ainsi, cette étude repose de façon générale sur l'hypothèse selon laquelle l'avortement dépend des facteurs socioculturels, de la pratique contraceptive et des caractéristiques individuelles de la femme.

Le troisième chapitre était consacré à la présentation des sources de données utilisées, à l'évaluation de la qualité des données utilisées pour notre étude et à la présentation de la méthode d'analyse appliquée.

Les données utilisées pour notre étude sont issues de la première Enquête Démographique et de Santé du Gabon réalisée en l'an 2000.

Le quatrième chapitre était réservé à l'analyse des données, Celle-ci a été effectuée en deux phases : d'abord une analyse descriptive et ensuite une analyse explicative.

Les principaux résultats issus des analyses bivariées descriptives sont les suivants :

- Au Gabon, environ une femme sur cinq (15 %) a au moins recouru une fois à l'avortement provoqué.

- Sur le plan sociodémographique, les femmes qui pratiquent l'IVG sont celles qui ont entre 35-49 ans (adultes) et mariées.

- Sur le plan socioculturel, les résultats montrent que ce sont les femmes de religion musulmane, issues du groupe ethnique Tsogo-okandé, résidant en milieu rural qui ont beaucoup plus recourues à l'avortement.

- Sur le plan socioéconomique, il apparaît que les femmes qui recourent le plus à l'avortement au Gabon font parties des ménages de niveau de vie faible, elles sont sans niveau d'instruction ; leur principale occupation est le travail salarial.

- Sur le plan institutionnel, les femmes qui recourent le plus à l'avortement sont celles qui utilisent les méthodes contraceptives. Cet état de choses peut s'expliquer. En effet, ces femmes peuvent mal utiliser ces méthodes ou encore que ces méthodes peuvent s'avérer inefficaces.

En ce qui concerne l'analyse explicative, nous avons eu recours à la régression logistique, qui nous a permis de dégager l'influence des facteurs qui influencent l'avortement provoqué au Gabon.

Au terme de cette analyse, il apparaît que les influences des facteurs sociodémographiques et sociéconomiques sont plus importantes sur l'avortement que celle des facteurs socioculturels. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la population gabonaise est fortement urbanisée (environs quatre personnes sur cinq vivent en ville) et la ville étant un facteur de changement de comportement et d'attitudes vis-à-vis de la culture traditionnel, certaines femmes ont tendance délaisser « la coutume ancestrale» pour se tourner vers la modernité.

Les hypothèses suivantes ont été vérifiées :

- L'âge de la femme, son statut matrimonial et sa parité expliquent l'avortement

provoqué au Gabon.

- Le niveau d'instruction et l'occupation de la femme expliquent l'avortement au Gabon.

- La pratique contraceptive explique l'avortement chez les femmes gabonaises.

Celles relatives aux variables socioculturelles et à la variable socioéconomique niveau de vie du ménage ont été infirmées. Il est apparu en effet que le niveau de vie du ménage n'explique pas l'avortement au Gabon, ainsi que l'ethnie, la religion et le milieu de résidence. Par contre l'âge de la femme, son statut matrimonial, sa parité, son niveau d'instruction, son occupation et la pratique contraceptive sont les déterminants de l'avortement provoqué au Gabon.

Ce travail a donc permis d'identifier les facteurs qui expliquent l'avortement provoqué au Gabon.

Les résultats auxquels cette étude aboutit permettent de formuler les recommandations suivantes :

1 ° pour réduire la prévalence de l'avortement et ses effets néfastes, les pouvoirs publics devront renforcer les activités et programmes dans le domaine de la santé de la reproduction en mettant un accent sur les risques associés aux avortements clandestins, ainsi que sur la prise en charge des avortements.

2° Etant donné la faible prise de conscience de la population quant aux conséquences néfastes de l'avortement, les pouvoirs publics et les ONG doivent intensifier les campagnes de sensibilisation sur les normes et les valeurs de la sexualité et de la procréation, en particulier sur les aspects sanitaires et juridiques de l'avortement.

3° Il faudrait par ailleurs renforcer l'offre de services en santé de la reproduction, notamment les services obstétricaux et les services de la contraception. A cet effet, il faudrait renforcer le plateau technique des centres de santé pour améliorer leur capacité de prise en charge des cas d'avortement, aussi bien en ville que dans les zones rurales.

4° Pour atténuer les conséquences liées à la prise en charge insuffisante des complications des
suites d'un avortement, le ministère de la santé publique devrait accroître le nombre des
personnels médicaux qualifiés pour la prise en charge des avortements et renforcer les

capacités du personnel existant. Pour la prise en charge, le diagnostic des avortements clandestins afin de réduire l'aggravation des complications chez les patientes déclarées.

5° Il convient de renforcer les activités de plaidoyer en direction des autorités en vue de l'amélioration des conditions de prise en charge des cas d'avortement. Il faut aussi intensifier l'information et l'éducation de la population, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, sur les dangers liés à l'avortement et en particulier à l'avortement clandestin.

Les recherches sur les problèmes d'avortement doivent s'intensifier, les études sur la question ont été le plus souvent menées dans les villes (en milieu hospitalier) et ne sont pour la plupart du temps que le reflet de la situation réelle.

Pour fournir une meilleure estimation des niveaux d'avortement lors des prochaines études, nous suggérons :

Qu'il soit réaliser auprès d'une même population, plusieurs enquêtes reposant sur différentes méthodologies (enquêtes qualitatives, quantitatives, sur les complications...) utilisant différentes terminologies, abordant cette question dans différentes parties du questionnaire... et en utilisant aussi des statistiques sanitaires.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus