4-2-2. Facteurs de l'avortement provoqué au
Gabon
Dans cette section, nous allons, à l'aide de la
régression logistique tester un modèle progressif qui consiste
à introduire les variables selon la logique de notre cadre d'analyse.
Nous allons d'une part, prendre séparément chaque variable de
notre étude dans le modèle pour identifier celles qui ont un
effet brut sur l'avortement, ensuite nous introduirons pas à pas chacun
des groupes de variables pour voir les effets nets et déterminer les
facteurs susceptibles d'expliquer ce phénomène.
Effets Bruts
Nous avons introduit une à une les variables pour mieux
voir les effets bruts, nous remarquons que les résultats obtenus sont
proches de ceux des tableaux croisés.
Parmi les variables sociodémographiques, seules les
variables âge de la femme à l'enquête et statut matrimonial
de la femme ont des probabilités significativement associées au
khi-deux, ce, au seuil de 1%.
Au Gabon, les femmes pratiquent certes l'avortement à
tous âges, mais ce sont celles âgées de 35-49 ans et
25-34 ans qui le pratiquent le plus. En effet, ces dernières
courent respectivement 2,673 et 1,28 fois plus de risques à pratiquer
l'avortement que celles de 15-24
ans. Ces résultats confirment ceux des tableaux
croisés et montrent bien que l'avortement au Gabon se pratique plus en
fin de vie féconde (35-49ans) pour limiter la descendance ou la taille
de la famille.
Le recours à l'avortement est également
lié au statut matrimonial, ainsi, les femmes célibataires et
veuves/divorcées courent respectivement 37% et 65% fois moins de risques
d'avorter que celles qui sont mariées. Ce résultat confirme
également celui de l'analyse descriptive. Les femmes célibataires
quant à elles, sont soumises à une contrainte sociale, les
grossesses hors mariages sont parfois mal acceptées par la famille et la
société, l'accès à la contraception reste difficile
pour celles-ci en particulier lorsqu'elles sont jeunes. La seule issue pour
elles devient l'expulsion du foetus.
Les variables socioculturelles influencent aussi l'avortement
provoqué au Gabon. L'ethnie prise seule dans le modèle a une
probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%.
Cette variable comporte seulement quatre modalités significatives, les
femmes issues des groupes ethniques Myènè, Fang, Pygmée et
Tsogo-okandé. Les trois premiers groupes courent respectivement 49%, 71%
et 42% fois moins de risques de recourir à l'avortement que les femmes
Shira-punu-vili. Les femmes Tsogo-okandé courent elles 3,95 fois plus de
risques d'avorter que celles d'ethnie Shira-punu-vili.
La religion dans le modèle a un effet brut significatif
au seuil de 1%. Les femmes musulmanes courent 3,706 fois plus de risques de
recourir à l'avortement provoqué que leurs homologues
catholiques. Celles d'autres religions chrétiennes et sans religions en
courent quant à elles 1,57 et 1,45 fois plus.
Le milieu de résidence a une probabilité
associée au khi-deux significative au seuil de 1%. Les femmes
résidantes en milieu rural courent 2,075 fois plus le risque d'avorter
que celles qui résident en milieu urbain. Ces résultats
confirment celles de l'analyse descriptive.
Les facteurs socioéconomiques pris une à une dans
le modèle expliquent le recours à l'avortement au seuil de 1%.
Les femmes du niveau primaire courent 2,553 fois plus le risque
d'avorter que les femmes du niveau secondaire/supérieur, celles sans
niveau en courent 3,43 fois plus.
Les femmes de niveau de vie faible courent 0,568 fois moins le
risque de recourir à l'avortement que celles de niveau moyen. La
modalité niveau de vie élevé est non significative.
Les femmes qui travaillent courent 52% fois moins de risque de
recourir à l'avortement que celles sans emploi et au foyer.
La variable intermédiaire utilisation de méthodes
contraceptives prise seule dans le modèle a une probabilité
associée au khi-deux significative au seuil de 1%.
Les femmes qui utilisent ces méthodes courent 3,28 fois
plus de risques d'avorter que celles qui n'en utilisent pas.
Effets Nets
Il s'agira ici d'introduire nos trois groupes de variables
utilisées (variables sociodémographiques, socioculturelles et
socioéconomiques) ainsi que la variable intermédiaire
(utilisation des méthodes contraceptives) conformément à
notre schéma d'analyse pour mettre en évidence les effets nets de
nos quatre modèles et d'identifier celles qui peuvent expliquer le
phénomène étudié.
Modèle 1 :
Le premier groupe de variables introduites dans le
modèle est constitué du groupe d'âge des femmes à
l'enquête, de la parité atteinte et du statut matrimonial. Il
ressort des résultats que seules deux variables parmi les trois agissent
intégralement sur le recours à l'avortement provoqué au
Gabon, la parité n'a que deux modalités significatives. Le
pouvoir prédictif dans le modèle est de 64,0% et le test de
khi-deux associé est significatif au seuil de 1%.
En ce qui concerne l'âge de la femme au moment de
l'enquête, nous remarquons d'après le modèle que les femmes
âgées de 35-49 ans et 25-34ans courent respectivement 1,36 et 3,32
fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui en ont 15-24
ans.
Les femmes célibataires et
divorcées/veuves/séparées ont respectivement 0,384 et
0,599 fois moins de risques de recourir à l'avortement que celles qui
sont mariées. Ce qui confirme non seulement le résultat au niveau
descriptif mais aussi l'effet brut.
Les femmes sans enfants courent 1,95 fois plus de risque de
recourir à l'avortement que celles qui en ont 1 à 4. Alors que
les femmes de parité moyenne (5-9 enfants) courent elles 701% des
risques d'en recourir.
Modèle 2 :
Dans le second modèle, nous avons introduit le groupe
d'âge des femmes à l'enquête, la parité atteinte, le
statut matrimonial de la femme, son ethnie, sa religion, et son milieu de
résidence. Le test de khi deux associé reste significatif au
seuil de 1% et le pouvoir prédictif du modèle est de 63,2%.
L'introduction des variables socioculturels (ethnie, religion, milieu de
résidence) n'influence pas la significativité des variables
sociodémographiques (variables de contrôle). Seule la variable
milieu de résidence est significative parmi celles nouvellement
introduites dans le modèle. Il a donc été constaté
que les femmes du milieu rural curent 1,759 fois plus de risques d'avorter que
celles résidants en milieu urbain.
Deux modalités seulement de la variable ethnie sont
significatives, à savoir les ethnies Tsogookandé et
Pygmée, les femmes d'ethnie Tsogo-okandé courent 2,81 fois plus
de risques de recourir à l'avortement que celles d'ethnies
Shira-punu-vili, celles issues d'ethnie pygmée en courent quant à
elles 44 % fois moins.
Les femmes qui résident en milieu rural courent 1,76 fois
plus de risques d'en recourir que celles résidants en milieu urbain
Modèle 3 :
Dans ce troisième modèle, on a ajouté aux
variables sociodémographiques et socioculturelles, les variables
socioéconomiques (niveau d'instruction de la femme, son occupation et le
niveau de vie du ménage dont elle est issue). Le test de khi deux
associé reste significatif au seuil de 1% et le pouvoir prédictif
augmente de 3,4 %.
Les variables groupes d'âges et statut matrimonial de la
femme sont seules significatives ici. Les femmes âgées de 35-49
ans et 25-34 ans courent respectivement 1,42 et 2,26 fois plus de risques de
recourir à l'avortement que celles âgées de 15-24 ans.
Selon la parité, les femmes sans enfants courent 2,41 fois plus de
risques d'avorter que celles ayant 1-4 enfants.
Les femmes célibataires et
divorcées/veuves/séparées courent quant à elles,
respectivement 0,59 et 0,62 fois moins que celles qui sont mariées.
Le milieu de résidence comme variable socioculturel perd
sa « significativité ».
Parmi les variables socioéconomiques introduites, seules
le niveau d'instruction et l'occupation de la femme ont chacune une
modalité significative.
Ainsi, les femmes de niveau primaire courent 2,34 fois plus de
risques d'avorter que celles du niveau secondaire/supérieur. Elles ont
plus accès aux méthodes de contraception, car ayant plus de
moyens de s'en informer et de s'en procurer pour éviter les grossesses
non désirées et l'avortement.
S'en est de même pour celles qui ont un emploi. Elles
courent 65% fois moins de risques de pratiquer l'avortement que celles qui n'en
ont pas.
Modèle 4 :
Le dernier modèle montre l'image générale
du modèle de régression que nous avons choisi pour expliquer le
phénomène étudié. Les variables introduites dans le
modèle sont : le groupe d'âge des femmes à l'enquête,
la parité de la femme, son statut matrimonial (variables
sociodémographiques), l'ethnie dont elle issue, sa religion, le milieu
de résidence (variables socioculturelles), le niveau d'instruction,
l'occupation de la femme, le niveau de vie du ménage (variables
socioéconomiques) dont elle est issue et l'utilisation des
méthodes contraceptives (variable intermédiaire). Ces variables
ont un pouvoir prédictif de 68,2 % dans le modèle et la
probabilité du khi-deux est significative au seuil de 1%. Les
modalités des variables suivantes ne sont pas significatives : la
religion, le milieu de résidence et le niveau de vie des
ménages.
Parmi celles qui sont significatives, nous remarquons que les
femmes de 25-34ans courent 1,97 fois plus de risques de recourir à
l'avortement que celles âgées de 15-24 ans.
Les femmes sans enfants courent 2,24 fois plus de risques
d'avorter que celles ayant 1 à 4 enfants.
Les femmes célibataires et
veuves/divorcées/séparées courent respectivement 62% et
69% fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui sont
mariées.
En ce qui concerne de l'ethnie, seule la modalité
ethnique OKandé-Tsogo est significative et les femmes qui en sont issues
courent 2,47 fois plus de risques de recourir à l'avortement que les
femmes d'ethnies Shira-punu-vili.
Selon le niveau d'instruction, les femmes du niveau primaire
courent 1,97 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles
de niveau secondaire et plus. Les gabonaises cétéris
paribus qui ont un emploi courent 0,629 fois moins de risques de pratiquer
l'avortement que celles qui n'en ont pas.
En ce qui concerne l'utilisation des méthodes
contraceptives, les femmes qui en utilisent courent 2,28 fois plus de chances
d'avorter que celles qui n'en utilisent pas. Ce résultat cadre avec
celui d'Edwige OYE NDONG (EDS 2000) que 19% de l'ensemble des femmes gabonaises
ont des besoins non satisfaits en matière de contraception, dont la
plupart (14%) pour espacer les naissances. Ainsi, les gabonaises recourent
à l'avortement en cas d'échec d'une des méthodes
contraceptives utilisée.
Tableau 3 : effets Brut et Net des variables
d'étude sur l'avortement.
Variables
|
Effets Bruts
|
Modèle 1
|
Modèle 2
|
Modèle 3
|
Modèle 4
|
Groupes d'âge des femmes
|
|
|
|
|
|
15-24
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
25-34
|
1,287*
|
1,363*
|
1,553*
|
1,421*
|
1,973*
|
35-49
|
2,673***
|
3,319***
|
3,061***
|
2,260***
|
1,371 ns
|
Probabilité de khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Parité de la femme
|
|
|
|
|
|
Pas d'enfant
|
1,299 ns
|
1,958***
|
2,418***
|
2,405***
|
2,240***
|
1-4 enfants
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
5-9 enfants
|
1,398*
|
0,700*
|
0,534 ns
|
0,771
|
0,786 ns
|
10 enfants et plus
|
1,111
|
0,396 ns
|
0,838 ns
|
0,589 ns
|
0,654 ns
|
Probabilité de khi deux
|
ns
|
|
|
|
|
Statut matrimonial
|
|
|
|
|
|
Célibataire
|
0,370 ***
|
0,384***
|
0,525 **
|
0,586 *
|
0,620 *
|
Mariée
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Divorcé/veuve/séparée
|
0,651*
|
0,599***
|
0,679*
|
0,641*
|
0,692*
|
Probabilité de khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Ethnie
|
|
|
|
|
|
Fang
|
0,709*
|
|
0,870 ns
|
0,818 ns
|
0,775 ns
|
Kota-kélé
|
0,945 ns
|
|
1,017 ns
|
0,817 ns
|
0,747 ns
|
Mbédé-Téké
|
0,893 ns
|
|
1,050 ns
|
0,956 ns
|
0,868 ns
|
Myenè
|
0,485*
|
|
0,691 ns
|
0,725 ns
|
0,802 ns
|
Nziébi-Duma
|
0,878 ns
|
|
0,913 ns
|
0,795 ns
|
0,767 ns
|
Tsogo-Okandé
|
3,945***
|
|
2,807*
|
2,517*
|
2,469*
|
Shira-punu-vili
|
Réf.
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Pygmées.
|
0,416*
|
|
0,435*
|
0,403 ns
|
0,402 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Religion
|
|
|
|
|
|
Catholique
|
Réf.
|
|
0,503 ns
|
Réf.
|
Réf.
|
Protestant
|
1,271 ns
|
|
1,185 ns
|
1,107 ns
|
1,043 ns
|
Musulman
|
3,706**
|
|
1,990 ns
|
0,505 ns
|
1,827 ns
|
Autres chrétiens
|
1,571*
|
|
1,353 ns
|
1,202 ns
|
1,164 ns
|
Sans religion
|
1,453*
|
|
1,177 ns
|
0,954 ns
|
0,933 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Milieu de résidence
|
|
|
|
|
|
Urbain
|
Réf.
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Rural
|
2,075***
|
|
1,759***
|
1,108 ns
|
1,078 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Niveau d'instruction
Sans niveau
Primaire Secondaire/supérieur
Probabilité au khi deux
|
3,427** 2,553*** Réf.
0.000
|
|
|
1,543 ns 2,342*** Réf.
|
1,100 ns 1,975*** Réf.
|
Occupation de la femme
|
0,625 ns
|
|
|
0,659 ns
|
0,651 ns
|
A l'école
|
0,515***
|
|
|
0,649*
|
0,629***
|
Travaille
|
Réf.
|
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Sans emploi/au foyer
|
|
|
|
|
|
|
0.000
|
|
|
|
|
Probabilité au khi deux
|
|
|
|
|
|
Niveau de vie
|
|
|
|
|
|
Faible
|
0,568***
|
|
|
0,727 ns
|
0,821 ns
|
Moyen
|
Réf.
|
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Elevé
|
1,174 ns
|
|
|
1,002 ns
|
1,063 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Utilisation des méthodes
contraceptives
|
|
|
|
|
|
Utilise
|
3,273***
|
|
|
|
|
N'utilise pas
|
Réf.
|
|
|
|
2,283***
|
|
|
|
|
|
Réf.
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Probabilité associée au khi deux
|
|
0,000
|
0,000
|
0,000
|
0,000
|
Pouvoir prédictif
|
|
64,0
|
63,4
|
66,8
|
68,2
|
***= Significatif au seuil de 1%
|
**= Significatif au seuil de 5%
|
*= Significatif au seuil de 10% ns= Non significatif
|
Réf= Modalité de référence
|
VUE D'ENSEMBLE
Les résultats enregistrés montrent que les
facteurs sociodémographiques ont une influence beaucoup plus importante
sur l'avortement que les facteurs socioculturels et socioéconomiques au
Gabon. Cet état de choses s'explique, car en Afrique, l'avortement
touche toutes les femmes quel que soit leur âge, leur parité, ou
leur situation matrimoniale (Gastineau, 2002). Au Gabon,
d'après cette étude, la pratique de l'avortement s'avère
plus fréquente chez les femmes de 25-34 ans qui ont une parité
nulle, qui sont mariées, d'ethnie Tsogo-okandé, qui ont un niveau
d'instruction primaire, qui sont sans emploi/au foyer et qui utilisent les
méthodes contraceptives. Un constat se dégage à partir de
ces résultats ; au Gabon, l'âge moyen au premier mariage chez la
femme se situe bel et bien entre 25 et 34 ans, il est de 27,8 ans
(Mouvagha-Sow M.). Ce qui confirme le résultat selon
lequel qu'au Gabon ce sont les femmes mariées qui avortent le plus. En
effet, ces dernières ont d'énormes besoins en planification
familiale soit pour espacer les naissances ou alors pour les limiter.
D'après l'EDS 2000, 7% des naissances survenues au moment de
l'enquête n'était pas souhaitées et que près d'une
femme sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception.
Ce motif a d'ailleurs été évoqué par 55% de femmes
à Yaoundé et Douala (Ngwé et al. 2005).
Il a aussi été fréquemment cité par les
femmes dans un article sur les raisons de l'avortement dans différents
pays d'Asie, d'Afrique sub-saharienne, d'Amérique latine et dans quatre
pays développés (A. Bankole et al. 1998). Les
résultats multivariées montrent également sur le plan
sociodémographique que ce sont les gabonaises qui ont une parité
nulle qui avortent le plus. Les raisons économiques (manque d'argent
pour subvenir aux besoin d'un enfant) peuvent être évoqués
pour justifier cet état de fait, nous pouvons également
mentionner la condamnation sociale d'une grossesse prénuptiale si
celle-ci n'est pas mariée, une relation instable avec un partenaire, un
échec de contraception, être trop jeune pour en avoir, enfin ne
pas aimer le père de l'enfant.
Sur le plan socioculturel, les femmes d'ethnie
Tsogo-okandé sont celles qui recours le plus aux avortements au Gabon.
Ce groupe ethnique que l'on retrouve pour la plupart dans les grandes villes
(Port-gentil, Libreville) vit la modernité qui est un facteur de
changement de mentalité et de comportement à l'égard de la
sexualité. Avoir un enfant pour certaines d'entre elles est un motif de
vieillissement, pour préserver leur jeunesse et leur beauté elles
préfèrent souvent en cas d'échec ou de
méconnaissance d'une méthode contraceptive recourir à
l'avortement.
Sur le plan socioéconomique, ce sont les femmes qui ont
un niveau d'instruction primaire et celles sans emplois qui recourent le plus
à l'avortement. Les femmes de niveau d'instruction primaire ont des
difficultés de connaissance et d'utilisation des méthodes
contraceptives et même de leurs accès, vu leur faible niveau
d'étude. Pour pallier à ces manquement elles recourent sans
hésitations à l'avortement en cas de grossesse non
désirée et ce dans leur majorité de façon
clandestine. Celles sans emploi, fautes de moyens financiers ou
d'instabilité avec le conjoint pratiquent l'avortement en cas de
grossesse non désirée.
Conclusion générale et recommandations
|
L'avortement provoqué est un sérieux
problème de santé publique que les gouvernements des pays en voie
de développement veulent combattre avec l'appui des organismes
internationaux.
L'enquête démographique et de santé de
2000 a montré que ce phénomène n'est pas marginal au
Gabon, elle a estimé à 15% la proportion des femmes de 15
à 49 ans qui ont avorté au moins une fois au cours de leur vie et
à 8% celle qui ont avorté au moins une fois depuis 1995
(Barrère, 2000).
Peu d'études ont porté sur le
phénomène, en raison du manque de données lié
sûrement à son caractère illégal. Parmi celles
disponibles, très peu se sont véritablement
intéressées aux facteurs susceptibles d'expliquer le recours
à cette pratique. En entreprenant cette étude, notre objectif
était de chercher à identifier ces facteurs.
Le premier chapitre a décrit le contexte
général de l'étude, permettant ainsi de présenter
l'environnement socioéconomique et sanitaire du pays d'étude
ainsi que certaines caractéristiques démographiques importantes.
Ce chapitre a également permis d'examiner le cadre institutionnel et
juridique de l'avortement au Gabon.
L'objet du chapitre 2 était de passer en revue la
littérature sur le sujet. Nous nous sommes intéressé aux
différentes approches explicatives de l'avortement en Afrique, à
l'évolution de la législation en la matière et aux
débats idéologiques y afférents. Cette revue de la
littérature nous a permis d'identifier les différentes variables
susceptibles d'expliquer l'avortement. Nous avons pu dégager par la
suite notre hypothèse centrale, et les hypothèses
spécifiques en découlant. Ainsi, cette étude repose de
façon générale sur l'hypothèse selon laquelle
l'avortement dépend des facteurs socioculturels, de la pratique
contraceptive et des caractéristiques individuelles de la femme.
Le troisième chapitre était consacré
à la présentation des sources de données utilisées,
à l'évaluation de la qualité des données
utilisées pour notre étude et à la présentation de
la méthode d'analyse appliquée.
Les données utilisées pour notre étude sont
issues de la première Enquête Démographique et de
Santé du Gabon réalisée en l'an 2000.
Le quatrième chapitre était réservé
à l'analyse des données, Celle-ci a été
effectuée en deux phases : d'abord une analyse descriptive et ensuite
une analyse explicative.
Les principaux résultats issus des analyses
bivariées descriptives sont les suivants :
- Au Gabon, environ une femme sur cinq (15 %) a au moins recouru
une fois à l'avortement provoqué.
- Sur le plan sociodémographique, les femmes qui
pratiquent l'IVG sont celles qui ont entre 35-49 ans (adultes) et
mariées.
- Sur le plan socioculturel, les résultats montrent que
ce sont les femmes de religion musulmane, issues du groupe ethnique
Tsogo-okandé, résidant en milieu rural qui ont beaucoup plus
recourues à l'avortement.
- Sur le plan socioéconomique, il apparaît que
les femmes qui recourent le plus à l'avortement au Gabon font parties
des ménages de niveau de vie faible, elles sont sans niveau
d'instruction ; leur principale occupation est le travail salarial.
- Sur le plan institutionnel, les femmes qui recourent le plus
à l'avortement sont celles qui utilisent les méthodes
contraceptives. Cet état de choses peut s'expliquer. En effet, ces
femmes peuvent mal utiliser ces méthodes ou encore que ces
méthodes peuvent s'avérer inefficaces.
En ce qui concerne l'analyse explicative, nous avons eu
recours à la régression logistique, qui nous a permis de
dégager l'influence des facteurs qui influencent l'avortement
provoqué au Gabon.
Au terme de cette analyse, il apparaît que les
influences des facteurs sociodémographiques et sociéconomiques
sont plus importantes sur l'avortement que celle des facteurs socioculturels.
Cela pourrait s'expliquer par le fait que la population gabonaise est fortement
urbanisée (environs quatre personnes sur cinq vivent en ville) et la
ville étant un facteur de changement de comportement et d'attitudes
vis-à-vis de la culture traditionnel, certaines femmes ont tendance
délaisser « la coutume ancestrale» pour se tourner vers la
modernité.
Les hypothèses suivantes ont été
vérifiées :
- L'âge de la femme, son statut matrimonial et sa
parité expliquent l'avortement
provoqué au Gabon.
- Le niveau d'instruction et l'occupation de la femme expliquent
l'avortement au Gabon.
- La pratique contraceptive explique l'avortement chez les femmes
gabonaises.
Celles relatives aux variables socioculturelles et à la
variable socioéconomique niveau de vie du ménage ont
été infirmées. Il est apparu en effet que le niveau de vie
du ménage n'explique pas l'avortement au Gabon, ainsi que l'ethnie, la
religion et le milieu de résidence. Par contre l'âge de la femme,
son statut matrimonial, sa parité, son niveau d'instruction, son
occupation et la pratique contraceptive sont les déterminants de
l'avortement provoqué au Gabon.
Ce travail a donc permis d'identifier les facteurs qui expliquent
l'avortement provoqué au Gabon.
Les résultats auxquels cette étude aboutit
permettent de formuler les recommandations suivantes :
1 ° pour réduire la prévalence de
l'avortement et ses effets néfastes, les pouvoirs publics devront
renforcer les activités et programmes dans le domaine de la santé
de la reproduction en mettant un accent sur les risques associés aux
avortements clandestins, ainsi que sur la prise en charge des avortements.
2° Etant donné la faible prise de conscience de la
population quant aux conséquences néfastes de l'avortement, les
pouvoirs publics et les ONG doivent intensifier les campagnes de
sensibilisation sur les normes et les valeurs de la sexualité et de la
procréation, en particulier sur les aspects sanitaires et juridiques de
l'avortement.
3° Il faudrait par ailleurs renforcer l'offre de services
en santé de la reproduction, notamment les services obstétricaux
et les services de la contraception. A cet effet, il faudrait renforcer le
plateau technique des centres de santé pour améliorer leur
capacité de prise en charge des cas d'avortement, aussi bien en ville
que dans les zones rurales.
4° Pour atténuer les conséquences
liées à la prise en charge insuffisante des complications
des suites d'un avortement, le ministère de la santé publique
devrait accroître le nombre des personnels médicaux
qualifiés pour la prise en charge des avortements et renforcer les
capacités du personnel existant. Pour la prise en charge,
le diagnostic des avortements clandestins afin de réduire l'aggravation
des complications chez les patientes déclarées.
5° Il convient de renforcer les activités de
plaidoyer en direction des autorités en vue de l'amélioration des
conditions de prise en charge des cas d'avortement. Il faut aussi intensifier
l'information et l'éducation de la population, femmes et hommes, jeunes
et moins jeunes, sur les dangers liés à l'avortement et en
particulier à l'avortement clandestin.
Les recherches sur les problèmes d'avortement doivent
s'intensifier, les études sur la question ont été le plus
souvent menées dans les villes (en milieu hospitalier) et ne sont pour
la plupart du temps que le reflet de la situation réelle.
Pour fournir une meilleure estimation des niveaux d'avortement
lors des prochaines études, nous suggérons :
Qu'il soit réaliser auprès d'une même
population, plusieurs enquêtes reposant sur différentes
méthodologies (enquêtes qualitatives, quantitatives, sur les
complications...) utilisant différentes terminologies, abordant cette
question dans différentes parties du questionnaire... et en utilisant
aussi des statistiques sanitaires.
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