Annexes
Tableau 3 : Variation différentielle de
l'avortement selon les variables
d'étude.
Problématique
L'avortement est une méthode ancienne de
régulation de la fécondité, utilisée bien avant
l'apparition des méthodes de contraception (MC LAREN A., 1990,
GUILLAUME 2004). Il est pratiqué, dans tous les pays quels que
soient le niveau de développement, la vigueur des programmes de
planification familiale mises en place le cadre juridique appliqué. Tout
laisse donc croire que cette pratique ne trouvera jamais de remède comme
souligne la déclaration de TBILISSI (1990) (GBETOGLO, 2003)
qui stipule que «s'il est possible de faire reculer sensiblement
le nombre d'avortements grâce à des programmes de planification
familiale mis à la disposition de tous, l'interruption de grossesses
continuera d'être pratiquée pour diverses raisons dont notamment
l'acceptation limitée de la planification et les échecs de la
contraception.».
Les organisations internationales à travers des
conférences, forums et colloques, ont reconnu et admis que l'avortement
était un sérieux problème de santé publique.
Déjà, en 1967, l'assemblée mondiale de la Santé
déclara dans une de ses résolutions que l'avortement posait un
sérieux problème de santé (W.H.A. 20.41). La
Conférence sur la maternité sans risque organisée à
Nairobi en 1987 devait conscientiser l'opinion internationale sur le
problème de l'avortement en attirant l'attention sur la
nécessité de réduire la mortalité et la
morbidité maternelles.1
A la conférence internationale sur la population et le
développement organisée au Caire en 1994, les gouvernements ont
reconnu que l'avortement était un problème de santé
publique important et qu'il ne devait en aucun cas être promu comme
méthode de planification familiale (Guillaume,
2004).
La pratique de l'avortement provoqué est en nette
croissance de nos jours dans le Monde. En effet, dans une étude
menée en Amérique latine sur l'avortement clandestin, The
Allan
1 Axes de recherche-chapitre1.
Guttmacher Institute estime a 44 millions le nombre
d'avortements provoqués par an dans le monde. Cela correspond entre 20
et 32 avortements pour 100 grossesses connues (The Allan Guttmacher
Institute, 1999). La pratique de l'avortement est illégale dans
la plupart des pays en développement, ce qui explique le recours
fréquent a l'avortement clandestin ou a risque, c'est a dire, faits dans
des conditions d'hygiène et de sécurité insuffisante.
Près de 15 millions d'avortements de ce type sont pratiqués
chaque année dans ces pays, soit 97% du nombre total dans le monde
(Guillaume A, 2004).
L'Organisation mondiale de la santé estime que 4,2
millions d'avortements a risque (WHO, 2004 ; Guillaume A, 2004)
se sont produits en Afrique en 2000, la majeure partie étant
enregistrée en Afrique de l'Est (1 700 000) et en Afrique de l'Ouest (1
200 000 avortements). Ces différences régionales s'expliquent
d'après l'OMS (2004) par la variété des cadres juridiques.
Par exemple, la Tunisie et l'Afrique du Sud autorisent l'avortement a la
demande, ce qui explique le niveau élevé de la prévalence
contraceptive. En outre, les femmes recourent beaucoup plus a l'avortement pour
mettre fin aux grossesses non planifiées. The Guttmacher
Institute (1999) estime que dans les pays en développement
parmi les 182 millions de grossesses qui surviennent chaque année, 36%
ne sont pas désirées et environ 20% se terminent par un
avortement. En Afrique, c'est autour de 30% des 40 millions de grossesses qui
ne sont pas désirées et 12% qui sont interrompues par un
avortement. (Guillaume, 2004). Les conséquences
liées aux avortements clandestins ou a risque sont nombreuses, et
souvent «mal appréhendées » par celles qui y ont
recours. La conférence sur «les avortements a risque et la
planification post-abortum en Afrique » tenue a l'Île Maurice en
1994 a fait le constat que chaque année 10000 femmes en Afrique font un
avortement a risque et chaque jour de nombreuses femmes en meurent ou souffrent
de douleurs chroniques, de maladies et de stérilité
(IPPF, 1994. Guillaume 2004). En effet, de nombreuses femmes a
travers le monde risquent leur vie et leur santé pour mettre un terme a
une grossesse non désirée. Chaque jour dans le monde on
enregistre 55000 avortements a risque dont 95% d'entre eux surviennent dans les
pays en voie de développement, entraînant la mort de plus de 200
femmes (O.M.S., 1994). D'après l'OMS (1998),
20 millions d'avortements a risque se produisent chaque année
(soit un avortement pour 10 grossesses), dont 95% dans les pays en
développement, 80000 femmes environ décèdent chaque
année des suites de complications liées a ces avortements. En
Afrique, on estime a 5 millions le nombre d'avortements a risque avec une
mortalité due a ces avortements variant de 24 pour 100000 naissances
vivantes en Afrique du Nord a 121 pour l'Afrique de l'Ouest et 153 pour
l'Afrique de l'Est. (Guillaume A., 2004). L'avortement
cause une part importante de ces décès maternels
(7 à 19%) et ce poids est sous-estimé car cet acte est
illégal, et certains décès peuvent être
classés sous d'autres rubriques : infections, hémorragies etc.
(Guillaume A., 2004).
Outre les décès qu'occasionnent ces avortements
à risque, on peut également relever les problèmes de
santé chronique allant jusqu'aux incapacités permanentes ou
à la stérilité. Les femmes qui avortent
clandestinement souffrent des complications obstétricales tels que les
hémorragies, les infections, les troubles d'hypertension,
l'irrégularité de la menstruation, les perforations
utérines, la stérilité, le tétanos, les troubles
psychologiques, etc.
Au Gabon, peu d'études ont été
réalisées sur la pratique de l'avortement en raison de son
caractère illégal2, de sa perception sociale et de son
interdiction par plusieurs religions. Pourtant, on reconnaît que
l'avortement n'est pas un phénomène marginal au Gabon, ce qui
n'est peut-être pas surprenant lorsqu'on sait que près d'une femme
sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception
(Barrère, 2000). L'enquête réalisée
sur les conditions de la maternité sans risque et les avortements dans
la province de l'estuaire en 1995 a permis d'estimer à 19% la proportion
des femmes de cette province qui ont eu recours à au moins un avortement
provoqué (Barrère, 2000). L'enquête démographique et
de santé réalisée en 2000 a évalué à
15% la proportion des femmes de 15 à 49 ans qui ont avorté au
moins une fois au cours de leur vie et à 8% celle qui ont avorté
au moins une fois depuis 1995 (Barrère, 2000).
Selon une étude réalisée par le
Ministère gabonais de la Santé Publique en 2001 sur la
santé maternelle et infantile, un quart des décès
maternels (28.8%) enregistrés à cette période était
dû à un avortement clandestin notamment chez les adolescentes.
Aussi, sur 407 complications survenues au cours de la grossesse, 110
étaient liées au même motif. Pour E.
Makagha, Directrice de la santé maternelle et infantile,
l'avortement provoqué serait la première cause de
mortalité maternelle dans le pays (S.A.M, 2004).
L'enquête réalisée en 2000 par
l'Association gabonaise des sages-femmes a révélé que sur
14325 grossesses, 27% étaient précoces. Par ailleurs, cette
proportion et celle des avortements provoqués chez les adolescentes
(28.8% des décès maternelles) sont révélatrices de
la gravité du fléau. La précocité des rapports
sexuels peut expliquer cet état de faits, étant donné
qu'elle expose la jeune fille aux grossesses non désirées. Ainsi,
au Gabon d'après la même enquête,
2 loi 64/69 du 04 octobre1969 remplacé par la loi
01/2000 ; Code Pénal : chapitre 4, article244 ; Code Civil :
article 245.
28,8% des filles de 15 à 19 ans ont eu leur premier
rapport sexuel à 15 ans contre 48.1% chez les garçons du
même âge, le manque d'informations semble être la principale
cause de cette situation précise le rapport d'enquête
(S.A.M, 2004).
Les informations issues de ces quelques enquêtes et
études montrent clairement l'existence d'un recours de plus en plus
fréquent à l'avortement provoqué au Gabon. Il importe donc
d'en rechercher les facteurs explicatifs. La présente étude
s'inscrit dans cette perspective, la question principale à laquelle elle
voudrait répondre est la suivante : quels facteurs peuvent
expliquer le recours à l'avortement provoqué au Gabon
?
Justification et intérêt de
l'étude
La recherche des déterminants de l'avortement
provoqué au Gabon se justifie à la fois au niveau international
et au niveau national ; elle présente un intérêt politique,
socioéconomique et sanitaire.
Au niveau international, plusieurs conférences,
colloques et sommets ont été organisés sous l'égide
des Nations Unis ou de ses organes spécialisés (O.M.S.) à
l'intention des gouvernements et ONG en vue de promouvoir la prise de
conscience du problème de l'avortement à l'échelon
international, en attirant l'attention sur la nécessité de
réduire la mortalité et la morbidité maternelles.
Sur le plan politique, la présente étude
s'inscrit dans le cadre de l'un des huit principaux Objectifs du
Millénaire pour le Développement. Il s'agit de «
Réduire le nombre des grossesses non désirées, des
avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et donc, les
décès maternels, la planification familiale sauve la vie des
femmes. De plus, en affranchissant ainsi les femmes, on leur donne la
possibilité de s'attaquer à tout ce qui met en danger leur
santé et leur vie ».
Ainsi, les efforts des organisations internationales et des
gouvernements doivent converger vers la limitation, voire l'éradication
de l'avortement provoqué. Lors de la conférence du Caire en 1994,
les pays se sont engagés à améliorer l'accès des
femmes aux programmes de santé de la reproduction. Le programme d'action
du Caire souligne que l'avortement ne doit pas être promu comme une
méthode de contraception. L'avortement y a été reconnu
comme une cause importante de décès maternels et dans le cadre de
la réduction de cette mortalité, « les gouvernements,
organisations intergouvernementales et non gouvernementales sont vivement
invités à renforcer leurs engagements en faveur de la
santé des femmes, à traiter les
conséquences des avortements pratiqués dans de
mauvaises conditions de sécurité en tant que problème
majeur de santé publique » (Nations unies, 1994 ;
Guillaume A., 2004).
Les gouvernements qui ont adopté ce programme d'action
du Caire devaient en principe assouplir leurs législations sur
l'avortement pour limiter le recours aux pratiques illégales et
clandestines, préjudiciables à la santé des femmes.
Malheureusement, dans plus de la moitié des pays africains (29pays sur
53), aucun changement législatif n'est intervenu. Seulement 20 sur les
53 pays ont connu une amélioration de leur législation, qui ne
représente parfois que de timides progrès. Dans 4 des 53 pays, la
législation s'est plutôt dégradée (Guillaume
A., 2004).
Sur le plan socio-économique, la pratique de
l'avortement a un coût pour les femmes et pour la société
(Gebreselassie H. et fetters T., 2002. Guillaume 2004). Les
raisons évoquées par celles-ci pour avorter font clairement les
risques encourus en poursuivant une grossesse non acceptée par la
famille ou la société.
Les avortements provoqués engendrent également
des coûts importants pour les systèmes de santé affectant
ainsi leurs ressources financières et humaines déjà
insuffisantes. Le coût de l'avortement pour les systèmes de
santé se mesure essentiellement au niveau de la prise en charge de leurs
complications puisque, dans la majorité des pays africains, cet acte est
illégal. Ce taux peut se décliner en terme de taux d'occupation
de lits, de temps consacré par le personnel de santé, mais aussi
de ressources allouées aux traitements de ces avortements. Le coût
de l'avortement supporté par les femmes et les familles dépend
largement de la méthode utilisée, de l'assistance dont la femme
va bénéficier et du lieu où il sera
pratiqué. (Guillaume A., 2004).
A ces coûts économiques de l'avortement
supportés par les femmes et les familles s'ajoutent les coûts
sociaux. L'avortement peut entraîner des troubles psychologiques, la
stérilité et des problèmes familiaux (Leke R.J,
1998). Les conséquences sanitaires des avortements peuvent
parfois apparaître sur le long terme, mais elles se manifestent souvent
sur le court terme. Ainsi les femmes peuvent souffrir de douleurs chroniques
qui sont invalidantes et peuvent perturber leur vie, notamment leur
activité économique en entraînant une baisse de la
productivité. Parmi les séquelles invalidantes on peut citer
l'incontinence et la stérilité, deux problèmes qui peuvent
contribuer à l'exclusion sociale des victimes. (Guillaume A.,
2004). Cette stérilité peut poser des problèmes
conjugaux et familiaux, en particulier aux très jeunes femmes qui n'ont
jamais eu d'enfant.
Au Gabon, peu d'études ont porté sur
l'avortement, compte tenu du manque de données liées à son
caractère illégal. Parmi les études disponibles, aucune ne
s'est encore intéressée aux facteurs susceptibles d'expliquer le
recours à cette pratique. Conscient des problèmes posés
par l'avortement clandestin, le gouvernement, avec l'aide des partenaires
sociaux lutte tant bien que mal contre la propension du fléau à
travers l'application de certaines mesures législatives et
institutionnelles. L'adoption de la politique nationale de santé de la
reproduction qui court de 2003 à 2015 a amené le Gabon par
l'entremise du Ministère de la santé publique à respecter
les recommandations de la Conférence internationale sur la population et
le développement de 1994 (CIPD94), et à appliquer le concept de
santé de la reproduction (S.A.M, 2004). La
présente étude cadre avec les objectifs de cette politique
relatifs à la réduction de la mortalité maternelle, la
prévention des grossesses non désirées et à la
diminution des avortements provoqués, d'ici 2015.
Objectif général :
Cette étude se fixe comme objectif
général de mettre à la disposition des acteurs publics ou
privés qui interviennent dans la lutte contre l'avortement
provoqué des indicateurs fiables et objectifs permettant
d'améliorer des stratégies actuelles.
Objectifs spécifiques :
Pour y parvenir, l'étude se fixe objectif
spécifique suivant :
Mettre en exergue les facteurs susceptibles d'expliquer le
recours à l'avortement provoqué au Gabon et leurs
mécanismes d'action.
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