Chapitre II : CADRE JURIDIQUE DE LA CICOS
Dans ce chapitre, l'étude aborde la question des
textes officiels exprimant et réaffirmant, à travers les temps et
les époques, la volonté des Etats à coopérer en
matière de gestion des eaux transfrontalières ;
l'étude abordera aussi l'Acte d'uniformisation des régimes
juridiques applicables aux cours d'eau inter - réseau CICOS. Enfin, le
chapitre s'achèvera par l'examen de la question relative à
l'intégration économique par voie des eaux partagées.
SECTION 1ère : L'UNIFORMISATION DES REGIMES
JURIDIQUES
APPLICABLES AUX COURS D'EAU
DES ETATS
MEMBRES
La coopération en matière de l'eau a
été réaffirmée dans de nombreux textes officiels,
dont les textes officiels généraux et les textes officiels
particuliers.
1.1. Les textes officiels généraux
sont :
A. Acte général de la Conférence de
Berlin du 2 février 1885 :
Dans ce texte, les Nations expriment clairement leur
volonté et leur intention de coopérer pour une utilisation
rationnelle des eaux partagées
Après avoir évoqué les identités
des personnalités présentes aux assises, lesquelles
étaient munies de pleins pouvoirs qui ont été
établis en bonne et due forme, l'Acte stipule, en ses pages 29 et 30, au
nom de Dieu Tout Puissant, que ces personnalités ont successivement
discuté et adopté, entre autres, les points suivants :
1° Une déclaration relative à la
liberté du commerce dans le bassin du Congo et son embouchure par les
pays circonvoisins, et relative à certaines dispositions
connexes ;
2° Une déclaration relative à la
neutralité des territoires compris dans le bassin conventionnel du
Congo ;
3° Un acte de navigation du Congo, qui, en tenant compte
des circonstances locales, étend à ce fleuve, à ses
affluents et aux eaux qui leur sont assimilées, les principes
généraux énoncés dans les articles 108 et 116 de
l'Acte final du Congrès de Vienne et destinés à
régler, entre les puissances signataires de cet Acte, la libre
navigation des cours d'eau navigables (...).
On peut également lire dans la partie préambule,
entre autres buts recherchés par la Conférence, que :
« voulant régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle,
les conditions les plus favorables au développement du commerce et de la
civilisation dans certaines régions d'Afrique, et assurer à tous
les peuples les avantages de la libre navigation sur les deux principaux
fleuves africains qui se déversent dans l'Océan Atlantique
(.....) ».
B. La Charte de l'Organisation des Nations Unies du 26
juin 1945 : la Charte des Nations Unies, en son chapitre IX
intitulé : Coopération économique et sociale
internationales, en son article 55, pose les principes de création
d'accords permettant le développement économique des Etats.
L'article susmentionné stipule : « En vue de créer
les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires
pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales
fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits
des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations
Unies favorisent :
a) le relèvement de niveau de vie, le plein emploi et
des conditions
de progrès et de développement dans l'ordre
économique et social ;
b) la solution des problèmes internationaux
dans les domaines économique, social, de santé publique, et
autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans
les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation ;
L'article 56 de la Charte ajoute que les membres s'engagent,
en vue d'atteindre les buts énoncés à l'article 55,
à agir tant conjointement que séparément, en
coopération avec l'organisation.
C. Agenda 21 des Nations Unies de 1992 :
l'accord de Brazzaville instituant un régime uniforme et créant
la CICOS, s'appui aussi juridiquement sur l'Agenda 21 des Nations Unies de
1992. En effet, l'Action 21 des Nations Unies, au chapitre 18
intitulé : Protection des ressources en eau douce et de leur
qualité : application d'approches intégrées de la
mise en valeur, de la gestion et de l'utilisation des ressources en eau, en ses
points 3 et 4 stipule :
« La rareté généralisée
des ressources en eau douce, leur destruction progressive et leur pollution
croissante que l'on constate dans de nombreuses régions du monde ainsi
que l'intrusion graduelle d'activités incompatibles exigent une
intégration de la planification et de la gestion des ressources en eau.
Cette coopération doit couvrir toutes les étendues d'eau de
surface et les eaux souterraines, et tenir dûment compte des aspects
quantitatifs et qualitatifs. Il est nécessaire de reconnaître la
dimension multisectorielle de la mise en valeur des ressources en eau dans le
contexte du développement socio-économique ainsi que les
utilisations multiples de l'eau : approvisionnement et assainissement,
agriculture, industrie, urbanisation, hydroélectricité,
pisciculture en eau douce, transports, activités de loisir, gestions des
basses terres et autres.
Dans les plans rationnels de mise en valeur des eaux de
surface, les eaux souterraines et d'autres sources possibles doivent être
appuyés en même temps des mesures de protection des eaux et de
limitation maximale du gaspillage. Il faut cependant, accorder priorité
aux mesures destinées à prévenir les crues et lutter
contre les inondations ainsi qu'au contrôle des alluvionnements, le cas
échéant », (art.18, alinéa 3).
« Les eaux transfrontalières et leur
exploitation revêtent une grande importance pour les Etats riverains.
Dans ce contexte, il serait peut-être souhaitable qu'une
coopération s'instaure entre ces Etats conformément aux accords
en vigueur et/ou à d'autres arrangements applicables, compte tenu des
intérêts de tous les Etats riverains concernés »,
(art.18 alinéa 4)
D. Traité instituant la CEMAC du 16 mars 1994
et son protocole additif : l'esprit du Traité instituant
la CEMAC incarné dans les articles 37 et 39 de son additif a
également inspiré l'Accord de Brazzaville.
En effet, les articles précités
stipulent :
· Article 37 : la Communauté participe aux
efforts d'intégration entrepris dans le cadre de la Communauté
économique africaine (CEA) et, en particulier à ceux relatifs
à la création d'organisations communes dotées de
compétences propres en vue d'actions coordonnées dans de domaines
spécifiques (...).
· Article 39 : Tout Etat africain peut être
associé à une ou plusieurs politiques de la Communauté
(...).
E. Acte constitutif de l'Union
africaine : dans son article 3 relatif aux objectifs de l'Union
africaine, l'Acte constitutif de cette organisation panafricaine stipule que,
les objectifs de l'Union sont, entre autres :
· Alinéa j : promouvoir le
développement durable aux plans économique, social et culturel
ainsi que l'intégration des économies africaines ;
· Alinéa k : promouvoir la
coopération et le développement dans tous les domaines de
l'activité humaine en vue de relever le niveau de vie des peuples.
Ainsi, la création de la CICOS rentre dans la ligne
droite des objectifs de l'Union africaine tels que réaffirmés
dans l'Acte constitutif de Lomé au Togo du 11 juillet 1999 et son
Additif.
1.2. Les textes officiels particuliers
sont : l'Accord de Brazzaville du 06 novembre 1999 et son
Additif, qui constituent la base juridique de la CICOS et qui sont
examinés en détail dans les pages qui suivent.
L'Organisation internationale de gestion du bassin du Congo
est
l'aboutissement d'un long processus entamé pour la
maîtrise et l'exploitation rationnelle des ressources du bassin COS. Elle
jouit de la personnalité juridique lui permettant de contracter pour
l'exécution des travaux et leur financement. Les Etats membres ont
signé deux conventions qui constituent les textes de base
régissant les activités relatives à l'aménagement,
à l'exploitation du réseau et à la mise en valeur des
ressources que recèle le bassin. Ces deux Conventions font l'objet du
premier paragraphe ci-dessous. Cependant, la CICOS a signé un
certain nombre d'autres conventions pour la réalisation de ses objectifs
statutaires ; elles font l'objet d'un examen sommaire au paragraphe deux.
A. Accord de Brazzaville du 06 novembre 1999
instituant un régime fluvial uniforme et créant CICOS, accord
unifiant les quatre régimes juridiques régissant les eaux
partagées, ratifié par les quatre Etats contractants. la
République du Cameroun, la République centrafricaine, la
République du Congo et la République démocratique du
Congo, comprend trente cinq (35) articles repartis dans huit (8)
chapitres ; nous les analysons ci-dessous :
Chapitre 1er : Définition et
objet - Ce chapitre comprend deux articles, les articles premier et
deuxième, de l'Accord. Le 1er article définit quelques
concepts de base relatifs à l'Accord, notamment les termes : Etats
riverains, Autorité compétente, bassin, fleuve etc. et le
deuxième donne l'objet de l'Accord qui consiste à instituer un
régime fluvial uniforme de navigation sur la base des principes de la
liberté et d'égalité de traitement, aménager et
exploiter le fleuve et les cours d'eau du bassin dans le respect des principes
de la liberté et d'égalité de traitement des usagers, du
droit de participation équitable et raisonnable aux avantages
tirés de l'utilisation durable des eaux et instituer à cette fin
une Commission internationale du bassin du Congo-Oubangui-Sangha.
Chapitre 2 : Principes fondamentaux -
C'est le plus long chapitre de l'Accord après le chapitre 6 ; il
contient 6 articles, allant de l'article 4 à 9. Les six articles
affirment les principes fondamentaux qui régissent les Etats
contractants :
- Article 4 : Liberté de navigation ;
- Article 5 : Droit de transport ;
- Article 6 : Droits et taxes de navigation ;
- Article 7 : Obligations d'entretien et
d'amélioration des voies
Navigables ;
- Article 8 : Travaux et ouvrages :
- Article 9 : Facilitation.
Chapitre 4 : Dispositions
particulières au régimes des eaux- L'article unique de
ce chapitre, l'article 10, régulation des eaux, donne la ligne de
conduite relative à la construction et à l'utilisation des
ouvrages hydrauliques. L'article règlemente aussi tout autre usage fait
des eaux des voies navigables définies à l'article 3.
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