Pouvoirs publics et crises des entreprises publiques congolaises. Cas de la Gecamines au Katanga( Télécharger le fichier original )par Jean-luc MALANGO KITUNGANO Université de Lubumbashi, RDC - Licence en sciences administratives 2007 |
I.3. Entreprise publique.L'entreprise est définie comme une unité de décision économique qui peut prendre des formes différentes : privée, publique ou mixte. Elle utilise et rémunère le travail et le capital pour produire et vendre des biens et des services sur le marché dans un but de profit et de rentabilité.32(*) L'entreprise constitue l'institution centrale du capitalisme, selon C-D. Echaudemaison33(*). Les éléments essentiels d'une entreprise privée sont : - Elle est une organisation, c'est une personne morale, c'est-à-dire un sujet de droit différent des personnes physiques qui la constitue. - Elle a son existence propre parce qu'elle est, généralement, financièrement autonome et agit sous sa propre responsabilité. - Elle produit des biens et des services pour le marché, c'est-à-dire qu'elle produit pour la satisfaction des besoins solvables entendus comme des demandes chargées d'un pouvoir d'achat. - L'entreprise vise la maximisation du profit. Les entreprises privées se distinguent des administrations publiques par le fait qu'elles visent le profit par la vente des biens et des services sur le marché.34(*) Par entreprise publique, le Dictionnaire d'économie et de sciences sociales précité entend une entreprise du secteur marchand contrôlée par l'Etat ou par une collectivité publique35(*) . La notion de contrôle renvoie soit à la détention par l'Etat de la totalité ou de la majorité du capital social, soit à la tutelle plus ou moins étroite exercée par la puissance publique sur la gestion de l'entreprise. Georges Vedel estime, pour sa part, que la notion d'entreprise publique est l'une de celles dont la définition est la plus malaisée36(*). La doctrine a marqué les plus grandes hésitations à en donner une définition univoque. Ainsi J-M. Auby et R. Ducos-Ader retiennent comme critères de définition des entreprises publiques deux éléments : une activité spécialisée dans le caractère économique et l'intérêt général, d'une part, (notion plus large que celle de service public) et une activité industrielle et commerciale, d'autre part37(*). André De Laubadère caractérise l'entreprise publique comme une variété au sein du service public industriel, caractérisée par une assimilation particulièrement poussée aux entreprises du secteur privé38(*). La synthèse de différents éléments (doctrine, textes des lois français et jurisprudence) ont amené Georges Vedel à définir l'entreprise publique par des éléments positifs et des éléments négatifs. Comme éléments positifs, il y a : - la personnalité morale et l'autonomie financière - un objet industriel ou commercial - un mode de gestion ou de fonctionnement très proche de celui des entreprises privées - une impulsion ou un contrôle de l'Etat ou de personnes publiques Comme éléments négatifs, l'entreprise publique n'est pas nécessairement un établissement public et ne gère pas nécessairement un service public, elle se différencie de l'entreprise privée en ce qu'elle ne peut avoir pour objet exclusif la réalisation des bénéfices. Car, même si elle est soumise aux lois du profit et de la rentabilité, elle ne peut négliger l'intérêt général39(*) . En droit congolais, la définition de l'entreprise publique varie selon les époques : la formule fut d'abord utilisée pour désigner les sociétés nationalisées. Ainsi en 1966, le refus de la Belgique de transférer le siège social de l'UMHK de la Belgique au Congo entraîna, dès le 1er janvier 1967, sa naturalisation. 40(*) De même, dans le cadre de l'application des mesures économiques du 30 novembre 1973 (mesures de zaïrianisation), puis de radicalisation du 30 décembre 1974, l'Etat congolais reprenait les grosses unités agro-industrielles et les grandes unités jugées stratégiques.41(*) Ensuite, aux entreprises résultant de la personnification de certains services de l'Administration publique (cas de l'OFIDA, RVM, OVD). L'adoption d'un texte précis, tantôt une Ordonnance - Loi, tantôt une ordonnance tout court, permit à l'Etat de créer des établissements publics à caractère industriel et commercial et même administratif (cas SONAS, OCC, FPI ...) Ainsi, avant le 06 janvier 1978, on parle de la Société d'Etat. Il est précisé que la Société d'Etat est un établissement public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité juridique et placé sous le contrôle de l'Etat. A l'analyse, selon le doctrinaire du droit des Sociétés Lukombe Nghenda, la notion « d'établissement public à caractère industriel et commercial » pourrait être subdivisée en « établissement public » et « à caractère industriel et commercial ». L'établissement public s'entend comme l'affectation réalisée par les autorités publiques d'un patrimoine à un service public42(*). Il s'agit autrement de la gestion d'un ou plusieurs activités d'intérêts publics par un service public personnalisé. Par ailleurs, le mot « à caractère industriel et commercial » souligne le fait que dans le secteur économique et à l'instar des Sociétés formées par les particuliers ou ceux-ci et l'Etat, les établissements publics concernés se déploient à des activités industrielles et commerciales43(*). Dès lors, l'établissement public à caractère industriel et commercial est saisie comme « une entreprise à entendre au sens de tout groupement organisé et personnifié, dont la finalité est la satisfaction des besoins collectifs ou intérêt général par l'accomplissement des activités industrielles ou commerciales » 44(*). Enfin, depuis le 06 janvier 1978, toute Société d'Etat est à définir comme étant une entreprise publique. En effet, l'article 2 de la loi n°78-002 du 06 janvier 1978 stipule que par entreprise publique, il faut entendre « tout établissement qui, quelle que soit sa nature : 1) est créé et contrôlé par les pouvoirs publics pour remplir une tâche d'intérêt général ; 2) est créé à l'initiative des pouvoirs publics entre eux pour l'exploitation en commun d'un service public ou d'une activité donnée ; 3) est créé à l'initiative des personnes morales de droit public entre elles pour l'exploitation en commun d'un service public ou d'une activité donnée ; 4) est créé à l'initiative des personnes publiques en association avec les personnes morales de droit public pour l'exploitation en commun d'un service public ou d'une activité donnée »45(*) . Cinquante cinq (55) entreprises publiques et soixante quatre (64) entreprises mixtes constituent le patrimoine géré par le Ministère du Portefeuille congolais. L'administration interne de ce ministère est composée par : le secrétariat général, le Conseil Supérieur du Portefeuille (CSP) et le Comité de Pilotage des Réformes des Entreprises Publiques (COPIREP) 46(*). Ce Comité a reçu pour mission de réorganiser le secteur des entreprises publiques et pour objectif final de relancer les activités économiques. Actuellement, quatre projets de loi47(*) précisent la réforme. Ces quatre projets de loi portent sur : - la transformation des entreprises publiques - les dispositions générales applicables aux établissements publics - le désengagement de l'Etat - l'organisation et la gestion du portefeuille de l'Etat. Cette réforme, amorcée en 2001 avec l'appui de la Banque Mondiale se développe sur les quatre axes suivants : - la modernisation du cadre juridique et institutionnel des entreprises publiques - le désengagement de l'Etat des activités marchandes - le développement et la promotion du secteur privé et le renforcement du rôle normatif et régulateur de l'Etat dans l'activité économique. * 32 P.CONSO et F. HEMICI, La gestion financière des entreprises, Paris, Dunod, 1999, p.29 et ss. * 33 C-D. ECHAUDEMAISON, op. cit, pp. 186-187. * 34 Idem, p. 187. * 35 C-D. ECHAUDEMAISON, op. cit, p. 186-187. * 36 G. VEDEL, Droit administratif, Paris, PUF, 1980 (7è édition), p. 943. * 37 Idem, p. 946. * 38 Ibid., p. 946. * 39 G., VEDEL, op. cit, p. 948. * 40 En vertu de l'O-L n°66-343 du 07 juin 1966 assurant à l'Etat la plénitude de ses droits fonciers, forestiers et miniers sur toute l'étendue de son territoire, il s'octroya des Entreprises en vertu du « droit de reprise des sociétés » et principalement de celles de droit colonial. * 41 KIKASSA MWANALESSA, « La stabilisation des Entreprises zaïrianisées et radicalisées » in Zaïre-Afrique n°102, février 1976, pp. 92-93. * 42 Le service public se définit de deux façons : d'une façon organique ou formelle, ou d'une façon matérielle. Dans son sens organique, le service se caractérise par une certaine organisation, elle est une entreprise (ensemble des moyens : matériel, financier, humain) gérée par l'Administration. La définition matérielle s'attache à la nature de l'activité, c'est-à-dire une activité qui tend à la satisfaction de l'intérêt général. * 43 LUKOMBE NGHENDA, op. cit, p. 48. * 44 Idem, p. 48. * 45 « Loi n°78-002 du 06 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques » dans Journal officiel, n° 1 du 15 février 1978, p.9.) Repris dans Droit commercial. Codes Larciers, tome III, Bruxelles, Larciers, 2003, p. 71. * 46 Ministère du Portefeuille, « une nouvelle vision du portefeuille de l'Etat » in La lettre du portefeuille, n°00, 2007, p.1. * 47 Projets de loi approuvés déjà par l'Assemblée nationale et le Sénat, mais non encore promulgués. |
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