Conclusion
Ce cours n'avait point la prétention d'offrir à
l'étudiant des méthodes et des outils analytiques qui, une fois
appliqués aux réalités sociales, lui permettraient de
saisir la manière dont les États africains situés au Sud
du Sahara ont été ou sont gérés. Il s'agissait,
plutôt, de lui proposer quelques pistes de réflexion à
partir des notions de « Démocratie » et de
« Gouvernance » dans le but de transcender les visions
misérabilistes et alarmistes concernant l'étude de l'État
en Afrique. Trois points essentiels ont permis de structurer cette
recherche.
Le premier point concernait la problématique
générale de la démocratisation en Afrique. Il ressort de
cette analyse l'idée qu'un régime démocratique ne
constitue pas en soi une entité qui se donne à lire de
manière objective. Il est un construit social, c'est-à-dire le
produit d'un processus historique traversé de contradictions, de
conflits, des désajustements et des décalages structurels se
rapportant à des aires géographiques données et à
un environnement social bien spécifique au sein duquel vivent des
individus particuliers. Dans ce sens, il s'est agi d'une révisitation
épistémologique des difficultés auxquelles avaient
été confrontés les États d'Afrique au Sud du Sahara
à la fin de l'année 1989 et au début de l'année
1990.
A cette époque, la majorité des États
africains faisaient face à d'énormes difficultés au triple
plan économique (l'ampleur de la dette tant interne qu'externe, etc.),
social (l'augmentation de la pauvreté, le chômage des jeunes,
etc.) et politique (la remise en cause des régimes dictatoriaux et la
revendication du multipartisme) qui s'étaient aggravées à
cause des changements enclenchés en Occident, notamment, dans les pays
de l'Ex Union Soviétique ; changements qui avaient
occasionné la destruction du mur de Berlin, la fin de la guerre froide,
la modification des équilibres géopolitiques et la
repositionnement géostratégique des alliances entre les grandes
puissances mondiales représentées par l'URSS et les
États-unis d'Amérique. Surpris par l'ampleur de ces changements,
les pouvoirs africains très affaiblis n'avaient pour alternative que
d'accepter, quoique de manière partielle, d'engager leurs pays sur la
voie de la démocratisation et des réformes des institutions
publiques, afin de bénéficier de l'aide au développement
de la part des partenaires bilatéraux (France, Allemagne,
États-unis, Canada, Grande-Bretagne, etc.) et multilatéraux (FMI,
Banque mondiale, OCDE, etc.).
Le deuxième point, quant à lui, a
été consacré à l'étude de la notion de bonne
gouvernance comme étant l'une des conditions du développement
durable en Afrique. Parti du constat selon lequel le mal développement
de l'Afrique est en partie lié à des pratiques de corruption, de
clientélisme, de népotisme ou de néo-patrimonialisation du
pouvoir, les institutions internationales ont conditionné l'octroi de
l'aide au développement, non seulement à la
démocratisation politique et à la prise, mais également
à l'adoption des pratiques de bonne gouvernance des affaires publiques
basées sur la transparence et la redistribution équitable des
richesses. Il s'est donc agi de démontrer que la démocratie et la
bonne gouvernance vont de pair en tant qu'elles permettent la construction
d'une société basée sur la justice sociale et le respect
des droits de l'homme. De ces deux réalités dépendent la
légitimation des élites et de leurs actions.
Le troisième point, enfin, concernait l'analyse des
rapports existants entre gouvernance, État et société en
Afrique. Il ressort de ceci que la notion de gouvernance en tant qu'elle
constitue une sorte d'impératif catégorique pour une gestion
collective des États, implique la responsabilisation de tous les acteurs
sociaux (étatiques et non étatiques) en vue d'un
développement harmonieux des sociétés africaines. Elle
signifie l'établissement d'un nouveau contrat entre différents
acteurs sociaux en vue d'une gestion saine, efficace et transparente des
affaires publiques. La bonne gouvernance se donne ainsi à lire comme
étant l'une des conditions, sans lesquelles la construction de
l'État et le changement social ne peuvent être rendus possibles.
Elle nécessite la mise en place des politiques publiques structurantes,
le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs et le
respect de l'État de droit. En dernier lieu, il a été
démontré que l'étude du rapport entre les notions de
gouvernance, État et société pour peu qu'elle soit
faisable, doit nécessiter la restauration de l'autorité des
États.
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