INTRODUCTION
Longtemps acceptée comme un instrument de politique
économique dans le cadre du modèle néokeynésien;
conçue comme une technique de gestion moins centralisée et moins
pesante que l'administration, l'entreprise publique est écartelée
entre une gestion de type commercial conforme à sa logique d'entreprise
et la recherche de la satisfaction de l'intérêt
général que lui commande son caractère public.
La gestion de l'entreprise publique constitue cependant un
véritable défi, car elle échappe souvent aux
modèles conçus pour l'entreprise privée qui subordonnent
tous les paramètres de gestion à la rentabilité du
capital.
Historiquement, dans nos pays, on observe que, quelle que soit
leur option idéologique, l'évolution des économies des
pays du Sud du Sahara s'est accompagnée d'une forte intervention de
l'Etat, ce qui justifie l'existence prépondérante des entreprises
publiques au sein de l'économie congolaise. Abattues peu à peu
par les crises socio-économiques et la mauvaise gestion, les entreprises
publiques ont laissé entrevoir de multiples turbulences : elles ont dans
leur grande majorité cessé d'être rentables mieux elles ne
réalisent plus que d'énormes pertes financières. Ces
entreprises se sont ainsi transformées en une charge insoutenable pour
le budget et le système bancaire de ces pays, devenant ainsi de
véritables fardeaux pour les Etats - actionnaires.
Depuis environ deux (2) décennies, l'option de l'Etat
congolais est celle du libéralisme, c'est-à-dire de la promotion
de l'initiative privée qui est le principal gage de la création
de richesses et d'emplois. Autrement dit, l'Etat doit se désengager
autant que possible du secteur productif et marchand pour se consacrer
davantage à sa mission de régulation. C'est dire que, sur le
principe, la réforme ou la restructuration des entreprises publiques est
désormais irréversible par le processus de privatisation. A
défaut de la reforme, l'Etat affiche de façon informelle un
comportement de désengagement passif1. L'OCI, entreprise
publique à caractère industriel et commercial n'échappe
certainement pas au fléau qui frappe ces organisations, surtout qu'il
exerce son activité dans un secteur fortement concurrentiel (concurrence
nationale et internationale).
1 Attitude de l'Etat qui consiste à laisser
confronter les entreprises, dites publiques ou para-publiques, aux lois d'un
environnement libéral sans mesure d'accompagnement.
Compte tenu du rôle1 significatif que peuvent
encore jouer les entreprises publiques dans nos économies en
développement ; et compte tenu de l'échec que rencontre certaines
privatisations, il sied de revoir les causes de la déconfiture des
entreprises publiques avec circonspection. Voilà ce qui justifie
l'intérêt du choix de notre thème.
Dans le cadre de notre étude, nous allons
considérer à titre expérimental, l'expérience
vécue par l'OCI sur une période de cinq ans allant de 2003
à 2008.
Bien que les entreprises publiques se retrouvent dans une
situation calamiteuse, nécessitant des réformes ou
restructurations, ne valait-il pas la peine de commencer par le plus urgent,
c'est-à-dire réorganiser ou réhabiliter la gestion de ces
entreprises publiques? Quels sont alors les facteurs qui contribuent à
l'inefficacité des entreprises publiques et constituent un frein
à leur croissance ? L'inadéquation du cadre juridique qui
organise le fonctionnement des entreprises publiques ou le problème de
gouvernance d'entreprise2 et la mauvaise gestion interne des
entreprises publiques ne constituent-ils pas les principaux facteurs qui
influencent l'efficacité et la croissance de ces entreprises? La
privatisation constitue t-elle le seul et bon remède aux
problèmes des entreprises publiques ? Y a-t-il d'autres approches de
solution et perspectives de relance de l'efficacité et de la croissance
des entreprises publiques ?
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous proposons de
valider un certain nombre d'hypothèses qui pour nous semblent assez
pertinentes :
- Les entreprises publiques sont pour la plupart inefficaces et
éprouvent des problèmes de gestion et de croissance. Cependant,
les entreprises privées sont pour la plupart plus performantes que les
entreprises publiques;
- La gouvernance d'entreprise à travers ses
composantes, est un mécanisme qui participe à la gestion de
l'entreprise : désigne l'équipe dirigeante ; prend les grandes
décisions engageant la vie de l'entreprise ; développe des
systèmes d'incitations, de contrôle et de contraintes à
l'égard de la technostructure ; influence3 la performance de
l'entreprise;
- La solution aux problèmes des entreprises publiques ne
demeure pas seulement dans la privatisation pure.
1 Notamment dans la fourniture des biens et
services qui visent les clients les moins rentables, tels que les plus
démunis ou les personnes vivant dans des régions
éloignées ; car l'intervention publique sur les marchés
des biens et services se justifie pour corriger ces imperfections du
marché.
2 Traduction de la corporate gouvernance encore
appelée gouvernement d'entreprise.
3 Les impératifs des politiques
structurelles et conjoncturelles nationales s'opposent parfois aux
impératifs d'efficacité et de compétitivité propres
de l'entreprise publique : le GE peut être source de performance ou de
contre-perfermance.
L'objectif général de cette étude est de
montrer d'une part que les pouvoirs publics à travers le GE participent
au déclin des entreprises publiques dans leurs pratiques ainsi que les
dirigeants de ces entreprises dans leur gestion interne ; et d'autre part
montrer que la privatisation ne demeure pas le seul remède convenable
aux problèmes que connaissent les entreprises publiques et qu'il existe
bien d'autres perspectives qui peuvent leur assurer efficacité,
croissance et pérennité.
De manière spécifique, notre étude consiste
à :
- Donner l'essentiel sur les généralités
des entreprises publiques : définir les concepts de base du
thème, présenter les justifications théorique et
historique de l'existence des entreprises publiques dans le circuit
économique ; et présenter un modèle d'organisation
d'entreprise publique (cas de l'OCI) ;
- Etablir un lien de cause à effet entre d'un
côté le cadre juridique qui organise le fonctionnement de ces
organisations, les attributs du gouvernement de l'entreprise publique à
travers ses composantes1; et de l'autre, l'efficacité et la
pérennité des entreprises publiques ;
- Montrer l'impact de la gestion opportuniste et hasardeuse des
dirigeants des entreprises
publiques sur l'efficacité et la croissance de ces
organisations en s'inspirant de l'OCI;
- Présenter les limites de certaines solutions2
applicables aux problèmes des entreprises publiques ;
- Proposer des approches de solutions en termes de perspectives
et de modèles de gestion applicables aux entreprises publiques,
pouvant leur assurer efficacité et croissance interne.
Les conclusions des travaux3 de G. Charreaux, de C.
Bernard et M. Toumi ainsi que ceux d'Ahmed Bensaid sur les entreprises
publiques sont des travaux antérieurs plus ou moins relatifs à
notre thème qui ont constitué dans une certaine mesure notre
revue de littérature.
Pour réunir les informations contenues dans cette
étude, nous avons procédé à la recherche
documentaire en nous référant particulièrement aux
enseignements du cours de management des organisations, d'analyse et gestion
financière, d'audit et contrôle interne et aux divers ouvrages
cités en bibliographie. L'internet a été aussi d'un grand
apport. Nous nous sommes également servis d'une étude
expérimentale (démarche empirique) effectuée à
l'OCI.
1 Pour les entreprises publiques il s'agit du conseil
d'administration, du comité de direction et d'autres organes
rattachés.
2 Notamment celles qui découle de la reforme
classique: liquidation pure et simple et privatisation.
3 G. Charreaux: Le gouvernement
des entreprises, Editions Economica, 1997.
C. Bernard et M. Toumi : La
privatisation, une fausse solution pour l'Afrique. Sciences et Vie
Economie. Paris, n° 38, p. 25-3 1. Avril 1988.
A. Bensaid : Le dilemme autonomie /
contrôle au sein des entreprises publiques, publication revue
économique 1997.
Ainsi, notre mémoire comptera trois (3) parties à
savoir :
Première partie : les pratiques du
gouvernement d'entreprise et problématique de l'efficacité des
entreprises publiques ;
Deuxième partie : l'impact de la gestion
interne des entreprises publiques sur leur croissance ;
Troisième partie : les limites de la reforme et
approches de solutions aux problèmes des entreprises publiques.
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