De la representation du français et du créole dans le cinéma haïtien: le cas du film "Barikad"( Télécharger le fichier original )par Schwarz Coulange Méroné Université d'Etat D'Haiti - Licence 2008 |
1.2- Le cas du créoleLe terme "créole" tout court ne renvoie pas exclusivement à une langue. Il est utilisé pour nommer des réalités autres qu'une langue. Etymologiquement « le terme créole provient du portugais "crioullou" ou criollo, passé au français par l'intermédiaire de l'espagnol, dérivé vraisemblablement du participe passé du verbe criar (latin creare) signifiant élevé dans le foyer du maître, domestique.»8(*) Marie Thérèse ARCHER pour sa part, cherche à savoir l'époque de la première utilisation du terme créole et le sens qui lui était attribué à cette époque. Elle affirme que: le mot: créole fut employé originellement depuis le 15eme siècle, pour dénommer dans les Amériques, les personnes de parents espagnols, portugais, français et de natifs indiens ou amérindiens et aussi de Noirs africains dans les Antilles.9(*) Pour ce qui est de la langue créole, Marie-Christine HAZAEL-MASSIEUX affirme que « La première attestation du mot `créole' pour designer une langue semble [...] dater de l'extrême fin du XVIIe siècle [...] »10(*) Aussi, selon Marie Thérèse ARCHER, « Les scientistes emploient le mot créole, pour désigner animaux et plantes hybrides nés d'une espèce indigène et d'une espèce importée. »11(*) D'après ce qu'affirment plusieurs autres auteurs y compris Marie Thérèse ARCHER, le terme créole renvoie à d'autres réalités encore. Cependant, quelque soit la réalité à laquelle il renvoie, le terme est traversé par le sens de mélange. Mélange de cultures, d'ethnies, d'espèces, de langues etc. Dans ce travail toutefois, le terme est limité à sa signification linguistique; plus précisément à la langue créole parlée en Haïti, le créole haïtien. 1.2.1- Genèse du créole haïtienLes auteurs sont divisés sur la genèse du créole. Un auteur comme Jules FAINE, par exemple, croit que le créole est dérivé du Normand12(*) et aurait peu à voir avec les langues africaines. Selon Jules FAINE en effet, le créole haïtien possède plus que des affinités avec le `Normand' (celui du XVIème et XVIIème siècle). Il faut chercher sa conformation la plus profonde au niveau de ce dialecte d'où il dérive de façon évidente, dont il porte la marque indélébile et qui y entre dans l'énorme proportion de 75%.13(*) Depuis l'étude de Suzanne COMHAIRE-SYLVAIN en 1936 cependant, l'importance des langues africaines dans la formation du créole est largement prise en compte par les chercheurs intéressés à cette langue. De fait, à l'instar de l'ethnicité, du vaudou, d'une partie de la gastronomie, le créole d'Haïti est intimement lié à l'histoire coloniale du pays. C'est une langue née du brassage linguistique opéré durant plus de trois (3) siècles de colonisation (1492-1803). Les différentes langues en présence dans l'espace colonial sont mises à contribution pour la former. A cet effet, trois (3) périodes - chacune correspondant à l'arrivée de nouveaux peuples, de nouvelles langues - sont à considérer : 1) La période allant de 1492 à 1503. Cette période est marquée par la rencontre des Aborigènes de l'île d'Haïti et des Espagnols. 2) Celle allant de 1503 à 1625, marquée par l'introduction dans l'île, de Noirs venus d'Afrique pour remplacer les Aborigènes décimés. 3) Celle allant de 1625 à 1803, marquée par la colonisation française de la partie ouest de l'île (aujourd'hui Haïti) et par l'intensification de l'immigration (forcée) des Africains. Qu'il s'agisse des Aborigènes, des Espagnols, des Africains ou des Français, chaque groupe parlait sa langue. Cependant, parce qu'ils sont dans l'espace non de passage mais pour habiter, il leur était nécessaire d'avoir un code commun pour communiquer. Ils ont alors forgé un outil de communication orale : le créole. Marie Thérèse ARCHER (1987) est un des tenants de cette vision de la genèse du créole. Elle nomme créole amérindo-hispanique, le créole de la première période ; créole amérindo-hispano-africain, celui de la deuxième période et créole amérindo-hispano-afro-français, celui de la troisième période. Ces appellations, comme c'est clairement exprimé, indiquent quelles langues ou familles de langues entrent à chaque fois dans la formation du créole. Si ce modèle est suivi, il serait possible de parler de créole amérindo-hispano-afro-franco-anglais pour le créole d'aujourd'hui étant donné l'importance de vocable anglo-américain qui s'y trouve. D'autres auteurs, tels Pradel POMPILUS ou André Vilaire CHERY, conçoivent la genèse du créole, à des différences près, de la même manière. En effet, selon Pradel POMPILUS la multiplicité de leurs parlers (du parler des Africains) d'une part, la grande différence entre ces parlers et ceux des Français, la nécessité pour tous, maîtres et esclaves, de communiquer entre eux, firent naître rapidement une langue commune, le créole.14(*) Pour CHERY, « le créole haïtien est né des nécessités de communication entre les colons français et leurs esclaves africains sur les plantations de Saint-Domingue. »15(*) Cependant, Jean-François DORTIER souligne le fait que les langues créoles ne constituent pas des ramassis de langues permettant simplement la communication entre deux communautés linguistiques différentes. DORTIER explique que les linguistes notent que les langues créoles ne sont pas de simples mélanges composites de mots ou de règles venus de langues diverses. Elles se sont rapidement constituées en un système avec leur cohérence interne, leur vocabulaire propre marqué par les régularités de prononciation, de règles régulières d'organisations de phrases.16(*) En ce sens, il est possible de dire qu'en dépit du fait que le créole doive beaucoup à d'autres langues, notamment au français, il est régi par sa "cohérence interne" et par ses "règles régulières d'organisation de phrases". * 8 Albert VALDMAN, cité par Marie Léane BOBRUN, Langue, communication et société : obstacles à l'utilisation du créole comme langue officielle d'Haïti après 1987, mémoire de sortie, FASCH-UEH, P-au-P, 2002, p. 31 * 9 Marie Thérèse ARCHER, La créologie haïtienne. Latinité du créole d'Haïti, P-au-P, Le Natal, 1987, p. 7 * 10 Marie-Christine HAZAEL-MASSIEUX, «Théories de la genèse des créoles» dans La linguistique : Les créoles, Paris, PUF, Vol. 41, fascicule 1, 2005, p. 25 * 11 M.T ARCHER, op. Cit. p. 8 * 12 Dialecte du nord de la France * 13 Jules FAINE cité par Sauveur Pierre ETIENNE, Le créole dans la radiodiffusion à Port-au-Prince et son impact sur la population de `Pont-Rouge', P-au-P, mémoire de sortie, FASCH-UEH, 1990, p. 37 * 14 Pradel POMPILUS, La langue française en Haïti, Thèse de doctorat, P-au-P, Fardin, 1981, p. 16 * 15 André Vilaire CHERY, Dictionnaire de l'évolution du vocabulaire français en Haïti dans le discours politique, économique et social du 7 février 1986 à nos jours, P-au-P, Edutex, Tome I, p. 96 * 16 J.-F. DORTIER, Le langage. Nature. Histoire et usage, Paris, Ed. Sciences humaines, 2001, p. 5 |
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