CHAPITRE II
DES COOPERATEURS AUX COMPORTEMEMENTS DE DEFIANCE DES
NORMES INSTITUTIONNELLES
1- Le non- remboursement des prêts à la
cophes
L'objectif avoué et implicite de la cophes en
instaurant les prêts au sein de leur structure était de
répondre aux besoin sociaux de ses adhérents tout en cultivant un
esprit d'assistance mutuelle, de coopération et de dépendance
mutuelle afin d'assurer la pérennité de ladite
coopérative.
Au regard donc des faits significatifs, c'est-à-dire le
non-remboursement de ces prêts, il est donné de mentionner que cet
état de fait apparaît comme une antinomie aux objectifs de
départ de cette structure en octroyant ces prêts à ses
membres ; cela laisse à lire cette situation comme l'existence de
deux logiques différentes : c'est-à-dire la logique des
promoteurs (dirigeants de la coopérative) et les membres ou
bénéficiaires. Car, le phénomène de
non-remboursement des prêts est une réalité partagée
par un certain nombre de personnes à la cophes.
Il n'y qu'a interroger M.D et M .K pour légitimer
l'ampleur de cet état de fait .Ainsi, leurs propos viennent comme des
illustrations de cette réalité en cours au sein de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon. Selon
M.D : « Au sein de notre coopérative, il y a
sincèrement des cas de no- remboursement des prêts ; cela est
déplorable » et M.K de dire « des personnes
mal intentionnées s'adonnent à coeur joie à la pratique du
non-remboursement des prêts, ils ne sont pas du tout gentils, même
à l'église ils ne payent pas souvent leur
dette ».
A la lecture donc de ces propos, l'on mesure aisément
que le non-remboursement des prêts est un phénomène su de
tous les acteurs ou les agents sociaux, c'est-à-dire les membres de la
cophes. Et cela paraît comme un fait communément
dénoncé.
2 - Non-remboursement de prêts et
production d'un autre type de pratique par les membres.
A la cophes, le non-remboursement des prêts est
perçu comme une pratique antinomique au fonctionnement de la
solidarité, ne s'exprime pas seule, car, en réalité elle
engendrera un autre type de comportement chez les membres débiteurs.
De nos enquêtés, nous retenons que lorsque les
membres doivent de l'argent à leur coopérative, ils
déconstruisent autrement leur rapport à leur structure ;
tout en le reconstruisant autrement. En effet, il est apparu de façon
récurrente dans les discours des acteurs sociaux (les membres) que
lorsque les débiteurs s'obstinent à ne pas rembourser les
prêts, ils sont enclins à développer une autre pratique. Et
cette pratique consiste pour les membres débiteurs à livrer
désormais leurs productions de façon clandestine à une
coopérative autre que la cophes, leur coopérative initiale. Et,
ces coopératives auxquelles ces acteurs vendent leurs productions, sont
en général des coopératives éloignées de la
zone de couverture de la coopérative des planteurs de songon. Ainsi, ces
débiteurs redéfinissent leur nouvel itinéraire commercial.
Le faisant, ils sont dans une logique de déconstruction de leur
appartenance ou de leur rapport à la cophes. A la lumière de ce
fait, nous notons comment des acteurs sociaux sont enclin à se
délier de leur groupe d'appartenance pour reconstruire d'autres rapports
fictifs en dehors de leur sphère sociale d'origine.
A la question de savoir pourquoi ces
« débiteurs sociaux » s'adonnent-ils à une
telle pratique alors que la structure à laquelle ils appartiennent n'a
pas encore prononcé la rupture ; nos enquêtés nous ont
révélé dans leur majorité que c'est sans doute pour
échapper au contrôle de la coopérative. Et à cet
effet, les termes suivants paraissent de plus en plus édifiants
sociologiquement. : « Lorsqu'ils savent qu'ils doivent
de l'argent à la coopérative, vous ne les voyez plus livrer
à la coopérative leurs productions ; ils les livrent
clandestinement ailleurs pour ne pas que la coopérative retire r son
dû » Ce comportement élaboré, construit et
alimenté par les coopérateurs de la cophes se lit comme une
stratégie qu'ils ont élaborée de toutes pièces pour
enfreindre aux normes institutionnelles. Car, pour des acteurs sociaux (les
coopérateurs) ayant contracté une dette et qui développent
ainsi des stratégies pour déconstruire les normes de leur champ
social d'appartenance, relève simplement du schéma de l'acteur et
le système. Ici, l'acteur étant les membres débiteurs, les
systèmes étant les normes qui structurent le
fonctionnement ; et le protecteur de ce système est la
coopérative avec à sa hiérarchie les dirigeants. Ainsi,
les membres de la coopérative engagés dans le non-remboursement
des prêts déconstruisent leur rapport à la
coopérative en livrant clandestinement c'est-à-dire à
l'insu de l'ensemble de la coopérative, répond
inéluctablement d'une stratégie développée par ces
agents sociaux pour contourner le système dressé par leur
structure. Cette situation positionne donc les deux entités sociales que
sont la coopérative et les membres débiteurs dans un combat
«idéologique » et « symbolique »
à la fois.
3- De la livraison clandestine des productions
à la démission volontaire des membres
débiteurs
Il est revenu de façon récurrente de notre
enquête du discours des membres de la coopérative ainsi que du
Président de la coopérative que lorsque les membres doivent de
l'argent à la cophes, et que les encaissements sont faits, alors, il est
donné de constater souvent la démission du membre débiteur
de l'entreprise coopérative. En clair, il serait intéressant de
mentionner que la démission des membres débiteurs est leur
dernier recours après la livraison de leurs productions ailleurs. A cet
effet, la plus part des personnes interrogées nous ont ressorti ces
propos : « souvent lorsque quelqu'un doit de l'argent
à la coopérative, et que la cophes l'encaisse
régulièrement, alors soit il paye, après, soit il ne paye
pas et il disparaît de la coopérative »
Sous ce rapport, il y a lieu de remarquer que l'ultime
alternative que mobilisent les débiteurs de la cophes est la
déstructuration de leur rapport à leur structure par son abandon.
Il serait aussi loisible de mentionner que la rupture des coopérateurs
d'avec leur structure n'est pas ouvertement prononcée par le
débiteur, mais cela transparaît tout au moins par son absence
prolongée et sa vie éloignée de l'activité
coopérative.
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