Solidarité et Logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes)( Télécharger le fichier original )par Sédji Donald AKRE Université de Cocody-Abidjan - Maitrise de Sociologie 2007 |
CHAPITRE IIL'ESPACE COOPERATIF COMME LIEU DE REPONSE AU MANQUE SOCIAL DES MEMBRES1- Logique économique Tout acteur social qui intègre un champ est d'abord guidé par un souci de rationalité. Car le mobile essentiel à toute activité humaine est l'intérêt personnel. On voit apparaître un principe affectif voire psychologique qui définit l'unique finalité de l'activité économique, l'homme n'obéit qu'à la raison qui donne corps à la rationalité. Ce postulat renvoie à l'utilisation de la causalité formelle de Descartes, le sujet réfléchit sur ses choix ; ce sujet est universel, l'intérêt personnel et la rationalité, sont des régularités permanentes en tout temps et en tout lieu ; il est parfaitement informé, ayant connaissance des conséquences de toutes les opportunités d'action qui lui sont offertes (Gabriel Gbénou, 2000,72)23(*). Rapportant ce principe à notre contexte, il est important de mentionner que cela tend à se vérifier. Car, les interrogeant sur les raisons de leur adhésion à la cophes, la plupart de nos enquêtés nous ont révélé que c'est pour bénéficier des avantages que procure l'appartenance à un groupe social. Et à ce titre, les propos de M.R se font de plus en plus précis : « En ce qui me concerne, j'ai décidé d'adhérer à la cophes parce qu'étant seul, je souffrais beaucoup pour écouler mes productions, car cela me revenait vraiment cher. Or, lorsqu'on est en groupe, c'est plus facile et très intéressant, car on bénéficie de beaucoup d'avantages ». Ces propos nous donnent de percevoir que même si les coopérateurs sont en quelques sorte de « vrais touristes » dans un champ qu'ils découvrent ou qu'ils comptent découvrir véritablement, ils n'en sont pas moins dépourvus de rationalité. Car, en réalité, le désir d'intégrer le champ coopératif répond à une logique utilitaire ou économique. Les acteurs intègrent ainsi la structure coopérative, espèrent avoir trouvé une stratégie pour souffler économiquement. Etant donc conscients du fait que l'écoulement individualisant des productions nécessite un coût onéreux qu'ils ne sont plus prêts à assumer même si cela relève d'un bien individuel. Ce faisant, les membres de la cophes construisent leur adhésion à l'entreprise par le capital économique. Car, pensent-ils qu'en procédant ainsi, ils pourraient supporter les dépenses du transport car se faisant collectivement. C'est alors à cette condition qu'ils pourront maximiser leur capital économique en minimisant le coût du transport. Les propos de M.R bien que nous révélant la dimension économique guidant l'adhésion des membres à ladite coopérative, nous montrent une autre face cachée de la réalité : La logique symbolique et idéologique. 2 - La logique symbolique et idéologique Adhérer à la cophes, représente beaucoup pour les membres de l'entité coopérative. Car, en réalité, le faisant, ils comptent ainsi trouver une réponse satisfaisante à leur « angoisse sociale », à leur « manque social ». Ce qui veut dire sociologiquement que l'adhésion des membres de la cophes à leur structure a été motivée par ces derniers à trouver en la coopérative un cadre de liens sociaux forts. De ce fait, la structure coopérative apparaît pour les coopérateurs comme un tuteur auprès duquel, ils pourront se sentir en sécurité pas de façon structurelle ou physique ou perceptible empiriquement, mais une sécurité morale, psychologique, idéologique et symbolique à la fois. Cette sécurité elle-même se caractérisant par la capacité pour la coopérative d'apporter assistance de tous ordres à ses membres (assistance financière, matérielle, immatérielle...) Les expériences de M.Y viennent aussi renforcer cet état de fait : « Lorsque tu appartiens à un groupe, en cas de difficulté, ce groupe ne peut pas t'abandonner ; il te vient toujours en aide. C'est la raison pour laquelle j'ai adhéré à la cophes » Ces propos traduisent sociologiquement le fait que les paysans adhèrent à la coopérative plus pour lui en retirer quelque chose qu'en lui en apporter. Ainsi, le besoin d'appartenance à un groupe, le confiage de son sort à un groupe, le besoin d'assistance mutuelle et la quête de la solidarité quelle qu'en soit sa forme (structurelle, idéologique, symbolique) sont ce à quoi les coopérateurs s'attendent en adhérant à cette entreprise. Vu sous cet angle, il est donné de constater aisément que c'est la recherche effrénée de paternalisme qui les amène à la coopérative même si le facteur utilitariste ou économique n'est pas à négliger dans ces circonstances. Cet état de fait place du coup les coopérateurs sous « protectorat » de la coopérative ; ladite coopérative qui, au demeurant devient à part entière l'interlocutrice de ces acteurs sociaux (coopérateurs). Car, les liens sociaux sont des formes qui tiennent l'individu à des groupes sociaux et à la société. Conclusion partielle A travers cette partie de l'analyse des données du terrain, nous avons tenté d'appréhender une vision globalisante des représentations sociales associées par les coopérateurs au phénomène coopératif voire de la coopération. Ainsi, par l'entremise de ces représentations, nous avons pu avoir une orientation de ce qui motive leur adhésion, leur entrée dans ce champ social qu'est la coopérative (cophes). SECTION 2 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AUX PRETS SOCIAUX OCTROYES PAR LA COPHESCette deuxième partie de l'analyse et l'interprétation des données sera elle aussi consacrée comme la première à l'analyse des représentations que les acteurs sociaux, c'est-à-dire les membres de la cophes ont, ou se font du système de prêts instauré au sein de la dite coopérative ; Ces prêts qui dans leur forme sont la manifestation de la solidarité structurelle. Evaluer les représentations sociales associées aux prêts octroyés sera d'une grande importance dans la mesure où elle nous permettra de saisir à travers ces représentations, comment le rapport à la coopérative est construit socialement. * 23 Gbénou Gabriel,Le revenu paysan entre la logique sociale et la raison utilitaire,thèse de doctorat en sociologie, Université Laval,2000. |
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