conclusion
Au terme de cette étude, il est important de
préciser que notre prétention n'a pas été
d'épuiser la question des marges d'autonomie des acteurs à la
base dans le cadre des interventions des ONG. A la vérité nous
pensons n'avoir qu'esquissé des pistes de réflexion qui pourront
faire l'objet d'études plus poussées.
L'importance sans cesse grandissante des ONG dans le
système international de l'aide au développement s'est surtout
justifiée par les approches et méthodes que celles-ci ont mis en
avant dès leur apparition ; approches et méthodes se
réclamant des théories de l'auto développement.
L'objectif de cette étude était justement de
nous interroger non seulement sur la nature réelle des rapports que ces
structures entretiennent avec les populations à la base, mais aussi et
surtout, sur la conformité de ceux-ci avec la dimension endogène
et/ou humaine du développement.
Pour cela nous sommes partis d'une démarche empirique
reposant sur deux piliers méthodologiques que sont la recherche
documentaire et les enquêtes de terrain. Les données
collectées nous ont permis d'une part d'analyser dans le détail
le profil des ONG concernées par l'enquête (nature, valeur, moyens
...), puis d'analyser la nature, la forme et l'intensité (ou la
portée) de la participation des différentes catégories
d'acteurs gravitant autour des interventions du GADEC et de DIAPANTE pour finir
par nous prononcer sur les marges d'autonomie dont jouissent effectivement les
acteurs à la base dans les interventions de ces ONG. Sur chacun de ces
points nous pouvons retenir en guise de conclusion :
1. concernant le profil des
ONG : a l'exception de leurs méthodes
respectives et de leurs statuts, les ONG GADEC et DIAPANTE ont un profil
similaire qui repose sur des valeurs partagées, des stratégies ou
domaines d'intervention similaires et une philosophie commune.
2. concernant la participation des
différentes catégories d'acteurs aux projets ou
programmes du GADEC et de DIAPANTE : nous l'avons
analysé aux phases d'élaboration des documents de projets,
d'exécution ou de mise en oeuvre et de suivi/évaluation.
· L'élaboration des documents de projets ou
programmes : Il ressort des résultats de l'étude
qu'autant à l'étape d'identification/priorisation qu'à
l'étape de planification, les populations sont effectivement et
volontairement associées par les ONG GADEC et DIAPANTE. Là ou le
bât blesse cependant, c'est qu'en terme de pouvoir de décision les
choses ne sont pas tout à fait les mêmes à l'étape
d'identification/priorisation qu'à l'étape de planification.
Lorsqu'il ne s'agit que d'identifier et de prioriser des besoins, les ONG GADEC
et DIAPANTE sont effectivement promptes à conférer aux
populations de réels pouvoirs de décision puisque
déterminants dans le processus. Mais dès lors qu'il s'agit de
planifier, les modalités de participation de ces dernières ne
sont plus tout à fait les mêmes dans la mesure où elles
(les populations) ne jouissent plus que d'un pouvoir de décision qui
n'est déterminant que « dans certaines limites ».
· L'exécution des projets ou
programmes : dans la plupart des projets et programmes mis en oeuvre
par le GADEC et DIAPANTE, les populations participent effectivement à
l'exécution dans la mesure où elles sont dans la plupart des cas
les principaux exécutants. Parfois même cet investissement humain
ou physique s'accompagne d'un investissement financier ou monétaire.
Au-delà de ces modalités de participation cependant,
l'idée même de participation est biaisée à cette
étape du projet ou programme dans la mesure où ces mêmes
populations sont à la vérité absentes des
véritables sphères de décision. Autrement dit bien
qu'elles soient les premiers exécutants, elles n'en demeurent pas moins
écartées de la gestion et de l'organisation du projet ou
programme (elles ne décident par exemple pas des décaissements).
· Le suivi/évaluation : les
populations y sont effectivement associées mais elles n'y disposent d'un
pouvoir de décision qui n'est déterminant que « dans
certaines limites ».
3. concernant les marges d'autonomie : elles
comprennent les marges d'initiative et les marges de manoeuvre
· Les marges d'initiative, au terme de cette
étude l'appréciation que nous pouvons faire des marges
d'initiative dont jouissent les acteurs à la base dans le cadre des
interventions du GADEC et de DIAPANTE, est une appréciation
mitigée. Il faut comprendre que sur les deux indicateurs principaux que
nous avions eu à dégager concernant les marges d'initiative (auto
analyse et auto programmation) on s'est rendu compte que si le premier est
effectif et suffisamment appréciable ; le second par contre reste
effectif mais néanmoins limité dans le sens où le pouvoir
de décision dont les populations y jouissent est un pouvoir de
décision qui n'est déterminant que dans certaines limites.
· Les marges de manoeuvre, sur cet aspect par
contre notre appréciation peut être catégorique dans la
mesure où sur les deux indicateurs identifiés (auto organisation
et auto évaluation) les résultats des enquêtes ont
révélé que même si les populations sont
appelées à participer ; cette participation reste de
façade en ce sens où les pouvoirs de décision dont elles y
disposent ne sont déterminants que « dans certaines
limites ». Autrement dit, même si elles sont associées
l'auto organisation et l'auto évaluation quant à elles restent
quasi nulles puisque ce ne sont pas elles qui au fond prennent les
décisions.
En définitive, cette étude nous aura permis de
nous rendre compte que même si les ONG GADEC et DIAPANTE se font les
portes drapeaux des théories de l'auto développement, ce qu'il
est possible de retrouver au travers de leur rhétorique ainsi qu'au
travers de leurs méthodes respectives, le fait reste qu'à
l'épreuve de la réalité (terrain) toute cette
rhétorique et toutes ces professions de foi restent vaines du simple
fait que ces ONG ne parviennent pas à échapper à des
pesanteurs qui le plus souvent ont pour nom les bailleurs. L'autonomie et
l'indépendance vis-à-vis de leurs partenaires financiers
étant de moins en moins facile, les ONG GADEC et DIAPANTE en arrivent
par «excès de professionnalisme» à négliger les
marges d'autonomie des acteurs à la base .
Cela ne veut aucunement dire que les populations ne sont pas
associées aux protocoles d'intervention. Mais, le plus important
étant de les responsabiliser et de les écouter, l'étude
révèle que les ONG GADEC et DIAPANTE en arrivent très
souvent à limiter très largement leurs marges d'initiative et de
manoeuvre dans le sens où, sur les trois (3) étapes phares des
procédures d'intervention elles (les populations) ne disposent presque
jamais de réels pouvoirs de décision. A part l'auto
analyse ; ni l'auto organisation, ni l'auto évaluation ne sont d'un
niveau suffisamment appréciable pour garantir l'émergence d'une
réelle dynamique d'auto prise en charge des questions de
développement local par les populations elles mêmes. C'est dire
que même s'il est bien de faire participer tout comme il est bien de
recueillir des avis ; le plus important reste au-delà de tout
d'écouter et surtout de faire confiance.
Pour nous, le projet quel qu'il soit et quelque puisse
être ses bailleurs doit être dans son fond comme dans sa forme non
seulement une initiative des populations mais aussi, et surtout, une
possibilité de manoeuvre pour ces dernières. Que ce soit pour
l'identification/priorisation, la planification des activités, la mise
en oeuvre (exécution) ou tout simplement le suivi/évaluation les
populations doivent être les décideurs centraux. Ceux là
qui après toutes les consultations d'usage seront ceux que l'on
écoutera le plus et à qui l'on fera surtout, le plus confiance.
De tous les avis recueillis les leurs doivent, à notre sens, être
impérativement celles qui comptent le plus et qui pèsent plus
lourd sur la balance parce que le développement endogène tel
qu'il doit être pour satisfaire aux exigences de durabilité et de
pérennité nécessite cela.
Formulons, pour clore, quelques recommandations que nous ont
suggérées les résultats de nos enquêtes :
1. Vu que les moyens de créer un certain
détachement vis-à-vis des cadres juridico institutionnels et
financiers (bailleurs) sont largement limités pour les ONG, des
stratégies comme le forum des partenaires du GADEC sont de notre point
de vue à encourager et à vulgariser. Il s'agira d'établir
et de conforter des cadres de concertation permanents avec l'ensemble des
partenaires en vue de promouvoir des formes de collaborations
sincères et respectueuses de la philosophie et des options de l'ONG. Il
faut de plus en plus que les ONG aillent au-delà des discours et quelles
cherchent, à travers une plus large concertation avec les bailleurs et
autres partenaires, à faire comprendre qu'il leur faut plus de
liberté pour que les exigences de participation à la base soit
efficacement satisfaites,
2. En appoint à cela, il nous parait également
opportun que ces organisations pensent de plus en plus à
développer des stratégies de collecte de fonds et de plaidoyer
(en un mot de véritables plans de communication) adaptés à
la société de l'information que nous vivons, et à
renforcer leurs politiques d'auto financement en les rendant
économiquement plus efficaces et socialement plus durables. Pour cela
il faut par exemple, susciter (encourager) les vocations messianiques à
travers des campagnes de sensibilisation et de communication de masse. Tout
cela doit se faire tout en prenant garde de ne pas tomber dans le piège
de la perversion c'est-à-dire finir par devenir autre chose que des
organisations à buts non lucratifs,
3. Les populations elles aussi ont de plus en plus
intérêt à prendre en compte les exigences de
professionnalisme. Ce que nous voulons dire c'est qu'au moins les associations
à la base doivent de plus en plus relever leur niveau d'aptitude, il
leur faut de plus en plus tendre vers un renforcement de leurs capacités
de participer valablement aux projets et programmes qui les concernent. En cela
nous pensons que le système de coopération au
développement doit de plus en plus axer le financement sur des modules
de formation ayant trait à la planification, au montage de projet,
à l'évaluation et au suivi de projets et programmes de
développement......
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