L'influence des politiques d'Etat sur l'expansion de l'habitat individuel( Télécharger le fichier original )par Marie-Paule Crochemore Ecole Nationale Superieur d'Architecture de Paris-Malaquais - Architecte Diplomée d'Etat 2008 |
INFLUENCE DES POLITIQUES D'ETAT SUR L'EXPANSION DE L'HABITAT INDIVIDUEL Mémoire dans le cadre du séminaire « Urbanisation du monde » dirigé par Jean Attali Marie-Paule Crochemore - 10/01/2008 SOMMAIRE INTRODUCTION I/ LES ORIGINES DU PAVILLONNAIRE D'AUJOURD'HUI A. LES PRÉMICES : MAISONS OUVRIÈRES 1. Origine 2. Formes urbaines B. DE LA LOI RIBOT À LA LOI LOUCHEUR 1. Les prémices de la loi Loucheur 2. La loi loucheur 3. Formes urbaines II/ ABANDON DES GRANDS ENSEMBLES ET NOUVELLE POLITIQUE PAVILLONNAIRE A. RÉNOVATION DES LOTISSEMENTS ANCIENS ET RÉGLEMENTATION DES LOTISSEMENTS. B. LA LOI D'ORIENTATION FONCIÈRE 1. Organiser les extensions de ville 2. Participation budgétaire pour l'extension des voies urbaines rapides. 3. Réforme du permis de construire 4. La création des ZAC C. VILLAGES-EXPO ET CONCOURS DE MAISONS INDIVIDUELLES 1. Villages-expo 2. Les « chalandonnettes » 3. Formes urbaines D. LA LOI BOSHER ET LES VILLES NOUVELLES. 1. La loi Bosher 2. Formes urbaines E. LA LOI DE DECENTRALISATION 1. La loi de décentralisation de 1983 2. Conséquences III/ VERS UN DÉVELOPPEMENT SOUTENABLE A. SENSIBILISATION AUX PROBLÈMES D'UNE URBANISATION DÉRAISONNÉE 1. Vers une vision plus globale du territoire 2. Vers une restriction de l'utilisation de l'espace B. LE PARADOXE DE LA LOI BORLOO 1. Autour de la maison à 100 000 euros 2. Le paradoxe 3. Formes urbaines C. VERS DES ÉLÉMENTS DE SOLUTION 1. Le grenelle de l'environnement 2. Etude de l'ADEME 3. Exemples de mesures qui pourraient s'appliquer à la législation française. CONCLUSION ANNEXES Historique des Politiques d'Etat en matière d'urbanisme Glossaire Bibliographie IntroductionLes villes ont de tout temps subi de nombreuses transformations, souvent inspirées par des courants idéologiques, depuis la Renaissance jusqu'aux préoccupations patrimoniales actuelles en passant par l'urbanisme scientifique du dix-neuvième siècle et la ville fonctionnaliste du vingtième. Depuis les années soixante, apparaissent de nouvelles formes d'urbanisation, marquées notamment par un étalement résidentiel toujours croissant. Ainsi, la densité urbaine a été divisée par deux pour une étendue multipliée par quatre ou cinq1(*). Cette tendance résulte, entre autre, de l'exode des classes moyennes vers les zones résidentielles éloignées des villes dans un souci d'amélioration de leur cadre de vie et dans un but d'ascension sociale ou bien encore en réaction à la hausse des prix de l'immobilier dans le centre des grandes villes. La première conséquence, majeure en matière d'urbanisme, c'est ce que David Mangin appelle l'«hyperspécialisation des centres-villes historiques »2(*), ceux-ci tendent en effet à se vider de leur population pour accueillir des sièges sociaux, banques, boutiques de luxe et appartements de haut standing. Cela conduit à une spécialisation touristique des centres historiques et à un embourgeoisement des quartiers autrefois populaires dans les grandes villes, comme le quartier de Belleville à Paris ou certains quartiers de Budapest et de Venise notamment. Les pressions foncières déjà fortes dans les grandes villes s'accentuent et contribuent à cette spécification induisant une nouvelle flambée de l'immobilier, celle-ci induisant elle-même un nouvel exode vers les campagnes. Nous entrons dans un engrenage dont il semble difficile de sortir. Les autres conséquences, notamment sur le plan écologique et territorial de ce nouvel attrait pour les campagnes, sont nombreuses et semblent souvent irrémédiables. Il est alors difficile de comprendre que cet étalement, malgré une prise de conscience écologique de plus en plus forte, continue à s'accentuer et donc à aggraver la situation. Ainsi on tentera d'expliquer les causes de ce mouvement, loin d'être spécifique à la France. En effet, iI se développe parallèlement autant en Europe occidentale qu'aux Etats-Unis où il a été initié. Tout d'abord, un essai de définition s'impose. De nombreux auteurs se sont attachés à décrire ce phénomène en fonction de leur spécialisation professionnelle (géographes, urbanistes, architectes, sociologues...) Les termes le définissant affluent donc. Du « sub-urbanisme » de Sébastien Marot jusqu'à la ville de « l'entre soi » de David Mangin, en passant par bien d'autres termes comme « mitage », « rurbanisation », « périurbanisation », « ville diffuse », « ville éparpillée », « suburbia », « exurbia », « exopolis », « edge-cities », « boomburbs », « new burbs », « superburbs », de nombreux néologismes ont vu le jour et expriment la complexité de l'objet en question. Cependant la définition du « périurbain » de Jacques Lévy et Michel Lussault3(*) semble bien cerner le phénomène: « Géotype urbain situé à une certaine distance d'une agglomération, caractérisé par une discontinuité territoriale vis-à-vis de cette agglomération ainsi que par une densité et une diversité faibles ». Ainsi, malgré les nombreux termes qui le définissent, ce fait est principalement caractérisé par un tissu lâche, homogène mais discontinu, par une faible densité, un usage unique et une relation de dépendance à la grande ville la plus proche et non au village dont ces « lotissements » constituent le plus souvent l'extension. Si dans le milieu de l'urbanisme, la tendance actuelle est de juger négativement cet étalement, il en est rarement de même chez les autorités politiques locales ou nationales qui continuent de favoriser un habitat individuel consommateur d'espace. Cette étude se propose donc d'examiner les origines de l'expansion de l'habitat pavillonnaire à travers les politiques d'Etat du début du XXème siècle jusqu'à nos jours et de montrer l'impact que ces dernières ont pu avoir sur la promotion du modèle d'habitat individuel. Nous prendrons comme point de départ le vote de la loi Loucheur en 1928. En effet cette loi est considérée comme la plus productrice de pavillons de 1857 à 19574(*). Cependant, ce mode d'urbanisation trouve ces sources bien plus tôt : les débats sur ce thème commencent vers 1850 et la première loi en faveur de la maison unifamiliale, initiée par Jules Siegfried, date de 1894. Plus tard, les lois Strauss et Ribot renforceront encore ce type d'habitat en engendrant un mouvement centrifuge des populations vers l'extérieur des villes. Si l'on remonte encore dans le temps, il est intéressant de constater que déjà sous Henri IV, un avertissement contre le déplacement des classes moyennes vers les faubourgs avait été lancé par François Miron5(*), dénonçant la ségrégation entre quartiers pauvres et riches comme potentielle source de pression sur le pouvoir. Il convient cependant de différencier cet habitat pavillonnaire ouvrier qui naît vers 1830, année où André Koechlin fait construire les premières maisonnettes ouvrières, de celui d'aujourd'hui. En effet, l'habitat pavillonnaire des années 1930 trouve sa raison d'exister dans le fait que ces maisons sont construites et attribuées par une entreprise permettant à ses ouvriers d'être logés à proximité de leur lieu de travail. Il se différencie également par une ampleur très nettement inférieure à celle que prennent aujourd'hui nos « lotissements ». Plus tard, après une période de construction de grands ensembles destinés à résorber le manque de logements dû aux destructions de la seconde guerre mondiale, une nouvelle politique de logement pavillonnaire est initiée par les Ministres au Logement successifs en réaction au mouvement moderne, notamment conduit par Le Corbusier, tendant au développement du logement collectif. Enfin, cette étude prendra en compte la sensibilisation actuelle pour un développement plus soutenable, notamment en matière d'urbanisme, afin de comprendre les évolutions du modèle ces dernières années. * 1 Vincent Fouchier, « Agir sur les densités : pourquoi, comment ? » Les débats sur la ville 2, Confluences, 1999, p.45 * 2 David Mangin, La ville franchisée. Formes et structures de la ville contemporaine, Editions de la Villette, Paris, 2004, p.160. * 3 Lévy J. et Lussault M., Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Belin, Paris, 2003. * 4 INSEE, « Evolution des conditions de logement en France depuis 100 ans » Etudes et conjonctures n°10-11, 1957 * 5 Marie-Geneviève Dezès, La politique du pavillonnaire, L'Harmattan, 2001 |
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