Contribution à l'amélioration de la coopération décentralisée Sud-Sud au Bénin( Télécharger le fichier original )par Guylain-Junior NDOUBENOUE Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - premier cycle de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM) Bac+3 2009 |
CHAPITRE PREMIER :GENERALITES SUR LA COOPERATION DECENTRALISEE ET COLLECTE DES DONNEES Les généralités sur la coopération décentralisée (section I) et la collecte des données ainsi que leur présentation (section II) feront l'objet de ce chapitre. Section 1 : Historique et clarification conceptuelle, cadre juridique et institutionnel Nous ne pourrons étudier la coopération décentralisée sans en faire préalablement l'historique et la clarification conceptuelle (paragraphe 1) et sans aborder son cadre juridique et institutionnel (paragraphe 2). Paragraphe1 : Historique et clarification conceptuelleAprès l'historique de la coopération décentralisée (A), nous ferons une clarification de ce concept (B). A - Historique de la coopération décentralisée Le terme « coopération décentralisée » est apparu au cours des années 80 dans le cadre de différentes politiques nationales de coopération au développement. Ce concept trouve notamment son origine dans la remise en question des schémas classiques de la coopération au développement appliqués depuis la fin des années 50. A la suite des processus de décolonisation en Afrique et le lancement des politiques de coopération au développement, l'aide aux pays du Sud a en effet été essentiellement canalisée par les gouvernements des pays bénéficiaires et mise en oeuvre par leurs administrations dans le cadre de projets bénéficiant le plus souvent d'assistance technique expatriée. Quoique la tendance actuelle semble être de canaliser une part de plus en plus importante de l'aide au développement vers des collectivités locales, il est plus que probable que l'on assiste, à un rééquilibrage des politiques de coopération, de manière à permettre aux Etats d'assumer un rôle nouveau, et notamment, de garantir un environnement institutionnel et un cadre favorable à la conjonction des efforts des collectivités locales et de l'Etat pour le développement. Alors la coopération décentralisée devrait être considérée comme un processus structurel et progressif de changement des manières traditionnelles de mise en oeuvre de la coopération au développement.
Dans la conception française, pour qu'il y ait coopération décentralisée, les deux partenaires doivent avoir une assise locale. L'organisation territoriale étant différente selon les pays, il importe que le partenaire ait une compétence définie sur un territoire donné, et une capacité à contracter. Il ne peut donc avoir de coopération décentralisée sans participation d'une collectivité administrative territoriale. Contrairement à la conception française, les pratiques helvétique et anglo-saxonne de la coopération décentralisée incluent aussi bien les collectivités territoriales que les ONG. Ces organisations sont d'ailleurs privilégiées, car, elles sont plus expressives de la volonté des populations. L'essor de la coopération décentralisée en Allemagne s'est appuyé sur le principe d'autonomie communale garanti par la loi fondamentale de 1949. L'action extérieure des LÄNDER est explicitement autorisée par la même loi en son article 32. En Afrique, le phénomène se manifeste de façon diverse. Au Mali et au Burkina-Faso, la coopération décentralisée est, pour paraphraser Franck PETITEVILLE3(*), l'un des effets induits de la décentralisation. Au Sénégal, la loi portant code de l'administration communale confère au conseil élu la possibilité de se tourner vers les communes partenaires du Nord pour nouer et développer avec elles des relations de coopération allant de l'appui institutionnel au financement de projets. Le cas du Bénin s'apparente quelque peu à ce schéma avec des nuances proprement nationales.
Les anciennes autorités administratives locales étaient confrontées à l'équation première du sous développement : la rareté des ressources face à l'immensité des besoins. Dans la recherche de concours extérieurs, certaines autorités locales n'ont pas hésité à engager leurs circonscriptions administratives dans la coopération décentralisée. Plusieurs exemples (Djougou au Bénin et Evreux en France en 1989 ; Ifangni au Bénin et la région de Martigny en Suisse en 2004 etc.) illustrent aujourd'hui le développement des liens d'échanges entre ces différentes localités. Les relations entre les collectivités locales béninoises et leurs partenaires étrangers ont, à une période donnée, évolué dans une espèce « d'informel juridique et institutionnel ». Ces autorités s'adressent quelques fois à des organismes spécialisés, telles Cités Unies France, pour les aider à identifier un partenaire à l'étranger. L'Etat a pour sa part, mis en place des structures intervenant en la matière ; mais elles sont confrontées à d'énormes difficultés.
L'espoir des pays du tiers-monde après l'échec des politiques de développement menées par les pouvoirs centraux réside dans l'aide au développement (bilatéral et multilatéral). L'Etat est au centre de la gestion de cette aide. La mauvaise gestion de ces aides montre à quel degré se situe la pauvreté des populations locales et les inégalités sociales existantes. En ces temps de désengagement progressif des pays du Nord, il s'agit plus d'un problème de survie pure et simple des collectivités locales qui ont été mises à l'écart par l'Etat dans sa mauvaise gestion des aides octroyées par les partenaires au développement dans un contexte où l'économie mondiale, dans son ensemble, traverse des périodes de crise du fait de la mondialisation des économies nationales, qui est le résultat d'une libéralisation accrue. La mondialisation d'aujourd'hui a une portée telle que les pays en développement et leurs entreprises n'y échappent pas. Les pays pauvres ont absolument intérêt à éviter d'être marginalisés par rapport aux grands acteurs du nouvel ordre mondial. Pour éviter ce scénario, ces pays ont opté pour la poussée de la coopération Sud-Sud, c'est-à-dire le partenariat entre les pays pauvres. En l'état actuel des choses, de nombreux pays du Sud transfèrent des compétences aux collectivités territoriales par des politiques de décentralisation. Alors le thème du développement économique et local s'impose comme pertinent. De ce point de vue, les autorités locales devront s'investir dans le domaine de l'économie et de l'emploi et à en faire une priorité dans leur programme de développement local. Les moyens des collectivités locales ne sont apparemment pas proportionnels aux efforts qu'elles devraient consentir pour que leur intervention ait un impact sensible sur le développement et l'emploi. Les modes d'intervention eux-mêmes sont difficiles à imaginer dans un schéma où les Etats, mieux pourvus en moyens financiers et humains, ont échoué. C'est pourquoi, ces dernières décennies ont été marquées par des mouvements qui prônent le renforcement de la coopération entre les pays du Sud. La nouvelle formule de coopération internationale consiste pour les pays du Sud à laisser leurs collectivités locales exercer des compétences internationales au sens juridique du terme, dans toutes les dimensions du développement économique, culturel et social, dans leur relation avec les collectivités locales tant du Nord que du Sud : c'est la coopération décentralisée. Etant donné que ces dernières décennies ont été caractérisées par une régression sensible de l'aide au développement émanant des pays du Nord, les collectivités locales du Sud doivent diversifier leur coopération en se tournant vers les pays du Sud. Vue sous cet angle, la coopération décentralisée Sud-Sud qui doit se faire entre les collectivités territoriales des pays de l'hémisphère sud, c'est-à-dire des pays en développement, permettra sans doute de renforcer les capacités locales de conception à la réalisation des infrastructures sociocommunautaires et d'accroître les ressources en vue du développement à la base. Selon le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires Economiques et Sociales, SHA ZUKANG, la coopération Sud-Sud constitue une partie importante de la coopération internationale. La coopération Sud-Sud signifie que « les pays pauvres aident les pays pauvres » et revêt une grande importance pour accélérer le développement de nombreux pays en voie de développement, a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse organisée après sa participation à un symposium destiné à préparer le premier Forum de coopération de développement de juillet 2008 à New York4(*). Par la résolution 58/220 du 23 décembre 2003, l'assemblée générale des Nations Unies a décidé de proclamer la date du 19 décembre de chaque année Journée des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud. Ce jour a été la date à laquelle l'Assemblée a adopté le plan d'action de Buenos Aires5(*) pour la promotion et la mise en oeuvre de la coopération technique entre les pays en développement. L'assemblée générale a demandé à tous les organismes compétents des Nations Unies et aux institutions multilatérales de redoubler d'efforts en vue d'intégrer effectivement la coopération Sud-Sud dans la conception, l'élaboration et l'exécution de leurs programmes ordinaires et, d'envisager l'accroissement des ressources humaines, techniques et financières allouées aux initiatives relatives à la coopération Sud-Sud. B- Clarification conceptuelle Ø Définition de la coopération décentralisée Pour définir la coopération décentralisée, il faut d'abord cerner le contour de la coopération et la décentralisation. La coopération est définie comme une politique d'entente, d'échanges et de mise en commun des activités culturelles, économiques, politiques ou scientifiques, entre Etats de niveaux de développement comparables ou inégaux. La coopération suppose un accord de volontés et la reconnaissance d'intérêts communs dans différents domaines. A titre d'exemples, la République du Bénin et la République Française n'ont pas le même niveau de développement, mais elles signent souvent des accords de coopération. De même, la République du Bénin et celle du Niger ont un niveau de développement comparable. Elles peuvent se mettre ensemble pour fonder Organisation commune. La décentralisation est un mode d'organisation administrative selon lequel l'Etat, personne morale de droit public, crée, en dessous de lui, d'autres personnes morales de droit public auxquelles il transfère des pouvoirs de décision dans des domaines fixés par la loi. Pour que ces entités soient de véritables collectivités territoriales décentralisées il faut qu'elles remplissent trois conditions. Elles doivent : être dotées de la personnalité juridique ; jouir de l'autonomie financière ; être gérées par des conseils élus auxquels un minimum de contrôle de l'Etat sur leurs actes est nécessaire. Donc, la coopération décentralisée est un néologisme résultant du greffage de la notion classique de coopération et de celle moderne de décentralisation en vue de rendre compte de l'évolution récente et importante des relations internationales. Ø L'approche béninoise de la coopération décentralisée Au regard de la loi n°98-007 du 15 janvier 1999, portant régime financier des communes en République du Bénin, la coopération décentralisée apparaît soit comme la relation des collectivités territoriales entre elles, soient comme celle d'une ou de plusieurs collectivités territoriales avec un ou plusieurs autres partenaires de statut juridique différent. Selon l'article 57, la coopération décentralisée englobe : la coopération d'une ou de plusieurs communes béninoises avec des Organisations non gouvernementales (ONG) nationales ou étrangères ; les relations de coopération avec des organisations internationales de villes mentionnées à l'article 178 de la loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin. En résumé la coopération décentralisée n'est donc pas une coopération d'Etat à Etat mais une relation de coopération se présentant sous la forme d'accords de partenariat entre au moins une collectivité locale béninoise et d'autres partenaires qui participent à des programmes d'échanges et oeuvrent ensemble à l'amélioration des conditions socio-économiques des populations. Aujourd'hui, le droit béninois donne une définition spécifique de la coopération décentralisée. Le décret 2005-764 du 09 décembre 2005 définit la coopération décentralisée comme « Une relation de coopération qui lie une collectivité locale décentralisée ou un groupement de collectivités locales béninoises à un partenaire étranger doté de la personnalité morale ». Cette définition indique que les sujets de la coopération décentralisée peuvent être une collectivité locale, une organisation internationale ou une association internationale de ville. L'Etat est avant tout le garant de la légalité des actions menées par les collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée. La loi lui confie en effet le soin de veiller au respect par les collectivités territoriales des engagements internationaux du Bénin et fixe l'ordonnancement général des compétences locales dans le cadre de la décentralisation. En revanche, les structures impliquées dans la coopération décentralisée sont des outils privilégiés, des instruments mis en place par l'Etat pour donner vie à cette nouvelle manière de faire dans les relations de ces nouveaux sujets de droit interne. Dans cette vision, l'Etat accompagne, coordonne et instruit les actions de ces démembrements pour le décollage de leurs initiatives. En un mot, les structures de l'Etat constituent le maillon de la chaîne en général. Paragraphe 2 : cadre juridique et institutionnel de la coopération décentralisée Dans ce paragraphe, le cadre juridique de la coopération décentralisée (A) précédera au cadre institutionnel (B). A. Cadre juridique ?La Constitution du 11 décembre 1990 La conférence des forces vives de la nation de février 1990 a rendu possible un renouveau démocratique. En vue d'approfondir et de consolider le processus de démocratisation à la base, la constitution du 11 décembre 1990 a consacré son titre X aux collectivités territoriales. L'article 151 dispose que : « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ». Dans cette idée, l'Etat veillera au développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales sur la base de la solidarité nationale, de l'équilibre interrégional et de la valorisation des potentialités régionales. ?Les lois de décentralisation Il existe cinq (05) lois qui constituent le cadre législatif de la décentralisation au Bénin. Au nombre de ces lois, deux (02) touchent particulièrement à la coopération décentralisée : la loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin en son titre VII ; la loi n°98-007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du Bénin en son chapitre VI. Ces différentes dispositions traduisent les principes essentiels de la coopération décentralisée au Bénin. ?Les principes de base de la coopération décentralisée au Bénin Ces principes découlent à la fois des textes juridiques (constitution et Lois) et des principes généraux du droit en matière constitutionnelle et administrative. Le Bénin est un Etat unitaire avec une administration territoriale décentralisée. Ce qui implique que la coopération décentralisée doit s'organiser dans le strict respect des principes ci-après : le principe de souveraineté de l'Etat qui recommande que les collectivités territoriales ne portent atteinte ni à l'indivisibilité de l'Etat, ni à la souveraineté nationale. En conséquence, les collectivités territoriales tout en jouissant de leur droit de passer des conventions internationales doivent respecter les engagements internationaux du Bénin puisqu'ils ne sont pas des sujets du droit international, prérogative exclusive de l'Etat. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales par le conseil élu, c'est une conséquence de la personnalité juridique reconnue aux collectivités territoriales par la loi et qui implique pour celles-ci, la détermination d'affaires propres et de ressources propres. Le principe de l'harmonisation par l'Etat du développement de l'ensemble des collectivités locales. Dans ce cadre, l'Etat veillera à une harmonie dans le décollage des collectivités locales. La bonne politique d'harmonie consiste pour l'Etat à apporter un concours financier aux collectivités locales. Par ailleurs, les nombreux ateliers organisés sous l'égide du MDGLAAT, du MEIAFBE et du MEF ont permis aux communes de trouver un cadre institutionnel d'échange et de confrontation de leurs pratiques. B. Cadre institutionnel Sur le plan institutionnel, certaines structures ou organismes nationaux interviennent dans la coopération décentralisée. Parmi eux, on peut citer les structures de l'Etat comme le MDGLAAT, le MAEIAFBE, la CNCD, les organismes de la société civile et des Institutions Internationales. L'Etat doit jouer un rôle d'assistance conseil aux communes à travers l'autorité du préfet. A cet effet, dans le contexte spécifique de la coopération décentralisée, trois (03) ministères interviennent dans ce processus. Il s'agit du MDGLAAT, du MAEIAFBE, et du MEF. Quant à la CNCD, il est prévu des éléments fondamentaux d'une stratégie cohérente de coopération décentralisée, qui doit répondre aux besoins de coordination, de cohésion et de cohérence des actions de la coopération décentralisée. * 3 Un Français, Docteur en science politique, auteur de plusieurs ouvrages en coopération décentralisée. * 4 www.lefaso.net * 5 Capitale de l'Argentine |
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