Poids de l'inflation sur les principaux parametres explicatifs de la production nationale( Télécharger le fichier original )par Henry Yverno Faculté de Droit et des Sciences Economiques - Licence 2002 |
II.2) Analyse des principaux déterminants de la production nationaleII.2.1) Consommation Cet indicateur regroupe la consommation marchande des ménages et celles dites non marchandes des institutions sans but lucratif et des administrations publiques. Son évolution est non stationnaire pour la période d'étude. En effet, la consommation globale passe de 4101 MG (Million de gourdes) en 1976 à 5403 millions de gourdes en 1980, soit un taux moyen de croissance de 7.15% l'an. Une nette diminution a été constatée à partir de 1981 à 1985 en passant de 5353 à 4915 MG avec un taux de croissance de - 8.7% l'an. De 1986 à 1993, la consommation globale a chuté à un niveau moyen de 0.4% l'an. Une légère reprise s'est effectuée en 1994 grâce au retour à l'ordre constitutionnel et à la levée de l'embargo. Ce qui a permis à la consommation globale de croître à un taux moyen de 4.8% l'an jusqu'à l'année 2000. Cependant, les bouleversements politiques qui qu'a connu le pays à partir des années 2000 ont causé la régression de la consommation globale à un rythme de 1.1% l'an en moyenne. Dans l'ensemble, la consommation globale a connu une croissance mitigée au cours de la période allant de 1976 à 2004 accusant un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 1.9%. Les chiffrent du tableau suivant témoignent de cette évolution. De plus, la part des importations dans la consommation globale a augmenté considérablement et représentait 75.62% au cours de l'année 2004 contre 34.86% en 1976. Ce qui représente une augmentation de 40.76% pendant 29 ans. Cette situation signifie que des produits qui, dans le temps, pouvaient nourrir la population haïtienne et dégager des marges supplémentaires pour l'exportation, est passée dans la catégorie des biens d'importation. Donc, nourrir sa population de sa propre production demeure un défi pour Haïti. Et que faire ? La réponse est simple, il s'agit de pourvoir à l'autosuffisance alimentaire de la population. Nous abordons dans le point suivant l'évolution de l'investissement global. II.2.2) Investissement L'Investissement est un facteur indispensable à la croissance et au développement économiques. Il marche en parfaite relation avec un climat de paix et de certitude politique. En d'autres termes, la stabilité politique et la bonne infrastructure moderne représentent deux outils indispensables à l'investissement. En Haïti, pendant 24 ans, l'instabilité politique et le manque d'infrastructures constitue deux inconvénients majeurs à l'expansion de l'économie nationale. Ainsi, l'Investissement en Haïti au cours de l'année 2004, estimé en millions de gourdes de 1975-1976, s'élevait à 923.7 contre 941MG en 1981, affichant pour ainsi dire une baisse de 0.14% l'an. Durant cette période, il a évolué tantôt à la hausse tantôt à la baisse dépendamment de la conjoncture. En effet, le niveau d'accroissement annuel de l'investissement était de 5.3% en 1985 contre -6.8% en 1982. Il était de -8.4% en 1986 contre 11.55% en 1985. En moyenne, l'investissement a régressé de 18.2% au cours des années de vives crises politiques et économiques (1991-1994) et a atteint le niveau de 88.65 % en 1995. Le résultat constaté en 1995 est lié à une forte expansion des dépenses consenties dans le cadre des grands travaux de réhabilitation des infrastructures routières et autres qui provoquent une augmentation à la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF). La situation a été renversée en 1996 ; la suspension de l'aide financière internationale suite à l'arrêt des négociations avec les bailleurs de fonds a eu des conséquences sur le niveau de l'investissement. Ce faisant, une baisse de 1.475 millions de gourdes a été constatée. Soutenu surtout par les dépenses publiques, l'investissement a crû en moyenne de 4.96 % l'an de 1997 à 2000. Mais, encore une fois, les événements politiques ont contraint ce rythme d'évolution positive et contribuent à une diminution de 3.13% de l'investissement en 2004. A cet égard, il est aussi important de souligner que l'investissement est lié à l'épargne nationale laquelle demeure toujours négative. Ce qui nous amène aux développements ultérieurs. II.2.3) Structure des Exportations Nettes (X-M) La lecture des données du Tableau III ci-dessous corrobore nettement les informations tirées du bilan du (PNUD) en 2004 et du rapport annuel 2005 BRH (Banque de la République d'Haïti). Le montant des exportations exprime grandement la faiblesse de la production nationale en dépit du rythme des importations qui constitue un résultat non significatif pour l'économie nationale. Le commerce extérieur au cours de la période 2002/2003 confirme les tendances constatées depuis la moitié de la décennie 80. Deux éléments importants caractérisent cette période, d'abord, le niveau de la dépendance externe semble continuellement plus significatif, s'expliquant par l'augmentation pertinente du déficit commercial passant de 571 au cours de la période 1983/84 à environ 1291 MG en 1992/93. Cette deuxième observation s'explique par une profonde restructuration du commerce extérieur. En effet, si au début des années 80 les produits du secteur d'assemblage, articles manufacturiers comptaient environ 20% en terme de revenus d'exportation et d'un ratio de 80% pour l'année 2003 pour l'importation des biens et services produits dans les pays d'outre mer. Ce résultat est imputable en partie au manque de dynamisme du secteur agricole. Constaté en effet, que ce secteur donne une contribue de 56% au début des années 80 contre 15% en 2003. En réalité, les exportations du pays ont baissé à la fois en volume et en valeur. Ceci pourra être expliqué par la baisse continuelle du revenu des ménages qui constitue un problème similaire à la montée du coût de la vie en Haïti. La baisse a été respectivement de 14%, 7.5% et de 10% au cours des trois dernières années. Sachant le rôle des exportations dans la croissance économique d'un pays, sa grande dépendance par rapport à un seul partenaire commercial constitue un réel obstacle au développement du pays surtout lorsque les exportations ne sont pas composées de biens en terme de valeur ajoutée très élevée. Cela allait entraîner une forte baisse de l'emploi dans le secteur, 17800 en 2004, ce qui place très loin des 33607 personnes employées en 1991. Cette crise est à la base de la fermeture d'importantes firmes du secteur manufacturier et de la chute des commandes adressées à l'assemblage dans le pays. La crise politique en Haïti en est aussi une deuxième cause. Le faible rendement du commerce extérieur se présente par une valeur de plus de 60% des importations affiche entre 2001,2002 et 2003 correspond à un déficit global de 909,62 millions de dollars américains, soit 19% du PIB en 2003 contre 139,4 millions de dollars américains en 1983, soit 9% du PIB. Encore une fois, grâce à la forte rentrée des transferts de la diaspora haïtienne qui a atteint environ 1 billion de dollars américains en 2003, le poids du déficit du compte des opérations courantes avant dons par rapport au PIB a pu être limité à environ 5%. Enfin, les données du Tableau III ci dessous donne la présomption de la faiblesse de la production nationale via l'incontrôlabilité du niveau du coût de la vie. Tableau III Evolution des Exportations et des Importations :1975/2005 (millions de gourdes constantes)
Sources : AGD / BRH/ IHSI et Calculs de l'auteur Informations utilisées dans le tableau ( X : Exportations, M : Importations, PIB : Produit Intérieur brut, Bc =X-M : déficit commercial, [X+M/PIB]*100 : Taux de dépendance externe. III.)Listing des principaux facteurs explicatifs du coût de la vie et de la production nationale Dans un article intitulé « Salaire minimum, épée à double tranchant » publié en date du 09/03/2008 sur le site : '' www.haitiimpact.com''18(*) Yves Osias constate que la hausse des prix des produits de première nécessité particulièrement en Europe et en Amérique a pesé très lourd sur l'économie haïtienne, en chute libre, depuis plusieurs années. La production nationale des denrées agricoles, principales sources de revenus des paysans à côté de l'élevage, a diminué considérablement pour des raisons purement techniques et structurelles. Cette situation provoque un malaise dans les familles haïtiennes qui font face à la cherté de la vie, l'augmentation du loyer et celle du prix du transport en commun. Ce phénomène intervient généralement à la flambée de la gourde haïtienne face au dollar. Cependant, force est de reconnaître que depuis un certain temps, on constate une stabilité relative de la monnaie locale par rapport à la devise américaine. Alors, pourquoi le panier des ménagères ne contient pas de provisions alimentaires nécessaires pour nourrir les gens ? Il n'est un secret pour personne que la population haïtienne n'est pas en mesure d'assurer sa propre survie. Le pays est essentiellement agricole, mais la coupe à outrance des arbres, le manque des intrants agricoles, l'inexistence des banques de développements agricoles qui offrent des prêts aux planteurs à des taux d'intérêt peu élevés et la pénurie d'eau observée dans les saisons sèches qui permet l'arrosage des centaines d'hectares de terre disponibles, constituent les principaux problèmes auxquels font face les paysans. La production locale face à cette situation s'est considérablement dégradée. Nous avons eu recours au marché voisin qui nous fournissait de la viande des volailles, des oeufs, du macaroni et d'autres produits dérivés. Le virus H2N5 a fait des vagues en terre voisine et le peuple haïtien a payé les conséquences de ses dépendances économiques (se référer au Tableau III du chapitre II) en s'abstenant d'utiliser des produits en provenance de la république voisine. Le gouvernement haïtien vient de proposer le nouveau barème du salaire des ouvriers passant de 70 gourdes à 150 gourdes, ce qui fait une augmentation de 114%. Les patrons ripostent contre cette décision en demandant au gouvernement des mesures d'accompagnement pour faire face à cette situation. Ils invitent les responsables de l'Etat à augmenter la production nationale pour permettre à la population de pouvoir vivre de ce qu'elle gagne. Si cette décision tient, la monnaie locale pourra perdre encore sa valeur par rapport au dollar et il y aura des pertes d'emploi, des tensions entre le patronat et le syndicat. A titre d'illustration prenons le cas d'une mère de famille qui travaille dans une usine. Elle paye 10 gourdes de transport le matin pour se rendre au travail et le même montant pour rentrer chez elle, ça lui fait 20 gourdes. Elle achète de la nourriture pour 50 gourdes. Les montants dépensés en transport et nourriture dépassent ce qu'elle gagne pendant la journée. Et les dépenses pour la nourriture de ses enfants ? Pour ses vêtements ? et éventuellement pour le loyer si elle vit sans mari ? De toute évidence, elle ne peut pas vivre avec cette pitance somme. Cependant comment y remédier ? La solution à ce problème n'est pas forcément une augmentation exponentielle du salaire minimum, même s'il faut avouer que celui-ci doit être revu à la hausse. Tant qu'on n'augmente pas la production nationale et tant qu'on ne fait pas la promotion de la culture des produits locaux : Igname, l'arbre à pin, banane, petit mil, maïs, mamba, cassave.... le pouvoir d'achat du commun des mortels restera un épineux problème qu'aucun gouvernement ne pourra résoudre. Si on s'obstine à maintenir un salaire minimum élevé en fonction de la cherté de la vie et du chômage qui sévit dans les foyers, on risque de plonger le pays dans une inflation aigue sans précédent. Les entreprises pourront fermer leurs portes et des pertes d'emplois considérables des ouvriers pourront résulter de cette décision. Cela peut amener le gouvernement à ne pas pouvoir répondre aux attributions mensuelles des employés publics. Le salaire minimum, s'il n'est pas bien calculé de façon concertée par tous les acteurs impliqués dans l'économie du pays, peut être perçu comme une épée à double tranchant. On peut se retrouver avec une forte somme d'argent en poche, sans pouvoir s'offrir le strict minimum. III.1) Besoins de consommation et inflation en Haïti Les données fournies par les Enquêtes de Budget Consommation des Ménages (EBCM) révèlent certaines transformations survenues au niveau de la demande de biens et services des ménages haïtiens. L'examen de ces données montre que ces transformations peuvent être aussi à la base de la hausse des prix dans un contexte où l'offre de biens et services produits localement est rigide. Un des résultats des EBCM est la détermination du contenu du panier de la ménagère en termes de biens achetés19(*). En effet, en 1971, la ménagère allouait 65.3% de son revenu à l'alimentation, 23% aux biens industriels. Les services comptaient pour 4% de la valeur de ce panier de biens et 15% du revenu allaient au logement. En 1980, 48% du revenu du ménage gagnant moins de 250 gourdes par mois allaient aux biens alimentaires, 36% aux biens manufacturés et 16% aux services. En 1988, comme le montre le Tableau IV, ci-dessous, le panier de la ménagère est rempli à hauteur de 49.4% par des biens alimentaires. Les services comptent pour 28.1% du revenu, et 8.5% de ce dernier vont aux biens manufacturés. Tableau IV EBCM 1987-1988 et 1999-2000 Répartition en % des dépenses de consommation des ménages haïtiens
Sources : IHSI, EBCM 1987-1988 et 1999-2000. Les données20(*) du Tableau IV suggèrent que la demande est instable dans le temps. Les ménages, en tout cas, devenant de plus en plus pauvres, sont réduits à augmenter la part relative du revenu consacrée aux achats de biens alimentaires, c'est-à-dire à garantir le minimum physiologique. Pourtant, un simple constat montre que les ménages haïtiens achètent et ont accès à plus de services que par le passé. La progression de la scolarité atteste cette réalité. Par contre, les ménages déclarent avoir alloué 0.2% de leur revenu à l'éducation en 1999-2000. L'écart entre les données et ce constat nous pousse à analyser l'évolution de la structure du PIB, afin de démontrer qu'une recomposition du panier de la ménagère peut s'être produite en Haïti. En fait, la structure du PIB par secteur tend à diverger par rapport à la composition du panier de la ménagère. Notons que le secteur agricole forme 33.4% du PIB en 1988. En revanche, cette même année, les ménages affirment avoir alloué 49.4% de leur revenu à l'alimentation. En 1988 les services représentaient moins de 30% des dépenses des ménages. Ces mêmes services qui comptent pour 20% des dépenses au niveau de l'EBCM de 1996, forment 46% du PIB en 1988 et 48% en 1996. La divergence entre poids des services au niveau de la demande marchande (EBCM) et du PIB peut être due aux modalités de l'offre des services qui se réalise en grande partie au niveau des institutions, sous la forme de biens non marchands, évolution que les EBCM ne parviennent pas à saisir. Cet écart traduit une évolution de la société mal cernée par les statistiques officielles en terme d'offre et demande globales de biens et de services et également de réorganisation de l'économie nationale21(*). III.2) Poids du budget de l'Etat et du niveau du coût de la vie La seconde moitié de la décennie des années 80 allait être le contraire de la situation observée durant la période 1975-1979 caractérisée par une relative stabilité du déficit budgétaire. Les années 80 jusqu'à la première tranche des années 90 se caractérisent donc par une politique expansionniste du secteur public haïtien. On assiste en effet à la hausse effrénée des dépenses de l'Etat, alors que parallèlement les recettes se contractent d'un exercice à l'autre. Ce contexte difficile a ainsi amené la déstabilisation des institutions, gravement affecté la production et le commerce avant et après le départ du régime, entraîné la régression économique et amplifié le phénomène de la pauvreté qui n'atteint pas seulement les couches les plus vulnérables, mais s'est étendue également aux couches moyennes de la population. Le déficit budgétaire public devient si courant qu'on semble s'y habituer et n'avoir vraiment aucune volonté de l'enrayer . Avec la chute de nos exportations et la réduction drastique de l'aide externe, au cours des trois premières phases de la crise, les recettes de l'Etat ont considérablement régressé. Cette régression s'est accentuée avec l'effritement causé par l'exaspération de la contrebande et de la corruption fiscale. A cela, il faut ajouter la situation chaotique des entreprises publiques auxquelles la Banque Nationale s'est vue obligée de prêter main forte en finançant leurs besoins de trésorerie. Et, le fait que l'Etat dépense ou vit même au dessus de ses moyens a davantage compliqué la situation déjà précaire. III.3) Balance des paiements et taux de change Selon les informations disponibles sur le site Internet de la BRH, avant les années 1980, Haïti avait rarement connu des problèmes de balance des paiements. Selon cette même source, le gouvernement avait une longue tradition de prudence en matière de politiques monétaires et budgétaires. Ce qui avait permis de garantir la parité fixe de la gourde par rapport au dollar américain établie par la convention du 12 Avril 1919 et de maintenir une stabilité relative des prix (Cf Tableau V de la page suivante, période allant de 1975 à 1978). Or, à partir de la décennie des années 80, la position extérieure du pays s'est fortement détériorée. Le solde de la balance des paiements s'est traduit, non seulement, par une perte cumulée de 125.4 millions de dollars EU au niveau des réserves nettes que détenait la BRH, mais aussi, il ne suffisait plus à répondre à une demande croissante de devises. Enfin, le marché parallèle de devises se développant rapidement, le régime de parité fixe ne tarda pas à s'effondrer. Les informations tirées du Tableau V, ci-dessous, montrent en effet, la relation positive existant entre la quantité de monnaie en circulation. Le taux de change et l'indice des prix à la consommation qui n'ont jamais cessé d'évoluer à un rythme croissant , ceux découlent de la véracité de la seconde hypothèse énoncée dans l'introduction du travail (Se référer à la page 10 deuxième paragraphe) . Tableau V Evolution de la quantité de monnaie en circulation, du taux de change et de l'indice des prix à la consommation (IPC). Période : 1975/2005.
Sources : www.brh.net / IHSI Compte tenu du lien étroit existant à moyen terme entre l'offre de monnaie et l'évolution du niveau des prix, la Banque de la République d'Haïti (BRH) s'est évertuée à mener sa gestion de façon à donner à la monnaie locale une progression lui permettant d'assurer que ni les prix ni le taux de change ne subissent de pressions à la hausse22(*). Toutefois, ces objectifs ne sont pas toujours atteints. Pour des raisons conjoncturelles et politiques, la Banque de la République d'Haïti (BRH) n'a pas toujours été en mesure de réagir à temps face aux fluctuations extrêmes du cours de change ou à de forts mouvements de l'offre ou de la demande de liquidités. C'est notamment ce qui est arrivé durant la période comprise entre 1991 et 1994, temps de crises politique et économique graves. En effet, durant cette période, le taux de change de la monnaie nationale par rapport à la devise américaine s'est détérioré au point de franchir les fourchettes suivantes : 19.33 gourdes entre 1991/92 contre 27.71 gourdes 1993/94, pour 1 dollar EU. Durant cette même période, le niveau du coût de la vie a augmenté dans les rangs de 726.65 et 1251.73 correspondant à une émission croissante de monnaie, soit des valeurs de 2763.49 MG et 5534.86 MG (Cf tableau V). En effet, sur la première moitié des années 1990, époque marquée par une progression accélérée du déficit budgétaire, la BRH a augmenté l'offre de monnaie dans des proportions qui dépassaient les besoins réels de l'économie. De fait, la période a enregistré une forte croissance des moyens de paiement alors que depuis 1989 le PIB affichait une croissance négative. Sur la seconde moitié des années 1990, la banque s'est attachée à adapter son financement du déficit du secteur public aux promesses d'aide des bailleurs de fonds internationaux. Au cours de cette période, le taux d'inflation est passé d'une moyenne de 7,9% entre 1975 et 1980 ; 8,3% entre 1980 et 1985; 7,1% entre 1985 et 1991 à 28,6% entre 1991 et 1994. Au retour à l'ordre constitutionnel, à la fin de l'année 1994, la Banque Centrale s'est donnée plus de flexibilité dans la conduite de la politique monétaire. Elle accorde désormais une attention soutenue aux fluctuations du cours de change sans pour autant axer sa politique sur des objectifs rigides. Elle ne limite pas sa perspective au court terme et ne réagit pas à chaque fois qu'une fluctuation se produit dans le comportement des indicateurs économiques dont elle suit l'évolution (inflation et taux de change, notamment). Les résultats de cette politique ont été concluants dans la mesure où le taux d'inflation est revenu en moyenne annuelle de 39,3% pour l'exercice 1994, à 27,6% en 1995, 20,6% en 1996, 16,2% en 1997 et 12,7% en 1998 et proche de 8% en 1999. De même, l'effort de stabilisation du taux de change s'est révélé positif, le prix de la gourde reste la plupart du temps en deçà de la barre de 17 gourdes pour 1 dollar EU. Cependant, malgré une telle politique, le niveau du coût de la vie (IPC) et celui de la masse monétaire ne cessaient jamais d'augmenter pour tout le reste de la période considérée (1995/2005). III.4) Conditions de vie des ménagesIII.4.1) Dépendance alimentaire Cette libéralisation des importations, mal inspirée et mal équilibrée, s'est accompagnée d'un déficit au niveau des échanges agricoles qui n'a pas cessé d'augmenter. Les importations alimentaires et les exportations agricoles ont évolué en sens inverse. En moins de vingt ans (1981-1999), ces importations ont plus que triplé pendant que les exportations continuent leur chute (plus de 30%). Ce qui conduit à des déséquilibres de la balance commerciale qui, après avoir connu une période de stabilisation entre 1996 et 1998 pour des déficits moyens de l'ordre de 300 millions de dollars, a subi une accélération particulière pour atteindre un déficit avoisinant les 600 millions de dollars en 1999. Le coefficient de dépendance alimentaire oscille ces jours-ci entre 35 et 40. La production rizicole a significativement décliné de plus de 110 000 tonnes en 1985. La production du riz a chuté de plus du quart en moins de vingt ans (environ 80 000 tonnes aujourd'hui). Les tarifs douaniers appliqués sur le riz importé sont les plus bas de la région. Ils ont été ramenés de 35% à 3% alors que le tarif extérieur commun de la caraïbe pour ce produit ne va pas en deçà des 20%. Ce qui facilite les importations provenant notamment des Etats-Unis au détriment de la production nationale et des producteurs nationaux qui ont été exclus des marchés locaux. Les importations du riz américain sont passées pratiquement de zéro avant la libéralisation des marchés à plus de 200 000 tonnes métriques. Ce qui classe Haïti dans les cinq premiers marchés d'exportation du riz américain après respectivement le Japon, le Mexique et le Canada. Parallèlement, le riz arrivant sous forme d'aide alimentaire a suivi la même tendance. De moins de mille tonnes métriques en 1984, le volume de dons alimentaires dépasse les trente milliers de tonnes métriques (34 000 TM en 2000). La part de cette forme d'importation serait, suivant les années, entre 10 et 15% du total du riz consommé. L'aide alimentaire, véritable arme de pénétration des marchés réticents, a pris une place importante dans la sécurité alimentaire en Haïti et s'est institutionnalisée depuis plus d'une quinzaine d'années. La production agricole, en raison de sa stagnation, ne couvre qu'environ la moitié des besoins alimentaires aujourd'hui, un recul assez important quand on le compare au 70-75% du début des années 1970. Plus du tiers des besoins alimentaires sont couverts par les importations totales y compris les dons alimentaires. Cette dépendance est de plus en plus importante comme l'indique le Tableau VI. De 25% en 1995, elle est de 37% en 2001. Toujours est-il que le pays semble devoir compter pour longtemps sur l'extérieur pour assurer ses besoins alimentaires et combler les déficits, ceci pour maintes raisons, telles la faible performance économique, la récurrence des catastrophes naturelles, le rythme d'accroissement de la population et de leur concentration dans la capitale et les villes urbaines secondaires. Cette concentration, particulièrement à Port-au-Prince (plus de 20% de la population) constitue un défi majeur en matière d'approvisionnement alimentaire. De là les difficultés à concilier la nécessité de satisfaire les besoins intérieurs (faciliter les importations) et le désir de promouvoir les exportations (augmenter la production). Tableau VI Couverture des besoins alimentaires
Source : CNSA, 2002 TEC : Tonnes-Equivalent Céréales III.4.2) Insécurité alimentaire Haïti affiche l'un des Indices Globaux de Sécurité Alimentaire (IGSAM) le plus faible du monde (28,60 en 1993). Les récentes estimations de la CNSA indiquent que près de la moitié de la population serait en situation d'insécurité alimentaire. Ainsi, il n'y a pas eu de retournement des niveaux de vie de la population. L'économie nationale est remodelée et la production pour le marché intérieur est détruite. Les revenus ont significativement reculé et les prix des produits de premières nécessités ont renchéri. Les populations à faibles revenus sont les premières victimes de cette hausse des prix. En dépit d'éventuelle amélioration de l'offre alimentaire globale, l'accès à ces disponibilités demeure dans une certaine mesure très problématique, aussi bien pour les catégories vivant en milieu rural que urbain. L'agriculteur se verrait dans l'obligation de tourner vers la caféiculture, la floriculture et les produits maraîchers, parallèlement, le consommateur se procurera d'aliments à de meilleurs prix. Tableau VII Evolution comparative de la productivité agricole par région Valeur ajoutée agricole par travailleur agricole en dollar de 1995
Source : Banque mondiale (BM), Rapport du développement dans le monde 2003. III.4.3) Appauvrissement de la population Reprenant un document de la Banque mondiale daté de 1985, ``Haïti :Comment stimuler la croissance'', Dewind et Kinley ont noté que l'Etat haïtien sur demande de cette institution a été contraint de réduire considérablement les services sociaux déjà précaires dans le but de consacrer le maximum de ressources au profit d'un développement économique axé sur l'exportation : « On devrait soutenir énergiquement des projets privés ayant des taux de rentabilité économique élevés en mettant relativement moins l'accent sur les dépenses publiques consacrées aux secteurs sociaux. Les dépenses publiques de développement devraient se concentrer sur une aide à l'expression de la production dans les domaines et les secteurs les plus prometteurs. Dans l'immédiat, il convient d'accorder moins d'importance aux objectifs sociaux qui causent une augmentation de la consommation, étant donné qu'il est urgent de libérer une part importante de l'accroissement du PIB pour l'exportation ». Les résultats n'ont pas tardé : « Les mesures de libéralisation ont amplifié les inégalités de revenus entre les secteurs urbain et rural en pénalisant beaucoup plus directement les détenteurs des revenus agricoles. La qualité de vie et les services sociaux ne se sont pas améliorés. » « Le programme d'ajustement structurel imposé à Haïti constitue un remède douloureux et n'a pas apporté les résultats escomptés. La pauvreté et les différents maux sociaux (chômage, malnutrition chronique, équipements insuffisants, analphabétisme et absence de soin de santé, etc.) continuent de toucher [la grande majorité] des haïtiens »65 et cette pauvreté ne fait pas exception ni de milieu ni de catégories socioéconomiques. Au phénomène de ''Boat People'' s'est joint celui du Plane People pour les classes moyennes. III.5) Evolution de la quantité de monnaie en circulation et de la hausse des prix Les économistes de l'école monétariste expliquent la hausse des prix observée au niveau de l'économie par les excédants de la masse monétaire qui ne sont pas utilisés à des fins de production. Cette théorie est illustrée notamment par l'équation MV=PQ de Fisher. La hausse des prix étant expliquée par les principales composantes de l'Offre et de la Demande Globales23(*), cet excédant monétaire est susceptible de contribuer à stimuler la consommation des ménages créant ainsi des pressions inflationnistes au niveau l'économie. Ainsi, l'impulsion des prix peut passer par le biais de la monnaie. Toutefois, pour parodier l'économiste Fréderic-Gérald Chéry, il ne s'agit pas toujours d'une augmentation de la masse monétaire en tant que telle qui influe sur la hausse des prix. De nouvelles pratiques monétaires peuvent progressivement se mettre en place dans l'économie. Ainsi, les ménages haïtiens expriment des demandes de biens et services qui vont avec de nouvelles possibilités de circulation de la monnaie. Ils notifient le choix de nouveau « patron » de consommation, non saisi au niveau du panier de la ménagère, en exigeant plus de valeur monétaire pour les biens qu'ils ont produits en cédant de la monnaie pour avoir d'autres biens et services24(*). En réalité, le ménage haïtien est soumis à de nouvelles contraintes (sociales) de consommation. Par exemple, tout petit détaillant de rues affirme qu'il vend cher afin de pouvoir faire face aux besoins en éducation de ses enfants, en soins médicaux et autres. Le producteur recherche une réévaluation du prix des ses produits afin de satisfaire de nouveaux besoins sociaux mal cernés en Haïti. Il est observé également un phénomène implicite d'indexation du prix d'un bien, en fonction du niveau de consommation visé par le producteur ou le commerçant. D'où, le phénomène de la fixation arbitraire des prix sur le marché haïtien. Ce phénomène a été largement débattu par l'Economiste Fritz DESHOMMES, dans son livre « Vie Chère et Politique Economique en Haïti », pour qui les circuits de commercialisation ne sont pas aussi clairs, aussi limpides et transparents que le suppose la théorie de la libre concurrence. A la faveur des situations de monopole et l'absence de l'Etat les prix sont donc fixés unilatéralement par un petit groupe de vendeurs sur le marché Haïtien. Ainsi, dans une situation de stagnation de la production nationale, les demandeurs doivent se concurrencer pour acheter les biens produits localement en quantités réduites ou se reporter sur les marchés étrangers pour utiliser leur pouvoir d'achat. Les chiffres disponibles montrent que la production agricole et l'offre locale de biens manufacturés diminuent depuis 1986. En 2002, ces deux secteurs ont vu leurs productions chuter de 15% et de 36% par rapport à leur niveau de 198025(*). Il est évident qu'il existe une plus grande volonté de consommer et également un accès aux biens et services plus ouverts à tous. Les transferts d'haïtiens expatriés et l'aide externe permettent de financer l'accès à la consommation ; ils alimentent l'économie nationale en devises converties locale. Ainsi, la quantité de monnaie en circulation augmente et parallèlement la demande croît. La production nationale étant déficiente, les importations compensent l'offre locale de biens. Elles comptaient pour moins de 23.7% de la demande globale en 1987. Elles en représentent 53.2% en 200226(*). Ainsi par le biais des importations et du financement de ces activités se dessinent d'autres mécanismes de formation et de hausse des prix. Le chapitre IV de ce travail s'applique alors, à l'aide du modèle économétrique élaboré dans le cas d'Haïti, à quantifier l'évolution du coût de la vie au regard des principaux déterminants d e la production nationale. * 18 M. Yves Osias, Directeur Adjoint au Ministère de l'Economie et des Finances (MEF). * 19 Frédéric Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 13. * 20 Les choix de l'échantillon de biens et services, la strate sociale et la terminologie retenue pour constituer le panier de la ménagère et calculer les prix à la consommation ainsi que les résultats obtenus par l'IHSI sont loin d'être identiques et homogènes d'une enquête à l'autre. Jusqu'en 1980, 34 produits servaient à déterminer l'indice des prix. Ce panier de la ménagère était alors établi à partir d'une enquête menée en 1948. Celui de 1980-1987 comprenait 77 produits. Les paniers de la ménagère retenus en 1988 et 1996 prennent en compte tous les biens qui ont un certain poids dans les dépenses totales des ménages. Mais, les poids des groupes de produits divergent fortement d'une enquête à l'autre. La part des biens alimentaires et des boissons dans les dépenses des ménages est passée de 51.1% en 1988 à 76.2% à 1996. (Cf Bulletin, AHE, déc. 03, vol. 1, p.13). * 21 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 14. * 22 Se référer au site Internet de la BRH : http//www.brh.net * 23 Microsoft ® Encarta ® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation. * 24 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 14. * 25 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 15. * 26 Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique (IHSI). |
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