IO-LA FONCTION
HEURISTIQUE DE L'IMAGINATION .
Afin de comprendre le procédé de l'imagination
dans le récit initiatique, il convient de souligner qu'entre
intelligible et imagination il n'y a pas de frontière comme l'a
souligné Jacques Derrida « ce que nous appelons beau est
où l'intelligence est au service de l'imagination et non celle-ci au
service de l'intelligence (...) l'imagination en tant que faculté de
connaître productive a en effet, une grande puissance pour créer
en quelque sorte une seconde nature avec la matière que lui fournit la
nature réelle » (61).
Il s'agissait pour notre auteur de représenter en
images métaphoriques ou allégoriques l'idée de
l'unité de l'existence. Pour ce faire, il mit au service de son
imagination son intelligence puis chargea son narrateur d'opérer dans
l'univers fictif de l'initiation et ainsi de contracter avec la
troisième instance, celle de la littérature.
Le rapport entre l'univers sensible et celui de l'initiation
est établi sur la base des images mentales du narrateur qui expose ses
intuitions en cherchant dans le langage le support linguistique le plus
adéquat. Toutefois, nous le soulignons encore, il ne s'agit pas d'images
iconiques ou encore plastiques mais de l'essence des formes des corps pour ne
pas dire de l'essence même de l'acte de l'imagination.
Nous allons voir que les corps ainsi que la
spatio-temporalité ne fonctionnent dans le récit que comme un
simple support linguistique; notre auteur a déjà pris la peine
d'en avertir le lecteur dans sa formule d'envoi que nous avons
étudiée dans la rhétorique de l'ouverture. Mais puisque le
récit de Hayy ibn Yaqdhân fonctionne structurellement comme le
conte, il nous a paru intéressant d'en chercher quelques fonctions dans
l'analyse de la morphologie du conte de Vladimir Propp (62). Notons aussi que
Propp définit la fonction par l'action des personnages du point de vue
de sa signification dans le déroulement de l'intrigue. Propp dit
à ce sujet :
« les éléments constants,
permanents du conte sont les fonctions des personnages, quels que soient ces
personnages et quelle que soit la manière dont ces fonctions sont
remplies. Les fonctions sont les parties constitutives fondamentales du
conte » (63).
Aussi pour le besoin de notre cause, nous
définissons l'imagination comme une fonction représentatrice de
l'univers des personnages du récit initiatique. Si les fonctions sont
les parties constitutives fondamentales du récit, l'imagination et
l'intellect agent sont les substances de toutes les formes linguistiques
quelles que soient leurs fonctions dans le récit.
IO-I L'éloignement
Dans le récit initiatique à contenu
théosophique, l'éloignement du héros du monde des hommes
fonctionne dans la diégèse comme une absence métaphysique.
Hayy Ibn Yaqdhân évolue dans le total régime du solitaire.
L'imagination du narrateur ne peut donc s'alimenter du réel des hommes,
de leurs référents, de leurs signifiés ou de leurs images
mentales mais plutôt des seules idées intuitives qu'il (le
narrateur) puise de la réflexion pure issue du discours mystique des
prédécesseurs de notre auteur.
Par conséquent, le lieu du dire fictionnel ne peut
émerger que de cet univers vide socialement mais plein
idéologiquement. Dans la tradition théosophique de l'islam,
l'éloignement que l'on nomme dans le jargon soufi « la
khalwa » c'est à dire le dépouillement, permet au
futur initié de se vider du monde sensible pour permettre à son
âme de se refléter, dans sa pureté, dans son intellect qui
doit être un réceptacle poli comme un miroir immaculé qui
réfléchit la lumière du soleil .
« il est manifeste que cette âme, sans
cesse, émane abondamment du Dieu puissant et grand. Elle est comparable
à la lumière du soleil, qui sans cesse est répandue sur le
monde en abondance. Il y a un corps qui ne réfléchit point cette
lumière », c'est l'air extrêmement transparent.
D'autres la réfléchissent en partie : ce sont les corps opaques
non polis; et les diverses façons dont ils la
réfléchissent résulte la diversité de leurs
couleurs.
D'autres, enfin, la réfléchissent au plus
haut degré : ce sont les corps polis, comme les miroirs ou autres du
même genre; et si les miroirs présentent une concavité
d'une certaine figure donnée, la concentration des rayons
lumineux y produit du feu. De même l'âme, qui émane de Dieu,
se répand abondamment sur tous les êtres. Mais il en est
qui ne manifeste point son influence, faute de disposition : ce sont
les corps inorganiques, dépourvus de vie; ils correspondent à
l'air dans l'exemple précédent. D'autres, ce sont les diverses
espèces de plantes, en manifestent l'influence selon leurs dispositions;
ils correspondent aux corps opaques dans l'exemple en question. D'autres la
manifestent à un haut degré: ce sont les diverses espèces
d'animaux, qui correspondent aux corps polis dans notre exemple. Enfin, parmi
ces corps polis, certains, outre leur pouvoir éminent de
réfléchir les rayons solaires, reproduisent l'image ressemblante
du soleil.
De même aussi, parmi les animaux, il en est qui,
outre leur faculté éminente de recevoir l'âme et de la
manifester, la reflète, et prenne sa forme: ce sont proprement les
hommes; et c'est à l'homme que le prophète a fait allusion en
disant :Dieu a créé Adam à sa image »
H.I.Y.P.25.
L'action de l'imagination que la théosophie nomme
intellect est métaphoriquement décrite dans ce passage que nous
venons de souligner. Pour comprendre ce que voulait dire le narrateur par
l'expression : « si tu n'attribues pas aux expressions que nous
appliquons aux intelligibles la signification que l'usage courant leur
attribue.... » (88), il suffit de substituer au mot
« âme » le mot imagination, nous aurons ainsi : il
est manifeste que l'imagination, sans cesse, émane abondamment de Dieu.
Elle est comparable à la lumière du soleil, qui sans cesse est
répandue sur le monde en abondance... Ainsi le véritable sens du
mot imagination comme processus de réflexion des images se met en
évidence. Par conséquent, l'éloignement dont nous avons
parlé consiste à se rapprocher le plus possible du premier miroir
ou du miroir principiel qui nous réfléchit la lumière et
avec, la substance des formes originelles.
Sur le plan de la littérature, le lieu du dire prend
son topos dans l'île du Waqwaq dont nous avions déjà
parlé lorsque nous avions abordé l'aspect mythologique de
l'île du vivant fils du vigilant. Quant au personnage Hayy, il est
l'agent opérateur de l'intellect. Son nom est une allégorie de
l'homme Archétype et il fonctionne dans l'univers fictif du narrateur
comme un actant duel puisqu'il permet à l'instance de l'histoire et
à celle de la littérature de coexister dans la
diégèse.
Nous verrons dans tous les récits initiatiques que nous
allons étudier que les personnages initiatiques proviennent aussi bien
de l'histoire que de la littérature et y reviennent
inévitablement lorsque l'écriture passe du récit au
discours ou inversement.
De toutes les fonctions de Propp, nous n'avons pu retenir que
celle de l'éloignement puisque c'est la plus déterminante
étant donné que l'imagination puise ses sujets dans
l'écart spatio-temporel non dans les images conventionnelles du langage
pour ne prendre que l'exemple du lieu du dire et du personnage actant-duel.
Par conséquent, c'est dans cette vision de
l'imagination et en fonction de ce que nous venons d'expliquer que nous devrons
aborder l'étude de l'itinéraire initiatique de Hayy ibn
Yaqdhân.
Cette étude nous permettra la compréhension du
processus de la pensée mystique au moment de sa naissance dans l'univers
de la littérature, car nous concevons l'oeuvre de Hayy Ibn Yaqdhân
comme le modèle précurseur du genre initiatique . Nous verrons
dans notre deuxième partie de notre travail avec le cas de
l'Aventure ambiguë de Hamidou Kane, et aussi dans
cours sur la rive sauvage de Mohammed Dib que
l'itinéraire initiatique de Samba Diallo et celui de Iven Zohar a subi
une perte considérable par rapport à l'itinéraire de Hayy,
leur prédécesseur. Nous verrons aussi que la cause de cet
écart et de toutes les pertes de valeurs initiatiques est du
inévitablement à la langue de
«l' autre » qui récupère fatalement
son oralité au profit de l'écriture.
Notes.
(1) Wird : Substantif arabe dérivé du
verbe warada. Il signifie émaner de Dieu ou de la grâce
de Dieu. Dans la tradition théosophique le wird est l'ensemble
des récitations religieuses qui donnent accès à
l'initiation; ces chapelets sont transmis de maître en maître afin
de perpétuer la voie mystique. Remarquons que chaque tariqua a
son propre wird et ne peut en aucun cas être
récité par d'autres confrères d'une autre tariqua
(voie des soufis). Nous reviendrons plus en détail sur cet aspect
d'allégeance lorsque nous étudierons le conflit mortel ( les
adeptes des douze grains et ceux des onze grains) qui opposa les peuls du
Macina, adeptes de la confrérie tidjaniya aux thials et qui provoqua
l'intervention de l'administration coloniale française.(2) Cette
technique narrative a fait l'objet d'une remarquable étude faite par
Jacques Dubois « une écriture à
saturation. Les présupposés idéologiques dans
l'incipit du nabab ». Etudes littéraires, Québec,
presse de l'université Laval, vol.4, n°3,1971. Cité par J.P
Goldenstein « pour lire le roman », Ed.A.De Boeck DUCULOT.
Paris 1995. P.74.(3) J. Goldenstein.Op Cité.P.74(4) Cette invocation
est pour l'orthodoxie musulmane obligatoire à chaque ouverture d'un
récit ou d'un acte quelconque, sans quoi, il est
considéré comme douteux. Remarquons que cette tradition oratoire
fut utilisée par les quoraîchites (habitants de la Mecque) avant
même l'islam.(5) Léon Gauthier H.I.Y. OP.Cité
texte arabe p.3.(6) Son nom est Taîfour ben iça ben adam ben
serouchan, et sobriquet « sultan el arifin », le sultan des
connaissants. Il mourut en 875 ap.J (7) Cité par Farid-ud-din-attar,
le mémorial des saints. Ed.Du Seuil 1976, p.178.(8) Ibid. P. 179(9)
Cet état de familiarité avec Dieu que la tradition soufie nomme
« Ahlullah », (famille de Dieu) fut l'objet d'une
terrible controverse entre les orthodoxes et les
« ach'arites » : adeptes de la doctrine qui permet la
réflexion sur l'essence divine. Les uns soutiennent que Dieu ne peut
être familier aux hommes tandis que les autres prétendent que
c'est par la connaissance que l'essence divine s'anthropomorphise.(10) Cette
idée du contenant qui ne peut être contenu est
développée par Avicenne Goichon. Introduction à
Avicenne, son épître des définitions. Paris, de Brouwer et
C, 1933. P.143.(11) « al-kibrit-al ahmar » ou pierre
philosophale. Cette expression est souvent répétée par le
maître soufi lorsqu'il fait allusion à la science des Qutbs c'est
à dire des grands maîtres tels que abid yazid al bastami et
abdelkader el djilani al baghdadi. Sur la rareté du souffre rouge, voire
l'oeuvre de Miguel Asin, los caracteres y la conducta... por abenhazam (ibn
hazm). Madrid, 1916. P.99, N.I Cité Léon Gauthier. Op.
Cité page 9, N. (2).(12) Il s'agit ici de l'Espagne(13) C'est
à dire un homme par génération. A ce sujet et concernant
l'héritage mystique « wirathatu'arifin », la
tradition théosophique rapporte que seul un homme par siècle peut
atteindre les sphères supérieures de la connaissance de l'Etre.
Voire Ives Marquet, la philosophie des Ikhuan al-safa. Op. Cité, le
chapitre des cycles de manifestation et de clandestinité : les sept
imams.(14) Bien qu'à l'époque de l'Andalousie musulmane, les
doctes de l'islam avaient tranché sur la question d'interdire ou de
permettre la réflexion sur l'essence de Dieu en faveur de l'orthodoxie;
les Ulemas sunnites avaient toléré le seul
« tawhid » c'est à dire la théologie
non spéculative qui se base uniquement sur la révélation
et la tradition prophétique. Remarquons que c'est l'occident par le
travail des orientalistes qui a développé davantage le
débat sur le soufisme (voire les travaux d'Eva de Vitray, de Louis
Massignon et de Jacques Berque à ce sujet).(15) Le conflit entre les
orthodoxes et les soufis est de très longue date. Concernant la sentence
de mort proclamée contre Mansour hallaj, Farid-ud-Din'Attar
(Op.Cité) nous rapporte que le jour où l'on traîna Mansour
au gibet, tous les oulemas rédigèrent un acte juridique qui
proclamait la nécessité de le mettre à mort. Le khalife
allait obliger même son maître El-djunîd à
rédiger la sentence. « Mansour
méritait la mort, il possédait intérieurement la
connaissance du Seigneur très haut » P. 303 du
Mémorial des Saints.O.P.Cité(16) La voie des philosophes.(17)
Nous empruntons ces concepts au groupe d'entreverne, analyse sémiotique
des textes, les éditions toubkal, Casablanca, 1987. Mais nous
les rendons fonctionnels dans notre propre étude.(18)
Ibid. . P.47(19) Cette citation signifie que les sciences humaines dont parle
l'auteur étaient beaucoup plus axés sur la philosophie
spéculative; il ne faut pas comprendre qu'il s'agit des sciences
humaines dont l'étude est positive.(20) Maurice Blanchot,
OP.Cité.P.32(21) Ibid.P.32 et 54(22) Kitab Al-shifa.
Première traduction latine faite en 1508. Cf Trad.latine, éd. Des
chanoines réguliers de Saint-Augustin, Venise 1508.(23) E. Husserl,
la structure de détermination d'une oeuvre littéraire,
Paris 1931. P. 181.(24) Aldous huxley. OP. Cité (philosophia
perrenis) P.120.(25) Aldous Huxley. La philosophie
éternelle. Op. Cité, P.34. Citons aussi cette affirmation
d'Aldous huxley qui rejoint notre vision sur l'initiation à la
théosophie : « les biens de l'intellect, les
émotions et l'imagination, sont des biens réels, mais ils ne sont
pas le bien final, et quand nous les traitons comme des bien en soi, nous
tombons dans l'idolâtrie. La mortification de la volonté, du
désir et de l'action, ne suffit pas; il faut qu'il y ait aussi
mortification dans les domaines de la connaissance, de la pensée, du
sentiment et de l'imagination » Ibid. P.134.(26) Ibid.
P.134.(27) Cité par Bernard GROS dans « profil d'une
oeuvre » de « Swan » au « temps
retrouvé ». Hatier, Paris 1981. P.59. Il rapporte aussi que
Chantal Robin a admirablement montré que le narrateur, sans toujours
l'exprimer clairement, a accès au mystère, et
finalement au sacré, après avoir eu le sentiment d'être
mort au monde, soit par absence de dons littéraires, soit par des
échecs amoureux. (Ibid.).(28) Il s'agit ici de la véritable
descente en enfer; la nuit étant les profondes obstrues de l'âme
humaine.(29) Grand maître de la confrérie soufie à
obédience « chadouliya » de Tlemcen. Le discours
théosophique qu'a développé ce maître mystique a
alimenté toute l'oralité initiatique dans laquelle Mohammed Dib a
puisé toute la symbolique de sa quête ontologique dans
l'écriture de ses romans post-trilogie. Nous développerons cette
étude lorsque nous aborderons notre chapitre sur le récit
métamorphosé de Dib (deuxième partie de notre travail)
(30) Notons que cette notion de soufisme philosophique n'est
apparue que vers la fin de ce siècle avec les adeptes des Ulémas
d'Al-Azhar où l'on a tenté en vain de réconcilier
philosophie et soufisme.Pour notre part nous ne sommes pas partisans de cette
école car le soufisme obéit à un univers extra-langagier
comme l'a souligné Ibn thophaïl dans son introduction de
l'épître, Hayy ibn Yaqdhân.
3I) Hamidou Kane, l'Aventure ambiguë, Julliard,
1961.(32) « L'effondrement des philosophes » ou
plus exactement traduit, « l'insignifiance des
philosophes ». Notons que cette oeuvre a provoqué une
grande polémique au XI siècle a propos de la fonction
heuristique de la philosophie musulmane; ce qui a poussé Ibn Rochd
à répondre sévèrement par son
« Insignifiance de l'insignifiance » ou comme
l'ont traduit les orientalistes, » effondrement de
l'effondrement » en arabe « tahafôt
el-tahafôt » (Cf. trd. latine dans aristotel, opera
....cum Aver. Comment., fol.21 M à fol.22, Cité par Léon
Gauthier, théorie d'ibn Rochd. Op. Cité P.22 note (3).(33)
« Mizan el'a'mal ». Dans cet ouvrage dont nous
n'avons pas pu trouver les références exactes en langue
française, Al Ghazali, toujours fidèle à sa pensée
eschatologique, tente de montrer que seules les actions de l'homme peuvent le
sauver ou le damner.(34) Cf. Martin Lings, « un saint musulman
du vingtième siècle » op. Cité.(35) IBID.
P.248.(36) Jacques Bens, Claude Berge et Paul Braffort, formule de
littérature potentielle, Gallimard, 1981. P.89.(37) Frans
Boas, introduction à « James Teit, tradition of the
thompson River Judian of British. Columbia Memoirs of the American folklor
société, VI (1898). P.18. Cité par C.L. Strauss,
Anthropologie structurale; Plon, 1958 et 1974. P.227.(38) C.L.Strauss; Op.
Cité P. 230.(39) Ibid. P.231(40) Ibid. P.231(41) Louis Gardet,
la pensée religieuse d'Avicenne. Op. Cité P. 90.(42)
René Wellek et Austin Warren. Théorie de la
littérature. Ed.Gredos Madrid, 1985.(43) Ibid. P.24.(44) Ibid.
P.25.(45) C.L.Strauss. Op. Cité P.229.(46) Nous soulignons que le
« je » dans le récit initiatique est un actant duel,
il incarne aussi bien l'histoire que le narrateur. Cependant, le statut de
cet actant duel dans la narration est mis en place par un autoritarisme
théologique puisque le narrateur initié émane de l'univers
inaccessible de Dieu.(47) Une des traductions de H.I.Y. Cf.Léon
Gauthier, H.I.Y. OP. Cité note (13) page 18. Il rapporte que dans
cette île « s'y trouve un arbre qui, en guise de fruits,
produit des femmes ».C'est d'elles que parle El Maçoudi
sous le nom de « filles du Waqwaq ». Sur cette
légende du Waqwaq, Léon Gauthier nous renvoie à Gabriel
Ferrand, journ. Asiatique, 1904. « Madagascar et les îles
uâq-uâq »; géographes arabes et Madagascar .
pp.483 et suivre.
(48) Léon Gauthier; H.I.Y. Op. Cité
P.18 Note 3.
(49) Ibid. P.188. N.3(50) Nos lectures ne nous ont pas
permis de confirmer cette hypothèse mais ce lieu mythique
évoqué par notre auteur est à notre sens le lieu
d'émergence de la fiction.(51) Farouk Saad H.I.Y. (texte en
arabe) Op. Cité, P.26.(52) Ibidem(53) Ibidem(54) Ibidem(55)
Groupe d'Entreverne, analyse sémiotique des textes. Op.
Cité. P.47.(56) Cf. Notre note 50 de notre premier chapitre.(57)
Yves Marquet, la philosophie des Ihwân Al-Safâ. Op. Cité.Ch
I P.41 (58) Ibid. P.157.(59) André Breton, Manifeste de
surréalisme, Gallimard, 1944. P. 19.(60) Hayoun Mr, le
commentaire de Moise de Narbonne. OP.Cité, P. 67.(61) Jacques
Derrida, l'écriture et la différence.Op. Cité. P.
157.(62) Vladimir Propp, morphologie du conte, Ed. Du Seuil.(63)
Ibid. P.31
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE TROIS:
ITINERAIRE INITIATIQUE DE HAYY
INTRODUCTION
L'itinéraire initiatique de Hayy Ibn Yaqdnân dans
le récit d'Ibn thophaïl est en fait, nous l'annonçons
déjà, l'itinéraire de la pensée mystique de
l'auteur. Certes, les analyses récentes du récit, surtout celles
qui évacuent le premier concerné dans une oeuvre: l'auteur, ont
tendance à déstructurer et à déconstruire le texte
pour ne laisser apparaître que la signifiance de l'oeuvre sinon le sens
immanent.
Mais nous savons que le processus de l'écriture
obéit inévitablement à l'acte de la création
littéraire. Le contexte historique dans lequel cette oeuvre a
émergé ( qui a déjà été
étudiée dans notre premier et second chapitre) était la
synthèse des débats philosophiques et théosophiques qui
parfois avaient pris l'ampleur d'une polémique sur les questions de
l'adventicité ou de l'éternité du monde (cf. le
désengagement rhétorique dans notre chapitre
précédent).
Quant au personnage Hayy Ibn Yaqdhân, nous avions aussi
montré qu'il représente allégoriquement l'homme en
quête de son être (angoisse existentielle) mais, soumis au dilemme
de sa cosmogonie, sa genèse et son destin métaphysique. De ce
fait, l'itinéraire de Hayy Ibn Yaqdnân dans cet espace de
l'écriture initiatique est, nous le verrons, l'itinéraire de
l'homme à travers les âges de la connaissance gnostique tout
d'abord, discursive et rationnelle ensuite.
Rappelons que Hayy Ibn Yaqdnân se traduit
latéralement par « le vivant fils du
Vigilant » et par allégorie mystique, «
l'être éphémère fils de l'Etre
éternel ». Cette allégorie dont la signification
de surface fut considérée comme hérétique par les
orthodoxes musulmans trouve par contre un terrain de signification dans la
théologie chrétienne qui accepte certaines formes
d'anthropomorphisme dans sa foi.
Nous ne voulons pas aborder une étude comparative entre
les caractéristiques de la foi musulmane et celle chrétienne car
cela empiétera dans une autre spécialité: la
théologie comparée. Nous avons toutefois souligné cet
aspect anthropomorphique de la foi chrétienne parce que nous avons
retrouvé ce débat dans un de notre corpus d'analyse,
« l'Aventure ambiguë » de Cheikh
Hamidou Kane.
C'est par la bouche du missionnaire chrétien que
l'auteur de ce récit initiatique soulève le problème de la
confrontation des fois sinon leur complémentarité:
« Notre tâche était
d'évangéliser, j'eusse évité d'emporter jusqu'au
médicament le moins encombrant et le plus utile. Je voulais que la
révélation dont nous aurions été les missionnaires
ne dût rien qu'à elle même, et fût
littéralement pour nous, une imitation de Jésus-Christ. Du reste,
je n'en attendais pas seulement l'édification de ceux que nous aurions
convertis. J'escomptais avec l'aide de Dieu, l'exemple de votre foi eut
ravivé la nôtre »(1).
Ainsi, ce rapprochement entre les fois monothéistes
trouvera aussi sa fonction dans le récit initiatique à partir de
notre grille de lecture.
Concernant l'itinéraire de notre premier personnage,
nous le situons tout d'abord, dans son parcours initial, au degré
zéro de la connaissance. Cet état de non connaissance dans lequel
notre auteur a mis son personnage équivaut pour l'anti-personnage
à un état d'érudition parfaite. Tout le premier chapitre
dans lequel nous avions étudié le désengagement
rhétorique de notre auteur exprime cette érudition à
laquelle l'homme est arrivé depuis la pensée grecque
jusqu'à l'apparition des péripatéticiens dont Ibn
thophaïl en fait partie.
Ce premier stade de l'initiation chez les soufis est
qualifié par la tradition théosophique comme étant le
degré zéro de la connaissance puisqu'ils (les soufis) disent
« la fin de votre science vous permet de faire les premier pas
dans notre science ».
Il convient, par conséquent, dans un but
méthodologique, de définir le concept de personnage dans le
récit initiatique à contenu théosophique, par opposition
à l'anti-personnage.
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