Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban( Télécharger le fichier original )par Harb MARWAN Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007 |
2,1- L'administration, garante de la continuité de l'Etat.La survie de l'Etat libanais qui souffre de l'instabilité gouvernementale était et l'est toujours étroitement liée à l'administration qui doit constituer un organisme sain, solide et compétent capable d'assurer la pérennité de l'Etat. Les ministres vont et viennent. Les équipes se succèdent. L'administration demeure. C'est elle qui doit assurer la continuité, même en l'absence d'action gouvernementale, même en dépit de l'action gouvernementale. C'est elle qui a le soin de veiller à l'exécution des lois, de faire le travail de tous les jours, d'assurer la protection des intérêts nationaux. Une administration compétente prépare les plans à longue durée et les projets qui dépassent largement la vie des ministères. La cohérence et la stabilité de la société libanaise dépendent largement de l'aptitude du pouvoir politique à maîtriser effectivement un développement très rapide. En effet, 162 décrets législatifs sont édictés en 1959 portant sur la réorganisation de la structure administrative toute entière. Albert Dagher considère que « les décrets législatifs édictés par l'Exécutif en Juin 1959, au terme d'une période de six mois de pouvoirs législatifs exceptionnels, sont la plus grande tentative, jusqu'à ce jour, de modernisation et de réforme de l'administration libanaise257(*). » La réforme administrative visait à libérer le citoyen de sa dépendance des hommes politiques qui ont la main mise sur l'administration. Le passage par les hommes politiques est une condition nécessaire à l'accès au service public. En outre, les employés administratifs sont liés étroitement aux hommes politiques qui s'assurent de leur coopération pour réduire le service public à leur intérêt personnel. Nommé par la politique, protégé par la politique, avancé par la politique, muté par la politique, l'agent ne vit que par et pour la politique. A aucun moment, l'Etat libanais n'a choisi ses agents pour leurs qualités intrinsèques. Le choix a toujours été influencé par des considérations électorales ou partisanes. On prend un agent non pas en raison de ce qu'il représente, mais en raison des appuis et protections dont il jouit. Sa valeur, ses aptitudes, son intégrité, son sens du devoir passent au second plan. L'essentiel est d'être appuyé, « pistonné ». Pour limiter la corruption administrative, le chéhabisme a mis en place deux organismes de contrôle de l'administration : le Conseil de la Fonction publique et l'Inspection centrale sont réorganisés et leurs prérogatives sont étendues. Le statut des fonctionnaires définit les devoirs et les responsabilités des agents de l'administration. La gestion des différents départements ministériels est placée entre les mains des hauts fonctionnaires, limitant ainsi le champ d'intervention des ministres à ce niveau. Le 12 juin 1959, la création par décret-loi du Conseil de la Fonction Publique (CFP), marqua la naissance de l'administration libanaise moderne. Garant du statut des fonctionnaires, celui-ci avait une double tâche. D'une part, s'occuper des problèmes de personnel : dépolitisation, nominations, avancements, indemnités, mutations, discipline, licenciements. D'autre part, promouvoir la formation technique et professionnelle des fonctionnaires. Il fut abandonné au profit de l'Institut National d'Administration Publique (INAP), inauguré en novembre 1960 et créé sur le modèle de l'ENA française. L'INAP était chargé d'organiser le concours de recrutement aux emplois de la troisième catégorie, seule voie d'accès désormais à la fonction publique. Son rôle consistait également à former les fonctionnaires déjà en place. Au Conseil de la Fonction Publique fut adjointe une Inspection Centrale, pilier majeur de la politique d'assainissement et de contrôle de l'appareil administratif. L'inspection avait deux rôles : veiller à la bonne marche des services publics et rechercher les méthodes susceptibles d'améliorer leur fonctionnement. * 257 - Albert DAGHER, L'Etat et L'Economie au Liban ,op.cit. ,p.53 |
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