Une conquête existentielle et une autofiction perturbées : les effets d'un miroir brisé dans le Livre brisé de Serge Doubrovsky( Télécharger le fichier original )par Jérôme Peras Université François-Rabelais de Touraine - Maïtrise 1998 |
1.2. genèse et composition de l'autofictionDans sa thèse de doctorat et dans une approche descriptive, V. Colonna tente de définir ce nouveau genre qu'est l'autofiction.29(*) Seulement, cette définition de la « fictionnalisation de l'expérience vécue » dépasse largement celle donnée par Doubrovsky, puisqu'elle englobe toute « oeuvre littéraire par laquelle un écrivain s'invente une personnalité et une existence, tout en conservant son identité réelle (son véritable nom) »30(*), au point que J. Lecarme remarque : « Dans cette extension du terme, il reste bien peu d'`auto-', et il apparaît quelque chose qui déborde de partout la fiction et qui pourrait être la littérature. »31(*) Il convient alors de revenir sur cette autofiction, au sens plus restreint que lui donne son créateur. En effet, en réaction à l'autobiographie traditionnelle et chronologique, elle est une pratique d'écriture qui subvertit délibérément les limites entre le genre autobiographique - où auteur, narrateur et personnage principal, porteurs du même nom et de la même identité, garantissent l'authenticité - et le genre romanesque - où la page de couverture et la page de titre portent l'indication « roman ». Aussi, ne se réduit-elle pas au « roman autobiographique »32(*), genre aux limites quelque peu troubles, dans lequel « le lecteur peut avoir des raisons de soupçonner, à partir des ressemblances qu'il croit deviner, qu'il y a identité de l'auteur et du personnage, alors que l'auteur, lui, a choisi de nier cette identité, ou du moins de ne pas l'affirmer »33(*), car l'autofiction, telle que nous l'entendons, contient deux affirmations à la fois contradictoires et indissociables : d'un côté, le démenti d'une référence « copie conforme »34(*) du personnage principal à l'auteur, du type « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman »35(*), et de l'autre, l'attestation de l'identité de l'auteur-narrateur et du personnage par la signature en page de couverture et en page de titre, du type Roland Barthes par Roland Barthes. Par conséquent, cette autofiction relève autant du genre romanesque que du genre autobiographique et occulter l'un de ses aspects reviendrait à élaborer une analyse réductrice et à ignorer ce qui fait justement son charme et sa richesse. Ainsi, « à la fois entièrement fabriquée et authentiquement fidèle »36(*), « à la fois `feint[e]' et `sincère' »37(*), remet-elle en cause la pratique de lecture qui s'attachait jusqu'alors à distinguer le récit factuel (c'est-à-dire l'énoncé de réalité, tel que les récits (auto)biographiques, historiques ou scientifiques ; la « [description] d'un état de fait objectif »38(*)) du récit fictionnel (c'est-à-dire l'énoncé d'affabulation ; la « [description] d'un état mental »39(*)). Il n'est alors pas étonnant que cette autofiction remplisse la case aveugle du « pacte autobiographique » de Lejeune (récits à « pacte romanesque », où le nom du narrateur-personnage est identique à celui de l'auteur)40(*) et celle de Genette (récits « aux fictions conditionnellement littéraires »)41(*) ; « à moins que cette pratique d'écriture très contestée, écrit M. Darrieussecq, ne se trouve finalement mieux logée au croisement de toutes les cases »42(*). Toujours est-il qu'au regard de l'évolution des genres et des pratiques d'écriture plus conventionnelles et plus couramment admises, en l'occurrence le roman et l'autobiographie, il nous est possible d'appréhender plus précisément la pertinence de l'avènement de l'autofiction définie par Doubrovsky. En effet, puisqu'elle se situe « au carrefour des écritures et des approches littéraires »43(*), elle n'est pas moins qu'une remise en place et une remise à jour de la conception de la littérature référentielle, et de la présence, voire de l'engagement, de l'auteur dans le récit (de soi). L'autofiction paraît rappeler que « le pouvoir poétique du langage, selon la terminologie de Jakobson, constitue en soi le lieu de l'élaboration du sens ; s'il n'oblitère point la référence, il la problématise, dans la mesure où il soumet le registre de la vie à l'ordre du texte. »44(*) Ainsi, peut-on retrouver dans presque chaque récit (auto)biographique le projet despotique de transformer rétrospectivement le vécu en une destinée singulière ou collective. Tout autobiographe, parce qu'il raconte une histoire de (sa) vie et parce qu'il utilise l'écriture narrative, paraît a posteriori conférer à son existence un sens, une cohésion, voire une cohérence, une signification, inexistants dans le réel. De cette façon, en s'engageant ouvertement dans l'affabulation par ladite déclaration du « pacte romanesque », en démontrant que finalement l'autobiographie classique (donnée comme récit factuel, purement référentiel, documentaire, et transparent à une réalité vraie et vérifiable) est une construction textuelle qui ne saurait se passer de la mise en forme, autrement dit d'un certain degré de fictionnalisation45(*), l'auteur de l'autofiction ruine l'illusion référentielle ; il ébranle la conception « naïve » et radicale de la « mimésis » en littérature46(*), c'est-à-dire du rapport d'équivalence entre « les mots et les choses », entre le langage (l'artificiel) et la réalité. Par conséquent, si l'autofiction a une valeur subversive, voire « monstrueuse »47(*), c'est qu'elle révèle qu'elle ne saurait faire autrement que de « se dissocier[...] en une personnalité authentique et en un destin fictionnel »48(*). Par fiction, il faut entendre, à ras de sens, une « histoire » qui, quelle que soit l'accumulation des références et leur exactitude, n'a jamais « eu lieu » dans la « réalité », dont le seul lieu réel est le discours où elle se déploie.49(*) Aussi, sans nullement amoindrir le souci de la vraisemblance et de l'« effet de réel »50(*), sans rompre avec l'écriture autobiographique - puisqu'« il ne s'agit plus de travestissement, mais d'une traversée de la vérité vers la fiction »51(*), d'une « fausse fiction, qui est histoire d'une vraie vie »52(*) - l'autofiction problématise la relation entre la biographie et la narration. Elle fictionnalise ouvertement, à partir de données référentielles, « d'événements et de faits strictement réels »53(*), mais disparates, informes et contingents, l'expérience vécue, et ce, en la brodant par l'imagination et en tissant une unique « ligne de vie »54(*), « une ligne de fiction »55(*) propre pour chaque autofiction ou « roman vrai ». J'ai ma recette. [...] UN ROMAN VRAI. Ça fait coup double. On chatouille l'imagination. On certifie que l'imaginaire est véridique. Jouissance double : le rêve et la réalité. Bien sûr, il y a l'art et la manière de débiter. Si on se dépiaute, il faut savoir tailler dans les chairs. Même et surtout si ça fait mal. Dégraisser la banalité du quotidien, garder le nerf, la nervure de la vie. Tout dépend comment on la découpe. Ça ne se fait pas tout seul. L'existence donne un coup de main, l'écriture un coup de pouce. Question de doigté. [Le Livre brisé, Grasset, 1989, p. 65.]56(*) Tout l'art du romancier consiste à « transmuter »57(*) par l'écriture la vie en récit, la réalité en fiction, la matière biographique en tissu narratif, en matière poétique (au sens large de la « poêsis ») ou fantasmatique, à se métamorphoser par l'affabulation en héros du quotidien ; en somme, à faire entrer son existence dans l'espace romanesque. D'une part, il s'agit pour chaque oeuvre de convertir le temps de la vie en temps de la narration, de choisir une période de vie (« trancher », pour reprendre la métaphore culinaire), de sélectionner les éléments biographiques pour en éliminer l'insignifiant et les éléments gênants (« dépiauter », « dégraisser »), et de condenser cette période (« garder le nerf »)58(*). Par exemple, Fils (Galilée, 1977) réduit une dizaine d'années en une journée et Un amour de soi (Hachette-Littérature, 1982) résume huit ans, passés aux États-Unis. La structure même des récits illustre l'intention de l'affabulation, de la composition romanesque chez Doubrovsky ; les éléments référentiels sont, à l'exception du premier volume La Dispersion (Mercure de France, 1969) qui ne contient ni chapitre ni partie, disposés selon un système titulaire qui ne ressemble en rien à celui d'une autobiographie canonique, comme : « I. L'enfance », « II. L'adolescence », « III. L'âge adulte » et « IV. La vieillesse ». À titre d'exemple, nous pouvons nous référer aux intertitres de Fils et à leurs assemblages phoniques, par l'allitération (« Strates »/« Streets »59(*)), l'assonance (« Rêves »/« Chair »59) et l'homophonie (« Chair »/« Chaire ») ; ou encore à ceux d'Un amour de soi, agencés selon une composition fuguée, où se suivent « Prélude », « Fugue » (soit l'exposition), les douze « Spirale[s] » (le développement et la strette) et « Coda » (la conclusion)60(*) : l'agencement de ces intertitres d'Un amour de soi annonce que l'univers diégétique sera constitué d'un « sujet » et d'un « contre-sujet », qui sont l'amour et sa désillusion - sentiments représentant la nature de la relation entre les deux personnages principaux, Doubrovsky (l'« énoncé ») et Rachel (la « réponse »). Aussi, le contenu figuratif se réduit pour l'essentiel à la vie que Doubrovsky partage avec l'une de ses conjointes ou concubines (et plus accessoirement avec ses parents et ses deux filles, Renée et Cathy), c'est Élisabeth dans La Dispersion (1969) et dans Fils (1977), Rachel dans Un Amour de soi (1982), Ilse dans La Vie l'instant (1985) et dans Le Livre brisé (1989), et une Française (« elle ») dans L'Après-vivre (1994). De plus, même si les scénarios peuvent globalement se réduire à la rencontre, à la relation amoureuse et à la séparation (dramatique ou tragique) entre l'auteur-narrateur-personnage et l'une de ses compagnes, l'argument organisateur de toute l'oeuvre est principalement « chromatique »61(*), c'est-à-dire « limité à l'unité d'une ambiance », à l'état d'âme, psychologique et mental de Doubrovsky, à partir duquel s'entremêlent les fils « d'événements et de faits » et les gammes de pensées, d'émotions et de souvenirs, composites, fragmentés et ressassés, comme dans l'écriture de Cl. Simon62(*) ou dans la musique sérielle. Pour l'essentiel, cet argument est le traumatisme de la seconde guerre mondiale et les émois d'une liaison amoureuse (La Dispersion), le deuil du fils pour sa mère et l'exploration des rêves (Fils), le drame de la désillusion amoureuse (Un amour de soi), les impressions fugitives (La Vie l'instant), le drame des conflits et de l'usure du couple (Le Livre brisé), le deuil de l'époux, les inquiétudes d'une rencontre amoureuse et le drame du vieillissement (L'Après-vivre). D'autre part, il s'agit de rendre l'émotion, de donner à l'énoncé narratif une expression, une intensité, et ce, au moyen d'un constant travail du style - maintes fois exhibé par le discours auctorial intradiégétique -, qui s'effectue le plus souvent sur le mode du jeu du son et du sens des mots - par exemple, le seul titre Fils se révèle polysémique par homonymie, puisqu'il peut désigner aussi bien le pluriel de « fil », soit la métaphore du tissage (si, du point de vue phonétique, l'on considère que la consonne finale est liquide), que la filiation parentale (si l'on considère que la consonne finale est sifflante)63(*). Aussi, la diction de Doubrovsky, influencée par les techniques de la psychanalyse et par les récits autobiographiques de Leiris64(*), se caractérise par les associations libres et la « friction » des mots, et, proche en cela de l'écriture célinienne, par la dislocation de la phrase et la rupture de la syntaxe. Cet extrait de la définition de l'autofiction donnée par notre auteur est tout à fait révélateur : « Rencontres, fils des mots, allitérations, assonances, dissonances, écriture, d'avant ou d'après littérature, concrète, comme on dit musique. »65(*) En « céd[ant] l'initiative aux mots » (pour reprendre la formule de Mallarmé)66(*), en jouant avec leur signifiant, en donnant libre cours aux divagations, Doubrovsky crée une musique atonale - sorte de monologue intérieur parfois proche du « délire verbal » - qui se veut rompre avec le « beau style »67(*) et l'omniscience de l'autobiographe ou du romancier traditionnel. La stylistique de Doubrovsky exprime la perspective limitée et indépassable, la vision réductrice, subjective et fragmentée de l'auto(bio)graphe, sa mémoire anxieuse et son acte névrotique, angoissé, pour atteindre la « transparence intérieure » et les « limites du dicible »68(*) et de l'inconscient. Elle est l'expression d'une aventure intérieure dans laquelle l'auteur cherche la part d'inconnu que révèle en soi l'écriture. Il s'explore et se (re)crée une nouvelle vie par et dans le langage. Par l'expérience même de l'écriture, Doubrovsky est à la fois créateur et créature de son récit. En cela, il illustre parfaitement les considérations de G. Gusdorf qui, dans son importante étude philosophique, Lignes de vie, constate que l'écriture du récit de soi est une expérience en soi et que l'ordre réel d'un tel récit ne semble pas être Auto-Bio-Graphie mais plutôt Graphie-Bio-Auto69(*). Dans ces conditions, notre « autofictionnaire »/« autoficteur » s'engage dans une expérience scripturaire, ou tout du moins résolument romanesque, où l'écriture l'emmène toujours au-delà d'un projet initialement prévu, où l'écriture d'une histoire se transforme en une histoire de l'écriture, ou, pour citer Doubrovsky, le lecteur assiste au passage du « langage d'une aventure à l'aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau »70(*). * 29 L'Autofiction (Essai sur la fictionnalisation de soi en littérature), thèse de doctorat de l'E.H.E.S.S., sous la direction de G. Genette, 1989. On peut noter que cette définition correspond grosso modo à celle que donne G. Genette dans Palimpsestes, Seuil, coll. « Poétique », 1982, p. 291 sq. Pour un rapide bilan rétrospectif de la critique de l'autofiction (qui s'arrêterait en 1991-1992), voir Ph. Lejeune « Autofictions & Cie. Pièce en cinq actes », in Autofiction & Cie, RITM, n°6, 1993, p. 5-9. * 30 Cité par S. Doubrovsky, dans « Textes en main », in Autofictions & Cie, RITM, n°6, 1996, p. 212. À ce propos, notre auteur répond : « Ma conception de l'autofiction n'est pas celle de Vincent Colonna, [...]. La personnalité et l'existence en question [dans l'oeuvre] sont les miennes, et celles des personnes qui partagent ma vie. », ibid. * 31 J. Lecarme, art. cit., p. 229. J. Lecarme et É. Lecarme-Tabone, op.cit., p. 269. * 32 S. Doubrovsky fait cette même remarque dans « L'initiative aux maux : écrire sa psychanalyse » (d'abord paru dans Cahiers confrontation, n°1, février 1979), in Parcours critique, op. cit., p. 176. * 33 Ph. Lejeune, Le Pacte autobiographique, op. cit., p. 25. * 34 Ibid., p. 35-41. * 35 Roland Barthes par Roland Barthes, Seuil, coll. « Écrivains de toujours » 1975, deuxième page de couverture et p. 123. * 36 S. Doubrovsky, « L'initiative aux maux : écrire sa psychanalyse », art. cit., p. 188. * 37 M. Darrieussecq, « L'autofiction, un genre pas sérieux », in Poétique, n°107, sept. 1996, p. 378. * 38 G. Genette, Fiction et Diction, Seuil, coll. « Poétique », 1991, p. 53. * 39 Idem. * 40 Ph. Lejeune, op. cit., p. 28, p. 31. À partir d'une lettre de S. Doubrovsky, Ph. Lejeune comble cette lacune dans « Le cas Doubrovsky », in Moi aussi, Seuil, coll. « Poétique », 1986, p. 62-70. * 41 G. Genette, Fiction et Diction, op. cit., pp. 32 et 35. * 42 M. Darrieussecq, art. cit., p. 373. * 43 Ibid., p. 379. * 44 S. Doubrovsky, « Autobiographie/vérité/psychanalyse » (1980), in Autobiographiques : de Corneille à Sartre, P.U.F., 1988, p. 64. * 45 H. Jaccomard, op. cit., p. 95-6 : « D'ailleurs, qu'entend-on précisément par fait ? Les historiens ne s'accordent pas tous sur une définition satisfaisante. Ce qui constitue un fait est le résultat de conventions et même les procédures de vérification du fait dépendant de méthodes considérées comme acceptables à un certain moment de l'histoire. Ce relativisme fondamental sape la notion même de vérité factuelle. » M. Mathieu-Colas, « Récit et vérité », in Poétique, n°80, nov. 1989, p. 399 : « [...] l'objectivité, dans le meilleur des cas, est une conquête plus qu'une donnée, une limite idéale souvent recherchée, mais rarement atteinte ». À propos de la relativité du fait et de la vérité historique, voir Le Livre brisé, Grasset, 1989, p. 17. * 46 Pour l'analyse de la représentation de la « réalité vraie » en littérature, je renvoie à l'étude magistrale d'E. Auerbach, Mimésis (la représentation de la réalité dans la littérature occidentale), trad. C. Heim, Gallimard, 1968, coll. « Tel », 1977. Aussi, sur ce problème de la « mimésis », G. Genette écrit dans « Frontières du récit » : « Platon opposait `mimésis' à `diégésis' comme une imitation parfaite à une imitation imparfaite ; mais [...] l'imitation parfaite n'est plus une imitation, c'est la chose même, et finalement la seule imitation, c'est l'imparfaite. `Mimésis', c'est `diégésis'. », in Figures II, Seuil, 1969, coll. « Points Essais », 1979, p. 55-6. * 47 Pour des raisons diverses, « monstrueux » est l'adjectif souvent employé par la critique pour désigner l'oeuvre de Doubrovsky ; « Monstre » est le titre initialement prévu pour Fils et le dernier intertitre de ce roman ; « Livre monstre » est la bande publicitaire du premier tirage (en août 1989) du Livre brisé des éditions Grasset (avant d'être remplacée au second tirage, en novembre 1989, par une autre bande : « Prix Médicis »). * 48 G. Genette s'oppose à cette dissociation, voir Fiction et diction, op. cit., p. 86. * 49 S. Doubrovsky, « Autobiographie/vérité/psychanalyse », art. cité, p. 73. Cet extrait se poursuit ainsi : « Naturellement, historicité/fictivité ne sont pas que les pôles d'une opposition idéale, comme le `normal' et l'`anormal'. On a assez insisté sur le degré d'imagination qui anime une Histoire à la Michelet, ou, inversement, sur les emprunts à peine transposés des univers romanesques d'un Balzac ou d'un Flaubert à leur propre vie, ou à celle de leur époque. La simple critique des témoignages démontre à elle seule l'irréductible part de `fiction' que comporte toute tentative en vue d'établir des `faits', dès l'instant qu'on les raconte. » * 50 L'expression est empruntée à Roland Barthes, cf. son article devenu célèbre « L'effet de réel », (d'abord paru dans Communications, 1968.), in Littérature et réalité, coll. « Points Essais », 1982 ; in Le Bruissement de la langue. Essais critiques IV, Seuil, coll. « Points Essais », 1984, ch. IV. « De l'histoire au réel », p. 179-187. * 51 J. Lecarme, B. Vercier, « Premières personnes », in Le Débat, n°54, mars-avril 1989, p. 62. * 52 S. Doubrovsky, « Autobiographie/vérité/psychanalyse », art. cité, p. 69. * 53 D'après la définition de l'autofiction donnée par Doubrovsky dans le « prière d'insérer », en quatrième page de couverture de Fils, Galilée, 1977. * 54 G. Gusdorf, Lignes de vie : (tome I) Les Écritures du moi, (tome II) Auto-bio-graphie, O. Jacob, 1991. * 55 J. Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je » (1949), in Écrits, Seuil, coll. « Le Champ freudien », 1966, p. 94. * 56 Toutes les références du Livre brisé renvoient désormais à cette édition. * 57 Pour reprendre le même terme que notre auteur, cf. « Textes en main », art. cit., p. 215. * 58 On peut noter que cet argument, apparent dans ce passage métatextuel et repris dans « Textes en main » (art. cité, p. 213.), traverse de la même façon, avec la même métaphore culinaire, toute l'oeuvre de Doubrovsky, comme : Je me raconte, je me débite. Pas au hasard : par tranches choisies. Je laisse de côté les bas morceaux. Je m'étale, opération à coeur ouvert, je m'éventre, j'offre mes tripes au public. Mais le récit, moi qui décide comment il commence, où je m'arrête. Pas les événements qui me dictent : j'édicte. Ma vie n'est que de la matière première. D'abord, ouvrir, ensuite ouvrer. [La Vie l'instant, Balland, 1985, p. 15-16.] Je me découpe, de décennie en décennie, je me débite en tranches de vie. [L'Après-vivre, Grasset, 1994, p. 20.] * 59 Les caractères gras sont de nous. * 60 Nos remarques sur la fugue s'appuient sur la définition que donne l'Histoire de la musique occidentale, dir. J. & B. Massin, Fayard, 1990, p. 87-8. * 61 Selon le sens donné par L. Baladier, in Le Récit (panorama et repères), op. cit., p. 50-51. * 62 Nous pouvons nous référer à Le Vent (Minuit, 1957), à La Route des Flandres (Minuit, 1960) à Histoire (Minuit, 1967) et bien évidement à ses récits plus autobiographiques : Les Géorgiques (Minuit, 1981), L'Acacia (Minuit, 1989) et Le Jardin des plantes (Minuit, 1997). * 63 Voir à ce sujet l'autocritique de Doubrovsky, « L'initiative aux maux : écrire sa psychanalyse », art. cit., p. 176 et suiv. De même, voir, entre autres, Ph. Lejeune (Moi aussi, op. cit., p. 65), G. Genette (Seuil, op. cit., pp. 58 et 81) et H. Jaccomard (Lecteur et lecture dans l'autobiographie française contemporaine (V. Leduc, F. d'Eaubonne, S. Doubrovsky, M. Yourcenar), Droz, 1993, p. 186.). * 64 Les deux articles autocritiques de Doubrovsky, « L'initiative aux maux : écrire sa psychanalyse » (art. cit.) et « Autobiographie/vérité/psychanalyse » (art. cit.) témoignent de cette influence de la psychanalyse. Pour ce qui concerne l'influence de Leiris, voir ce dernier article, p. 63-66. * 65 Quatrième page de couverture de Fils, op. cit. * 66 Voir S. Doubrovsky, « L'initiative aux maux : écrire sa psychanalyse », art. cit. * 67 Quatrième de couverture de Fils, op. cit. * 68 Cette expression est de M. Contat, cité dans Le Livre brisé, op. cit., p. 50. * 69 G. Gusdorf, Auto-bio-graphie, op. cit., p. 10. D'ailleurs, notre auteur déclare dans « l'initiative aux maux : écrire sa psychanalyse », art. cit. p. 188 : « Pour l'autobiographe, comme pour n'importe quel écrivain, rien, pas même sa propre vie, n'existe avant son texte. Pour n'importe quel écrivain, mais peut-être moins consciemment que pour l'autobiographe (s'il est passé par l'analyse), le mouvement et la forme même de la scription sont la seule inscription de soi possible. La vraie `trace' indélébile et arbitraire, à la fois entièrement fabriquée et authentiquement fidèle. ». Dans ce même sens, nous retrouvons par exemple : Sartre, « Autoportrait à soixante-dix ans », propos recueillis par M. Contat, 1975, in Situations, X, Politique et autobiographie, Gallimard, 1976, p. 143 : « - N'est-ce pas d'abord dans l'écriture que vous avez cherché cette transparence ? - Pas d'abord, en même temps. Si vous voulez, c'est dans l'écriture que j'allais le plus loin. » ; Cl. Simon, Discours de Stockholm, Minuit, 1986, p. 25 : « Et, tout de suite, un premier constat : c'est que l'on n'écrit (ou ne décrit) jamais quelque chose qui s'est passé avant le travail d'écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre le très vague projet initial et la langue, mais au contraire d'une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l'intention. » * 70 Quatrième page de couverture de Fils, op. cit. |
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