L'applicabilté des conventions internationales relatives au droit de l'enfant au Tchad( Télécharger le fichier original )par Eugène Le-yotha Ngartebaye Université Catholique de Lyon - Master 2 Recherche Fondements des droits de l'homme 2007 |
Section II : Les us et coutumesL'analyse de l'appréciation de l'état de la mise en oeuvre des droits de l'enfant ne doit pas se limiter au droit positif, elle doit aussi examiner comment la société peut aider ou non à la réalisation de ces droits. C'est pourquoi une lecture des valeurs traditionnelles et coutumières permettraient d'identifier les considérations issues des traditions, coutumes et us qui peuvent être un obstacle à la réalisation des droits civils et politiques de l'enfant (§1) d'une part, et des droits économiques, sociaux et culturels d'autre part (§2). §1- Les considérations coutumières comme frein à la réalisation des droits civils et politiquesC'est du regard porté par la société sur l'enfant (A) que dépendrait l'impact de la réalisation des droits civils (B). A- L'enfant dans l'imaginaire tchadienPour mieux comprendre pourquoi la société tchadienne reste réticente ou non à l'éclosion des droits de l'enfant, il faudrait saisir la perception que cette société a de l'enfant. Cette perception correspond-t-elle à celle des autres sociétés, notamment la société occidentale ? La réponse semble être négative. Levain naturel de la société, l'enfant, en Afrique d'une manière générale et au Tchad en particulier, n'est pas simplement une catégorie biologique mais constitue une catégorie sociale dont l'histoire s'énonce différemment selon la société considérée. C'est pourquoi, parler de l'enfant dans l'imaginaire tchadien reviendrait à le « situer à l'intérieur de la culture de son univers particulier où prédomine telle forme de pensée, tel climat affectif, tel niveau technique, tel mode d'affirmation de soi, tel type de langage(....)Il serait de mauvaise méthode de voir le développement de l'enfant autrement qu'en référence à ce champ de force culturel qui lui impose ses structures et ses coordonnées mentales. »81(*). Et justement, l'enfant dans l'imaginaire tchadien n'est pas un être autonome, doué de raison et capacité . Il est plutôt considéré comme un incapable que la société doit protéger et orienter afin qu'il devienne un de ses membres. Tout est décidé à sa place car la société estime qu'elle fait le choix qui va dans l'unique intérêt de l'enfant. Cette logique de « penser l'enfant » propre à la société tchadienne fait qu'il n'existe pas de critères de délimitation d'âge. L'âge varie en fonction des considérations des structures mentales. L'enfant devient adulte, par exemple, lorsqu'il aura accompli un certain rituel dans certaines traditions (les rites initiatiques dans certaines sociétés pour les garçons et l'excision pour les filles). D'où le constat posé par les travaux de l'anthropologue Ferme Marianne selon lesquels l'enfance en Afrique Subsaharienne est souvent assimilée à un moment d'ambiguïté, un état hybride et instable82(*). Et c'est à bon droit que Philippe ARIES83(*) soutenait que la perception de l'enfance comme état d'innocence et comme une condition à part de l'âge d'adulte est une représentation relativement récente propre aux sociétés occidentales. Cette perception fait que l'enfant reste un sujet non autonome auquel la société dicte ses lois et ne tient pas forcément compte de son avis. Cette conception conduit, la plupart du temps, à la méconnaissance des droits de l'enfant. * 81 ERNY, P. : L'enfant dans la pensée traditionnel de l'Afrique Noire, Paris, 1968, p.85 * 82 FERME, M.: The underneath of things. Violence, History and the everyday life in Sierre Leone, Berkely,University of California Press,2001, pp. 197-198 * 83 ARIES, P : L'enfant et la vie famille sous l'Ancien Régime, Paris, Seuil, 1973. |
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