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FACULTE DE DROIT
INSTITUT DES DROITS DE L'HOMME
![](Lapplicabilte-des-conventions-internationales-relatives-au-droit-de-lenfant-au-Tchad2.png)
L'applicabilité des Conventions Internationales
relatives aux Droits de l'Enfant au Tchad
Mémoire présenté et soutenu publiquement
en vue de l'obtention du Master II Fondement des Droits de L'Homme
Présenté par:
Sous la direction de :
NGARTEBAYE Eugène Le-Yotha
Didier Têtevi AGBODJAN (Dr)
Maître de Conférences en
Droit.
Directeur pédagogique de Master1
Année Universitaire 2007-2008
A
Feu Colonel Nelde Rigobert
Pour le sens du sacrifice
Remerciements
Nous voudrions remercier tous ceux qui ont contribué
à la rédaction de ce mémoire, notamment à:
Notre Directeur de Mémoire, Mr. Didier Têtevi
AGBODJAN, qui en dépit de ses multiples occupations nous a
été d'un apport considérable
M. GEDEON Laurent, directeur de l'Institut des droits de
l'homme, pour ses conseils et son soutien au cours de cette année
académique
Tous les enseignants de L'IDHL pour le savoir qu'ils nous ont
transmis
La Fondation Nationale de France pour son Soutien financier
ALLADOUM NDOGNGAR Désire et ORMENATHE LE-NABOYO Michel
pour leurs apports financiers et matériels
A PALUKU Jean Berchmans et Gaëlle LE ROUX pour la
relecture et les corrections de ce mémoire
LA FACULTE N'ENTEND DONNER
AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE MEMOIRE. CES
OPINIONS DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A L'AUTEUR
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LA DETERMINATION DES CRITERES
D'APPLICABILITE DANS LE CONTEXTE TCHADIEN
CHAPITRE I : L'ESQUISSE DE DETERMINATION DES CRITERES
D'APPLICABILITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANT
Section I : La détermination des critères
d'évaluation de la mise en oeuvre
Section II : L'existence des dispositifs administratif et
judiciaire de protection de l'enfance
CHAPITRE II : LES OBSTACLES D'ORDRE POLITIQUE ET
SOCIOECONOMIQUE
Section I : L'instabilité politique : une
histoire chronique
Section II : Les pesanteurs économiques et
sociales
DEUXIEME PARTIE : L'EFFECTIVITE DES MESURES DE
PROTECTION DE L'ENFANCE
CHAPITRE III : L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE
PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR RAPPORT AUX NORMES INTERNATIONALES
Section I : Les lois tchadiennes et les normes du droit
international de protection des droits de l'enfant
Section II : Les us et coutumes
CHAPITRE IV : LES MECANISMES DE GARANTIE DE PROTECTION
DES DROITS DE L'ENFANT ET DOTATIONS HUMAINES ET BUDGETAIRES
Section I : Les structures administratives de garantie de
protection des droits de l'enfant
Section II : Les dotations humaines et
budgétaires
CONCLUSION GENERALE
INTRODUCTION GENERALE
L'adoption de la déclaration du millénaire en
2000 par la Communauté Internationale comme base de travail pour
l'édification d'un monde meilleur au 21ème siècle reste un
évènement qui marque l'esprit des Etats. Les objectifs de la
déclaration font une place importante à l'enfant en
assignant aux décideurs, tant publics que privés, l'obligation
d'oeuvrer pour lui donner les moyens de grandir dans le bonheur afin qu'il
puisse réaliser ses potentialités : une bonne alimentation, une
meilleure couverture sanitaire, une bonne éducation.... etc.
L'ancien Secrétaire Général de
l'Organisation des Nations Unies, Koffi ANNAN, précisait dans un
avant-propos de « L'enfance en
péril »1(*) que « laisser les enfants ainsi en
péril c'est compromettre l'avenir de tous. Ce n'est qu'en progressant
vers la réalisation des droits de tous les enfants que les nations se
rapprocheront de leur objectif de développement et de
paix ».
Mais depuis 2005, les droits de l'enfant peinent à
trouver pleine application dans plusieurs pays et en particulier au Tchad
où nous envisageons de mener une étude portant sur
l'applicabilité des Conventions Internationales relatives aux droits de
l'enfant. Un bref rappel du contexte de l'étude nous aiderait à
mieux situer notre question avant de procéder à la clarification
des notions de notre travail.
Situé entre les 7ème et 24ème
degrés de latitude Nord et les 13ème et 24ème
degrés de longitude Est, avec une superficie de 1.294.000 km², le
Tchad est au carrefour de l'Afrique du Nord arabo-musulmane et de l'Afrique
subsaharienne. Sans aucune ouverture sur la mer, le territoire tchadien est
entouré par le Soudan à l'Est, la Libye au Nord, le Niger, le
Nigeria, le Cameroun à l'Ouest et par la République
Centrafricaine au Sud. Devenu République en 1958, il acquiert son
indépendance le 11 août 1960.
Plus de 9,27 millions de personnes vivent sur le territoire du
Tchad, parmi lesquelles on dénombre plus de 50% d'enfants2(*). Au nombre de ceux-ci, 391 000
ont entre 0 et 1 an, et 1 610 500 entre 6 et 11 ans.
Le pays a une population jeune de 5 032 000 habitants
avec un taux d'accroissement naturel de 3,2%3(*).
On note trois zones climatiques dominantes, à
savoir :
- La zone saharienne qui s'étend au Nord, où
l'on pratique l'élevage des chameaux. La population de cette zone est
nomade.
- La zone sahélienne au centre est par excellence le
domaine de l'élevage des boeufs. Cette zone est habitée par deux
types de populations : les éleveurs nomades et les semi-nomades qui
vivent de l'élevage et de la terre.
- La zone soudanienne au Sud, propice à
l'activité agricole et peuplée par des agriculteurs
sédentaires.
Depuis l'indépendance, le pays est en proie à
une interminable guerre interne opposant les pouvoirs centraux successifs
à des groupes armés. Régulièrement ces derniers
parviennent à renverser le pouvoir avant d'en être eux-mêmes
chassés. Ce cycle infernal fait de violents coups d'Etat se
perpétue depuis à peu près trois décennies. Cette
situation de conflits permanents a eu de terribles répercussions sur le
développement économique du pays.
Le Tchad est passé du rang de 167ème pays le
plus pauvre en 2000 à celui de 173ème sur 177 en 2003, selon
l'Indice de Développement Humain4(*). Le pays connaît donc une situation de
pauvreté endémique dont les principales victimes sont les
enfants.
Selon l'Enquête sur la Démographie et la
Santé au Tchad (ci-après EDST) 2005, 37% des enfants
présentent une insuffisance pondérale et 83% des enfants qui ont
entre 5 et 17 ans travaillent dans des conditions déplorables5(*). Le même rapport attire
l'attention sur le nombre élevé d'enfants enrôlés
dans l'armée (qu'il s'agisse des forces gouvernementales ou des factions
rebelles).6(*)
Cette situation des enfants est plus préoccupante quand
on sait que le Tchad est lié à plusieurs Conventions et
traités internationaux (tant régionaux qu'internationaux)7(*).
La situation du contexte de l'étude faite, il convient
de saisir les notions d'« applicabilité »
et de « droit de l'enfant ».
L'applicabilité dérive du verbe appliquer, qui
provient lui-même du latin « applicare ». C'est,
selon le vocabulaire juridique8(*), le caractère de ce qui est applicable ;
la vocation pour un système juridique ou une norme à régir
une situation. L'applicabilité se résume donc à l'aptitude
à être appliquée, c'est la transcription concrète
d'une norme pour lui permettre de produire les effets escomptés.
Le droit international laisse la définition des
procédures d'application des Accords ou Traités signés ou
ratifiés par les Etats au droit interne de chaque Etat. Ainsi, au Tchad,
selon les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2 de la
Constitution, « les Traités et Accords ne prennent
effet qu'après avoir été approuvés et
ratifiés ». Et ils ont une valeur supérieure
à la loi au sens de l'article 219 de la Constitution. On comprend alors
que l'application d'un Accord ou Traité ne prend effet qu'après
approbation, ratification et publication. Cette pratique obéit bien
à la logique du principe de « pacta sunt
servenda » qui gouverne les relations entre les Etats au plan
international.
C'est pourquoi la Convention relative aux Droits de l'enfant,
la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des
enfants et l'action en vue de leur élimination, ou la Charte africaine
des droits et bien être de l'enfant, pour ne citer que ceux là,
ont été ratifiées et publiées. Il convient donc de
mesurer les effets qu'ils ont induit depuis leur incorporation dans le corpus
juridique Tchadien.
Au Tchad, le statut de
l'« enfant » se trouve souvent
résumé dans les proverbes et expressions populaires. Par exemple
: « Une maison sans enfant est une tombe » ;
« ce qui appartient à l'enfant, appartient à la
mère » ; « le manque d'enfants est le plus
grand défaut ». Ces proverbes et expressions d'origine
chinoise et africaine posent la problématique du statut de l'enfant dans
la société. Ils montrent que l'enfant est à la fois celui
que l'on protège et celui que l'on exploite. D'où vient ce
paradoxe ?
La difficulté vient de la définition même
du concept enfant. Qu'appelle-t-on enfant ? Doit-on le définir par
son âge, son rôle, ou sa société ?
Chez les Romains, Infans (qui a donné enfant)
veut dire « celui qui ne parle pas », c'est à dire
un bébé. Ailleurs, on est considéré comme enfant
jusqu'à l'âge de la majorité. Le lexique des termes
juridiques donne deux sens au mot enfant. Au sens large, il s'agit de toute
personne mineure protégée par la loi (enfant abandonné,
assisté, délaissé). Au sens strict, c'est un descendant au
premier degré.
En droit civil par exemple, l'enfant est le descendant au
premier degré. Mais plus largement, il est la personne mineure
protégée par la loi (c'est le cas des enfants abandonnés
ou des enfants assistés).
En droit du travail, l'enfant est considéré
comme tel jusqu'à ce qu'il dépasse l'âge scolaire, c`est
à dire 16 ans. Il lui sera interdit de travailler avant cet âge,
mais pourra par contre être apprentis, exercer des travaux légers
ou participer à des spectacles.
Au Tchad, le code de travail (Art.46) interdit l'emploi
professionnel des enfants avant l'âge de 14 ans, sauf dérogations
fixées par décret, sur proposition du Ministre du travail et de
la sécurité sociale et celui de la santé. Dans ce cas il
faudra obtenir l'accord des représentants légaux de ces enfants.
L'enfant est donc perçu comme une
« pépinière » qu'il faudra entretenir et
protéger des prédateurs. S'il existe une ambivalence dans la
conception de l'enfant, l'histoire des droits tente de la clarifier.
Historiquement, lorsqu'on évoque la question des droits
de l'enfant, on pense à l'anglaise Eglantyne Jebb qui s'est battue pour
que les droits de l'enfant obtiennent la reconnaissance juridique
internationale en 1919. Elle avait créé l'association
« Save the Children Fund » pour remédier à la
misère des milliers d'enfants européens au sortir de la
première guerre mondiale. Ses ambitions dépassent le simple
apport de secours immédiats quand en 1920 naquit l'Union Internationale
de Secours aux Enfants, qui se transforma en Union Internationale de Protection
de l'Enfance. C'est cette dernière organisation qui rédigea
l'avant-projet de la Déclaration de Genève des droits de l'enfant
de 1924 adoptée par l'Assemblée de la Société des
Nations. Les droits de l'enfant connaissent encore en 1959 une reconnaissance
par la Déclaration des Nations Unies. Mais au-delà de ces
différentes évolutions, le contenu des droits de l'enfant reste
sujet à controverse.
L'approche traditionnelle, qui se revendique de la philosophie
des droits de l'homme - en particulier de Kant et de Condorcet - pose
l'idée fondamentale de l'éducation et de l'instruction. Si
l'homme est par essence un être libre, il n'y parvient
véritablement qu'en accomplissant le processus éducatif qui le
fait accéder à l'autonomie et la responsabilité.
Juridiquement, la référence aux droits de l'homme implique
d'abord de tirer toutes les conséquences de la spécificité
de l'enfance. La minorité, écrit Irène THERY,
« ne maintient pas l'enfant dans le non droit, elle signifie que s'il
est titulaire de droits dès sa naissance, il ne saurait être
sommé de les exercer immédiatement
lui-même »9(*).
C'est pourquoi on désigne des personnes (le plus
souvent les parents ou les représentants légaux) qui ont le
pouvoir et le devoir de veiller au respect des droits fondamentaux de l'enfant.
L'incapacité juridique est donc le droit à
l'irresponsabilité, c'est-à-dire à ne pas être
soumis aux devoirs qu'implique la capacité. C'est cette acceptation
protectrice qui avait présidé à la convention de
Genève de 1924 sur les droits de l'enfant, ainsi qu'à la
Déclaration des droits de l'enfant de l'ONU de 195910(*). C'est le droit applicable
à l'enfant.
Mais cette conception a été critiqué par
les partisans de l'autodétermination des enfants qui considèrent
la protection de l'enfant comme la forme moderne d'une oppression
séculaire. D'où la naissance de l'approche moderne qui
privilégie l'autonomie de l'enfant, sa capacité. Cette vision qui
a été adopté par les rédacteurs de la Convention
onusienne des droits de l'enfant de 1989.
Le texte onusien de 1989, tout en prenant en compte le sens du
« droit de l'enfant » de la convention de Genève de
1924 et de la Déclaration de 1959, définit clairement les
« droits de l'enfant » comme droits à
« une protection spéciale »11(*). Outre les droits à la
protection, ce texte considère d'autres types de droits n'ayant de sens
qu'exercés par leurs bénéficiaires et supposant la
responsabilité : le droit à la liberté d'opinion,
liberté d'expression, liberté de pensée, de conscience,
etc. Le changement de terminologie exprime un renversement de
perspective : la situation de l'enfant doit désormais être
envisagée du point de vue de l'enfant, et autant que possible par
l'intéressé lui-même. Ce changement de perspective s'est
accompagné d'une référence par la Convention de l'ONU
à l'« intérêt supérieur » de
l'enfant. Tous les textes postérieurs à 1989 se placent dans
cette perspective.
Ainsi le Tchad, ayant ratifié ces différents
textes, adhère à cette nouvelle conception. Mais la situation de
l'enfant tchadien est alarmante : famine, maladie, exclusion,
discrimination, manque d'éducation, etc. C'est fort de ce constat que
nous nous posons la question suivante : A quoi tient l'échec du
droit et du politique à garantir efficacement les droits de l'enfant au
Tchad ? Suffit-il de ratifier les Conventions en matière des droits de
l'enfant pour en conclure à leur application effective ?
L'application des droits de l'enfant se résume t-elle aux aspects
institutionnels de l'Etat ? Ce sont là autant de questions qui
méritent d'être analysées. Pour étudier ces
interrogations nous formulons les hypothèses suivantes :
L'applicabilité fait appel à une mesure.
Dès lors il faudrait déterminer les critères pour
opérer cette mesure tout en mettant en lumière le contexte de
l'étude qui peut constituer a priori un élément assez
important à prendre en compte.
Puis il faudrait procéder à la mesure proprement
dite à travers les normes, les us et coutumes et les dispositifs
administratifs, financiers et humains.
Aussi faut-il souligner que ce travail suscite plusieurs
intérêts tant au niveau scientifique que social.
Au niveau scientifique, ces questionnements permettront
d'évaluer la mise en oeuvre des droits de l'enfant pour faire ressortir
tout ce qui entrave la pleine jouissance de ces droits au Tchad.
L'appréciation se fera à travers les éléments
techniques, humains et matériels.
Ils contribueront aussi à la recherche de nouvelles
pistes pour une application effective, en dépassant la grille de lecture
centrée sur le droit pour intégrer une vision plus large,
englobant les fonctionnements et influences des structures sociales.
Au niveau social, le Tchad a connu au mois de novembre 2007 le
scandale de « l'Arche de zoé ». Cette étude
mettrait aussi en exergue la part de responsabilité de la
société dans l'application des droits de l'enfant. Cette
société qui, sciemment ou inconsciemment, refuse toujours de voir
en l'enfant un être autonome.
Ce travail n'a pas pour ambition d'aborder toutes les
Conventions Internationales ratifiées par le Tchad. Il se limitera
à la Convention Onusienne des droits de l'enfant de 1989 et ses
Protocoles Facultatifs12(*), à la Charte Africaine des droits et du bien
être de l'enfant et à la Convention 182 concernant l'interdiction
des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de
leur élimination. Ce choix se justifie par le fait que l' application
de ces conventions produit des effets visibles sur la vie des enfants.
Notre travail portera dans la première partie sur
l'esquisse de détermination des critères d'appréciation de
l'applicabilité dans le contexte tchadien. Cette étude nous
permettra, dans la deuxième partie, de mieux apprécier le niveau
de mise en oeuvre, c'est à dire l'effectivité.
PREMIERE PARTIE : LA
DETERMINATION DES CRITERES D'APPLICABILITE DANS LE CONTEXTE TCHADIEN
L'application des Conventions relatives aux droits de l'enfant
ne peut échapper à la question qui se pose quant à
l'application du Droit International d'une manière
générale.
En effet, l'application du Droit International est
envisagée à la lumière de deux principes. Le premier est
énoncé à l'article 27 de la Convention de Vienne sur le
droit des Traités : « une partie ne peut invoquer les
dispositions de son droit interne comme justifiant la non exécution d'un
traité. » Cette disposition pose la question des
possibles modifications de certaines dispositions de l'ordre juridique interne
afin de donner effet à leurs obligations conventionnelles. Ainsi,
après la ratification, l'Etat doit prendre des mesures
législatives internes pour intégrer son engagement international.
Il découle de ce premier principe, s'agissant de la mesure de
l'application, la nécessité d'avoir les critères pour
mieux apprécier la mise en oeuvre des droits de l'enfant.
Le second principe est énoncé à l'article
8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme :
« toute personne a droit à un recours effectif devant les
juridictions compétentes contre les actes violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou la
loi ». Ici, c'est la question de la justiciabilité qui se
dessine. En d'autres termes, le second principe pose le problème des
structures, qu'elles soient administratives ou judiciaires, et des moyens, tant
humains que matériels, pour garantir de manière effective la
jouissance par les individus (enfants) des droits issus des obligations
internationalement contractées.
C'est pourquoi nous nous attacherons à
déterminer les critères (Chapitre I) qui nous permettrons de
mesurer le niveau d'effectivité des droits de l'enfant, et ce, en
prenant en considération le contexte tchadien (Chapitre II) comme ne
permettant pas, a priori, une application réelle.
CHAPITRE I : L'ESQUISSE DE DETERMINATION DES CRITERES
D'APPLICABILITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANT
La détermination des critères obéit
à une logique d'inventaire des éléments de mesures qui
nous permettront de procéder, au moment opportun, à
l'appréciation des mesures de protection de l'enfance au Tchad. Ces
critères doivent se trouver tant dans le domaine législatif
(section I) que dans les dispositifs administratifs, humains et financiers
(section II).
Section I : La
détermination des critères d'évaluation de la mise en
oeuvre
D'une manière générale, sous
réserve des dispositions internes propres à chaque Etat, les
normes internationales contraignantes relatives aux droits de l'Homme devraient
s'appliquer directement et immédiatement dans le cadre du système
juridique interne de chaque Etat partie, et permettre aux personnes d'en tirer
les bénéfices nécessaires. Mais les conventions sur les
droits de l'enfant, qu'elles soient régionales ou internationales, ne
définissent pas concrètement les modalités de leur propre
application dans l'ordre juridique national. De plus elles ne contiennent
aucune disposition obligeant les Etats parties à l'incorporer
intégralement au droit national ou à leur accorder un statut
particulier dans le cadre de ce droit. Toutefois, bien que les modalités
concrètes pour donner effet dans l'ordre juridique interne soient
laissées à la discrétion de l'Etat partie, les moyens
utilisés doivent être appropriés, c'est-à-dire
produire des résultats attestant que l'Etat s'acquitte
intégralement de ses obligations. C'est le sens des dispositions du
paragraphe 2 de l'article 1er de la CIDE, de l'article
1er de la Convention 182 de l'Organisation Internationale du Travail
ou encore de l'article 1 de la CADEF13(*).
Les différentes dispositions sus
énumérées font obligation à l'Etat ayant
contracté les traités d'adopter une politique législative
favorisant la jouissance effective des droits (§1). Mais si l'adoption de
la politique législative ressort de la compétence des organes de
l'Etat, la mise en application effective des droits dépend
également de facteurs sociaux (§2). La détermination de ces
critères n'est pas le fruit du hasard, elle répond à des
réalités qui se trouvent prises en compte tant par le droit
international régional qu'universel.
§1- L'obligation d'adoption des politiques
législatives : pour une application concrète
Afin que les droits énoncés dans les
traités contractés produisent leurs effets, l'Etat doit modifier
les dispositions de ses lois internes pouvant être en contradiction avec
les traités internationaux ou les vider de leur sens. Cette obligation
ne se résume pas à la seule modification des lois. Elle doit
aussi montrer de manière concrète, à travers les
critères, comment l'Etat entend appliquer les droits, qu'il s'agisse des
droits sociaux et économiques (B) ou des droits civils et politiques
(A).
A- L'existence législative des critères
d'application des droits civils et politiques
Désignés comme étant la première
génération des droits de l'homme, les droits civils et politiques
sont des droits que l'individu peut opposer à l'État. On les
nomme « les libertés résistance ».
Historiquement, ces droits, déjà embryonnaires
dans la Constitution coutumière anglaise, se sont
développés à la fin du
XVIIIe siècle et ont été reconnus lors des
révolutions américaine (1787) et française (1789). Ils
sont repris dans tous les instruments pertinents de protection des droits de
l'homme : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le
Pacte International portant sur les Droits Civils et Politiques de
1966, la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant, la
Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant, etc.
Classiquement, on distingue :
- Les
libertés
individuelles qui consistent pour chaque individu « à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». On peut
compter parmi ces dernières : la liberté
« physique », qui se traduit en premier lieu par le
droit à la
vie, puis l'interdiction de l'esclavage, l'interdiction de la torture et
des peines inhumaines ou dégradantes et l'interdiction de la
détention arbitraire (
Habeas
corpus) appelée aussi sûreté (Montesquieu) ;
les libertés familiales (liberté du
mariage, filiation, et
aujourd'hui vie privé) ; la
propriété
privée (assimilée par la Déclaration de 1789 à
un droit naturel et imprescriptible de l'homme, articles 2 et 17) ; la
liberté
contractuelle
(article 1134 du Code civil français).
- Les
libertés
politiques, c'est-à-dire le
droit de vote, le
droit
de résistance à l'oppression, le
droit
de réunion pacifique.
Mais pour notre travail, nous n'allons pas aborder tous les
aspects des droits civils et politiques. Nous avons choisis les
critères suivants : l'enfant, l'intégrité physique,
la liberté d'expression et d'opinion, l'égalité. Ce choix
se justifie par leur pertinence et leurs effet sur la réalisation des
autres droits.
1- La définition de l'enfant
La définition du concept
« enfant » s'avère être un des
critères les plus importants à déterminer par la
législation interne. L'enfant est défini dans la Convention
Internationale des Droits de l'Enfant comme « tout être
humain âgé de moins de 18 ans »14(*). Cette définition
stricte n'est pas celle retenue par la convention onusienne de 1989 qui fixe
l'âge à dix huit ans tout en l'assortissant d'une
possibilité d'atteindre la majorité avant cet âge si la
législation nationale l'autorise15(*). Mais, d'une façon générale, on
considère que l'enfant est une personne de moins de dix huit ans. La
reprise de cette définition par une loi interne ne semble pas saugrenue.
Elle a l'avantage de forger une acceptation commune de ce que l'on entend par
« enfant » du point de vue national et
international. Elle unifie la vision sur cette personne que l'on désigne
par « enfant » ; alors qu'on a souvent tendance
à donner une définition de l'enfant selon ses rites, ses
habitudes ou croyances.
La matérialisation de la définition de l'enfant
nécessiterait l'existence d'un état civil qui permettrait de
lever d'éventuels doutes quant aux questions de l'âge, de
l'identité, et tous les effets qui lui sont rattachés. La
détermination et la fixation d'un âge de l'enfant éviterait
toute tentative de se soustraire à l'acceptation commune reconnue
universellement pour en attribuer une autre vision, ou acceptation.
Ainsi, l'existence de la définition de l'enfant ou la
reprise de la définition de l'enfant contenue dans les dispositions
conventionnelles permettrait de mieux voir les autres critères.
2- La vie ou le respect de l'intégrité
physique
Par la vie, nous entendons mettre en exergue l'aspect de
l'intégrité physique, car si l'enfant est né et qu'il a
une identité, il doit pouvoir vivre en toute tranquillité. C'est
pourquoi le respect de son intégrité physique s'avérerait
impérieux.
On note de plus en plus que les parents, les structures
d'éducation ou la société de manière
générale sont portés à exercer des violences contre
les enfants. Ce constat a été fait en 1993, par le Comité
onusien des droits de l'enfant, lorsqu'il a estimé « qu'il
ne fallait pas négliger la question des châtiments corporels si
l'on voulait améliorer le système de promotion et de protection
de l'enfant »16(*).
Les Châtiments corporels ou physiques impliquent l'usage
de la force physique et visent à infliger un degré de douleur ou
de désagrément à l'enfant. La plupart des châtiments
se traduisent par l'administration d'une « tape », d'une
« gifle », d'une « fessée ».
Mais pour la société, ces châtiments
apparaissent comme des mesures disciplinaires ou éducatives. C'est le
cas des coups de fouets que peut donner un instituteur ou des claques que les
parents administrent à leurs enfants.
La violence consiste aussi à porter atteinte de
manière grave à l'intégrité physique de l'enfant,
c'est à dire à une partie de son corps (l'excision par
exemple).
Mais elle prend également la forme de pressions faites
sur les enfants pour obtenir d'eux un rendement meilleur dans le travail, au
détriment de leur intérêt : c'est l'utilisation des
enfants dans les champs de guerre, pour des travaux industriels dangereux ou
encore l'exploitation sexuelle.
Pour que ces différents agissements prennent fin, il
faut l'existence de lois qui définissent le statut des enfants,
organisent et encadrent leur travail et punissent les abus dont ils font
l'objet. Ces lois doivent être en même temps préventives,
répressives et réparatrices pour permettre à l'enfant
victime de la violence d'obtenir la réparation de son
intégrité bafouée.
3- La liberté
d'expression et d'opinion
L'exercice de la liberté d'expression et d'opinion
s'avère capitale pour les enfants. Il leur permet de se faire entendre
sur leur situation et de résister contre les pratiques oppressives. En
parlant ouvertement, soit dans les contextes politiques ou culturels, les
enfants oeuvrent pour l'amélioration de leur statut dans leur
société. L'écoute des enfants permet une meilleure prise
en compte de leurs intérêts et la mise en oeuvre d'actions en leur
faveur.
Ainsi, il faudrait que l'Etat, par une disposition
législative ou réglementaire, institue des activités
ponctuelles ou régulières tel que le Parlement des enfants. Ceci
pour stimuler et favoriser une prise de conscience de la société
face à l'expression des opinions des enfants. L'existence du Parlement
des enfants ne doit en aucune façon s'inscrire dans l'ordre du
symbolique. Il doit veiller à repérer les opinions
représentatives des enfants afin de mieux mettre en oeuvre les droits
qui leur sont reconnus.
Si les critères du respect de l'intégrité
physique et de la liberté d'expression sont posés de façon
concrète dans les dispositions législatives, encore faudrait-il
que l'égalité le soit également.
4- Le principe de
l'égalité
L'égalité signifie que tous les enfants sont
égaux, quelles que soient leurs situations ethnique, sociale,
linguistique, sexuelle et religieuse etc. C'est l'égalité des
droits reconnue à tous les enfants. A travers le principe
d'égalité, c'est celui de la non discrimination qui est aussi
proclamé. Il postule de ne point donner plus de droits à une
catégorie qu'à une autre.
Mais il signifie aussi qu'il faut s'efforcer d'identifier les
enfants ou groupes d'enfants dont les droits ne sont pas reconnus ou
appliqués ; et mettre en place si nécessaire des mesures
spéciales pour les faire appliquer. Il convient de souligner que
l'application du principe de non discrimination ne signifie pas un traitement
identique pour tous. C'est pourquoi le Comité des Droits de l'Homme a
souligné, dans une observation générale,
« qu'il était important de prendre des mesures
spéciales afin d'éliminer les conditions à l'origine de la
discrimination ou d'en réduire l'ampleur »17(*).
Cependant, il est impératif que la loi affirme le
principe de la non discrimination pour permettre aux
bénéficiaires de l'invoquer devant les instances veillant
à son respect.
La jouissance des droits ne peut s'analyser seulement sous le
prisme des « acquis », mais doit aussi s'étudier
sous l'angle des respects, c'est-à-dire des devoirs.
Les enfants disposent non seulement de droits, mais aussi de
devoirs. Tout manquement à ses devoirs entraîne des sanctions.
Afin d'organiser ces sanctions, l'Etat doit définir des mesures
permettant de prévenir les cas des enfants susceptibles d'entrer en
conflit avec la loi. Ces mesures préventives doivent consister à
la définition de la politique globale de la justice pour mineurs, au
système de placement et d'insertion des enfants. Elles doivent indiquer
comment elles s'appliqueront, tout en respectant l'égal accès aux
instances de prévention et de répression.
Aux critères d'application des droits fondamentaux, il
faudrait adjoindre ceux des droits économiques, sociaux et culturels.
B- L'existence législative des critères
d'application des droits économiques, sociaux et culturels
Après les droits civils et politiques dits de
première génération, viennent les droits
économiques, sociaux et culturels. Ils sont dits de la deuxième
génération. Ce sont des droits qui nécessitent
l'intervention de l'État pour être mis en oeuvre. L'individu est
ici en mesure d'exiger de l'État une certaine action, prestation.
De là vient l'expression
« droits-créances » sous laquelle on désigne
aussi les droits économiques, sociaux et culturels. Cette théorie
pose les droits-créances comme la compensation de l'abandon d'une part
de la liberté des citoyens dans la société politique. Elle
trouve application avec l'instauration de l'Etat providence, au lendemain de la
seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, elle est considérée comme
un critère à part entière de l'Etat de droit.
On peut en donner une liste non-exhaustive : droit au
travail, droit à l'éducation, droit syndical, etc. Dans les
développements qui suivront, nous nous concentrerons sur le droit
à l'éducation, le droit à la santé et le droit au
travail. Nous estimons que le choix de ces trois entrées se justifie par
la le fait que leurs traductions et effets sont plus visibles.
1- Le droit à l'éducation
« Une tête bien faite, un esprit
éclairé et actif capable de vagabonder librement est une des
joies des récompenses de l'existence ». Cet adage
résume le rôle et l'importance de l'éducation dans le
développement d'un enfant.
En effet, l'éducation est à la fois un droit
fondamental en soi et une des clefs de voûte de l'exercice des autres
droits inhérents à la personne humaine. L'éducation donne
aux enfants tous les moyens pour participer pleinement à la vie de la
communauté. L'éducation joue un rôle majeur, qu'il s'agisse
de rendre les enfants autonomes, de les protéger contre les
exploitations, l'exercice d'un travail dangereux ou l'exploitation sexuelle, de
promouvoir les Droits de l'Homme et la démocratie, de préserver
l'environnement, etc. Elle est « de plus en plus
considérée comme un des meilleurs investissements financiers que
les Etats puissent réaliser »18(*).
Ainsi, pour donner tout son sens au droit à
l'éducation, les mesures législatives doivent porter de
façon précise sur les « dotations »,
accessibilités, acceptabilités, adaptabilités qui sont
interdépendantes.
En effet, les « dotations » impliquent
l'existence d'infrastructures et de programmes éducatifs en nombre
suffisant. Leur fonctionnement est tributaire de nombreux facteurs, dont
l'environnement par exemple puisqu'il faut prévoir des bâtiments
ou autres structures offrant un abri contre les éléments
naturels.
L'accessibilité fait aussi référence aux
établissements d'enseignement et aux programmes éducatifs qui
doivent être à la portée de tous les enfants. Elle
revêt trois dimensions qui se chevauchent :
- La non-discrimination. L'éducation doit être
dispensée à tous en droit et en fait, notamment aux groupes
vulnérables, sans discrimination fondée sur une quelconque
considération.
- L'accessibilité physique signifie que l'enseignement
doit être dispensé en un lieu raisonnablement accessible. Les
enfants dans les campagnes, par exemple, ne doivent pas faire beaucoup
d'efforts pour joindre leur établissement (parcourir des dizaines de
kilomètres chaque jour).
- L'accessibilité, du point de vue économique,
indique que l'éducation doit être économiquement à
la portée de tous les enfants. L'enseignement primaire doit être
« accessible gratuitement à tous et obligatoire »
(sous réserve de l'instauration progressive de la gratuité de
l'enseignement secondaire et supérieure).
L'acceptabilité fait appel à la forme et au
contenu de l'enseignement, y compris les programmes scolaires et les
méthodes pédagogiques qui doivent être acceptables
(pertinents et culturellement appropriés et de bonne qualité)
pour les enfants et selon le besoin des parents.
L'adaptabilité implique la souplesse de l'enseignement
et son adaptation aux besoins des sociétés et des
communautés en mutation, tout comme aux besoins des enfants de niveaux
sociaux et culturels différents.
C'est avec l'application de ces critères
« interdépendants et essentiels », que
l'intérêt de l'apprenant se réalisera.
2- Le droit à la
santé
Droit fondamental de l'être humain, la santé est
indispensable à l'exercice des autres droits. La réalisation du
droit à la santé peut être assurée par de nombreuses
actions qui sont complémentaires. Il s'agit notamment de la formulation
de politiques en matière de santé ou de la mise en oeuvre
d'instruments ou de mesures spécifiques pouvant rendre effectif le droit
à la santé.
Le droit à la santé suppose à la fois des
libertés et des droits. Les libertés comprennent le droit de
l'être humain à contrôler sa propre santé et son
propre corps, y compris le droit à la liberté sexuelle et
à la procréation, ainsi que le droit à
l'intégrité physique. Les droits englobent le droit
d'accès à un système de protection de la santé qui
garantisse à chacun, sur un pied d'égalité, la
possibilité de jouir du meilleur état de santé possible.
La notion de « meilleur état de santé
susceptible d'être atteint » fait à la fois appel
à la situation biologique et socioéconomique de chaque individu
au départ et aux ressources dont dispose l'Etat.
Ainsi le droit à la santé doit être
entendu comme le droit de jouir d'une diversité d'installation, de
biens, de services et de conditions nécessaires à la
réalisation du droit au « meilleur état de santé
susceptible d'être atteint ».
Pour pouvoir trouver application, la législation doit
énoncer un certain nombre de critères qui permettent de traduire
en actes le droit à la santé. Ces critères substantiels
s'analysent en la disponibilité, l'accessibilité et
l'acceptabilité.
S'agissant de la disponibilité, il doit exister, en
quantité et en qualité suffisante, des installations, des biens
et services. Il est ici surtout question des cadres de soins de santé
primaire et des services axés sur les besoins des adolescents, notamment
en matière de santé sexuelle et mentale. Les structures doivent
contenir tous les éléments fondamentaux déterminants de la
santé : l'eau, salubre et potable, des installations
appropriées, hôpitaux, dispensaires et du personnel médical
qualifié.
L'accessibilité est relative à l'accès
aux structures de soins pour tous les enfants. Il doit exister des centres de
soins partout, que l'on se trouve en milieu rural ou urbain.
L'accessibilité comporte les éléments de :
- La non-discrimination, c'est-à-dire que tous les
enfants doivent avoir accès aux services et biens liés à
la santé, en particulier les groupes d'enfants vulnérables
(enfants porteurs de handicaps, enfants réfugiés, enfants
des minorités) ou marginalisés (couches sociales
défavorisées).
- Du point de vue physique, l'accessibilité fait
référence à la possibilité d'accéder aux
installations sans danger et en tout temps. C'est la notion géographique
qui se trouve visée. Elle comprend en outre l'accès
approprié aux bâtiments pour les enfants handicapés.
- Du point de vue économique, c'est la question des
coûts qui peut poser problème. Les services sanitaires doivent
être abordables pour les enfants. L'établissement des
coûts des services de santé devra donc se faire sur la base du
principe de l'équité, pour faire en sorte que ces services,
qu'ils soient fournis par les opérateurs publics ou privés,
soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement
défavorisés. L'équité exige que les ménages
les plus pauvres ne soient pas frappés de façon
disproportionnée par les dépenses de santé par rapport aux
ménages les plus aisés.
Enfin, l'accessibilité impose de porter à la
connaissance de tous les adolescents l'existence des établissements, des
matériels et services de santé, mais aussi de leur faciliter
l'accès dans le respect de la confidentialité.
L'acceptabilité fait appel au respect des valeurs
culturelles, la « sexospécificité », les
principes d'éthique médicale. Il implique que les
bénéficiaires acceptent les soins.
La qualité des services sanitaires impose que le
service et les matériels médicaux répondent aux exigences
scientifiques posées, à savoir le personnel qualifié en
nombre suffisant, des installations adéquates et des méthodes
scientifiques.
Le droit à la santé se décline aussi
à travers l'existence des politiques sectorielles et globales de
santé.
3- Le droit au travail
Quand au droit au travail, l'existence de la loi en la
matière permet d'encadrer le travail des enfants. Cet encadrement
concerne l'âge, les heures de travail (une distinction doit être
opérée entre le jour et la nuit) et les domaines dans lesquels
les enfants peuvent normalement travailler, ceci dans le but de permettre aux
enfants de participer à leur développement économique.
Les lois doivent organiser la répression de
l'exploitation des enfants sous toutes ces formes, en définissant de
manière claire et précise les peines encourues en cas de
violation. En outre, les dispositions législatives et
réglementaires touchant le travail des enfants doivent prévoir
des structures d'accueil et de formation des enfants exploités.
Si l'existence des différents critères
énumérés, qu'il s'agisse des droits fondamentaux sociaux,
économiques ou culturels, permet de rendre opératoires ces
droits, les critères à eux seuls ne peuvent suffire. Il faut
tenir compte du contexte socioéconomique du pays.
§2- Le contexte socioéconomique de
l'application
La traduction effective des droits de l'enfant fait appel a
des ressources financières dont l'Etat dispose (A) pour s'acquitter des
obligations conventionnelles. La réalisation de ces droits n'est pas
seulement une obligation étatique, elle résulte aussi de la
contribution de la société dans son ensemble (B).
A - Les ressources financières
Nul ne peut douter que la réalisation de tout droit
nécessite des moyens financiers considérables. Mais le niveau de
développement diffère d'un pays à un autre et les
conventions relatives aux droits de l'enfant ont bien intégré
cette préoccupation. C'est ce qui ressort de l'article 4 de la
Convention des droits de l'enfant, en ces termes : « les
Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures
législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour
mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente convention. Dans
le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces
mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a
lieu, dans le cadre de la coopération internationale ».
Compte tenu des effets néfastes des programmes
d'ajustement structurel et de la transition vers l'économie de
marché sur la situation des enfants, l'application des droits
nécessite un suivi rigoureux. L'objectif est de créer du
changement au niveau des politiques publiques afin de mieux protéger
les enfants.
Ainsi, l'existence des problèmes économiques ne
dispense pas l'Etat de ses obligations. C'est pourquoi le gouvernement doit
adopter des lignes budgétaires adéquates pour toutes les
structures intervenant dans la protection et la promotion de l'enfance.
L'Etat doit définir les crédits qu'il alloue
à telle ou telle structure dans le but de réaliser les droits de
l'enfant. L'important en matière budgétaire n'est pas d'avoir une
ligne de crédit très importante, mais d'orienter et d'utiliser le
peu dont on dispose afin d'atteindre des objectifs précis et produire
les effets escomptés.
L'Etat ne doit pas invoquer indéfiniment le manque des
moyens pour retarder la réalisation des droits de l'enfant.
Par ailleurs il faut souligner que cette réalisation
n'incombe pas seulement à l'Etat, elle doit aussi être
portée par la société.
B- La contribution de la société
Nous entendons ici définir les critères
applicables aux parents et aux organisations de la société civile
afin d'aider les enfants à bénéficier concrètement
de leurs droits.
La famille est considérée comme le milieu
traditionnel de vie de l'enfant. Le respect ou les questions relatives à
ces droits concernent en premier lieu la famille (parents, tuteurs,
représentants, communauté, etc.). C'est pourquoi les
traités relatifs aux droits de l'enfant imposent aux parents, tuteurs ou
à tous les membres de la société, des obligations afin de
favoriser l'éclosion et le respect des droits de l'enfant.
Mais pour que ces obligations trouvent ancrage, il faut que
les personnes susvisées connaissent ces obligations. La connaissance se
heurte au problème de l'alphabétisation. Outre la question de
l'alphabétisation, se pose également le problème de la
perception de l'enfant. En effet, les parents et la communauté doivent
savoir reconnaître que l'enfant est un être autonome doté de
raison et aspirant à une vie propre.
Le respect ou l'application des droits de l'enfant par les
parents et la communauté dépend encore du niveau de ressources
financières qui doit être suffisant pour subvenir aux besoins de
l'enfant.
Les organisations de la société civile se
définissent comme des acteurs neutres n'appartenant ni aux structures
administratives ni aux groupes ou formations politiques. Elles sont l'oeuvre
citoyenne de personnes souhaitant donner leur point de vue sur la gestion de la
chose commune.
En effet, eu égard au déficit qu'accuse l'Etat
pour assurer ses fonctions traditionnelles (sécurité,
providence), il apparaît aujourd'hui que les organisations de la
société civile tentent tant bien que mal de suppléer
l'Etat dans certaines de ces fonctions. Leurs champs d'interventions varient et
restent multisectoriels.
En matière de protection et de promotion des Droits de
l'Homme en général et des droits de l'enfant en particulier, on
ne peut occulter le travail que font ces organisations. C'est pourquoi les
conventions relatives aux droits de l'enfant leur reconnaissent un rôle
non négligeable. Mais pour que leur travail produise un effet, il
faudrait qu'elles développent des programmes spécifiques de
protection de l'enfance.
Ces programmes peuvent concerner les enfants en
général, mais aussi et plus spécifiquement les malades,
les handicapés, ou ceux issus de situations particulières.
Etant donné leur nombre croissant et leurs
interventions diverses, les organisations de la société civile
gagneraient à mettre en place un cadre de coordination afin de mieux
gérer leurs interventions. Le cadre de coordination devrait se situer
à deux niveaux : d'abord entre elles (entre celles qui oeuvrent
pour la protection au niveau local, national et international), puis entre
elles et les structures étatiques intervenant pour la protection de
l'enfant.
Section II : L'existence des
dispositifs administratif et judiciaire de protection de l'enfance
On peut avoir les meilleures dispositions législatives
en matière de protection de l'enfance, mais elles ne serviront à
rien s'il n'existe pas d'infrastructures chargées de leur traduction
(§1) d'une part, et des moyens humains (§2) de l'autre.
§1- Les dispositifs administratif de protection de
l'enfance
La mise en oeuvre des droits de l'enfant fait appel à
un nombre considérable de moyens. Ces moyens peuvent être des
structures d'accueil (A) ou encore des instances juridictionnelles (B).
A- L'existence des structures de protection de l'enfance
Considérant le statut particulier de l'enfant et la
situation de dépendance dans laquelle il vit, il serait judicieux
d'avoir au niveau de l'administration centrale des structures
spécifiques à l'enfant et des centres de protection infantile. En
effet, les questions relatives à l'application des droits de l'enfant
trouveraient rapidement un écho s'il existait au sein des
administrations des structures qui leur sont propres.
L'important est de ne pas avoir de structures
spécifiques au niveau administratif de manière
générale, mais dans des structures administratives jugées
clés pour l'épanouissement de l'enfant.
Ainsi le Ministère de la Santé devrait mettre
en place des services spécifiques (avec toutes les divisions
nécessaires) chargés de l'application des politiques sanitaires
des enfants. De la même façon le Ministère de l'Action
Sociale et de la Famille pourrait créer une direction de l'enfance. Les
Ministère de la justice et de la Fonction Publique pourraient se doter
respectivement d'une direction de la protection de l'enfance et d'inspections
de suivi du travail des enfants. Ou encore, le Ministère de la
Sécurité ouvrirait une division de la police chargée des
enfants, etc.
Mais toutes ces directions et structures administratives ne
peuvent être efficaces et performantes que s'il existe un cadre de
coordination qui planifie et fixe des objectifs précis à
atteindre avec des échéanciers prévus. Si l'existence de
ces différentes divisions administratives laisse présumer un
travail dans le sens de la réalisation de l'intérêt
supérieur de l'enfant, encore faudrait-il qu'elles disposent des centres
d'accueil.
L'existence des centres d'accueil doit obéir aux
besoins réels des enfants, c'est-à-dire exister dans les domaines
jugés nécessaires pour le développement harmonieux de
l'enfant. C'est pourquoi au niveau éducatif, afin de prendre en charge
les nourrissons, il est nécessaire de créer des crèches et
des jardins d'enfants. S'agissant des mineurs en conflit avec la loi, il
faudrait des centres d'internement et d'éducation adaptés.
Le Ministère de l'Action Sociale devrait disposer de
centres sociaux pour la prise en charge des enfants abandonnés et ceux
qui ont raté leur cursus scolaire normal. L'existence de ces
différents centres doit obéir au principe de la non
discrimination. Il faudrait donc des centres spécifiques pour l'accueil,
la réadaptation et la réinsertion des enfants soldats
démobilisés, des services de soutien adaptés aux besoins
psychologiques des anciens enfants soldats traumatisés ou
handicapés à vie. Il en faudrait également pour les filles
victimes de l'excision ou de l'exploitation sexuelle, ou encore les enfants
victimes de travaux humiliants et dégradants.
Les structures sociales se révèlent
également indispensables pour les enfants des couches
défavorisées ou vulnérables (les enfants
réfugiés, enfants issus des minorités, enfants porteurs
des handicaps). Au niveau de la santé, il faudrait prévoir des
services chargés de la protection infantile pour la prise en charge des
enfants nés avec des complications prénatales (les couveuses pour
les enfants prématurés).
Au niveau du Ministère de la Justice, plusieurs
structures devraient être mises en place : les services chargés de
la prévention, de la répression, du conseil des enfants et de
centres d'incarcération et d'éducation.
B- Les institutions de justice pour mineur
La justice pour mineur devrait s'investir tout d'abord au
niveau de la prévention. La prévention consisterait à
disposer d'une instance de médiation permettant de régler de
manière rapide les affaires des enfants. Elle permettrait
d'accéder à des services spécialisés au sein de la
police pour traiter les questions relatives aux enfants. Ces services auraient
pour fonction d'assurer la gestion des affaires courantes et faciliter la
transmission des dossiers aux instances judiciaires si nécessaire.
Le droit n'a de sens que lorsqu'il est justiciable. La
justiciabilité du droit peut s'opérer dans le sens de la
revendication, c'est-à-dire demander la réparation en cas de
violation, ou du respect lorsqu'il est question d'assurer sa
responsabilité en cas d'entorse à la loi.
C'est pourquoi la constitution de tribunaux adaptés aux
enfants et à leur statut parait fondamentale. L'institutionnalisation
des tribunaux pour enfant doit se faire en tant qu'entité
séparée ou en tant que sous-division des tribunaux
régionaux ou de districts existants.
Ces tribunaux doivent avoir des droits procéduraux qui
leur soient propres, avec les définitions et l'application des mesures
permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi. Ils doivent
fonctionner dans le strict respect des principes garantissant
l'équité des procès, et avec des défenseurs
spécialisés ou autres représentants maîtrisant
davantage les situations de détention ou d'incarcération
d',enfants et susceptibles d'offrir une assistance adéquate.
§2- La dotation
humaine
Par dotation humaine, nous entendons les compétences en
matière de ressources humaines que l'Etat déploie pour favoriser
la protection de l'enfance. Elle doit s'entendre en termes de qualité et
de quantité. Comme nous l'avons évoqué dans les
développements précédents, la réalisation des
droits de l'enfant passe par la jonction de plusieurs
éléments : politiques législatives, politiques
budgétaires, infrastructures. Mais tous ces éléments ne
peuvent produire l'effet escompté que si les moyens humains sont
adaptés. La dotation humaine se décline différemment
suivant que l'on aborde les questions de santé, d'éducation, de
justice, etc.
Le personnel sanitaire doit être en nombre suffisant et
suffisamment qualifié pour répondre aux besoins
spécifiques de l'enfant. L'accent serait mis sur les médecins
pédiatres, les sages femmes et les agents auxiliaires sanitaires qui
oeuvrent dans le domaine de la santé infantile. Un accès au
personnel, partout et pour tous - qu'il s'agisse des zones rurales ou urbaines
- est à prioriser.
Dans le secteur de l'éducation, les difficultés
se concentrent essentiellement autour de l'enseignement primaire et des jardins
d'enfants où le problème de la qualité et de la
quantité de personnel occupe une place de choix. Il ne suffit pas
d'avoir le personnel pour les grandes villes, mais il faut en disposer sur
tout le territoire.
La justice fait intervenir trois types de personnel :
- D'abord, les policiers. Afin de mieux protéger les
enfants contre les atteintes à leurs droits, la disposition d'un corps
de policiers spécialisés sur les sujets relatifs à
l'enfant s'avérerait impérieuse. Ce corps doit être en
nombre suffisant et posséder la qualification requise pour le besoin de
la cause.
- Ensuite viennent les magistrats. Ils doivent être
affectés à des postes spécifiques pour les affaires des
enfants. Outre leur formation de magistrat initial, les magistrats pour enfant
devraient acquérir des connaissances sur les sujets de droits de
l'enfant et être en nombre suffisant.
- Enfin ce sont les agents des administrations
pénitentiaires. C'est à eux que reviennent les tâches de
surveillance et de conseil aux enfants détenus dans les locaux
pénitentiaires. Ces agents doivent avoir une bonne qualification dans le
domaine des droits de l'enfant car l'équilibre futur de ce dernier
dépendra fortement d'eux.
CHAPITRE II : LES OBSTACLES
D'ORDRE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Si l'application des normes internationales obéit
à des procédures internes propres à chaque
Etat (ratification, publication, incorporation), elle reste cependant
soumise au contexte politique du pays qui va au-delà de ces aspects
techniques (section 1) et à son développement économique
et social (section 2) qu'il convient d'analyser.
Section I :
L'instabilité politique, une histoire chronique
Après son accession à la République le 28
Novembre 1958 et son indépendance le 11 août 1960, le Tchad n'a
connu qu'une relative période de tranquillité. Très vite
les tensions et les luttes pour la conservation le placèrent dans un
cycle infernal de violence (§1). Ce contexte de violence a très
vite sapé les quelques fragiles édifices de la construction
d'Etat. Ainsi, l'Etat de Droit au Tchad reste et demeure jusqu'aujourd'hui une
quête sans résultat (§2).
§1 - Le cycle infernal de la guerre au Tchad
Le Tchad traverse depuis plus de trois décennies une
violence politique (A) qui ne cesse, paradoxalement, de s'accroître avec
le retour à la démocratie amorcée depuis 1990 (A).
A- La violence politique
L'inscription de la violence dans la vie politique actuelle
peut s'expliquer par l'histoire tourmentée qu'a connu le Tchad peu
après son indépendance. En effet, trois ans après son
indépendance, le pays fait face à une tension de
trésorerie qui obligea les autorités de l'époque à
recourir à l'emprunt public. Cet emprunt ouvre la voie à toutes
les exactions conduisant à une jacquerie contre l'administration
à Magalmé (Est du Tchad en 1963).
Cette révolte constitua un précédent et
servit de limon pour la naissance du premier mouvement rebelle, le Front
National de Libération du Tchad (Frolinat)19(*). Ayant l'ambition de
conquérir le pouvoir central, le Frolinat s'engagea dans une lutte
armée et occasionna de ce fait une désorganisation de
l'administration. Le Tchad bascula dans une vie politique fortement
militarisée avec les coups d'Etats successifs : prise du pouvoir
par l'armée le 15 avril 1975. Cette violence connut son paroxysme avec
la guerre civile de février 1979. Elle continua de s'installer
durablement sous le régime du Général Malloum, puis celui
du gouvernement d'union nationale du Tchad (GUNT).
L'avènement de Hissein Habre de 1982 à 1990 n'a
fait qu'augmenter la violence. C'est le règne de la terreur la plus
absolue avec le parti unique, l'union nationale pour l'indépendance et
la révolution (L'UNIR) et la Direction de Documentation et la
Sécurité (DDS) devenue célèbre pour ces exactions,
tortures et emprisonnements arbitraires. C'est le règne où
la culture de la violence a été institutionnalisée pour la
pérennisation au pouvoir ; c'est pourquoi Tetemadi Bangoura observe
que « la prise du pouvoir de Habré en 1982 conduit
à l'installation de l'un des autoritarismes les plus durs que
connaît le continent africain »20(*).
Mais ceci n'a pas empêché Idriss Deby de prendre
le pouvoir en 1990 sous couvert de la démocratie. Malgré le
mouvement général de démocratisation enclenché en
1990, on est loin de cette société tchadienne
où la volonté du peuple est le fondement de
l'autorité des pouvoirs publics, laquelle volonté doit s'exprimer
par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu
périodiquement. Car depuis sa prise de pouvoir en 1990, et malgré
les deux mandats passés, Idriss Deby n'a pas la volonté de
favoriser l'alternance au pouvoir. La preuve est qu'il a modifié la
Constitution pour s'éterniser au pouvoir. L'armée n'est plus une
force publique destinée à protéger les citoyens. Au
contraire elle les rançonne, sème la désolation, organise
les pillages de population, n'hésitant pas à faire usage des
armes pour asseoir le pouvoir de leur chef suprême. Cette situation fait
que le règne de Deby reste le plus controversé eu égard au
nombre de mouvements politico-militaires en guerre contre le pouvoir
central.
Cette situation de prises violentes du pouvoir fait de la vie
politique un « jeu de cache-cache
politico-militaire » pour reprendre l'expression chère
à Nebardoum Derlemari21(*). On assista à une désorganisation des
structures étatiques, à la fragilisation du social. L'Etat reste
et brille dans le domaine du provisoire. Toutes tentatives de constructions et
d'édification de l'Etat buttent sur des considérations et des
intérêts égoïstes de quelques groupes d'individus ou
d'ethnies. Le pouvoir politique se décline sous le prisme ethnique.
Et ceci se vérifie très aisément au
regard des derniers développements des guerres successives des 13 avril
2006 et 12 février 2008, qui ont conduit à une bataille dans la
capitale N'djamena, mettant aux prises les forces gouvernementales aux
rebelles. Si ces affrontements n'ont pu produire l'effet escompté,
à savoir le renversement du régime sur place, ils restent lourds
de conséquences sur les quelques infrastructures existantes (pillages
des bureaux, destruction des marchés et écoles, etc.), sur la
population (déplacement massif vers Kousseri, la ville
frontalière camerounaise, arrestations massives des personnes), ainsi
que sur le régime des libertés publiques (instauration de
l'état d'urgence). Pour le maintien de son pouvoir, Déby use des
moyens les plus violents pour dissuader toutes tentatives d'insurrections et
ce, avec le soutien de certaines puissances étrangères qui
trouvent leurs intérêts dans ce désordre.
Les conflits de ces derniers temps, que François Soudan
nomme le « cancer tchadien »22(*), viennent ouvrir les plaies
non bien cicatrisées des précédentes guerres civiles.
Une fois encore, le Tchad renoue avec son cycle de violence
après quelques relatives années d'accalmies observées
depuis les années 199023(*). Cette instabilité politique joue
considérablement en défaveur de toutes les tentatives des
politiques publiques pour le bien-être des enfants. La question
principale des décideurs politiques se décline davantage dans le
maintien du pouvoir.
Si la vie politique se militarise de plus en plus, il convient
de noter qu'une démocratisation est en construction (B).
B- La construction de la vie démocratique
enclenchée en 1990
A la faveur du discours de La Baule, le Tchad se sépare
d'un des plus grands dictateurs de l'Afrique, Hissein Habre. La fin du
régime de Habré annonçait l'instauration de la
démocratie et le respect des droits de l'homme. Après une
période de transition qui a abouti à la conférence
nationale en 1995, le Tchad mis un terme à la transition avec le
referendum constitutionnel de Mars 1996 qui le dota d'une Constitution
fondée sur la séparation du pouvoir et le respect des
libertés publiques. La constitution marque le début d'une
nouvelle ère avec la reconnaissance des droits et libertés
fondamentales (Titre II de la Constitution) et le principe de séparation
de pouvoir. La vie démocratique s'organise avec la naissance des partis
politiques et l'émergence des organisations de la société
civile, et notamment l'apparition d'une presse
dite « indépendante ». Le Tchad veut tourner la
page sombre de son destin. Après les premières élections
de 1996 puis celles de 2001, le pays retombe à nouveau dans la crise en
2006 avec les luttes armées suite à la modification
constitutionnelle qui permit au régime au pouvoir de s'y maintenir
encore une fois. C'est pourquoi la question de l'Etat de Droit reste
entière, sans trouver une amorce de solution. Dans cette recherche
d'instauration de l'état de droit, les droits fondamentaux des personnes
et plus particulièrement des enfants, ne sont pas toujours pris en
considération. C'est pourquoi on note une carence de législation
ou une législation vieillissante.
§2- L'épineuse question de la réalisation
de l'Etat de droit
Le concept « Etat de
droit » est apparu à la fin du XIXème
siècle dans la doctrine juridique allemande. Il a été
considéré comme un dispositif technique de limitation du pouvoir
résultant de l'encadrement du processus de production des normes
juridiques24(*). Ainsi
entendu au sens courant, l'Etat de droit suppose que l'Etat soit
« lié par la règle
juridique »25(*). Cela exige, selon Didier Boulet que
« l'Etat et les collectivités publiques soient soumis au
respect du droit positif au même titre que les
particuliers »26(*).
Par l'Etat, on entend uniquement l'Etat au sens juridique tel
qu'il est défini, par le droit interne où ses bases sont
l'existence d'un territoire dans des frontières sûres et connues,
une population et un système politique de nature à
préserver l'autonomie d'action sur la scène internationale. La
fiction présente l'Etat comme une institution voire une personne morale
dotée d'une volonté propre, exerçant un contrôle
politique, titulaire de droits et soumise à des obligations27(*).
L' « Etat » en tant que situation dans un
milieu est envisagé comme la manière d'être par le Petit
Larousse28(*). C'est la
situation d'un Etat qui respecte le ou les droit(s). C'est la manière
dont les droits sont respectés par tous les acteurs de la vie
sociale : personnes physiques ou morales, publiques ou privées.
Le droit qui n'apparaît plus comme un instrument
d'action de l'Etat, c'est-à-dire de la puissance de l'Etat, s'exprime
par la norme juridique et passe par l'édiction des règles
obligatoires. La limitation du pouvoir par le droit réside par
conséquent dans la référence aux « droits
de l'Homme ». L'Etat de droit implique alors une conception des
rapports entre l'individu et l'Etat.
La puissance de l'Etat trouve ses limites dans les droits
fondamentaux reconnus aux individus parce que, s'il n'y a pas de limitation,
l'Etat dans sa toute puissance peut
« écraser » l'individu qui est substrat du
pouvoir. L'Etat de droit ne tend qu'à assurer aux citoyens la protection
de leurs droits et de leur statut individuel. Cette protection suppose la
reconnaissance des droits et des voies de recours.
C'est ce qui distingue l'Etat de droit de l'Etat de Police qui
accorde une large place à un droit purement instrumental sur lequel
l'administration dispose d'une maîtrise totale sans être tenue au
respect des normes supérieures qui s'imposeraient à elles,
servant à imposer les obligations aux administrés, sans
être en retour source de contrainte pour l'administration ; il est
l'expression et le condensé de la toute-puissance
administrative.29(*)
Pour Carré de Malberg « l `Etat
de Police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une
façon discrétionnaire et avec une liberté de
décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes
les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative,
en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment
les fins qu'elle se propose »30(*).
A l'Etat de Police qu'il englobe et dépasse, le Droit
n'est plus seulement un instrument d'action pour l'Etat, mais aussi un vecteur
de limitation de sa puissance. Aussi acquiert-il un caractère ambivalent
pour l'administration à qui il permet d'agir, mais surtout en pesant en
même temps sur elle comme contrainte. Par « Etat de
droit », il faut entendre, selon Carré de
Malberg « un Etat qui, dans ses rapports avec ses sujets, et
la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un
régime de droit, et cela par des règles, dont les unes
déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les
autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être
employés en vue de réaliser les buts
étatiques »31(*).
Ainsi, conçu dans l'intérêt des citoyens,
l'Etat de droit a pour but « de les prémunir et de
les défendre contre l'arbitraire étatique ». Cela
traduit un pouvoir d'agir devant une autorité juridictionnelle à
l'effet d'obtenir l'annulation, la réformation ou, en tous cas, la non
application des actes administratifs qui auraient porté atteinte aux
droits de l'individu.
C'est dans ces objectifs que Gérard Conac affirme que
l'Etat de Droit, c'est l'existence des « magistrats capables de
juger l'Etat, qu'il s'agisse des actes administratifs-ce qui est le cas du
conseil d'Etat...-ou qu'il s'agisse des actes et abus possibles du
législateur, c'est le rôle du Conseil
Constitutionnel »32(*)
Ce qui frappe immédiatement, concernant l'Etat de
droit, c'est que cette notion, bien que relativement récente, jouit
d'une notoriété considérable mais que chacun peut
comprendre d'une façon profondément différente.33(*) Presque tous les Etats de la
Communauté internationale en effet se réclament Etat de
droit ; et la plupart des auteurs en vantent les mérites34(*). Jacques Chevalier observe
à cet effet que « tout Etat qui se respecte doit
désormais se parer de couleurs avenantes de l'Etat de droit, qui
apparaît comme un label nécessaire sur le plan
international »35(*).
Le concept « Etat de Droit » est
un héritage de l'Allemagne bismarckienne à travers le mot
« rechtsstaadt » qui devient d'usage dans la
doctrine juridique allemande de la première moitié du
19ème siècle pour s'affirmer à la fin du
même siècle. L'objectif majeur de l'Etat de droit est d'encadrer
et de limiter la puissance de l'Etat par le droit.
La théorie de L'Etat de Droit exprime une
volonté de renforcement de la juridiction d'un Etat entièrement
coulée dans le moule du droit. L'Etat de droit, c'est tantôt un
Etat qui agit au moyen du droit en la forme juridique, tantôt l'Etat qui
est assujetti au droit, tantôt encore l'Etat dont le droit contient
certains attributs intrinsèques. Il s'agit là des trois versions
formelle, hiérarchique et matérielle de l'Etat de droit.
Si l'appropriation de la notion « Etat de
droit » est bien ancienne en Europe Occidentale, sa prise en
compte dans les régimes politiques africains a commencé à
s'observer d'une manière timide au cours de la dernière
décennie du 20ième siècle. Pour Jacques
Chevalier, l'Etat de Droit se structure « à travers
la soumission des gouvernants à la loi assortie d'un recours possible
devant un juge indépendant »36(*). Cela induit l'existence d'une autorité
juridictionnelle capable de sanctionner les actes administratifs qui
porteraient atteinte au droit de l'individu.
D'une manière générale, l'Etat de droit
renvoie à trois caractères : respect de la hiérarchie
des normes, légalité des sujets devant le bloc normatif, et
l'existence d'une justice indépendante.
L'existence d'une hiérarchie des normes est l'un des
meilleurs remparts de l'Etat de droit. L'Etat qui lui-même est une
construction juridique doit soumettre l'action des dépositaires de la
puissance publique au respect scrupuleux de l'architecture normative pyramidale
consacrée. Ainsi, au sommet, figure la Constitution suivie des
engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de
la pyramide, nous avons les décisions administratives et les conventions
entres les personnes privées.
L'Etat, tout comme un particulier, est soumis au principe de
la juridicité qui rappelle, selon le professeur Maurice KAMTO, que la
règle de Droit « une fois qu'elle est
créée, (elle) échappe à son créateur et
s'impose à lui autant qu'aux autres membres du corps
social »37(*).
Tous les sujets de droit, y compris l'Etat, sont égaux
devant le bloc normatif. Ici, dès lors qu'une intervention de la
puissance publique se trouve en contradiction avec un principe de valeur
supérieure, tout individu, toute organisation peut en contester
l'application (au Tchad, outre les voies de recours ordinaires, l'article
171 de la Constitution permet à tout citoyen de soulever l'exception
d'inconstitutionnalité d'une loi devant une juridiction dans une affaire
qui le concerne) sans que l'Etat puisse bénéficier d'un
privilège de juridiction, ni d'un régime dérogatoire au
droit commun (exception faite des actes de gouvernement qui, de part leur
nature, sont exempts d'être attaqués et de ce fait,
bénéficient d'une immunité totale des juridictions).
A ce propos, le Professeur Maurice KAMTO pense que
« ...l'Etat ne crée pas la loi pour d'autres, mais bien
pour tous y compris lui-même. Il ne pourrait appeler avec succès
au respect de la loi s'il ne la respecte pas
lui-même »38(*). La notion d'Etat de droit serait illusoire s'il
n'existe pas de juridictions indépendantes pour trancher les conflits
entre les sujets de droits dans l'application de la loi. Bien qu'il soit
indispensable que le système judiciaire, dans son ensemble, soit apte
à dire le droit dans les litiges administratifs et judiciaires
nés des interventions de la puissance publique, il est essentiel qu'un
organe unique et spécialisé soit compétent, en raison de
la complexité du sujet, pour connaître du contentieux lié
au contrôle de constitutionnalité. C'est la tâche
confiée par la constitution tchadienne dans son titre 7 au Conseil
Constitutionnel.
En somme, disons à la suite du Professeur Maurice KAMTO
que la notion de l'Etat de Droit est « fondée sur la
primauté du droit entendu comme un système de normes
articulées, consignées par l'écriture et servi par un
appareil judiciaire qui en garantit le respect »39(*).
Tel que conçu, l'Etat de droit reste une vue
d'esprit en dépit de son inscription dans le préambule de la
Constitution « Affirmons par la présente constitution
notre volonté de vivre ensemble (...) ; de bâtir un Etat de
Droit et une Nation unie fondée sur les libertés publiques et les
droits fondamentaux de l'homme, la dignité humaine et le pluralisme
politique, sur les valeurs africaines de solidarités et de
fraternité ».40(*)Car, il n'est de doute pour personne que ni le pouvoir
judiciaire ni le pouvoir législatif ne sont distincts au pouvoir
exécutif au Tchad.
Tout se concentre entre les mains d'un homme, sinon entre une
poignée d'individus. L'administration publique est facilement accessible
à ceux qui font preuve de l'appartenance au parti au pouvoir et non de
la citoyenneté tchadienne. Ainsi, un grand nombre de gouverneurs (tous
des généraux nommés par le président Déby),
de préfets et de sous préfets ne sont rien d'autres que les
militants du mouvement patriotique du salut, le parti au pouvoir. La promotion
à des postes de responsabilité n'échappe pas à
cette logique. L'Etat de Droit reste une énonciation sur le papier, rien
de plus.
Section II : Les pesanteurs
économiques et sociales
Certains droits ne peuvent être réalisés
que si l'on atteint un niveau de vie minimum. Or, au Tchad la question de la
pauvreté (§1) et ses effets sur la société se lit
très aisément sur les enfants portés sur le marché
de l'emploi (§2).
§1- L'incidence de la pauvreté
La pauvreté n'est pas un phénomène
récent. Elle affecte des millions de personnes aussi bien dans les pays
industrialisés que ceux en voie de développement. Cependant, elle
connaît une progression remarquable dans les pays d'Afrique subsaharienne
et plus particulièrement au Tchad pour diverses causes :
l'incidence de la crise économique causée par l'imposition des
programmes d'ajustement structurel des années 1980 et les effets
conjugués de la dévaluation du franc CFA en 1994. Ces facteurs
ont accru la pauvreté des ménages. Mais que désigne le
terme « pauvreté » ?
Le concept de pauvreté et la charge affective dont il
est porteur n'ont cessé d'évoluer au cours des siècles. On
s'accorde généralement pour reconnaître au terme
pauvreté deux sens : un sens socioéconomique
caractérisé par un état de manque (absence d'un minimum de
moyens matériels) et un sens religieux. Mais il est indéniable
que la signification de ce mot a beaucoup varié en fonction de
l'évolution des sociétés.
Selon Peter Towsend, « les individus,
familles ou groupes de la population peuvent être
considérés en état de pauvreté quand ils manquent
des ressources pour obtenir l'alimentation type, la participation aux
activités et avoir les conditions de vie et de commodités qui
sont habituellement ou sont au moins largement encouragées ou
approuvées dans les sociétés auxquelles ils appartiennent.
Leurs ressources sont si significativement inférieures à celles
qui sont déterminées par la moyenne individuelle ou familiale
qu'ils sont, de fait, exclus des modes de vie courants, des habitudes et des
activités »41(*).
Quant à la Banque Mondiale, elle définit la
pauvreté suivant la réunion de trois
éléments : « le capital naturel (la
valeur économique de la terre, l'eau, des richesses du sous sol, des
matières premières), le degré d'équipement
industriel (les usines, infrastructures, moyen de transport), les ressources
humaines - le degré de formation et d'instruction de la population -, la
situation sanitaire et nutritionnelle »42(*).
Le Programme des Nations Unies pour le Développement
(Pnud ci-après) estime que l'interprétation de la pauvreté
passe par la prise en compte « du degré de
l'instruction de la population, du revenu par habitant et de l'espérance
de vie »43(*). C'est cette conception qui donne un Indicateur de
Développement Humain (IDH).
L'IDH consiste en une évaluation du niveau de vie des
populations par la prise en compte des indicateurs monétaires,
l'espérance de vie à la naissance, le taux
d'alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation.
A partir de cette définition de la pauvreté, le
Tchad reste l'un des pays le plus pauvres de la planète. Sa situation
s'est considérablement dégradée. Selon le rapport mondial
sur le développement humain, le Tchad est passé de 167ème
rang en 2000 au 173ème rang sur 177 en 2003 avec un Indice de
Développement Humain de 0,341.
Cette extrême pauvreté produit d'énormes
effets sur la réalisation des droits humains comme le rappelle si bien
le rapport des Nations Unies sur l'extrême pauvreté44(*). Ces incidences produisent des
effets considérables sur les enfants. Ils s'observent
particulièrement sur :
- la faim et la malnutrition.
Au Tchad, plus de 500 00045(*) personnes se trouvent chaque année en
situation d'insécurité alimentaire chronique et conjoncturelle.
La faim frappe notamment des personnes particulièrement
vulnérables en milieu rural ou urbain : veuves,
handicapés, retraités de la fonction publique, personnes
âgées sans soutien, ménages avec un grand nombre d'enfants
en bas âge.
La malnutrition chez les enfants est très
prononcée. Selon les données de l'EIMT 2000, 28,3 % des enfants
souffrent de la malnutrition aiguë. Cette proportion a baissé de 12
points par rapport aux résultats de l'EDST 1996/1997 où 40 % des
enfants étaient touchés par cette forme de malnutrition. Par
ailleurs, 12 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition
aiguë (14 % en 1997), soit une baisse de 2 % par rapport aux
résultats de l'Enquête sur la Démographie et la
Santé au Tchad46(*). La malnutrition chez les enfants se manifeste
également par de nombreux cas d'insuffisance pondérale (26 % des
enfants de moins de cinq ans), ou de goitre (5,5 % des enfants de 6 à 12
ans).
La faim et la malnutrition sont essentiellement dues à
l'insécurité alimentaire et à une alimentation
inappropriée ne permettant pas à l'organisme de disposer des
vitamines et micro nutriments indispensables. L'analyse des apports caloriques
des produits vivriers par zone (données ECOSIT I) qui montre une
diversité des situations nutritionnelles, souligne aussi que, par
rapport à la moyenne mondiale de 2100 cal/hab./jour, 2 zones seulement
sur 8 réalisent des productions qui leur permettent de couvrir leurs
besoins énergétiques (Chari Baguirmi rural et ville
d'Abéché).
- la mortalité maternelle.
Le niveau de la mortalité maternelle (827
décès pour 100 000 naissances vivantes) est parmi les plus
élevés au monde. La moyenne en Afrique est de 600
décès pour 100 000 naissances vivantes. Les décès
maternels sont dus aux accouchements dystociques, aux éclampsies, aux
infections graves dans la période qui suit l'accouchement, aux
hémorragies, aux complications des avortements provoqués et aux
maladies (paludisme, hépatite).
Le niveau élevé de mortalité maternelle
est dû au faible accès des femmes aux services de santé de
la reproduction, notamment les services de planification familiale, de
maternité sans risque, de prévention et prise en charge des
complications des avortements, de traitements des IST et de prévention
du VIH. En effet, l'utilisation des services de planification familiale reste
encore faible, même si l'on constate une certaine progression. Selon
l'EDST, le taux de prévalence contraceptive est de 1,2 %, variant de 0,3
% en milieu rural à 7 % à N'Djaména et 4 % dans les autres
villes47(*).
- la prévalence élevée du VIH/SIDA.
La séroprévalence au VIH est estimée
à 5,2 % de la population sexuellement active en 2003 et le nombre de cas
cumulés de SIDA notifiés de 1986 à fin 2002 a atteint le
chiffre de 17.878, contre 13.385 à fin 2004. Ces chiffres sont loin de
refléter la réalité du phénomène car la
surveillance épidémiologique reste faible. On remarque
néanmoins une très forte tendance à la féminisation
de l'épidémie du VIH/SIDA.
La forte propagation du VIH/SIDA s'explique d'abord par les
comportements à risque : multi-partenariats sexuels, faible
utilisation des moyens de protections, infections sexuellement transmises mal
soignées, transfusion de sang non dépistée pour le VIH,
faible niveau de l'hygiène dans les formations sanitaires, recrudescence
de la prostitution, etc.. Il y a ensuite les facteurs de
vulnérabilité tels que : les pratiques sociales admises
(relations sexuelles coercitives, dépendance des femmes dans le mariage,
persistance de pratiques traditionnelles néfastes aux jeunes filles et
aux femmes) ; les conditions aggravantes de faim et de malnutrition ;
les conditions socio-économiques difficiles dues aux migrations vers les
pôles de développement (projet d'exportation du pétrole),
à l'afflux de réfugiés, au chômage des jeunes, aux
emplois exposant les jeunes filles et les femmes, ou encore à la
faiblesse du système éducatif.
La cause principale de la propagation est surtout liée
à la faiblesse qualitative ou quantitative des programmes de
prévention et de protection : les groupes vulnérables
prioritaires cibles sont très peu couverts par les interventions.
- La forte incidence du paludisme.
L'incidence élevée du paludisme
en fait un problème majeur de santé publique au Tchad. C'est la
première cause de consultation dans les structures sanitaires (37 % des
problèmes notifiés dans les centres de santé et 45 % dans
les hôpitaux en 2002). Les cas les plus fréquents sont
notifiés pendant la saison des pluies, de juillet à novembre. Les
populations les plus touchées sont les enfants de moins de 5 ans (54 %)
et les incidences les plus élevées se rencontrent dans la zone
méridionale : Mayo-Kebbi, Logone Occidental, Logone Oriental,
Tandjilé et Moyen Chari.
Un des principaux déterminants du paludisme
réside dans l'insuffisance de la prévention. En effet,
l'utilisation de moustiquaires imprégnées ou non est
extrêmement limitée. Plus de 73,1 % des enfants de moins de 5 ans
ne dorment pas sous moustiquaire et parmi les 26,9 % qui l'utilisent, on compte
94,4 % de moustiquaires non imprégnées. Il faut noter qu'il
existe dans le cas du paludisme une tendance générale à
l'automédication. La connaissance insuffisante des moyens de protection
ne permet pas l'application des mesures de prévention. A cela s'ajoute
l'environnement insalubre qui caractérise la plupart des villes et
favorise ainsi la multiplication des moustiques, porteurs du paludisme.
- L'accès limité à l'eau potable et aux
systèmes d'assainissement.
(45,7% en zones urbaines et 26,7% en zones rurales)
L'accessibilité à l'eau potable et aux
systèmes d'assainissent est fort limité. Globalement
l'accès permanent à l'eau potable est limité à 23 %
de la population totale du Tchad48(*). Une autre manifestation est la forte proportion de
la population ne disposant pas de latrines (moins de 2 % des citadins disposent
d'installations sanitaires avec eau courante). Selon l'EIMT, près de
trois personnes sur quatre vivent dans des ménages qui ne disposent pas
de toilettes49(*). Ceci
explique la forte prévalence des maladies liées à l'eau et
à l'hygiène telle que le paludisme, la bilharziose, la
diarrhée.
Les coûts élevés de l'eau constituent par
ailleurs un facteur limitatif de l'accessibilité. Ces coûts
reflètent les frais exorbitants de réalisation ou de maintenance
de certains ouvrages (points d'eau, forages dans certaines régions,
infrastructures hydrauliques) ou encore de distribution d'eau. Les populations
les plus défavorisées peuvent ainsi acheter l'eau au revendeur de
15 à 25 fois plus cher que l'abonné qui dispose d'un branchement
particulier.
Le problème de sous-équipement est plus crucial
pour ce qui est de l'assainissement. Cela s'explique d'une part par le fait que
les villes soient situées sur des sites inondables, mais qu'aucune
d'entre elles ne dispose d'un système fonctionnel d'évacuation
des eaux usées ni de réseaux de collecte en bon état de
marche. D'autre part, il n'existe pas de système d'évacuation des
excréta et des ordures ménagères, ni de traitement des
déchets solides, pas plus que (ou très peu) de systèmes
d'évacuation des eaux pluviales. Le faible usage des latrines s'explique
par leur insuffisance, elle-même liée aux coûts
élevés de leurs constructions, lesquelles s'avèrent
inabordables pour la majorité de la population.
194 %o soit un taux de mortalité infanto-juvenile parmi
les plus élevées au monde
Des villes entières sans système
d'évacuation
et des latrines pour 10% de ménages
§2- La pauvreté comme facteur favorisant le
travail des enfants
Dans une vision classique, le travail de l'enfant est
perçu comme un processus de socialisation par lequel l'être humain
s'affirme conformément aux valeurs de sa communauté. Selon Roger
Brown, à la naissance les enfants n'ont aucune conception du monde
auquel ils appartiennent. Ils acquièrent des valeurs qui contribuent
à leur développement.50(*)
De ce fait, la socialisation aurait un caractère
déterminant sur toute la durée de la vie. Mais, si cette
conception reste plus ou moins justifiée, elle est aujourd'hui remise en
cause.
En effet, on observe depuis un certain temps que le travail de
l'enfant revêt un caractère économique. Ceci s'explique par
la situation de pauvreté que connaissent les familles tchadiennes.
La pauvreté et le travail des enfants sont des
phénomènes imbriqués. Comme l'affirme
Bénédicte Manier : « les liens
sociologiques entre pauvreté et travail des enfants ont
été clairement établis »51(*).
Les effets de la pauvreté sont surtout
caractérisés par l'extrême misère des populations
qui « vivent dans des conditions, tant physiques que
sociales et humaines effroyables, sous- alimentation, accès à
l'eau courante très difficile, voire inexistant, manque absolue
d'hygiène et de lieu de scolarisation(...) le travail des enfants
perpétue la misère. »52(*)
Pour faire face à cette situation, les familles
nombreuses considèrent que chaque membre doit participer à
l'équilibre vital du foyer tout en satisfaisant ses propres besoins.
C'est ce contexte qui explique le développement du
« phénomène bouvier » et
« mouhadjir » qu'il convient d'approfondir.
Selon Larousse, le bouvier désigne toute 0 personne qui
conduit et garde les boeufs. Un bouvier, a fortiori enfant, est surtout un
acteur social travaillant contre une rémunération en nature ou en
espèce (exception faite des fils d'éleveurs).
S'il en est ainsi, où réside le mal ? En
effet, la pratique de bouvier fait partie des us et coutumes d'une bonne partie
de la population du sud du Tchad, et plus particulièrement des
agriculteurs. Ceux-ci ont en effet pour coutume de confier leurs enfants aux
éleveurs nomades du Nord qui viennent au Sud à la recherche de
pâturages. Cette pratique correspond à deux symboles.
D'une part, elle symbolise l'amitié que l'agriculteur
tisse avec l'éleveur nomade venu du nord et représente
l'hospitalité accordée. D'autre part, elle permet à
l'enfant de l'agriculteur de bénéficier d'une culture nomade et
d'apprendre le métier d'éleveur. Durant les années 60
à 70, période pacifique, cette pratique avait un caractère
purement symbolique.
Mais depuis les troubles politiques qui ont traversé le
pays, ainsi que les années de sécheresse des années 80,
cette pratique de bouvier a pris un tout autre sens. Elle devient conflictuelle
et source d'exploitation.
Elle ne relève plus de la volonté d'un
père de former son enfant au métier de l'élevage, mais
plutôt d'un recrutement massif d'enfants employés auprès
des éleveurs. Elle fait intervenir les autorités publiques (les
chefs de cantons, chefs de villages) et un membre de la famille pour
établir le contrat moyennant une commission.
Considérant que les parents ont vendu l'enfant,
l'employeur nomade assimilera plus facilement
« l'employé-enfant » à un objet En
général, l'enfant perd son nom d'origine et doit répondre
au nom que lui attribue l'employeur. Outre la perte de son nom, l'enfant
abandonne aussi sa religion. Il doit impérativement pratiquer la
religion de son employeur, à savoir la religion musulmane. L'employeur
devient en quelque sorte le maître de l'employé qui, contrairement
au contrat initial, ne peut plus prétendre à une
rémunération.
Ce phénomène se développe aujourd'hui de
manière exponentielle dans une grande partie du Sud du Tchad, et plus
précisément dans la région du Mandoul, du Bahr sara. Les
conditions d'exercice de l'élevage n'y sont guère reluisantes. Un
enfant peut avoir la garde de plus 200 à 300 têtes de boeufs, et
ce quelque soient les conditions climatiques. Il n'a le droit qu'à un
repas par jour à la nuit tombante, mais seulement s'il n'a pas commis de
faute dans la journée. Si le phénomène connaît un
regain de vitalité dans les zones rurales, en ville c'est la
mendicité, connue sous le nom de
« mouhadjir », qui sévit. Sébile en
main ou pendu au cou à l'aide d'une corde, en groupe ou seuls, les
enfants « mouhadjirine », ces
élèves de l'école coranique, se rencontrent dans les rues,
sur les places des marchés, devant les mosquées, les institutions
bancaires, etc. Malgré la noble intention des géniteurs de leur
procurer une solide formation religieuse, certains enfants, à cause de
leur condition de vie, risquent de devenir des cas sociaux.
Le terme « mouhadjirine » est un
mot arabe. C'est le pluriel de « mouhadjir » qui
signifie émigrant, migrant, ou exilé. Ce sens étymologique
ne diffère pas du sens que le mot a pris en Islam. Historiquement, les
« mouhadjirine » sont les fidèles du Prophète
Mohammed qui, au VIème siècle, ont accepté de s'exiler
avec ce dernier de la Mecque ou en Abyssinie, actuelle Ethiopie, à la
suite des persécutions qu'ils subissaient du fait d'avoir
embrassé l'islam dans le monde des idolâtres qu'était la
Mecque.
Depuis lors, ce mot a pris une dimension religieuse. Il
désigne ceux qui quittent leur territoire à la recherche des
enseignements islamiques. Mais au Tchad la désignation de
mouhadjirine est devenue péjorative et a été
dénaturée par rapport à son sens premier, religieux et
noble. Ce détournement de sens a eu lieu pour plusieurs raisons propres
au pays. Certains enseignants, contrairement à ceux qui se font payer
par les parents d'élèves, acceptent de dispenser des cours aux
enfants sans contrepartie financière. Ils posent comme condition de
pouvoir se déplacer avec les enfants en dehors de leur milieu naturel,
loin des parents.
Le plus souvent, ces enseignants des villages viennent
s'installer en ville, prétextant la recherche d'une occupation
parallèle à l'enseignement. Les parents qui connaissent des
situations d`extrême pauvreté fuient leurs responsabilités
et se cachent derrière l'obligation religieuse pour se décharger
de leurs enfants.
Profitant de cet état, les marabouts cupides
n'hésitent pas à exploiter les enfants qui leur sont
confiés. Ils les font mendier et les engagent auprès des
structures contre rémunération. Au lieu de leur apprendre le
coran, les marabouts les font enrôler dans les contrebandes de
marchandises en provenance de Kousseri au Cameroun voisin.
Il est de coutume que le mouhadjir apporte sa
contribution journalière à son enseignant. Mais de nos jours la
situation devient paradoxale lorsque chaque matin avant de prendre la route, le
marabout fixe le montant que l'enfant doit ramener sous peine de
représailles. Ces enfants vivent chaque jour dans des situations peu
enviables car ils se livrent à toutes sortes de travaux pour ne pas
s'exposer à la sanction du maître, la flagellation. Cette
situation les conduit le plus souvent à quitter le marabout pour se
retrouver dans la rue. Le « mouhajir » sort donc
du cadre pour lequel il a quitté sa famille et devient un enfant de la
rue. Nous sommes dans « un monde qui dévore ses
enfants »53(*).
Qu'il s'agisse de la violence politique, de la
réalisation de l'Etat de droit ou encore de la pauvreté, il
apparaît après analyse que le contexte tchadien représente
un obstacle à la traduction des mesures de protection de l'enfant.
DEUXIEME PARTIE :
L'EFFECTIVITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANCE
Dans cette partie, il sera question de faire une analyse,
à l'aide des critères dégagés dans le chapitre
premier de la première partie, des lois, us et coutumes tchadiennes de
protection de l'enfance en rapport avec les Conventions relatives au droit de
l'enfant (CHAPITRE III). Cette analyse a pour ambition de montrer les lacunes
qui peuvent être à l'origine du non respect des droits de
l'enfant.
Elle permettra aussi de porter un regard sur les dispositifs
administratifs ainsi que les moyens matériels, financiers et humains
dégagés par l'Etat (CHAPITRE IV) pour permettre aux enfants de
jouir des droits issus des conventions internationales. L'accent sera davantage
mis sur les carences des moyens.
CHAPITRE III :
L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR
RAPPORT AUX NORMES INTEde RNATIONALES
Dans ce chapitre, nous ferons un état des lieux
d`effectivité, c'est-à-dire l'appréciation
rapportée aux normes internationales de protection de l'enfance. Cette
appréciation se fera essentiellement sur les lois tchadiennes portant
sur la protection de l'enfant aux normes du droit international, qu'ils
s'agissent des normes régionales ou universelles (Section I) mais aussi
des normes traditionnelles, des us et coutumes (section II) de l'autre.
Section I : Les lois
tchadiennes et les normes du droit international de protection des droits de
l'enfant
Afin de donner effet aux obligations conventionnelles en
matière de protection des droits de l'enfant, le Tchad doit harmoniser
les lois pour qu'elles ne soient pas en contradiction avec ses engagements
internationaux.
Or, force est de constater qu'il existe un fossé entre
les lois nationales et celles issues des obligations conventionnelles
contractées par le Tchad. Ce fossé se retrouve aisément
à travers le hiatus des lois garantissant les droits civils et
politiques (§1) d'un côté et, de l'autre des droits
économiques, sociaux et culturels (§2).
§1- L'écart entre les lois et les normes
internationales
En analysant les lois tchadiennes qui garantissent les droits
civils et politiques par rapport aux normes internationales, de nombreux point
d'achoppement apparaissent. Il s'agit tout d'abord de la définition de
l'enfant et le droit à la vie qui constitue son attribut (A), ensuite de
la liberté d'expression et d'opinion (B), et enfin du principe de
l'égalité (C).
A. L'existence de la contradiction au niveau de la
définition de l'enfant et du droit à la vie
L'être que l'on désigne par `enfant' se
reconnaît par rapport à l'âge. Au regard du droit
international, est considéré comme enfant « toute
personne n'ayant pas atteint l'âge de dix huit ans »54(*). Pour la législation
tchadienne, l'enfant est différemment défini suivant qu'il soit
une fille ou un garçon. En effet, selon l'article 144 du Code Civil
français de 1958 toujours en vigueur au Tchad, l'âge minimum de
mariage est de 18 ans pour le garçon et de 15 pour la fille55(*). Cette différence
instituée par la loi a des répercussions considérables sur
la vie de l'enfant.
Que ce soit dans la Convention Internationale des Droits de
l'Enfant, dans la Charte Africaine des droits et du bien-être de
l'enfant, ou dans les nombreux textes internationaux56(*) qui organisent et
protègent l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant
est toujours mis en exergue. Et comme l'indique clairement, à titre
d'exemple, l'article 4 alinéa 1 de la CADE, « dans
toute action concernant un enfant, entrepris par une quelconque personne ou
autorité, l'intérêt supérieur de l'enfant sera la
considération primordiale ». Cet intérêt
supérieur ne peut se réaliser si le droit à la vie ne se
trouve pas bafoué.
Constitutif du noyau dur des droits de l'homme, le droit
à la vie est un droit intangible et constitue un attribut
inaltérable de la personne humaine qui forme la valeur suprême
dans l'échelle des droits de l'homme57(*). Il est consacré dans plusieurs textes
internationaux58(*) .
Mais le droit à la vie n'a de sens que si les lois
assurent le respect à l'intégrité physique. Or plusieurs
dispositions législatives permettent de porter impunément
atteinte à l'intégrité physique. Le Code Pénal,
dans son article 252, parle volontiers de coups et blessures sans
préciser ce qu'il entend par ces termes. Cette imprécision laisse
le champs libre à la violence.
En effet, compte tenu du contexte tchadien marqué par
des guerres civiles et une pauvreté accrue, l'enfant ne cesse de faire
l'objet d'actes de violence. La violence est le lot commun dont souffre la
majorité des enfants tchadiens, surtout ceux nécessitant des
mesures spéciales de protection. Elle a tendance à être
utilisée comme une forme d'éducation familiale et sociale de
l'enfant.
Voir des enfants battus, ligotés pour des fautes
parfois anodines est un triste spectacle hélas fréquent dans les
familles - de la part des parent, des tuteurs ou des employeurs, dans les
institutions d'accueil (notamment les mahadjirines59(*)), dans les écoles
et les centres de détention, mais aussi dans la rue.
Banalisée, la violence finit par être
assimilée par les enfants eux-mêmes qui l'exercent volontiers
entre eux, mais aussi contre les adultes et les enseignants en particulier. Le
lieu d'éducation aux valeurs positives que devrait être
l'école se transforme par endroits en lieu de la culture de la
violence.
En dépit de l'existence de la loi n°6 sur la
santé de reproduction du 15 avril 2002 qui stipule dans son article 9
alinéa 2 que « toutes les formes de violences telles
que les mutilations génitales féminines, les mariages
précoces, les violences domestiques et les sévices sexuels sur la
personne humaine sont interdites », l'excision continue
d'être pratiquée sans aucune crainte.
Alors qu'aujourd'hui la communauté internationale de
manière générale, et les organisations de défense
des droits de l'homme en particulier, s'investissent pour éradiquer
l'excision dans les pays où elle est encore pratiquée, au Tchad
elle semble plutôt gagner du terrain.
Une bonne partie des communautés tchadiennes, qu'il
s'agisse des communautés musulmanes et animistes, trouvent des
justificatifs à la pratique de l'excision. Les données de 2004
indiquent que plus 45%60(*) des femmes au Tchad ont subi une mutilation
génitale féminine. Il ressort de ce rapport que les mutilations
sexuelles varient en fonction de la résidence et de l'appartenance
ethnique. Ainsi, dans les zones de Batha, Salamat, Ouaddai, et Wadi Fira, 92%
des femmes ont été excisées, contre 4% dans les zones du
Borkou Ennedi Tibesti. La pratique reste aussi élevée dans les
régions du Mandoul et du Moyen Chari avec 80%.
L'imprécision de la procédure pénale sur
la répression de la violence permet aussi le développement de la
violence sexuelle. Il ressort de l'étude sur les abus sexuels
réalisée en 2002 par le Ministère de l'Action Sociale avec
l'appui de l'UNICEF, que les cas d'abus sexuels sont rarement
déclarés aux services officiels. De 1993 à 2002, seuls 155
cas d'abus sexuels et 24 cas d'exploitation sexuelle sont
déclarés aux services officiels.
Cette même étude montre que les abus sexuels
signalés touchent beaucoup plus les mineurs âgés de 13
à 15 ans (41,3%), la classe d'âge de 10 à 12 ans (25,8%),
celle de 6 à 9 ans (15,5%) et enfin celle de 16 à 17 ans (12,9%).
Il faut aussi observer que 94,8% des victimes sont des filles.
En effet, le flou qui existe d'abord dans la formulation des
textes et la répression qui s'ensuit fait que certaines violations de
l'intégrité physique de l'enfant passe pour un fait banal.
Aujourd'hui plus qu'hier, en dépit de l'abondance des textes qui
prohibent les atteintes à l'intégrité physique et surtout
à la mutilation génitale, les filles continuent de
connaître ce triste sort. Cette situation trouve son fondement dans la
non transcription de cette pratique dans le Code Pénal. L'atteinte
à l'intégrité corporelle telle que visée par la
section 2 du chapitre premier du Titre V du Code Pénal, plus
précisément l'article 253, évoque amputation, privation et
mutilation beaucoup plus dans le sens de coups et blessures et non de
mutilation génitale. C'est pourquoi cette violence faite à la
fille perdure.
Au regard de cette description, il existe des textes61(*) qui interdisent tout
châtiment corporel à tout citoyen. En ce qui concerne le mariage
coutumier, l'article 277 du Code Pénal stipule que « la
consommation d'un mariage coutumier avant que la fille n'ait atteint
l'âge de treize ans est assimilable au viol et punie comme
telle ». Cette disposition pose l'âge du mariage à
treize ans. Donc, toutes les violences exercées sur les filles de treize
à dix-huit ans pour les contraindre au mariage ne seront pas punies car
légales.
Ce hiatus laisse libre cours au proxénétisme.
Force est aussi de reconnaître que bien des actes assimilables aux
violences ne sont expressément visés par les textes. On en voudra
pour preuve la non prévision du harcèlement dans le dispositif du
corpus pénal tchadien.
Par ailleurs, le fait que la loi opère une distinction
entre l'âge légal de mariage d'une fille et d'un garçon,
conduit à exclure bon nombre de filles de la protection.
Enfin, il n'existe aucune législation propre qui vise
l'interdiction de la production, de la détention et de la diffusion de
matériel pornographique. Le droit à la vie se trouve emprise par
les diverses sortes de violences qui nuisent à son
épanouissement.
Au demeurant, la question de l'adoption reste toujours
régie par les dispositions du Code Civil français de 1958. Le
projet de Code des personnes et de la famille qui contient des dispositions
fortes intéressantes en faveur de la protection de l'enfant ne semble
plus être aujourd'hui une priorité de l'Etat.
B- La liberté
d'expression et d'opinion
La reconnaissance de la liberté d'expression
obéit au besoin de prise en compte de l'opinion de l'enfant dans les
décisions le concernant.
C'est pourquoi la société et l'Etat doivent
permettre à l'enfant de s'exprimer sur les questions qui touchent
à son intérêt. On sort de la logique du
« faire pour » pour aboutir à la logique
du « faire avec lui ». C'est le respect de cette
logique qui permettrait de mieux organiser la protection de l'enfant.
L'Etat tchadien semble obéir à cette logique en
instituant un parlement des enfants par le décret n°55/PR / MASF du
30 décembre 2000. Mais la teneur de ce décret porte à
croire que le Parlement des enfants ne permet pas à ces derniers de
réellement se prononcer sur les questions les concernant. La logique
voudrait que cette institution, même si elle n'est pas permanente,
siège trois à quatre fois dans l'année pour permettre une
meilleure prise en compte de l'opinion des enfants.
Or le parlement des enfants ne se réunit qu'une seule
fois dans l'année au terme de l'article 5 du décret. La session
se tient le 16 juin de chaque année, date de la commémoration de
l'enfant africain.
On comprend dès lors que cette institution s'inscrit
beaucoup plus dans le symbolique que dans une réelle volonté de
laisser s'exprimer les enfants par rapport aux questions qui touchent leurs
intérêts.
De plus, la loi ne dit pas si à la fin de chaque
session, des recommandations doivent être faites aux pouvoirs publics
pour que ceux-ci puissent accélérer tel ou tel point jugé
pertinent par les enfants.
C- Le principe de l'égalité
Le principe de l'égalité a pour corollaire le
principe de la non discrimination. La non discrimination est au Tchad un
principe constitutionnel. Il figure dans les articles 13 et 14 de la
Constitution. Ce principe est aussi énoncé dans l'article 2 de
la Convention Internationale des droits de l'enfant, et à l'article 3 de
la Charte Africaine des Droits et du Bien être de l'enfant
Cependant, l'appréciation concrète de la
jouissance effective des droits de l'enfant fait apparaître une
discrimination. Cette appréciation se décline suivant que
l'enfant est de sexe masculin ou féminin, porteur d'un handicap ou en
situation difficile.
S'agissant de la discrimination fondée sur le sexe, le
législateur tchadien fait une grande distinction entre l'âge de
mariage d'une fille (treize ans), et celui d'un garçon (dix-huit ans).
Le législateur autorise et légitime cette discrimination en
méconnaissant les engagements internationaux qu'il a contracté et
qui lui font obligation de veiller à assurer une égalité
de droit entre les enfants.
§2- Les droits économiques, sociaux et
culturels
Il ne s'agit pas pour nous d'établir un aperçu
général de tous les droits sociaux économiques, mais
plutôt de prendre comme exemple la question du droit à la
santé (A), du droit à l'éducation (B) et du droit au
travail (C).
A- Le droit à l'éducation
La question de l'éducation a été l'une
des préoccupations de la communauté internationale à la
fin du XXème siècle. L'histoire de l'éducation a connu de
nombreux forum : forum mondial sur l'éducation de Dakar d'avril
2000 et les déclarations des Nations Unies dites du millénaire de
septembre 2000 pour ne citer que ceux là.
Ces rencontres ont mis l'accent, à différents
niveaux, sur l'éducation de l'enfance. Ainsi le forum de Dakar se donne
comme premiers objectifs de :
- développer et améliorer tous les aspects
liés à la protection et l'éducation de la petite enfance,
et notamment des enfants les plus vulnérables et
défavorisés ;
- faire en sorte que, d'ici à 2015, tous les enfants,
en particulier les filles, les enfants en difficulté et ceux qui
appartiennent à des minorités ethniques, aient la
possibilité d'accéder à un enseignement primaire
obligatoire et gratuit, de qualité et de le suivre jusqu'à son
terme.
La déclaration du millénaire préconise
huit objectifs parmi lesquels figurent :
- que d'ici à 2015, les enfants partout dans le monde,
garçons comme filles, soient en mesure d'achever un cycle complet
d'études primaires et que les filles et les garçons aient un
égal accès à tous les niveaux.
Si ces objectifs ont reçu l'adhésion des Etats
et en particulier du Tchad, leur traduction ne semble pas trouver ancrage dans
le système éducatif tchadien.
En effet, les articles 35 et 36 de la Constitution
énoncent le droit à l'éducation, comme il en ressort des
dispositions du droit international de protection de l'enfance. Cependant, le
droit à l'éducation connaît des difficultés de mise
en oeuvre.
En effet, l'éducation préscolaire est peu connue
en raison de l'absence de toute politique de sensibilisation et de mobilisation
des acteurs concernés. Faute d'informations, ils ne sont pas convaincus
du bien-fondé de ce sous secteur, notamment en ce qui concerne son
impact sur la socialisation et la préparation de l'enfant à
accéder de façon harmonieuse à l'enseignement
élémentaire.
Dans l'imaginaire populaire, l'éducation
préscolaire est assimilée à une simple garderie qui offre
beaucoup plus d'activités ludiques qu'éducatives. Par ailleurs,
le manque de sérieux et de professionnalisme observé dans
certains établissements renforce malheureusement cette opinion.
Ainsi, dans un rapport de 2003, Makhoumy Fall62(*) observe qu'il existe sur
l'ensemble du territoire tchadien 29 écoles maternelles. Ces rares
écoles sont fréquentées par les enfants des milieux
aisés des grands centres urbains. La différence du milieu de
résidence montre que 0,4% des enfants des milieux ruraux ont
accès à l'éducation préscolaire contre 2,1% en
milieux urbains63(*). Il
en résulte que seulement 2 950 sur 1 220 395 enfants âgés
de 0 à 6 ans sont admis dans ces structures. On estime à
2,4%64(*) le nombre
d'enfants qui reçoivent une éducation préscolaire. Mais ce
pourcentage varie selon le sexe : 1% de garçons contre 0,6% des
filles.
S'agissant de l'enseignement élémentaire,
même si le principe de la non discrimination est affirmé, la
disparité entre les centres urbains et ruraux en matière
d'accès aux services publics de l'éducation reste criarde.
Il résulte que les zones rurales n'ont pas
d'infrastructures d'accueil. L'éloignement des écoles et
l'absence de cantine scolaire contribuent à accroître la
discrimination. C'est pourquoi on note que 25,3% seulement des enfants sont
inscrits à l'école primaire. Les conditions d'enseignement
restent encore précaires. Le ratio élèves/maîtres
est très élevé (70) dans le primaire, à cela
s'ajoute l'insuffisance des manuels scolaires à tous les niveaux et pour
toutes les disciplines.
Ce même constat reste aussi valable pour les
infrastructures d'accueil. Sur 11 653 salles de classes recensées,
65%65(*) sont des abris
provisoires dont la durée de vie n'excède pas un an. Le plus
souvent, ces classes sont construites par les communautés et elles ne
disposent pas de mobiliers fonctionnels. Nombreux sont les enfants assis
à même le sol faute de tables banc.
La discrimination est également présente chez
les enfants porteurs d'un handicap (les non voyants, infirmes, les
déficients mentaux, etc.). Si l'on s'en tient aux données
fournies66(*), on constate
une prévalence de handicaps chez les enfants de 0 à 4 ans (1,4%).
Ces enfants handicapés ne bénéficient pas d'une
éducation faute de structures spécialisées adaptées
à leurs besoins. Ainsi, les structures existantes ne se trouvent que
dans les grands centres urbains à l'instar des écoles des sourds
(N'djamena, Moundou, Doba, Sarh). On comprend aisément que la bonne
partie des enfants des zones rurales et ceux des nomades porteurs de handicaps
ne peuvent bénéficier de ces structures.
B- Le droit à la
santé
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS),
« la santé est un état de complet bien
être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état
de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits
fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa
religion, ses opinions politiques, sa condition économique et
sociale ».67(*)
Le droit à la santé est un droit de l'homme
clairement énoncé dans les textes internationaux acceptés
par les Etats, textes incorporés dans l'ordre juridique interne68(*). Il s'agit d'un droit
fondamental bénéficiant d'une protection constitutionnelle.
Le droit à la santé fait partie des droits
économiques, sociaux et culturels, dont l'une des
caractéristiques fâcheuses est la faible justiciabilité, du
moins par rapport aux droits civils et politiques. Cette faiblesse de
justiciabilité reste conditionnée par l'évolution
progressive de la situation économique des Etats.
Toutefois, sans remettre en cause cette dynamique de
progressivité, le principe de l'indivisibilité des droits a
conduit la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à
retenir une jurisprudence audacieuse en matière de droits sociaux qui
relativise la portée de l'argument économique que peuvent tenter
d'utiliser les pays en voie de développement.
On peut se référer ainsi à la
décision rendue par la Commission de Banjul dans l'affaire 241/01,
PUROHIT et MOORE contre Gambie, en mai 2003, et notamment au paragraphe 84
ainsi libellé : la Commission
africaine « souhaiterait(...) préciser qu'elle est
consciente du fait que des millions de personnes en Afrique ne jouissent pas du
droit à un meilleur niveau de santé physique et mentale qu'elles
soient capables d'atteindre, parce que les africains sont en
général confrontés au problème de pauvreté
qui les rend incapables de fournir les équipements, infrastructures et
ressources qui facilitent le pleine jouissance de droit. En conséquence,
ayant dûment tenu compte de ces circonstances tristes mais
réelles, la Commission souhaiterait lire dans l'article 16
l'obligation, de la part des Etats partie à la Charte africaine, de
prendre des mesures concrètes et sélectives tout en tirant
pleinement profit des ressources disponibles, en vue de garantir que le droit
à la santé est pleinement réalisé sous tous ses
aspects sans discrimination d'une quelconque nature. »
Or on note avec regret l'écart qui existe entre les
possibilités d'accès aux soins et le coût des
médicaments. En effet, l'accès aux services de soins est de plus
en plus limité du fait de la faiblesse des revenus, de l'insuffisance de
l'offre de ces services. Le recours à la consultation prénatale
par exemple varie de façon très importante avec le niveau
d'instruction de la femme. Le suivi est fait pour la quasi-totalité
(92%) des naissances issues de femme ayant un niveau d'instruction
supérieur.
Par ailleurs, on constate que pour seulement 17% des
naissances, la première visite s'est effectuée à moins de
quatre mois de grossesse.69(*) Ainsi, on observe un taux de mortalité de
moins de cinq ans qui s'était amélioré entre 1993
(222/1000) et 1997 (194/1000), puis s'est à nouveau
dégradé en 2003 (200/1000). Les maladies diarrhéiques, le
tétanos néonatal, le paludisme et les infections respiratoires
aiguës sont les causes majeures du décès des enfants. Ils
sont liés aux faibles couvertures et performances des services de
santé, à leur éloignement ainsi qu'à leur
inaccessibilité, aux pratiques d'hygiène et
d'assainissement70(*), au
faible accès à l'eau potable71(*) et à la faible utilisation des moustiquaires
imprégnées.
Le taux élevé de mortalité maternelle est
lié à un faible recours aux consultations prénatales
(33%), à l'insuffisance de la couverture des services de santé de
reproduction ainsi qu'aux accouchements non assistés (8%) en milieu
rural, aux mariages précoces et aux nombreuses naissances trop
rapprochées.
Le niveau de malnutrition des enfants reste
élevé, l'insuffisance pondérale est de 28% par
malnutrition aiguë globale, dont 12% de malnutrition
sévère.72(*)
En plus des problèmes sus évoqués, la propagation du sida
constitue une contrainte supplémentaire avec la destruction des
structures sociales et productives qu'elle entraîne.
Le taux de prévalence du VIH/SIDA est estimé
à 4,8%. Selon le Cadre Stratégique National de Lutte contre le
Sida 2005-2009, les problèmes majeurs sont la forte mortalité des
malades du sida et la propagation rapide chez les 15-24 ans. La
précocité des rapports sexuels, la multiplicité des
partenaires, la méconnaissance des voies de transmission et de
prévention expliquent cette progression. Le déni de la maladie et
la stigmatisation freinent également la prise en charge des cas.
L'épidémie est évolutive à
l'échelle nationale, affectant à des degrés variés
toutes les régions. A l'hôpital de référence
national de N'djamena, à titre d'exemple, on estime que 600 enfants
naissent de mères séropositives par an.
Selon l'ONU SIDA73(*) le nombre d'enfants de 0 à 14 ans vivant avec
le VIH sida est estimé à 18 000 et celui des orphelins du sida
à 96 000. Cependant, la prévention de la transmission de la
mère à l'enfant du VIH sida n'est pas proportionnelle. Les
orphelins du sida reçoivent peu d'appui à l'exception de l'action
de quelques associations caritatives.
A ces difficultés d'accès aux soins, viennent
s'ajouter les coûts des soins eux-mêmes. Ces coûts sont la
conjugaison des frais des consultations et des médicaments, tous
très élevés. Même si nous ne disposons pas de
données statistiques concernant les coûts financiers de
l'accès aux services sanitaires au Tchad pour les enfants, cette
considération reste une réalité qu'il faut prendre en
compte lorsqu'il est question du droit à la santé.
C- Le droit au travail
La problématique du travail des enfants reste un sujet
de préoccupation étant donné la situation de
pauvreté et l'instabilité politique du Tchad. En effet, la
législation tchadienne sur cette question date de 1969. C'est la loi
n°55/PR/MTJS/DTMOPS du 8 février 1969. Jamais cette loi n'a connu
de modification pour tenir compte des ratifications des nombreux traités
sur la protection de l'enfance par le Tchad.
Le caractère vieillissant de la loi permet
l'utilisation de plus en plus des enfants sur le marché de l'emploi sans
crainte de quelconques représailles. D'où le développement
des enfants bouviers et des mouhadjirines.
L'inquiétude demeure grande lorsque le travail de
l'enfant ne s'analyse pas en tant que processus de socialisation mais
plutôt comme une richesse économique des adultes, comme nous avons
tenté de décrire plus en amont. Ces jeunes travaillent dans des
conditions épouvantables.
Les bouviers par exemple se lèvent très
tôt et ne rentrent qu'à la nuit tombante. Ils ne
bénéficient d'aucune couverture sanitaire et lorsqu'ils sont
malades, leurs employeurs les menacent allant parfois jusqu'aux
châtiments corporels. Le bouvier ne connaît pas de repos. Une fois
arrivée à la maison, après avoir pris son unique repas
quotidien (en général les restes de nourriture consommée
par son employeur), il doit faire la lessive de la famille.
« Le monde civilisé, disait Maria
Montessori, devient un immense camp de concentration dans lequel tous les
jeunes êtres humains qui arrivent sur terre sont relégués
et mis en servitude, niés dans leur valeur, anéantis dans leurs
pulsions créatives, soustraits aux stimulations vivifiantes auxquelles
tout homme à droit aux milieux de ceux qui
l'aiment »74(*). L'enfant est perçu comme une valeur
marchande. C'est pourquoi les enfants deviennent des commerçants
ambulants : vente de journaux, de cigarettes, de produits alimentaires...
ils évoluent dans le secteur marchand, même si à l'heure
actuelle on ne peut dire avec précisions quel est leur apport dans
l'économie.
Pour les mahadjirines, le maître,
également appelé marabout, est libre de disposer de ces enfants
comme il l'entend. Le plus souvent, il loue leur force de travail aux
entreprises de transport ou pour réaliser des travaux domestiques. Mais
le marabout peut aller jusqu'à « vendre » les
enfants dont il la charge. Il peut les livrer à des groupes militaires
pour leur enrôlement, ou à des particuliers. L'affaire de l'arche
de zoé en est la patente illustration.
Si aujourd'hui il est fait de plus en plus état des
trafics d'enfants entre l'Afrique de l'Ouest et du Centre75(*), au Tchad cette pratique ne
s'est pas encore développée. Par contre, il se développe
un trafic à l'intérieur du pays, assimilable à la traite.
La traite consiste au recrutement des enfants par des moyens
répréhensibles comme des tromperies, des abus d'autorité
ou en profitant de situation de vulnérabilité. En effet, s'il
n'existe pas d'étude spécifique qui pose de façon claire
et précise la question de la traite des enfants aux Tchad, bon nombre de
pratiques qui ont cours dans le pays s'en rapprochent. C'est le cas des enfants
bouviers et de la mendicité des mahadjirins.
Aussi faut-il souligner que l'article 18 de la loi
n°038/PR/96 portant Code du Travail au Tchad fixe l'âge de seize ans
pour l'établissement d'un contrat d'apprentissage. Or les enfants
bouviers ou les moudjirines ne peuvent en aucune manière être
considérés comme des apprentis. En outre le code du travail
n'aborde pas la question du travail dans le secteur informel, lequel secteur
emploi, en nombre, de la main d'oeuvre infantile.
La législation reste par contre muette sur l'emploi des
enfants dans l'armée. Or le travail des enfants dans l'armée
prend des proportions très inquiétantes. « Un
peuple en guerre n'a plus d'enfants, il n'a que de
soldat »76(*). Cette citation illustre une situation que
connaissent bien les pays qui, même s'ils ne sont pas en guerre au sens
strict du terme, font face à des problèmes de troubles
intérieurs et utilisent des enfants.
Le 10 novembre 1998, l'Assemblée Générale
des Nations Unies a adopté une résolution désignant la
période 2001-2010 « décennie internationale de
promotion d'une culture de la non- violence et de la paix, au profit des
enfants du monde. » Mais force est de reconnaître
qu'aujourd'hui plus qu'hier, des centaines de millions d'enfants ne sont pas
à l'abri des guerres.
L'expression « enfant soldats »
désigne toute personne âgée de moins de 18 ans qui fait
partie de tout groupe armé, régulier ou irrégulier. Peu
importe que cet enfant manipule des armes, soit cuisinier, messager, porteur de
bagages ou qu'il accompagne un de ces groupes77(*). En général, l'âge des enfants
varie entre 7 et 17 ans.
La participation des enfants et des adolescents aux combats
et leur socialisation par des institutions militaires ne datent pas
d'aujourd'hui. Déjà au VIIIéme siècle avant
Jésus Christ, l'éducation militaire des enfants palliait au
manque de soldats. En 1945 au Japon par exemple, de nombreux enfants se sont
battus à Okinawa contre les américains, et environ 5 000 membres
de la jeunesse hitlérienne ont participé à la bataille
contre l'armée rouge. Si l'histoire montre qu'il s'agit d'un
phénomène ancien, il n'est reste pas moins que
l'inquiétude est grande lorsqu'on observe aujourd'hui encore le nombre
croissant d'enfants dans les champs de combats.
Selon l'Organisation des Nations Unies, plus de 300 000
enfants dans le monde participent aux combats, dont 120 000 uniquement en
Afrique78(*). On les situe
dans les zones de conflits armés en Afghanistan, en
Tchétchénie, en Irak, au Cambodge, au Vietnam, en Bosnie, en
Somalie, au Rwanda, en République Démocratique du Congo, au
Tchad, etc. L'ampleur considérable du phénomène79(*) « enfant
soldat » pose bien des questions au début de ce XXIéme
siècle où on assiste au développement de techniques de
guerres utilisant des armes très nocives.
Au Tchad, il est difficile voire impossible de donner avec
exactitude le nombre d'enfants impliqués dans les conflits
armés. Cependant, il faut noter que le gouvernement a reconnu, pour la
première fois en 2006 lors de la bataille d'avril, l'existence d'enfants
soldats au sein de son armée80(*).
Cette reconnaissance a permis la conclusion d'un accord entre
le gouvernement et l'Unicef Tchad, le 9 mai 2006, pour la réinsertion
sociale de ces enfants soldats. L'accord avançait le nombre de 400
enfants.
La comptabilisation est difficile pour plusieurs
raisons :
- D'abord, le recrutement de ces enfants n'obéit
à un aucun processus formel puisqu'il est illégal. La logique des
mouvements de rebellions tchadiens relève souvent de
considérations tribales, régionales, ou religieuses. Les membres
de la famille sont prêts à envoyer les enfants combattre afin de
soutenir la cause qu'ils entendent défendre .Il est, en outre, difficile
d'accéder aux entités armées qui les utilisent en
période de conflit et a fortiori d'enquêter sur eux. Dans beaucoup
de régions du pays, le service d'état civil ne fonctionne pas
normalement ou n'existe pas. Il est donc très difficile de
connaître l'âge de ces enfants.
- Enfin, il s'agit d'un enjeu politique pour les groupes
armés : un groupe aurait toujours tendance à annoncer un
effectif inférieur à la réalité pour ne pas
être mis au ban par les Institutions Internationales, ou supérieur
pour être en position de force au moment des négociations.
La défense de la patrie et de l'intégrité
du territoire national face à une agression extérieure est un
devoir pour tout citoyen aux termes de l'alinéa 1er de
l'article 51 de la Constitution tchadienne. C'est ce qui justifie
l'enrôlement des enfants dans l'armée. Or, cette hypothèse
est à exclure car les conflits sont tchado-tchadien et opposent le plus
souvent un groupe de dissidents au pouvoir central. Dès lors, c'est
ailleurs qu'il convient de déceler les raisons de la présence des
enfants au combat.
En effet, la présence des enfants soldats au Tchad
trouverait sa justification dans l'existence endémique de la
rébellion, porte ouverte à l'intensification du
phénomène.
Ce phénomène des « enfants
soldats » a de beaux jours devant lui tant que persisteront les
conflits. Les enfants sont devenus des chaires à canon,
dépouillés de toutes vie car privés pour la plupart de
leur droit à l'éducation, à la santé et menant une
vie misérable. Cette situation subsistera tant que les valeurs
coutumières continueront à soutenir de telles pratiques.
Section II : Les us et
coutumes
L'analyse de l'appréciation de l'état de la mise
en oeuvre des droits de l'enfant ne doit pas se limiter au droit positif, elle
doit aussi examiner comment la société peut aider ou non à
la réalisation de ces droits. C'est pourquoi une lecture des valeurs
traditionnelles et coutumières permettraient d'identifier les
considérations issues des traditions, coutumes et us qui peuvent
être un obstacle à la réalisation des droits civils et
politiques de l'enfant (§1) d'une part, et des droits économiques,
sociaux et culturels d'autre part (§2).
§1- Les considérations coutumières comme
frein à la réalisation des droits civils et politiques
C'est du regard porté par la société sur
l'enfant (A) que dépendrait l'impact de la réalisation des droits
civils (B).
A- L'enfant dans l'imaginaire tchadien
Pour mieux comprendre pourquoi la société
tchadienne reste réticente ou non à l'éclosion des droits
de l'enfant, il faudrait saisir la perception que cette société a
de l'enfant. Cette perception correspond-t-elle à celle des autres
sociétés, notamment la société occidentale ?
La réponse semble être négative.
Levain naturel de la société, l'enfant, en
Afrique d'une manière générale et au Tchad en particulier,
n'est pas simplement une catégorie biologique mais constitue une
catégorie sociale dont l'histoire s'énonce différemment
selon la société considérée.
C'est pourquoi, parler de l'enfant dans l'imaginaire tchadien
reviendrait à le « situer à l'intérieur de
la culture de son univers particulier où prédomine telle forme de
pensée, tel climat affectif, tel niveau technique, tel mode
d'affirmation de soi, tel type de langage(....)Il serait de mauvaise
méthode de voir le développement de l'enfant autrement qu'en
référence à ce champ de force culturel qui lui impose ses
structures et ses coordonnées mentales. »81(*).
Et justement, l'enfant dans l'imaginaire tchadien n'est pas un
être autonome, doué de raison et capacité . Il est
plutôt considéré comme un incapable que la
société doit protéger et orienter afin qu'il devienne un
de ses membres. Tout est décidé à sa place car la
société estime qu'elle fait le choix qui va dans l'unique
intérêt de l'enfant. Cette logique de « penser
l'enfant » propre à la société tchadienne
fait qu'il n'existe pas de critères de délimitation d'âge.
L'âge varie en fonction des considérations des structures
mentales. L'enfant devient adulte, par exemple, lorsqu'il aura accompli un
certain rituel dans certaines traditions (les rites initiatiques dans certaines
sociétés pour les garçons et l'excision pour les filles).
D'où le constat posé par les travaux de l'anthropologue Ferme
Marianne selon lesquels l'enfance en Afrique Subsaharienne est souvent
assimilée à un moment d'ambiguïté, un état
hybride et instable82(*).
Et c'est à bon droit que Philippe ARIES83(*) soutenait que la perception de
l'enfance comme état d'innocence et comme une condition à part de
l'âge d'adulte est une représentation relativement récente
propre aux sociétés occidentales. Cette perception fait que
l'enfant reste un sujet non autonome auquel la société dicte ses
lois et ne tient pas forcément compte de son avis. Cette conception
conduit, la plupart du temps, à la méconnaissance des droits de
l'enfant.
B- Les effets de la conception de l'enfant sur les droits
civils et politiques
Selon une conception idéaliste, l'enfant est
perçu au Tchad comme un petit être sans capacité physique
et totalement dépendant des adultes. C'est pourquoi tout ce qui concourt
à la manifestation de sa croissance, de sa maturité ou de son
mental, n'échappe pas aux parents et au village qui lui accordent des
soins particuliers.
Ainsi, prétextant pérenniser le lien social
entre les familles, les tribus ou les lignages, les familles
« s'échangent les enfants ». Ces
échanges sont de véritables actes d'adoption mais
n'obéissant à aucune règle formelle. Le placement
d'enfants entre les familles connaît des dérives mais il est
difficile d'intervenir car c'est au « nom des valeurs
coutumières et traditionnelles » que ce placement a
été fait. L'enfant devient un objet entre les mains des adultes
qui décident de son sort au gré de leurs convenances et leurs
intérêts relationnels.
C'est au nom du respect de la coutume ou des préceptes
religieux que les atteintes les plus graves sont portées à
l'intégrité physique de la fille : la pratique de
l'excision, les violences exercées sur les filles pour leur mariage
précoce, les coups donnés par les parents comme mesures
disciplinaires ou encore les coups de fouets administrés par les
marabouts.
La question de l'égalité entre les enfants n'a
pas droit de cité. Il existe une nette discrimination entre les filles
et les garçons. L'importance davantage donnée aux garçons
car on pense que ce sont eux qui perpétuent la lignée. C'est
pourquoi les droits successoraux n'existent qu'au détriment de la fille
qui est considérée comme une
« étrangère dans sa propre
famille », car elle a vocation à aller vivre
« ailleurs », c'est-à-dire chez son mari.
La discrimination entre filles et garçons est acceptée voire
encouragée.
La discrimination est également présente entre
les enfants nés avec un handicap et ceux nés
« sains ». En effet, les enfants nés avec un
handicap sont vus comme porteurs de malédiction dans la famille ou dans
la société. A cause de cela, la société leur
accorde peu d'importance et organise parfois même leur
disparition84(*).
S'agissant de la liberté d'expression et d'opinion,
l'enfant n'a pas son mot à dire dans la prise des décisions qui
le concerne. En effet, en matière de mariage par exemple, le choix de
l'époux ou de l'épouse se fait sans consulter les personnes
concernées. Ce sont les deux familles des futurs conjoints qui
décident de l'union de leurs enfants respectifs. Cette situation
s'aggrave encore lorsqu'il est question de donner la fille en mariage dans
certaines sociétés. On comprend dès lors que le droit
à la vie de l'enfant est entre les mains de la société qui
peut décider de ce qu'elle estime être le mieux pour
l'enfant ; et non l'intérêt supérieur de l'enfant qui
trône aux frontons des lois et conventions de protection de l'enfance.
Fort de ces considérations de perception et des effets
qui découlent sur les droits civils et politiques, les droits
économiques, sociaux et culturels ne peuvent être
épargnés.
§2- L'influence des considérations traditionnelles
sur les droits économiques et sociaux culturels
Il nous est impossible d'aborder tous les aspects des droits
économiques, sociaux et culturels. Notre analyse se basera sur le droit
au travail (A) et le droit à l'éducation (B). Le choix de ces
deux angles se justifie par leur impact particulièrement grave sur
l'enfant.
A- L'impact des considérations traditionnelles sur le
droit au travail
Dans la majeure partie de la pensée traditionnelle,
c'est par le travail que l'enfant devient adulte. C'est pourquoi on
s'attèle à mieux orienter son avenir afin qu'il joue pleinement
son rôle dans sa future vie active. Ainsi, le processus de socialisation
de l'enfant se réalise conformément aux traditions et valeurs de
sa communauté.
Il n'y aurait aucun problème si le processus de
socialisation de l'enfant par le travail était accompli uniquement dans
l'intérêt de ce dernier. Or, il apparaît de manière
évidente que le travail des enfants sort du cadre de la socialisation
pour se situer sur le terrain économique.
La force de travail de l'enfant devient une valeur marchande.
L'enfant s'insère de plus en plus dans les systèmes de
production. C'est ainsi que le phénomène des enfants bouviers
connaît un essor dans les contrées du sud du Tchad. L'enfant est
devenu un objet économique comme l'illustre ce témoignage d'un
enfant bouvier du village de Nderguigui, Koute Ndoroumbaye, 11 ans, orphelin de
père85(*) :
« mon père Djimé (son patron éleveur)
était venu voir mon oncle chez nous à Nderguigui. Il lui a
donné la somme de 6000 FR CFA à mon Nangyam pour que je travaille
avec lui comme bouvier en contre partie de deux boeufs pendant 13
mois ». En dépit des conditions difficiles dans
lesquelles évoluent les enfants bouviers ( la garde des boeufs en
particulier), les parents de Canton Matkaga, rapporte le Messager86(*), éprouvent une certaine
fierté en voyant leurs enfants partir en brousse garder les boeufs des
éleveurs.
Le nombre important d'enfants travaillant dans le secteur
informel montre que les parents sont enclins à encourager le travail de
leurs progénitures. Il sont utilisés comme vendeurs à la
sauvette ou ramasseurs d'ordures contre de faibles rétributions.
Confiés au marabout pour assurer leur éducation religieuse, les
talibés sont très vite employés par leur maître dans
ce qu'il conviendrait de nommer « l'industrie de la
mendicité ». Ici le marabout éducateur tire le
maximum de profit car tous les revenus des travaux et services lui reviennent
de droit.
A côté de « l'industrie de la
mendicité », certains parents trouvent normal que leurs
enfants soient enrôlés dans l'armée car celle-ci peut
permettre une ascension sociale plus rapide que l'école. C'est ce qui
fait dire que « la kalachnikov te fait devenir plus rapidement
riche que le stylo ».
La vision du travail comme processus de socialisation de
l'enfant est ainsi corrompue et fait place à une conception servant
davantage l'intérêt des adultes ou de la société.
Que dire des effets sur l'éducation ?
B- L'éducation est le domaine par excellence où
brillent les effets de la tradition et des us
Considérant la discrimination opérée sur
le sexe telle que nous l'avons analysé ci-dessus, l'éducation se
fait différemment selon que l'enfant est une fille ou un
garçon.
Dans une perspective historique, cette discrimination est
perçu comme une caractéristique des sociétés non
occidentales87(*). Elle se
justifiait par le besoin de remplacer les cadres coloniaux par des hommes,
l'éducation des filles apparaissant de fait comme mineur.
Au-delà de cette approche historique, les traditions
voulaient que l'éducation de la jeune fille se fasse toujours en
rapport à son futur rôle de mère. Cette idée a
perduré après l'introduction de « l'école
des blancs ». La jeune fille fut même
considérée comme incapable de `faire l'école des blanc'.
Parfois, la décision de scolarisation de la fille dépend de ses
frères : le fait d'aller à l'école ne doit pas porter
préjudice à ses frères et la fille doit rester à la
maison pour leur préparer à manger.
CHAPITRE IV : LES MECANISMES
DE GARANTIE DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET DOTATIONS HUMAINES ET
BUDGETAIRES
La mise en oeuvre pratique des droits de l'enfant ne se limite
pas à l'existence des lois, décrets et règlements. Elle
exige aussi des structures administratives (section 1) qui sont à
même de traduire les normes législatives et réglementaire
en actes. Mais les structures administratives existeront de manière
efficace et efficiente que si elles reçoivent des dotations humaines et
budgétaires les mieux adaptées à leur fonctionnement
(section 2).
Section I : Les structures
administratives de garantie de protection des droits de l'enfant
Nous entendons par structures administratives les dispositifs
institutionnels en charge de la protection de l'enfance (§1) d'une part et
judiciaire d'autre part (§2).
§1- Les dispositifs institutionnels à
caractères généraux
L'existence des indices de la traduction concrète des
droits de l'enfant s'observe à travers les centres administratifs de
protection de l'enfance. Ces centres peuvent revêtir le caractère
général (A) ou être spécifiques aux besoins des
bénéficiaires (B).
A- Les centres administratifs de protection à
caractère général
Afin de prévenir les dangers susceptibles de nuire
à la santé physique ou morale d'un enfant, ou si les conditions
de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont
gravement insatisfaisantes, l'idéal serait qu'il existe des institutions
administratives qui assurent la prise en charge de l'enfant concerné.
Ces institutions doivent exister dans les secteurs de l'action sociale, de
l'éducation, de la santé, de la police et de la gendarmerie.
Nul ne peut douter de l'effort que les pouvoirs publics
tchadiens fournissent pour assurer une meilleure protection de l'enfance
à travers la direction de l'action sociale et de la famille. Le
Ministère de l'Action Sociale et de la Famille dispose de centres
sociaux qui tentent de prendre en charge les enfants dans le cadre de
programmes d'enseignement préscolaire. Cependant, ces centres
sociaux88(*) ne sont pas
en nombre suffisant pour répondre aux besoins de l'enfance tchadienne,
ou ne fonctionnent que dans les grands centres urbains. Ce disfonctionnement
est lié à l'organisation administrative
décentralisée des services publics. Ainsi, une bonne parie des
enfants ne peuvent prétendre accéder aux services sociaux. Par
ailleurs, les centres existants ont été installés dans de
très vieux édifices de l'administration coloniale. Ces centres
font partie des parents pauvres de l'administration tchadienne car les
priorités de l'Etat se situent ailleurs.
Après l'éducation préscolaire
reçue dans les centres sociaux, l'enfant entre dans le cycle de
l'enseignement élémentaire. Ce cycle relève du
Ministère l'Education Nationale par l'entremise de sa Direction de
l'Enseignement de Base. Cette direction trouve ses relais dans les
régions, les préfectures, et les sous-préfectures dans les
délégations régionales de l'enseignement de base. Si du
point de vue de découpage administrative, le Ministère de
l'Enseignement Secondaire semble être un modèle, les conditions
d'apprentissage reste une des questions préoccupantes de l'enseignement
au Tchad. Certaines salles de classe comptent jusqu'à 150
élèves dans les grandes villes. Outre le problème de
surcharge des classes, les cours peuvent être interrompus en cas de
pluies ou vent faute de constructions fiables dans les zones rurales.
Jusqu'à aujourd'hui, dans plusieurs contrées du
Tchad, les salles de classes sont construites avec des matériaux
rudimentaires et dégradables. A titre d'exemple, nous citons les salles
de classes construites par les « seiko » qui ne
résistent pas aux intempéries naturelles (pluie, vent, etc.). Par
ailleurs, l'inexistence des tables bancs fait que les enfants sont assis
à même le sol et sont parfois couverts de poussière
à la sortie des classes. Ces conditions déplorables
d'enseignement facilitent l'apparition et la transmission de maladies.
Certaines écoles ne disposent même pas de toilettes ni
d'accès à l'eau potable.
Dans le domaine de la santé, la situation n'est
guère reluisante. L'état spécifique de l'enfant exige des
structures de santé adaptées. Seulement, la question de
l'accès aux soins des enfants ne s'analyse pas uniquement du point de
vue de l'éloignement des centres de santé, mais aussi et surtout
en termes de rareté des structures. Aujourd'hui, rares sont les villes
ou les centres ruraux qui disposent de centres de protection maternelle
infantile.
Tout se résume à l'hôpital du district de
la localité qui s'occupe de tout le monde. Il existe en moyenne une
structure d'hospitalisation pour 165 000 habitants et 51 lit/places pour 100
000 habitants, avec de fortes disparités entre les régions. Les
centres se consacrant spécifiquement aux enfants sont quasi inexistants.
Et quand il existent, ils sont dans un état de délabrement
avancé ou manquent de personnel (question que nous développerons
dans la seconde section de ce chapitre). Les quelques rares centres de
protection maternelle infantile qui existent sont l'oeuvre d'initiatives
privées.
Au demeurant, les rares districts sanitaires qui existent
n'ont pas été aménagés pour recevoir les nouvelles
technologies qui contribueront de manière non négligeable
à la réalisation de la santé des enfants. Les
délégations sanitaires sont souvent dans un tel état
d'insalubrité qu'elles ressemblent davantage à des
dépotoirs.
Pour mieux organiser la
sécurité et assurer une défense de l'enfance, les services
de police et de la gendarmerie devraient avoir des divisions spécifiques
à même de s'occuper des affaires opposant les adultes aux enfants
ou encore les enfants à la loi. Or on constate que les services de
sécurité ne possèdent pas, pour la plupart, ces
structures. Et celles qui existent ne sont fonctionnelles que dans la capitale
et quelques rares villes. Les délégations régionales de
police ou de la gendarmerie ne font pas très souvent la
différence entre les prévenus. L'inexistence des services de la
police et de la gendarmerie spécifique aux enfants sur toute
l'étendue du territoire compromet de manière grave les chances
pour ceux-ci de pouvoir mieux bénéficier des garanties
judiciaires.
B- Les centres spécialisés
Certains enfants méritent d'être admis dans des
centres spécialisés pour favoriser leur intégration.
Dans un premier temps, les centres spécialisés
devraient répondre aux besoins des enfants ayant rencontré des
problèmes dans leur milieu familial, des enfants vivant dans la rue, des
toxicomanes ou encore ceux victimes de violence de tout ordre.
Ensuite, vient la question des enfants privés de
libertés, en particulier ceux détenus. De part les engagements de
l'Etat, il devrait y avoir des centres spécialisés chargés
d'accueillir les enfants en conflit avec la loi pour leur permettre de mieux
s'insérer dans le système social. Or, il n'existe pas au Tchad,
en matière de maison pénitentiaire, de chambres
séparées des adultes. Les enfants sont détenus avec les
adultes dans les maisons d'arrêts. Le gouvernement évoque le
manque de moyens pour se soustraire de ces engagements. Le ministère de
la justice reste lui aussi parent pauvre en matière budgétaire.
Cette situation ne permet pas d'offrir les garanties d'une justice
équitable aux enfants car, le plus souvent, sans parents, ils sont
rarement défendus par un avocat. Le désintéressement du
barreau tchadien des affaires relatives aux enfants s'explique par le fait que
l'Etat ne s'acquitte généralement pas des honoraires des requis.
Il privilégie beaucoup plus les assises criminelles.
Enfin, on note une insuffisance des programmes de
réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale
des jeunes délinquants. Et même s'ils existent, les structures
d'encadrements des enfants sont antidatées. C'est le cas du centre de
Koundoul qui date de 1962 et qui n'accueille que les enfants de la rue. Ce
centre ne répond plus aux exigences modernes car il n'accueille que des
garçons, favorisant ainsi la discrimination vis à vis des filles.
Il est urgent d'adapter les institutions en charge de la protection de
l'enfance aux réalités actuelles, et non de se
référer à des institutions devenues caduques.
L'inexistence des structures capables d'accueillir et d'encadrer les enfants en
conflit avec la loi fait qu'une fois incarcérés, ces enfants
peuvent subir de profonds traumatismes, comme des agressions sexuelles.
A leur sortie, ces hommes ont des difficultés à
se réinsérer car ils ont enduré des blessures non
soignées fautes de structures adaptées. Par ailleurs, vu les
difficultés (décès des parents, abandon du foyer conjugal,
famine, etc.) qui conduisent certains enfants à interrompre très
tôt leur scolarité, l'Etat devrait créer des centres de
formation professionnelle pour donner une chance à ces enfants de
s'insérer professionnellement.
Les enfants victimes de violences, de traumatismes, de
conflits, ont besoin de structures de prise en charge
psychothérapeutique. Aujourd'hui, eu égard à tous les
troubles qui ont secoué le Tchad et continuent de le secouer, de
nombreux enfants ont participé de façon directe aux combats (les
enfants soldats) ou en sont victimes (les enfants mutilés par des mines
anti-personnels ou d'autres armes). Ils sortent de ces combats avec des
séquelles qui en font des handicapés à vie.
L'Etat devrait pouvoir les intégrer en créant
des centres qui leur donnent la chance de se former, de
bénéficier de soins adéquats car ils nécessitent
des considérations particulières. Or, dans ce domaine, l'Etat
brille par son absence la plus totale. Ces enfants sont soustraits à la
vie et laissés à leur triste sort.
Au niveau de l'éducation, on note l'insuffisance des
centres pour la formation des enfants nés sourds muets, aveugles ou
porteurs de handicaps. Non seulement ces enfants voient leur droit à
l'éducation entravé de manière grave par l'insuffisance de
structures, mais de surcroît ils ne peuvent arpenter les couloirs des
services publics pour revendiquer leurs droits ou accéder simplement aux
prestations de service car les édifices publics sont construits sans
tenir compte des personnes handicapés, de manière
générale, et des enfants en particulier.
Ces considérations se retrouvent aussi dans les
services de l'administration judiciaire.
§2- Les services de l'administration judiciaire
L'intérêt supérieur de l'enfant commande
qu'il dispose d'une administration judiciaire distincte des adultes (B). Au nom
de ce même intérêt, il conviendrait de traiter les affaires
qui mettent l'enfant en conflit avec la communauté dans les structures
de médiation (A) avant d'arriver à la justice proprement dite.
A. Les structures de médiation pour enfant
La médiation a pour objet la facilitation, la
circulation de l'information entre les personnes en conflit. C'est le seul
moyen assisté par un tiers qui vise la liberté de décision
des protagonistes d'un conflit.
Le plus souvent la médiation est confondue avec la
conciliation qui peut conduire à des propositions de solutions. La
médiation fait partie des modes alternatifs de résolution des
conflits. Elle consiste dans l'accompagnement de la réflexion des
parties à un différend pour leur permettre de le résoudre
par eux-mêmes de manière pacifique, sans soumission ni contrainte.
Elle implique l'intervention d'un tiers, neutre, impartial et
indépendant, le médiateur, lequel est un intermédiaire
dans les relations.
Elle reste distincte de la négociation qui suppose un
parti pris du négociateur qui représente les
intérêts d'une partie. Elle se différencie aussi de
l'arbitrage qui fait intervenir un arbitre qui rend une décision qui
s'impose aux parties.
L'existence d'une instance de médiation pour enfant
permet de faire participer ceux-ci à la recherche de solutions aux
conflits qui les concernent. Elle signifierait la reconnaissance des
compétences des enfants pour pouvoir résoudre les conflits, et
partant de là, permettre la prise en compte de leur opinion. Elle
favoriserait aussi la responsabilisation de l'enfant. L'existence d'une
structure de médiation dans les conflits qui peuvent survenir entre les
parents d'un côté, et de l'autre les lois de la République,
pourrait contribuer à privilégier les intérêts de
l'enfant.
Mais malheureusement, il n'existe pas au Tchad de structure de
médiation institutionnalisée. Par ailleurs, les structures de
médiation traditionnelles qui existent ne peuvent aller dans le sens de
l'intérêt de l'enfant en considération du regard que porte
la société traditionnelle sur l'enfant, comme il ressort de
l'analyse que nous avons fait dans la partie précédente. Si la
médiation connaît des heures glorieuses pour les enfants sous
d'autres cieux, elle ne l'est pas encore pour l'enfant tchadien. Dès
lors la question de l'administration de la justice pour enfant se pose.
B. L'administration judiciaire
Le statut particulier de l'enfant impose que, lorsqu'il est en
conflit avec la loi, son cas connaisse une procédure distincte de
l'appareil judiciaire en général, et qu'il soit traité en
prenant en considération son intérêt supérieur.
Cette considération a trouvé un écho
favorable au niveau du pouvoir public tchadien qui, par la loi
n°007/PR/99, institue les tribunaux pour mineurs.
Cependant, la traduction concrète, en termes de
structures devant accueillir les tribunaux, connaît d'énormes
difficultés.
En effet, depuis 1999, date de la prise de loi concernant les
tribunaux pour mineurs, jusqu'à aujourd'hui, une partie du territoire
tchadien ne dispose pas du cadre judiciaire propre aux enfants. Ce type de
tribunal n'existe de manière visible qu'à N'djamena, la capitale.
Mais même là, cette structure n'existe que dans une petite
pièce au sein des structures du Tribunal de Grande Instance. Par
ailleurs, dans les régions et départements, on note une absence
totale, comme si la bonne volonté de l'Etat tchadien de respecter ses
obligations internationales se limitait à la capitale. Les enfants des
contrées lointaines sont-ils des sous enfants ? Ne sont-ils pas des
citoyens comme tous les autres enfants ? Cette situation laisse penser
qu'il s'agit en fait de « tribunaux de façade ».
Même si ces tribunaux doivent être logés au sein des
bâtiments abritant l'appareil judiciaire de manière
général, il faudrait leur accorder un espace assez grand pour un
fonctionnement efficient.
Outre cette question du cadre institutionnel, il ne faut pas
non plus occulter les dotations humaines et budgétaires qui constituent
une entrave à la protection effective des droits de l'enfant.
Section II : Les dotations
humaines et budgétaires
C'est à travers la mobilisation des ressources humaines
(§1) et financières (§2) que l'on peut véritablement
évaluer les efforts qu'un Etat réalise pour assurer aux enfants
le respect de leurs droits.
§1- Les ressources humaines
Le problème le plus aiguë que l'Etat doit
affronter quand il est question de la mise en pratique des droits reconnus
à l'enfant, c'est la disposition en nombre et en qualité du
personnel pour assurer les services publics. Qu'ils s'agissent des services
publics judiciaires, de la santé ou de l'éducation.
A-Au niveau du service public de la justice
Le service public judiciaire accuse un déficit de
personnel. Cette situation est due au trop petit nombre de magistrats
affectés au sein de ces tribunaux, mais aussi à la surabondance
des dossiers jugés prioritaires par rapport aux questions des mineurs en
conflit avec la loi.
Par ailleurs, la question de la qualité occupe
une place prépondérante. En effet, il faut observer que la
question des droits de l'enfant mérite une connaissance approfondie des
conventions internationales. Or, il se trouve que les magistrats tchadiens,
dans la quasi-totalité, ont été formés dans un
contexte d'autoritarisme où le discours sur les droits de l'homme
était considéré comme subversif. Le traditionnel cours sur
les libertés publiques abordé que de manière prudente,
voire sommaire. A cela s'ajoutent des notions tout aussi superficielles de
droit international avec peu ou pas de perspectives d'en appliquer les normes,
sans oublier, par ailleurs, les controverses interminables sur les conditions
à observer et le formalisme à accomplir pour incorporer le
traité dans l'ordre juridique interne. D'où le peu d'engouement
des magistrats à se pencher sur des dossiers qui soulèvent des
interrogations dont ils ne maîtrisent pas très bien les contours.
C'est ce que souligne à juste titre Djienna Wembou :
« les obstacles à l'application des droits de l'homme en
Afrique tiennent à des facteurs aussi variés que la faiblesse de
la formation du juge interne dans le domaine des droits de l'homme, la
complexité des droits de l'homme, les limites de fait (ignorance, peur
d'affronter l'administration) »89(*) .
Peu nombreux sont des magistrats qui ont
bénéficié des formations supplémentaires en rapport
avec la problématique des droits de l'enfant. Ce faisant les magistrats
pratiquent ce que le professeur Louis Edmond PETTITI nomme
le « le chauvinisme national juridique »
c'est-à-dire la propension pour les magistrats à conclure
à la non violation des droits de l'homme, pour parler comme le
politique. Ce constat vient renforcer les inquiétudes émises par
le professeur LALIVE, qui disait il y a plus d'un demi siècle:
« les juges internes appelés à
interpréter des principes qui leur sont étrangers et dont la
précision n'est pas la qualité dominante, partiront des
données connues et feront application souvent involontaire des notions
familières, celle du droit interne, pour les transposer sur le plan
international, en les décorant de
l'étiquette « droit
international ».90(*) Ce constat trouve bien application quand il est
question d'un droit assez novateur, le droit de l'enfant.
Aussi faut-il encore observer que le regard que la
société tchadienne porte sur l'enfant ne permettrait pas aux
magistrats d'avancer dans la répression des atteintes des violations
dont peuvent être victimes les enfants ou auteurs des infractions.
Dès lors, la question de l'adaptation des jugements par rapport à
la réalité s'impose aux juges. Il ne suffit pas simplement de
connaître les droits de l'enfant mais encore faut-il opérer une
péréquation aux coutumes pour faire mieux accepter la loi.
B- Au niveau du service public de la santé
S'agissant du Ministère de la Santé au Tchad, le
manque de personnel soignant reste une préoccupation
particulière. En effet, les données statistiques de la division
du système d'information sanitaire qui datent de 2000 font un constat
plus que triste pour le pays.
Il ressort qu'il y a un médecin pour 31 763 habitants
soit un total de 335 médecin, un infirmier pour 7 499 habitant soit 152
infirmiers qualifiés, une sage femme pour 10 909 femmes de quinze
à quarante neuf ans soit 247 sage femme et 13 assistants sanitaires.
Ces données statistiques montrent de manière
éloquente la pénurie de personnel sanitaire. Par ailleurs, la
question de qualité se pose avec acuité car, on note par exemple,
un seul radiologue, un seul anesthésiste, et 16 pédiatres pour
tout le Tchad. Une étude sur l'évaluation des besoins en soins
obstétricaux d'urgence réalisée en 2002 dans les
hôpitaux montre que seulement 42% de ces structures offrent la gamme
complète de soins obstétricaux. Dans la plupart des districts
sanitaires, on trouve une forte proportion d'agents secouristes qui,
grâce à une formation et à la pratique, sont devenus de
véritables aides soignant. Le Tchad dispose d'une seule faculté
de Sciences de la Santé qui accueille un nombre très
limité d'étudiants en médecine. Les écoles de
formation des infirmiers diplômés d'Etat quant à elle,
fonctionnent difficilement avec l'incursion du politique et de la corruption.
La politique de formation des spécialistes en médecine reste un
sujet assez délicat, car ce sont ceux qui ont vraiment de la chance qui
peuvent parachever une spécialité.
Cette question du personnel a, de manière
inéluctable, des répercussions sur le droit à la
santé des enfants. C'est pourquoi on constate des taux de
mortalité infantile très élevés suivant qu'on se
trouve dans en zone rurale ou urbaine : 208 pour mille en zone rurale
contre 179 en ville.
C- Au niveau de l'enseignement secondaire
Au Ministère de l'Education, nonobstant les efforts
fournis par le gouvernement et la coopération internationale, la
question du personnel n'est guère plus reluisante. Il n'existe pas de
données statistiques pouvant nous renseigner de manière
précise sur la question. Toutefois, on note une forte proportion des
enseignants communautaires qui s'élève à 56%91(*). Les enseignants
communautaires n'ont pas reçu de formation adaptée pour
l'enseignement. Ce sont des personnes du village qui ont arrêté
leur scolarité et se chargent de l'encadrement des enfants dans les
écoles communautaires, sans aucune formation pédagogique. Ce
déficit de formation pose l'interrogation de la qualité des
enseignants.
En effet, le personnel enseignant formé n'a pas
reçu des qualifications requises pour donner des enseignements
spécifiques, à l'instar de l'enseignement pour aveugle, pour les
sourds ou les enfants nomades. C'est ce manque de personnel qualifié qui
aggrave la question de la discrimination que l'on observe vis à vis des
enfants. Par ailleurs, notons que le personnel formé n'accède pas
à la Fonction Publique du fait des questions de redressement de
l'économie nationale.
De plus, après la sortie des écoles normales des
instituteurs, il n'existe pas de programmes de formation complémentaire
pour réadapter de temps en temps les niveaux du corps enseignant. Les
multiples séminaires qui s'organisent prennent peu en
considération la question des formations. Par ailleurs, ce sont toujours
les même personnes qui assistent aux séminaires, plus
intéressés par les per diem que le contenu des formations.
A ces questions du personnel, viennent ensuite s'ajouter les
épineuses interrogations des ressources financières.
§2- Les dotations financières
On peut avoir les meilleurs textes législatifs,
disposer des meilleurs dispositifs administratifs avec du personnel
qualifié, mais ne rien en faire s'il n'existe pas de moyens financiers
qui accompagnent ces structures. En effet, c'est par les dotations
budgétaires que l'on peut véritablement mettre en acte tous les
autres dispositifs.
La question ne se pose pas en termes de quantité des
moyens affectés à tel ou tel Ministère, mais plutôt
en termes d'orientation des moyens dont on dispose et de recherche
d'efficience
Or on constate que les budgets des Ministères qui
oeuvrent de près à la réalisation des droits de l'enfant
ne cessent de connaître un recul par rapport au pourcentage des
dépenses globales de l'Etat. Ainsi, il ressort de l'analyse que les
dépenses budgétaires du Ministère de la Santé qui
étaient à 7% du budget général en 2002, accusent
une baisse pour atteindre 3% en 2006.
Ce budget réduit fait que toutes les politiques de
santé publiques initiées par le gouvernement n'induisent pas un
effet considérable. La dotation budgétaire joue aussi de
manière non négligeable sur la politique de recrutement et de
formation du personnel sanitaire.
Au niveau du ministère de l'Education Nationale, les
difficultés des structures d'accueil, et de personnel trouvent leurs
origines dans la part du budget allouée à ce département
ministériel. En effet, comme pour la Santé, le département
de l'éducation fait partie des secteurs clés du pays. A cet
égard, il mérite une attention particulière même si
le pays traverse une crise économique.
Or cela ne semble pas véritablement être le cas
du Tchad depuis 2003, date à laquelle le pays commence à
exploiter son or noir avec une entrée importante de devises.
Paradoxalement, c'est depuis cette date que le pourcentage du budget du
département de l'éducation régresse de manière
considérable dans le budget de l'Etat. Il est passé de 12% en
2003 à 5% en 2006. On ne comprend pas cette évolution au moment
où le Tchad semble se préoccuper de la protection de l'enfance
en ratifiant différentes conventions et en élaborant
différentes politiques de lutte contre l'analphabétisme.
Mis à part cette baisse
généralisée du budget du département de
l'éducation, nous ne disposons pas de données plus
précises sur la répartition budgétaire, notamment entre la
Direction de l'enseignement élémentaire et celle de
l'enseignement de la petite enfance.
Mais au regard des difficultés (problèmes de
personnel, manque de salles de classes) que connaissent ces directions, il est
permis de penser qu`elles ne disposent que d'une infime partie des dotations
budgétaires.
CONCLUSION GENERALE
A quoi tient l'échec du droit et du politique
à garantir efficacement les droits de l'enfant au Tchad ? Telle est
la question centrale qui a conduit à la rédaction de ce
mémoire.
En effet, à travers cette interrogation, nous voulons
cerner les éléments qui entravent la pleine application des
droits de l'enfant au Tchad, alors même qu'il existe des textes nationaux
et internationaux auxquels le Tchad est partie. Et pour en arriver aux causes
nous nous sommes donnés un certain nombre de critères qui doivent
nous aider à les déceler.
En recherchant ces causes, il nous est apparu de prime
à bord que le contexte du pays contribue très fortement au non
respect des mesures de protection de l'enfance. Le contexte marqué par
l'instabilité politique fait que les gouvernants sont plus enclins
à résoudre les questions politiques voire militaires. Les efforts
sont concentrés sur la pérennité du régime à
travers la formation et le réarmement. Outre cette situation de guerre
permanente, l'état de pauvreté vient aggraver de manière
considérable la situation des enfants. Il est évident que les
droits de l'enfant ne peuvent trouver ancrage dans ce contexte. Qu'il s'agisse
de l'Etat ou de la société d'une manière
générale, l'accent est davantage mis sur la survie. On en vient
à se demander si les droits de l'enfant ne seraient pas un luxe.
A ce contexte peu favorable viennent se greffer les questions
techniques telles la législation, les moyens matériels, humains
et budgétaires.
Les questions techniques se résument en premier lieu
à la législation. L'analyse des lois et règlements
nationaux par rapport aux conventions internationales nous a permis de
comprendre qu'il existe un fossé entre les normes nationales et
internationales. Ce fossé se traduit par une contradiction. L'Etat n'a
pas toujours procédé à la modification de son droit
interne, comme le veut le droit international, pour favoriser une application
effective et efficiente des normes internationales des droits de l'enfant qu'il
a souscrit. Ce fossé résulte aussi de la vieillesse des textes
nationaux, très épars dans le domaine de la protection de
l'enfant. Puis viennent les questions de dotations matérielles, humaines
et budgétaires. La traduction concrète des droits de l'enfant
dépend particulièrement des moyens que l'Etat déploie pour
assurer sa mise en oeuvre. Or il nous est apparu, à travers l'analyse,
que de grandes difficultés subsistent dans le domaine des dispositifs
administratifs (manques de structures d'accueil des enfants, de salles classes,
de centres de santé, etc.). Les moyens humains sont en sous nombre
par rapport à la difficile mission d'assurer la protection des enfants.
Et ce sous nombre n'est pas suffisamment bien qualifié pour
réellement contribuer à une bonne application des droits de
l'enfant. De plus les pouvoirs n'accordent pas assez de lignes de
crédits budgétaires à la réalisation des droits de
l'enfant.
Par ailleurs, la difficulté que rencontre l'application
les mesures de protection de l'enfance s'explique aussi par la persistance des
barrières socioculturelles. Une des difficultés majeures
réside dans la considération de la société
tchadienne de l'enfant. Ces considérations sont à l'origine de la
non appropriation et l'intégration par la société des
droits de l'enfant. Elle considère que ces droits sont une
manière étrangère de voir l'enfant et ne correspond
à aucune des valeurs qui lui sont propres.
L'enfant se trouve, s'agissant du respect de ses droits, dans
une double situation d'orphelin, car ni les pouvoirs publics ni la
société ne veulent lui donner les moyens dont il a besoin pour
son plein épanouissement.
Ce travail nous a permis de saisir les raisons qui expliquent
l'échec du politique et du droit à garantir efficacement les
droits de l'enfant au Tchad, mais il n'a pas pu cerner tous les angles de la
question. Il gagnerait en apport si l'angle de la participation des
organisations de la société et de la coopération
internationale avait été abordée. Cet angle aurait pu nous
fournir bien des éléments qui contribuent à la protection
de l'enfant nonobstant les difficultés liées au contexte et aux
questions techniques. Aussi faut-il souligner que ce travail gagnerait
davantage si une enquête de terrain avait été
réalisée pour savoir si les enfants eux- mêmes ont
connaissances des droits qu'ils disposent et qu'ils peuvent revendiquer vis
à vis de la société.
Au demeurant, ce travail nous a permis de savoir qu'il ne
suffit pas uniquement de promulguer les lois ou de ratifier les conventions
internationales pour conclure à leur application. Il faut aussi avoir
une volonté de traduire ces droits de manière à les rendre
justiciables. Cette traduction peut se faire à travers
l'élaboration d'un Code de l'enfant afin de réunir la
législation concernant l'enfant pour faciliter son application. Il
serait aussi judicieux de promulguer le projet Code de la Famille (resté
dans les tiroirs depuis 2000) en modifiant certaines de ces dispositions qui
restent encore contradictoires avec les obligations internationales
contractées par le Tchad.
Le Tchad aurait aussi à gagner en modernisant ses
structures en charge de la protection de l'enfance, et en créant de
nouvelles avec des moyens financiers, techniques et humains suffisants pour
assurer la protection de l'enfance. Il importe aussi qu'un travail de
sensibilisation, d'information et de formation soit fait pour permettre
à la population de se rendre compte de l'importance des droits de
l'enfant afin d'assurer leur protection.
1- Bibliographie
ARIES, P., L'enfant et la vie famille sous l'Ancien
Régime, Paris, Seuil, 1973,647p
BOUTET, D., Vers l'Etat de Droit : la
théorie de l'Etat et du Droit, Paris, l'Harmattan, 1991, 217p
BRISSET, C., Un monde qui dévore ses enfants,
Paris, Liana Lévi, 1997,173p
BRISSET, C., Pauvretés, Paris, Hachette,
1996,212p
BUJTENHUIJS, R., Le Frolinat et les guerres civiles du
Tchad1977-1984, Paris, Karthala, ASC, 1987.312 p
CARRE de MALBERG R., Contribution à la
théorie générale de l'Etat, 2 tomes, Paris, Sirey
1920-1922,
CHEVALIER, J., L'Etat de droit,
Paris, Montchrestien 2è éd, 1994, 254p
CHINUA ACHEBE, Le monde s'effondre, Paris,
Présence Africaine, 1973
CORNU, G., Vocabulaire Juridique, PUF, Paris, 2003
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CONAC, G. (Sous dir.), L'Afrique en transition vers le
pluralisme, Paris, Economica, 1993, 517p
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guerre ? Monaco, Rocher, 2007,
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politique au Tchad, Paris, L'Harmattan, 1998, 245p
DUHAMEL, O., MENY, Y. (sous dir.),
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l'Afrique Noire, Paris, L'Harmattan 1968,197p
GODART, P., Contre le travail des enfants,
Strasbourg, Desmarets, 2001,
LANGE, M-F., « l'évolution des
inégalités d'accès à l'instruction en Afrique
depuis 1960 » in LOCOH, T (sous dir.), Genre et
Société en Afrique, Paris, INED, 2007, pp 185-19
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sur une pré condition du développement en Afrique,
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MANIER, B., Le travail des enfants dans le monde,
Paris la Découverte, 171p
PECHON, D. (sous dir.), Dictionnaire
encyclopédique : le petit Larousse illustré 1996,
TETEMADI BANGOURA, M., Violence politique et conflit en
Afrique : cas du Tchad, Paris L'Harmattan, 2007, 487p
2- Articles et
Revues
BEGUY R., « Les enfants soldats. Le
phénomène persiste » in Tchad et Culture N°
258 pp4
Cahiers de philosophie politique et juridique, 1993,
n°14, Presses universitaires de Caen 258/2007
THERY, I., « Nouveaux droits de l'enfant, la potion
magique » ESPRIT N°3-4 Mars-Avril 1992 pp5-30
SOUDAN, F., « Le cancer tchadien » in
Jeune Afrique N° du 12-18février 2008 pp17-18
OLINGA A D., « L'impératif
démocratique dans l'ordre régional
africain », Revue
CADHP, vol.8, tome 8, N°1, 1999 pp65-18
NGUELE ABADA, « Etat de Droit et
démocratisation au Cameroun », Revue
CADHP, vol.5, tome n°1 et 2 ; pp1-37
« Démocratie sans Etat : contribution
à l'étude des processus démocratiques en
Afrique », Revue CADHP, vol.8 tome 7, n°1, 1998
pp35-51
Tchad et Culture N°258 Juin 2007
spécial Enfant soldat
3- Rapports
* Comité des Droits de l'Enfant, rapport sur la
quatrième session, 25 octobre 1993. Consultable sur CRC/C/20/Paragraphe
176
* Comité des droits de l'Homme,
Observation générale N°18 (1989) HRI/GEN/1/
rev.6 paragraphe P. 147 et suivant
Observation générale N°12
Commentaire général N°13 sur les mesures
d'application de la convention.
* Ministère de l'Agriculture/CONACILSS
« Propositions nationales sur le développement d'une
sécurité alimentaire durable au Tchad dans une perspective de
réduction de la pauvreté ». 09.2000
* Ministère de la Promotion économique et du
développement : Enquête par grappes à indicateurs
multiples. Rapport complet 2001
* NATIONS UNIES
Rapport CRC/C/TCD/2 du 7 juin 2007
Rapport sur le Sida Donnée de 2003
Rapport CRC/C/TCD/2
Rapport de l'ONU sur les enfants soldats 2007
* PNUD Rapport sur le Développement Humain 2005
* UNICEF Rapport sur la situation des enfants dans le
monde 2000
Rapport sur L'enfance en péril 2005.
Rapport 2004, enfant santé, éducation,
égalité
E/ICEF/2005/P/L/Rev1, 02 Novembre 2005
Rapport 2002 sur les violences sexuelles au Tchad,
N'djaména Inédit.
Rapport 2000 sur le travail des enfants au Tchad,
N'djaména Inédit.
Rapport 2007 sur la violence en milieu scolaire au Tchad,
N'djaména Inédit.
* UNESCO Rapport sur les défis de
l'Enseignement primaire au Tchad, 2003, 17p
4- Les Textes nationaux et les Conventions
a- Les Textes
nationaux
* Constitution de la République du Tchad de 1996
modifiée par la Loi Constitutionnelle N°008/PR/2005 du 15 juillet
2005
* Code de Pénal Tchadien
* Code de Travail Tchadien
* Loi n°007/PR/99 portant procédure de poursuite
et jugement des infractions commises par les mineurs de treize (13) à
moins de dix huit ans (18)
* Décret n°55/PR-MTJS-DTMOPS du 08 février
1969 relatif au travail des enfants
* Décret n° 373/PR/MFPT du 04juillet 1992 portant
modification et complément de l'article 6, paragraphe 8 du Décret
n° 55/PR/MTJS/DTMOPS du 08 février 1969
* Décret n°634/PR/MASFdu 30décembre 2000
portant institutionnalisation du parlement des enfants
* Décret n°100/AFF-SOC du 18 juin 1963 relatif
à la protection de l'enfance et de l'adolescence
b- Les
Conventions
* Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de
l'enfant
* Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de
travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur
élimination.
* Convention sur la protection des enfants et la
coopération en matière d'adoption
* Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant.
* Protocole facultatif à la Convention relative aux
droits de l'enfant, et concernant la participation des enfants aux conflits
armés.
* Protocole facultatif à la Convention des droits de
l'enfant concernant la vente d'enfant, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scène des enfants.
5- Les sites consultés
www.hrw.org
www.zombie.org
www.unicef.org
www.unchchr.ch
www.ilo.org
www.un.org
TABLE DES MATIERES
DEDICACE II
REMERCIEMENTS III
AVERTISSEMENTS IV
SOMMAIRE 1
INTRODUCTION GENERALE 2
PREMIERE PARTIE : LA DETERMINATION DES CRITERES
D'APPLICABILITE DANS LE CONTEXTE TCHADIEN 9
CHAPITRE I : L'ESQUISSE DE DETERMINATION DES CRITERES
D'APPLICABILITE DES MESURES DE PROTECTION DE L'ENFANT 10
Section I : La détermination des critères
d'évaluation de la mise en oeuvre 10
§1- L'obligation d'adoption des politiques
législatives : pour une application concrète 11
A- L'existence législative des critères
d'application des droits civils et politiques 11
1- La définition de l'enfant 12
2- La vie ou le respect de l'intégrité physique
13
3- La liberté d'expression et d'opinion 14
4- La principe de l'égalité 14
B- L'existence législative des critères
d'application des droits économiques, sociaux et culturels 15
1- Le droit à l'éducation 16
2- Le droit à la santé 17
3- Le droit au travail 19
§2- Le contexte socioéconomique de l'application 19
A- Les ressources financières 19
B- La contribution de la société 20
Section II : L'existence des dispositifs administratif et
judiciaire de protection de l'enfance 22
§1- Les dispositifs administratif de protection de l'enfance
22
A- L'existence des structures de protection de l'enfance 22
B- Les institutions de justice pour mineur 23
§2- La dotation humaine 24
CHAPITRE II : LES OBSTACLES D'ORDRE POLITIQUE ET
SOCIOECONOMIQUE 26
Section I : L'instabilité politique : une
histoire chronique 26
§1- Le cycle infernal de la guerre au Tchad 26
A- La violence politique 26
B- La construction de la vie démocratique
enclenchée en 1990 29
§2- L'épineuse question de la réalisation de
l'Etat de droit 29
Section II : Les pesanteurs économiques et sociales
33
§1- L'incidence de la pauvreté 33
§2- La pauvreté comme facteur favorisant le travail
des enfants 39
DEUXIEME PARTIE : L'EFFECTIVITE DES MESURES DE
PROTECTION DE L'ENFANCE 42
CHAPITRE III : L'ENCADREMENT NORMATIF TCHADIEN DE PROTECTION
DES DROITS DE L'ENFANT ET LEUR RAPPORT AUX NORMES INTERNATIONALES 43
Section I : Les lois tchadiennes et les normes du droit
international de protection des droits de l'enfant 43
§1- L'écart entre les lois et les normes
internationales 43
A- L'existence de la contradiction au niveau de la
définition de l'enfant et du droit à la vie 44
B- La liberté d'expression et d'opinion 47
C- Le principe de l'égalité 48
§2- Les droits économiques, sociaux et culturels
48
A- Le droit à l'éducation 48
B- Le droit à la santé 50
C- Le droit au travail 53
Section II : Les us et coutumes 57
§1- Les considérations coutumières comme frein
à la réalisation des droits civils et politiques 57
A- L'enfant dans l'imaginaire tchadien 57
B- Les effets de la conception de l'enfant sur les droits civils
et politiques 58
§2- L'influence des considérations traditionnelles
sur le droits économiques et sociaux culturels 60
A- L'impact des considérations traditionnelles sur le
droit au travail 60
B- L'éducation est le domaine par excellence où
brillent les effets de la tradition et des us 61
CHAPITRE IV : LES MECANISMES DE GARANTIE DE PROTECTION DES
DROITS DE L'ENFANT ET DOTATIONS HUMAINES ET BUDGETAIRES 62
Section I : Les structures administratives de garantie de
protection des droits de l'enfant
§1- Les dispositifs institutionnels à
caractères généraux 62
A- Les centres administratifs de protection à
caractère général 62
B- Les centres spécialisés 64
§2- Les services de l'administration judiciaire 66
A- Les structures de médiation pour enfant 66
B- L'administration judiciaire 67
Section II : Les dotations humaines et budgétaires
68
§1- Les ressources humaines 68
A- Au niveau du service public de la justice 68
B- Au niveau du service public de la santé 70
C- Au niveau de l'enseignement secondaire 70
§2- Les dotations financières 71
CONCLUSION GENERALE 73
Bibliographie 76
Articles et revues 77
Rapports 77
Les textes nationaux et les conventions 78
Les sites consultés 79
* 1 ANNAN, K.
« avant propos » in UNICEF L'enfance en péril
2005. Consultable sur le site :
www.unicef. org/french/2005
* 2 UNICEF Rapport sur la
situation des enfants dans le monde 2000, p. 74. Consultable sur le
site :
www.unicef. Org /french/2000
* 3 Les statistiques que nous
utilisons sont tirées des données de la Direction de la
Coordination des Activités en matière de
Population/Ministère de l'Economie, du Plan et de la coopération
et de l'Enquête démographique et de la Santé au Tchad
2005.
* 4 Programme des Nations
Unies pour le Développement : Rapport sur le
Développement Humain 2000. Consultable sur le site www.undp.org
* 5 Il s'agit surtout du
travail des enfants bouviers, des enfants mendiants dans les rues des grandes
villes, et des domestiques.
* 6 A propos des enfants
soldats au Tchad lire le numéro spécial de la revue Tchad
et Culture N°258 Juin 2007.
* 7 Citons quelques
exemples : la Convention relative aux Droits de l'enfant de 1990 ; la
Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des
enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination ;
la Convention sur la protection des enfants et la coopération en
matière d'adoption internationale ; la Charte africaine des droits
et du bien être de l'enfants ; le Protocole facultatif à la
Convention relative aux droits de l'enfant, et concernant la participation des
enfants aux conflits armés, etc.
* 8 CORNU G. :
Vocabulaire Juridique, PUF, Paris, 2003.
* 9 THERY, I,
« Nouveaux droits de l'enfant, la potion magique »
ESPRIT N°3-4 Mars -Avril 1992 p.7
* 10 Pour une
présentation de ces textes, Cf. Droits de l'enfance et de la
famille, n°29, spécial Convention Internationale des droits de
l'enfant, Centre de Formation et d'Etudes de la Protection Judiciaire de la
Jeunesse, 1990.
* 11 Le terme est repris
trois fois dans le préambule, qui se réfère aux
précédents déclarations : « ayant
présent à l'esprit que, comme indiqué dans la
déclaration des droits de l'enfant, « l'enfant a
besoin d'une protection spéciale et des soins spéciaux, notamment
d'une protection juridique, avant comme après la
naissance. »
* 12 Protocole Facultatif du 25
mai2000 concernant la participation des enfants aux conflits
armés entré en vigueur le 12 février 2002 ; le
Protocole Facultatif concernant la vente, la prostitution des enfants et la
Pornographie mettant en scène des enfants
* 13 Nous pouvons aussi nous
référer à l'article 2 de la Convention sur les aspects
civils de l'enlèvement international des enfants, article 1er
du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant
et concernant la participation des enfants aux conflits armés, etc.
* 14 Article 2 de la Charte
africaine des droits et du bien être de l'enfant.
* 15 Article premier de la
Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant.
* 16 Comité des droits
de l'enfant, rapport sur la quatrième session, 25 octobre 1993
CRC/C/20/Paragraphe 176. Consultable sur le site : www.un.org
* 17 Comité des droits
de l'Homme, observation générale N°18 (1989) HRI/GEN/1/
rev.6 paragraphe 147 et suivant . Consultable sur le site : www.un.org
* 18 CESRR, commentaire
général N°13 sur les mesures d'application de la convention,
CRC/GC/2003/5 p.1 consultable sur le site : www.un.org
* 19 Pour amples
informations lire BUJTENHUIJS, R. : Le Frolinat et les guerres civiles
du Tchad 1977-1984, Paris, Karthala, ASC, 1987.
* 20 TETEMADI BANGOURA, M.:
Violence politique et conflit en Afrique : cas du Tchad, Paris
L'Harmattan, 2007, p 309
* 21 DERLEMARI, N. :
Les Labyrinthes de l'instabilité politique au Tchad, Paris,
L'Harmattan, 1998, p.30
* 22 Soudan,
F. :« Le cancer tchadien » in Jeune
Afrique N° du 15 au 22 février 2008.
* 23 Nous tenons à
préciser que cette date marque le retour à la démocratie
et au pluralisme politique ; cependant cette situation n'a pas
empêché les différents groupes de mener des actions en vue
de renverser le régime existant. Rappelons pour mémoire que le 13
avril 2006 il y avait eu également des batailles aux portes de la
capitale.
* 24 CHEVALIER, J.,
L'Etat de droit, Paris, Montchrestien 2è
éd, 1994, p.9
* 25 COLAS, D., L'Etat
de Droit, Paris, PUF, 1987 p.146
* 26 BOUTET, D.,
Vers l'Etat de Droit : la théorie de l'Etat et du
Droit, Paris, l'Harmattan, 1991, p.9
* 27 DUHAMEL, O. et MENY, Y.
(sous dir.), Dictionnaire constitutionnel, Paris,
PUF, 1992, p.412
* 28 PECHON, D. (sous
dir.), Dictionnaire encyclopédique : le petit
Larousse illustré 1996, p. 409
* 29 CHEVALIER J., op. cit.
p.16
* 30 CARRE de MALBERG R.,
Contribution à la théorie générale de
l'Etat, 2 tomes, Paris, Sirey 1920-1922, p.488
* 31 CARRE de MALBERG
cité par Chevalier, op.cit, p.16
* 32 CONAC, G. (Sous dir.),
L'Afrique en transition vers le pluralisme, Paris,
Economica, 1993, p.79
* 33 - COLAS, D. (sous
dir.), L'Etat de droit, Paris, PUF, 1987, p.02
- Cahiers de philosophie politique et juridique,
1993, n°14, Presses Universitaires de Caen
- CHEVALIERr, J., L'Etat de droit, Paris,
Montchrestien, 1994, p.158
* 34 On lira utilement sur
ce sujet NGUELE ABADA, « Etat de Droit et démocratisation au
Cameroun », Revue CADHP, vol.5,
tome n°1 et 2 ; « Démocratie sans Etat :
contribution à l'étude des processus démocratiques en
Afrique », Revue CADHP, vol.8 tome 7, n°1,
1998 ainsi que OLINGA A D, « L'impératif démocratique
dans l'ordre régional
africain », Revue CADHP,
vol.8, tome 8, N°1, 1999.
* 35 CHEVALIER J, Op. cit.
p.7
* 36 CHEVALIER, J,
« L'Etat de droit » in
RDP, n°2, 1988, p.317
* 37 KAMTO M :
L'urgence de la Pensée, réflexions sur une pré
condition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara,
1993, p.104
* 38 Ibid, p.105
* 39 Ibid, p.100
* 40 Préambule de la
Constitution Tchadienne du 31 Mars 1996, révisée par loi
Constitutionnelle n°008/PR/2005 du 15 juillet 2005.
* 41 TOWSEND, P., Les
cahiers français n°286
* 42 BRISSET, C.
Pauvretés, Paris, Hachette, 1996, p. 24
* 43 Ibid.
* 44 Comité des droits
de l'homme : Droit de L'homme et extrême pauvreté consultable
sur le site/www.un.org / A/HRC/7/15
* 45 Ministère de
l'Agriculture/Conseil National du Comité Inter Etat de Lutte conte la
Sécheresse au Sahel « Propositions nationales sur le
développement d'une sécurité alimentaire durable au Tchad
dans une perspective de réduction de la pauvreté ».
09.2000
* 46 Ces chiffres varient selon
le niveau socio-économique ou le milieu de résidence. On note que
la proportion d'enfants souffrant de retard de croissance dans les
ménages les plus pauvres est plus élevée (30,4 %) que dans
les ménages les plus riches (25,6 %). La prévalence de la
malnutrition présente un écart assez important selon le milieu de
résidence : 29,2 % en milieu rural et 25,2 % en milieu urbain.
* 47 L'utilisation de la
contraception est liée également au niveau d'instruction et
à la religion. Elle varie de 2,5 % chez les femmes ayant un niveau
d'instruction primaire à 12,8 % chez les femmes ayant un niveau
secondaire et plus. Ce taux est de 0,9 %chez la femme musulmane, 1,2 % chez la
femme catholique et 2,3 % chez la femme protestante.
* 48 Les études
menées dans le Cadre du Schéma Directeur de l'Eau (SDEA)
indiquent qu'environ une personne sur trois a accès à l'eau
potable : 45,7 % dans les zones urbaines et 26,7 % dans les zones rurales.
Dans le milieu villageois le taux d'accès réel en 2000 est de
17% ; dans les milieux urbain et semi-urbain de plus de 2000 habitants, ce
taux est de 33 %. Dans les villes équipées d'un réseau
d'adduction d'eau potable, seulement 9,7 % de la population dispose d'un
branchement, tandis que 27,5 % se ravitaillent à la fontaine publique et
que le reste, soit 63 %, doit s'approvisionner aux puits, souvent de type
traditionnel.
* 49 Il ressort des
études menées dans le cadre du SDEA que 10,6 % des ménages
utilisent des latrines rudimentaires améliorées et 88,5 % des
ménages utilisent la nature comme lieu d'aisance.
* 50 BROWN, R..,
Social psychology, New york, Free Press, 965p
* 51 MANIER, B., Le travail
des enfants dans le monde, Paris la Découverte, p32
* 52 GODART, P., Contre le
travail des enfants, Strasbourg, Desmarets, 2001, p58
* 53 BRISSET, C.,
Un monde qui dévore ses enfants, Paris, Liana
Lévi, 1997,173p
* 54 C'est la
définition retenue par la Charte Africaine des Droits et du
Bien-être de l'Enfant. Cependant, la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l'enfant retient aussi 18 ans, tout en admettant une
possibilité que la majorité puisse être atteinte avant cet
âge si la législation interne l'autorise.
* 55 Ceci nous paraît
curieux car même le projet du Code des personnes et de la Famille
élaboré en 2000 et non adopté n'a pas totalement corriger
cette discrimination pour harmoniser l'âge. Pour le projet du Code,
l'âge légal de mariage de la fille est fixé à 17ans
contre 18 pour le garçon.
* 56 Nous citons à
titre illustratif la Convention 182 concernant l'interdiction des pires formes
de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur
élimination ; la Convention sur les aspects civiles de
l'enlèvement internationale d'enfants ; la Convention sur la
protection des enfants et la coopération en matière d'adoption
internationale, etc.
* 57 CEDH, 22/03/2001Khin
Calleuse
* 58 Voir les articles 6 de
la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant ; 5 de la
CADE ; 6 du Pacte des Droits Civils et Politiques ; et 3 articles
Communs aux quatre Conventions de Genève de 1949.
* 59 Enfants
séparés de leurs familles et confiés à des
marabouts pour l'apprentissage du coran dans des institutions Ad hoc ou en
itinérantes.
* 60 UNICEF Rapport 2004,
enfant santé, éducation, égalité. N'Djamena
Inédit.
* 61 Article 18 de la
Constitution, article 9 de la loi n°6 sur la santé de reproduction
ou des articles 252 et 254 du Code Pénal.
* 62 FALL, M Rapport
sur les défis de l'Enseignement primaire au Tchad, UNESCO, 2003,
17p
* 63 Ministère de la
Promotion Economique et du Développement : Enquête par
grappes à indicateurs multiples. Rapport complet 2001 N'djamena,
Tchad.
* 64 Rapport CRC/C/TCD/2 op.
Cit. p.51
* 65 FALL, op cit p.5
* 66 Nations Unies Rapport
CRC/C/TCD/ 2 op. cit.
* 67 §1et 2 du
préambule de la Constitution de l'OMS, adoptée par la
Conférence Internationale de la Santé à New-York du 19
juin au 22 juillet1946. Consultable sur le site :
www .who.int.fr /cgi-bin/om
* 68 cf. article 16 de la
Charte Africaine des Droits de L'Homme et des Peuples ; Article25 de la
Déclaration Universelle des Droits de L'Homme.
* 69 Nations Unies :
Rapport CRC/C/TCD/2 du 7 juin 2007 p.42
* 70 A propos de
l'hygiène et l'assainissement, l'UNICEF souligne que 92% n'utilisent pas
de latrines. Cf. UNICEF E/ICEF/2005/P/L/Rev1, 02 Novembre 2005 p.2
* 7134% dans les
régions.
* 72 MICS2000.
* 73 ONU SIDA Donnée de
2003 consultable sur le site www.onusida.org
* 74 MONTESSORI, M. :
La formation de l'homme cité par BRISSET op. cit. p.10
* 75 Lire NDEMBI, L
D. : Le travail des enfants en Afrique subsaharienne, Paris,
L'Harmattan, 2006.
* 76 FALISE, T, cité
par CHAPLEAU, P., Enfants-soldats. Victimes ou criminels de
guerre ? Monaco, Rocher, 2007, p.7
* 77 PRINCIPES DU CAP DE
1997.
* 78 Rapport de l'ONU sur les
enfants soldats 2007. Consultable sur le
site :www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afric/vol21
* 79 Pour un aperçu
de la gravité de la question lire HONWANA,
A « Innocents et coupable. Les enfants soldats comme acteurs
tactique »in Politique Africaine N°80pp58-78 ou le roman
fiction KOUROUMA, A., Allah n'est pas obligé, Paris, Seuil,
2000 ; ou visionner « Blood diamant » ou
« Ezra » de Newton Aduaka.
* 80 cf. BEGUY R,
« les enfants soldats. Le phénomène persiste » in
Tchad et Culture, N°258/2007.
* 81 ERNY, P. :
L'enfant dans la pensée traditionnel de l'Afrique Noire, Paris,
1968, p.85
* 82 FERME, M.: The underneath
of things. Violence, History and the everyday life in Sierre Leone,
Berkely,University of California Press,2001, pp. 197-198
* 83 ARIES, P :
L'enfant et la vie famille sous l'Ancien Régime, Paris, Seuil,
1973.
* 84 A titre d'exemple on
se référerait aux enfant jumeaux jetés dans les
forêts dans la tradition Ibo au Nigeria que raconte CHINUA ACHEBE dans
Le monde s'effondre ,Paris, Présence Africaine,1973 ou
encore à la pratique très répandue dans certaines
régions du Tchad à jeter un enfant né avec des graves
tares prétextant que c'est un « serpent
enfant ».
* 85 Témoignage
rapporté dans la Revue Tchad et Culture N°266/2007.
* 86 Journal d'analyse
générale de la localité du Moyen Chari, n°017 du 26
juin au 09 Juillet 2006 p.1
* 87 LANGE, M-F.:
« l'évolution des inégalités d'accès
à l'instruction en Afrique depuis 1960 » in LOCOH,
T. (sous dir.) : Genre et Société en Afrique,
Paris, INED, 2007, pp 185-190
* 88 Il serait
intéressant de mettre en exergue ici le nombre exact de centres sociaux
en fonction au Tchad, mais malheureusement nous ne disposons pas de
données sur la matière. Néanmoins nous posons le constat
général qui fait l'état de la situation.
* 89 DJIENA WEMBOU cité
par JEUGUE DOUNGUE, M, « les juges africains et les traités
internationaux relatifs aux droits de l'homme » in ZOMBIE.
Consultable sur le site : www.zombie.org
* 90 LALIVE cité par
JEUGUE DOUNGUE, op. cit. p.5
* 91 Selon les sources du
Ministère de l'Education Nationale fournies par UNESCO Institut de
Statistiques, 2008.
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