L'approche interculturelle en Prevention Specialisée( Télécharger le fichier original )par Yassine Jelouali Université Paris 13 - IRTS - DEES-Licence 2003 |
II/ IDENTITE ET CULTURELa rencontre entre l'usager et l'éducateur spécialisé apporte des interactions entre ces deux personnes, ces deux individualités. Chaque individu composé de sa propre identité. Ce sentiment d'identité est basé sur la perception de la similitude avec soi-même et la certitude de la continuité de soi dans le temps. C'est être un et le même à travers le temps, l'être en soi, pour soi et pour autrui. Donc comme le dit Alex muccielli2(*) : « chaque identité trouve son fondement dans l'ensemble des autres identités s'exprimant à travers le système de relations ». Et, pour qu'une identité fonctionne, il faut donc un équilibre. Car le rapport entre le « je » (l'être privé) et le « nous » (l'être collectif) doit être en permanence équilibrée. L'excès de socialisation (de « nous ») ou le repli sur la sphère privé (le « je ») menacerait cet équilibre identitaire. Dans la conception de l'identité il existe une dualité entre l'identité personnelle (ou être privé selon Durkheim) et l'identité sociale (ou être collectif selon le même auteur). L'identité personnelle comme nous l'explique Pierre Tap : « L'identité personnelle s'institue comme valeur et par des valeurs. Par l'action et l'oeuvre, l'individu se valorise aux yeux, tant il est vrai qu'il a besoin d'être reconnu, aimé, admiré, accepté par l'autre pour confirmer ses propres pouvoirs » résulte de l'expérience propre à un individu de se sentir exister et reconnu par autrui en tant qu'être singulier mais identique, dans sa réalité physique, psychique et sociale. L'identité sociale, elle, est un processus d'attribution, d'intervention et de positionnement dans l'environnement ; elle s'exprime à travers la participation à des groupes ou à des institutions. Comme le dit Joëlle Dutruilh3(*) « les identités sociales sont multiples :appartenance politique, religieuse, famille, groupe d'amis, et... Elle se structure donc par des références identificatoires liées aux expériences partagées avec d'autres acteurs. En fait, c'est à travers l'autre et dans ses rapports avec lui que tout individu construit son identité. La question de la place et de la représentation de la France est au coeur de l'identité sociale. En effet, celle-ci est fondée sur une expérience particulière de la société d'accueil. Au sein de cette identité sociale se trouve l'identité culturelle qui se perçoit à travers de multiples facettes : ethnique, nationale, régionale, religieuse de la classe sociale. Comme on a pu le voir précédemment les sociétés à partir du 20è siècle ont vu leurs relations interculturelles augmentées. Mais avant de voir comment se déroulent ces interactions il m'a apparu indispensable de définir ce terme de culture. Après avoir parcouru de nombreux livres, la définition de Camilleri me semble la plus pertinente : « La culture est l'ensemble plus ou moins fortement lié des significations acquises les plus persistantes et les plus partagées que les membres d'un groupe, de par leur affiliation à ce groupe, sont amenés à distribuer de façon prévalente sur les stimuli provenant de leur environnement et d'eux-mêmes, induisant vis-à-vis de ces stimuli des attitudes, des représentations et des comportements communs valorisés, dont ils tendent à assurer la reproduction par des voies non génétiques ». Par conséquent, la culture , par exemple du migrant, est reconnue à travers un agrégat plus ou moins défini de valeurs, de traditions, de modes de fonctionnements sociaux et de comportements auxquels on accorde fréquemment une logique forcément opposée ou du moins différente de celle qui constitue la norme culturelle de la société d'accueil.. o Les mécanismes d'inclusion des étrangers Carmel Camilleri dans son livre « Chocs de cultures »4(*) définit les mécanismes d'inclusion des étrangers dans une nouvelle société, une nouvelle culture. Ces mécanismes impliquent des processus tels que l'adaptation, l'intégration et l'acculturation que je vais retranscrire. L'enculturation Avant d'exposer ces mécanismes d'inclusion, il serait intéressant de voir comment l'individu acquiert cette culture. L'enculturation est le processus qui débute dès le plus jeune âge et qui va consister pour le sujet à s'approprier la culture de son groupe. L'adaptation Elle a pour but de réduire la différence qualitative entre les réalités antérieures connues et celles précédentes. « Ce processus n'implique pas la réciprocité de l'échange, le changement s'effectue avant tout par le migrant et pour lui tous les segments culturels qui font références à son existence ». (Joëlle Dutruilh). L'intégration « L'intégration est un processus d'adaptation multidimensionnel et distinct de l'assimilation. ce processus, dans lequel, la maîtrise de la langue d'accueil joue un rôle moteur essentiel, n'est achevé que lorsque l'immigrant ou ses descendants participent pleinement à l'ensemble de la vie collective de la société d'accueil et ont développé un sentiment d'appartenance à son égard ». Il y a trois niveaux d'intégration :
Ce processus long et multidimensionnel est dynamique en s'inscrivant dans le temps et requiert, de la part du migrant, une réciprocité dans la société d'accueil pour que celui-ci puisse exister : intégration linguistique, socio-économique, institutionnelle, sociale, scolaire, personnelle et communautaire. L'acculturation Cinq paramètres de ce processus :
o Les mécanismes d'exclusion Dans ces mécanismes les rapports interculturels impliquent de constituer ou d'observer les différences. Ils supposent : « ...la réduction de l'autre (stéréotypes) ou la négation de ses particularités (ethnocentrisme),...5(*) (Gisèle Legault : l'intervention interculturelle). Les représentations : stéréotypes et préjugés Les stéréotypes sont une catégorie comme une autre qui permet de classer, grouper des objets, personnes, évènements en fonction des attributs qu'ils possèdent. Ils ont la fonction particulière de permettre au sujet d'avoir une image positive de son groupe et de lui-même. « Les stéréotypes sont des images schématiques toutes faites, façonnées par le bain culturel et concernant les différents groupes sociaux de notre culture ». Cette définition d'Alex Mucchielli reprend deux termes importants concernant les représentations : images et culture. Par exemple, dans une étude faite par des étudiants de l'université Paris V en psychosociologie (basé sur un questionnaire), ils relèvent de ces interviews des images récurrentes de leurs auditeurs. Sur la question quelles sont qualités de l'africain noir ?, les personnes interrogées ont répondus : « ...ils sont sportifs, ils savent très bien dansés, ils sont fainéants, etc... Ce mélange d'erreurs, d'exagérations et d'omission est le fruit de ces stéréotypes formés d'images simplifiées, de caricatures grossières tendant à dévaloriser le groupe différent. La cohabitation des immigrés avec les autres habitants ne fait pas facilement et le quotidien est ponctué par un racisme. Les pratiques mutuelles d'évitement entre populations immigrées et françaises font que les individus ne se perçoivent qu'au travers du prisme déformant des catégorisations sociales fortement stéréotypées. Les préjugés, eux, sont un jugement, une opinion, une attitude sélective face à des personnes que l'on ne connaît pas ou peu. Souvent négatif, il tend à imposer une vision biaisée par nos émotions. Par exemple, la vision d'un jeune d'origine algérienne qui me fait remarquer ou plutôt m'affirme que les juifs ne pensent qu'à l'argent. Suite à cette allégation, je lui demande s'il connaît une personne juive dans son entourage. Après quelques instants de réflexion, il me répond qu'il connaît une personne qui habite dans son quartier. Je lui redemande de nouveau s'il connaît cette personne en utilisant cette fois-ci le qualificatif de « personnellement ». A cela, il me rétorque qu'il ne le connaît pas personnellement mais que de toute façon tout le monde savait que les juifs « aimaient » l'argent. Voilà un exemple du préjugé, c'est-à-dire une vision biaisée, un jugement sans fondement, généralisé et sans une connaissance des personnes visées. L'ethnocentrisme Contrairement aux stéréotypes qui visent à marquer la différence culturelle, l'ethnocentrisme ignore la différence comme ci elle n'avait pas lieu d'être. Lévi Strauss définit l'attitude ethnocentrique qui découle de l'ethnocentrisme comme « la plus ancienne attitude, (...), qui consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions ». Il s'agit donc du refus d'admettre l'existence d'autres cultures qui diffèrent selon lui « pas entre elles de la même façon, ni sur le même plan ». Les unes et les autres sont reconnaissables par leurs différences et similitudes (pays européens), selon leur éloignement géographique (pays maghrébins et sub-sahariens) et les possibilités de contacts qu'elles ont plus ou moins induit chez l'autre (phénomène de concurrence, imitation, intimidation, etc...). Dès lors, la tentation est grande pour le travailleur social de valoriser les modèles visant à assurer la promotion de l'individu tel qu'il est défini par les modèles de références véhiculés par nos institutions. Mode de vie qui comprend d'innombrables détails relatifs aux comportements, mais qui présentent tous certains facteurs communs. Ils représentent tous une réponse normale et attendue de n'importe quel membre de la société à une situation donnée. C'est d'une façon schématique la normalisation de nos interventions en tant qu'éducateur. A travers, ces deux mécanismes le migrant ou l'enfant de migrants va adapter son comportement en mettant en place des « stratégies identitaires ». Ce terme, utilisé par Hanna Malewska-Peyre6(*) définit des mécanismes défensifs agissant à deux niveaux : intérieure (processus psychologiques destinés à éviter la souffrance et l'angoisse), et extérieur (stratégies destinées à changer sa réalité ou celle de son groupe d'appartenance). o Stratégies Identitaires
Hanna Malewska-Peyre en détermine trois : l'assimilation, la revalorisation de sa singularité et les stratégies intermédiaires. L'assimilation est une stratégie visant à gommer partiellement ou entièrement les différences du jeune d'origine immigrée. Par exemple, la francisation de son prénom ou l'adoption sans concession de la culture d'accueil. La revalorisation de sa singularité est une posture visant à revendiquer et mettre en évidence ses différences. Par exemple, on rencontre souvent des jeunes idéalisant son groupe d'appartenance ou le pays d'origine des parents. Les stratégies intermédiaires sont une sorte de compromis qui consiste à mettre en exergue les similitudes du groupe d'appartenance avec le groupe dominant mais tout en gardant ses différences. Cela passe par exemple par l'utilisation de valeurs universalistes comme sujet de concorde. En conclusion, ce cadre théorique va me permettre de présenter, dans le chapitre suivant, des situations entre l'éducateur et des jeunes de l'immigration ainsi que des enfants de parents ayant vécus une migration récente. Et ceci grâce aux outils théoriques développés précédemment tels que le processus d'acculturation ainsi que les stratégies identitaires mises en place par ces jeunes. Cela me permettra d'expliciter ces situations à l'aune de cet argumentaire théorique. * 2 Alex Muchielli : « l'indentité », éditions PUF, Paris, 1986 * 3 Joëlle Dutruilh : « Approche interculturelle et chic culturel, Isis-creiai, 2000 * 4 C Camilleri, Chocs de cultures », Editions L'Harmatan, 1989 * 5 Gisèle Legault : « l'interven,tion culturelle, Editions, Montréal * 6 Hanna Malewska-Peyre : « chocs de culture », chapitre travail social, Editions l'Harmatan |
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