9 LES REACTIONS
Les réactions face à l'entretien sont assez
significatives pour ne pas les noter. Elles n'émanent pas de l'ensemble
des interviewés. Certains posent des préalables à la tenue
de l'entretien, comme le locuteur Q qui, à 24 ans a "passé la
moitié de (sa) vie" en hôpital, essentiellement dans Paris. Il
tient à raconter cette partie de sa vie avant d'enregistrer ("Je vais
d'abord vous dire quelque chose avant d'enregistrer"). Il le fait durant 15
minutes.
L'interviewé V quant à lui, avant de tenter une
demande d'asile politique en France, a fait une première tentative en
Allemagne, qui fut un échec. A un moment de l'entretien il
s'arrête de parler, montre du doigt l'appareil afin d'en suspendre
l'enregistrement. Nous lui faisons signe de continuer et comme pour vouloir
marquer le caractère "hors objet" de son intervention il dit en
arabe : «Nahki ? Nahki ?" I je peux raconter ? I. Raconter son
passage furtif en Allemagne.
1- R.QUIVY, L.V.CAMPENHOUDT. Manuel de recherches en sciences
sociales. Paris : DUNOD, 1995, p197
3.3.4 TRANSCRIPTION ET ANALYSE
La transcription des entretiens s'est faite sur des feuilles
préalablement compartimentées (voir bordereau de transcription T
15).
- une partie réservée à la codification
de l'entretien (et aux conditions du recueil).
- une partie réservée au talon sociologique (et
pagination).
- le discours lui-même.
- les thèmes.
Nous avons dû faire face à un certain nombre de
difficultés.
a-Des difficultés liées au discours sont
relevées :
difficultés par endroit d'interpréter le sens
donné par le
locuteur à son discours, à la
polysémie des mots. Même si
le plus souvent la cla rification intervient par de
recoupements.
Exemple, D : " Avoir des informations sur le pays
c'est tout. Pour moi c'est ça. Surtout parce que les gens ont de la
famille. Surtout que la plupart de ces gens là qui sont là sont
des anciens et donc sont venus un peu de l'extérieur d'Alger. Pour la
plupart je parle. C'est juste à la fin de l'immigration qu'il y avait ce
cas des gens de la capitale. C'était beaucoup plus commercial hein. Ce
qui a fait la floraison des fameux imports / exports mais avant, c'est
ça la grosse population, c'est ça".
b-Difficultés liées à la construction du
discours du locuteur.
Discours par endroit stéréotypé,
construit.
Exemple, S : « Je suis pas heureux à
Paris...j'ai émigré à Paris. Alors question...est-ce que
je rationalise, optimise le parcours de mes parents ? (...) Peut-être en
continuant vers le nord (...) bon moi ce que je raconte il faut quand
même...Il y a beaucoup d'humour là dedans, même si c'est
très sérieux...ya...ya quand même beaucoup d'humour. D'une
certaine manière donc si j'ai un enfant...il devrait être
logiquement...à un niveau socialement, logiquement il devrait être
quelque chose comme...comme cadre sup., enfin quelque chose comme ça.
Puisqu'il y a quand même une ascension sociale logiquement. (...)
Et donc ça ça rentre un peu dans ce
que...peut-être dans ce que tu cherches...quels rapports et tout
ça".
Après la transcription (fastidieuse) des discours :
trois heures et 30 minutes environ pour chaque transcription, nous avons
« débroussaillé c'est-à-dire
procédé à une lecture flottante entretien par
entretien pour souligner ce qui apparaît au premier abord.
Les extraits sont légèrement
dépouillés (interjections..). Les points de suspension indiquent
un silence. Les points de suspension entre parenthèses indiquent des
interventions du locuteur non retenues. Les indications entre crochets sont
nôtres.
BOURDIEU écrit: " Le procès verbal du
discours recueilli que produit l'auteur de la transcription est soumis à
deux ensembles de contraintes souvent difficiles à concilier : les
contraintes de fidélité à tout ce qui s'est
manifesté pendant l'entretien, et qui ne se réduit pas à
ce qui est réellement enregistré sur la bande magnétique,
porteraient à tenter de restituer au discours tout ce dont le passage
à l'écrit et les outils ordinaires de la ponctuation, très
faibles et très pauvres, tendent à le dépouiller, et qui
font, bien souvent, tout son sens et son intérêt, mais les
contraintes de lisibilité qui se définissent en relation avec des
destinataires potentiels aux attentes et aux compétences très
diverses interdisent la publication d'une transcription phonétique
assortie des notes nécessaires pour restituer tout ce qui est perdu dans
le passage de l'oral à
l'écrit. "1
Nous avons ensuite procédé à un
inventaire des rubriques thématiques apparues dans les discours.
Certains étant plus étoffés que d'autres
nous avons du lire une seconde fois l'ensemble des entretiens pour nous assurer
que des rubriques ne nous ont pas échappées dans certains
entretiens (lecture contrôle).
Blocs-espaces :
Nous avons ensuite mis en place deux blocs de
rubriques et thèmes.
Dans le premier l'espace des lectures
possibles reprenant l'ensemble du discours véhiculé par
le locuteur par rapport à la presse même.
Dans le second figure l'espace des lecteurs
possibles qui reprend des propriétés du lecteur ainsi
que sa trajectoire.
1-P.BOURDIEU. La misère...Op.cit.p921.
Nous avons obtenu du corpus les rubriques et thèmes
suivants :
Le Talon Sociologique
1- l'espace des lectures possibles
1.1- Le rapport à la presse écrite
algérienne
1.2 -le rapport aux autres médias
2- l'espace des lecteurs possibles
2.1- le rapport au pays
2.2- le rapport au quotidien en France.
Fiche thématique
:
A chaque fiche correspond un thème. Cette fiche est
elle même compartimentée ainsi : (voir fiche
thématique/rubrique, Tableau T 16.)
première partie : nom et code du
thème.
2° partie : code de l'entretien.
3° partie : numéro de la page du bordereau
de transcription correspondant à l'unité de contexte.
4° partie : les unités de contexte.
5° partie : il s'agit de la spécification
(ou unité d'enregistrement) apparue dans les unités de
contexte.
Fiche spécifications
:
Nous avons ensuite éclaté chaque thème en
spécifications afférentes (ou unités d'enregistrement). Y
sont notés de même les codes des entretiens ainsi que les codes
des unités de contextes correspondantes (voir fiche
spécifications, Tableau T 17).
Chaque locuteur ayant une position précise par rapport
à la spécification, un signe indicatif lui est attribué
:
+ le locuteur est en accord avec la formulation de la
spécification.
- le locuteur est en désaccord
= le locuteur est neutre.
Il n'est rien inscrit lorsque le locuteur ne fait pas ou
très peu référence
à la spécification concernée.
Nous avons aussi porté la date d'arrivée de
l'interviewé en France (ce rajout est intervenu après avoir
procédé à une première analyse des discours.
Nous avons retenu pour l'analyse de notre corpus deux phases :
La première, analyse de contenu et la seconde élaboration d'une
typologie. Phases précédées d'indications sur la
transcription.
Parmi les différents types d'analyse de contenu nous
avons opté pour une analyse thématique.
" Faire une analyse thématique consiste à
repérer des noyaux de sens qui composent la communication et
dont la présence ou la fréquence d'apparition pourront signifier
quelque chose pour l'objectif analytique
choisi."1
Nous avons procédé à la ventilation des
dires dans des rubriques portant sur la presse elle-même et dans des
rubriques sur la trajectoire du locuteur.
" La technique consiste à ventiler les
différents éléments dans les divers casiers selon des
critères susceptibles de faire surgir un sens en ordonnant le
désordre initial. Tout dépend bien entendu au moment du choix des
critères de répartition de ce que l'on cherche ou de ce que l'on
espère trouver."2
Nous avons quant à nous aussi bien travaillé sur
l'apparition des thèmes que sur leur absence. Donc analyse transversale
mais aussi analyse verticale. Extraits d'entretiens pris isolément
compte tenu du degré de pertinence des dires.
" La notion de thème, largement utilisée en
analyse thématique, est propre à l'analyse de contenu. BERELSON
définissait le thème comme Une affirmation sur un sujet c'est
à dire une phrase ou une phrase composée, habituellement un
résumé ou une phrase
condensée, sous laquelle un vaste ensemble de
formulations singulières peuvent être affectées.
1-L. BARDIN. L'analyse de contenu. Paris : PUF, 1993,
p137.
2-A. BARDIN. Ibid.p41
" En fait, le thème est l'unité de
signification qui se dégage naturellement d'un texte analysé
selon certains critères relatifs à la théorie qui guide la
lecture ».1
Nous avons rencontré lors de l'analyse, des
difficultés liées à la mise en place de l'ossature de la
grille d'analyse.
Nous avons du revenir à plusieurs reprises pour
distinguer clairement les rubriques, les unes par rapport aux autres, celles-ci
initialement se " télescopant ". (Problème de
l'exclusivité). V.ISAMBERT-JAMATI écrit à ce propos :
" Nous avons bien entendu établi nos
catégories d'interprétation de sorte qu'elles soient distinctes.
Celles qui ne le seraient pas nous seraient de peu d'utilité (...). La
question des frontières est particulièrement délicate dans
une analyse de contenu, notamment dans une analyse de type
thématique "2, et M.GRAWITZ : " Le
choix des catégories représente la démarche essentielle de
l'analyse de contenu. Celles-ci font lien entre l'objectif de la recherche et
les résultats (...). Elles doivent être exhaustives, c'est
à dire que l'ensemble du contenu que l'on a décidé de
classer doit l'être en entier. Exclusives : les mêmes
éléments ne doivent pas pouvoir appartenir à plusieurs
catégories (...). Objectives : les caractéristiques de la
catégorie doivent suffisamment être claires (...). Pertinentes :
en rapport à la fois avec l'objectif poursuivi et le contenu que l'on
traite." 3
R.MUCCHIELLI : " Une catégorie est à un
niveau de généralité variable : elle peut être
à ras du signifié qu'elle nomme, et dans ce cas, elle a perdu sa
valeur de catégorie générale. Elle peut être au
contraire tellement générale qu'elle n'a plus
d'intérêt pour l'exploitation ultérieure du contenu.
L'opérateur doit décider du niveau de
généralité de ses catégories de façon
à ce qu'elles soient « intéressantes pour ses objectifs
(BERELSON). Coder une unité d'enregistrement c'est l'affecter à
une catégorie ".4
1-L. BARDIN. Ibid.p136.
2-V. ISAMBERT-JAMATI. Crises de la société,
crises de l'enseignement. Paris : PUF, 1970, p27.
3-M.GRAWITZ. Méthodes des sciences sociales.
Paris : DALLOZ, 1993, p544.
4-R.MUCCHIELLI. L'analyse de contenu. Paris : ESF, p34.
4-HISTOIRE DE LA PRESSE
ECRITE ALGERIENNE
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