18 5 .1 LE LECTEUR PASSIONNE
Il est extrêmement assidu, il lit quotidiennement
" même si la presse arrive avec 24 heures de retard ", ou plus.
Il lit deux trois, jusqu'à même quatre journaux quotidiennement.
Il est méthodique. Commence par tel journal par habitude. Lit
entièrement le journal. " C'est le lien direct avec
l'Algérie" .Découpe des articles, souligne, photocopie,
élabore des dossiers, " fomente " des débats. Il lit
aussi pour " quelque part" avoir la preuve que les média ici ne
sont pas complets lorsqu'ils " traitent du pays ". Presse
française qu'il lit tout autant d'ailleurs mais sans grande
conviction
Quand ils sont disponibles
j'achète Liberté, El-Watan, Le
Matin...bon...moi je les achète c'est pas que je les
reçois...Je veux les acheter, les acheter.... Tout ce que je trouve hein
parce que moi je suis un dévoreur et j'essaie, bon (...) Moi je discute
avec les gens, là, je discute avec les gens. Des fois, bon on prend des
débats des journaux on dit qu'est-ce-que c'est ces conneries
là... et cetera. J'essaie de susciter...la critique. Moi je
parle de la critique constructive. Pas la critique pour critiquer de
jalousie...on discute... .
* 52 ans, travaille à temps partiel dans une
association d'aide aux chômeurs à Nanterre. Il se déplace
fréquemment en Algérie. Il a toujours un journal entre les
mains.
La lecture du journal s'effectue souvent conjointement. Elle
exprime le besoin d'échanger "entre soi" des nouvelles de tous ordres.
Elle permet la confection d'un journal local à distribuer ou à
vendre pour modestement renflouer les caisses de l'association.
Nous déjà on a un membre du bureau qui
achète Liberté. Nous n'avons pas de subventions. Chacun
achète son journal. Nous avons un autre syndicaliste bon...Y en a qui
achètent El-Watan, y en a qui achètent La
Tribune, c'est à dire chacun de nous, on peut regarder le bureau,
il y a toujours deux, trois journaux qui trainent, qui font le tour, vous avez
vu mon bureau. Et c'est comme ça que ça se passe, c'est comme
ça qu'on est informé. On lit plusieurs quotidiens en n'achetant
qu'un. On achète un et on lit plusieurs...Et en général
chacun de nous informe l'autre. Ce qu'il a trouvé et cetera...Et c'est
comme ça à peu près qu'on sait ce qui se passe en
Algérie. C'est à dire c'est le lien direct avec notre pays. Tout
ce qui se passe...C'est un lien direct. Nous sommes très content
d'avoir...Bon nous n'avons qu'El-Moudjahid dans le temps...Bon parfois
on l'achète, de temps en temps. C'est pas qu'on l'achète pas mais
maintenant on lit plusieurs journaux...Même en France on achète
Libération comme on achète Le Parisien, des
fois on achète Le Monde pour avoir une idée...Nous
allons faire un point d'information, c'est à dire pour notre
communauté, voir à peu près comment on va éditer un
bulletin mensuel avec trois ou quatre côtés...essayer
d'avoir un bulletin d'information à partir des journaux
algériens....Ca on est en train de préparer comment faire
cela.
* 60 ans. Retraité. En France depuis 40 ans. Ancien
syndicaliste et militant de la cause nationale algérienne.
De peur de "rater" une information concernant le pays, cette
catégorie de lecteurs lit tout. Les journaux algériens comme les
journaux français.
Qu'ils soient les uns ou les autres proches de ses opinions
politiques ou non. C'est un lecteur à l'affut. Il regarde les
informations à la télévision mais :
On sait très bien que...que l'info plus complète
elle nous sera donnée quand on lira les journaux.
Q : Et justement les journaux....
Ah les journaux, les journaux, on les achète
quotidiennement. Les journaux on les achète quotidiennement mais ils
arrivent avec 24 heures de retard. Parfois plus et...donc eux...eux...nous
apportent l'info... (...). Il y a donc...c'est El-Watan, Liberté, La
Tribune, La Nation...On achète au moins deux journaux par jour plus
La Nation hebdomadaire. Voilà. Par ailleurs....ben, moi je,
comme je travaille en bibliothèque, je consulte systématiquement
le reste de la...les dépêches AFP....enfin je fais un
travail de ...ou bien les articles de fond qui paraissent dans certains
hebdomadaires....dans Le Monde diplomatique parfois...donc des
mensuels, des revues spécialisées, notamment
Maghreb...Je regarde, je fais le tour des...des choses
exposées, puis dès que je vois qu'il y a un dossier sur
l'Algérie ou un article hé ben je prends la revue, je photocopie
et...et je lis...Donc les journaux que nous achetons, à part les pages
sportives...Je commence par El-Watan. Toujours. Parce
que...El-Watan, c'est mon préféré...La
Tribune est d'excellente facture mais comme j'ai pris l'habitude de...de
lire plutôt El-Watan, je commence toujours par
El-Watan. Je lis les titres. Je le lis en diagonale. C'est à
dire je lis les titres et ensuite je m'arrête à la page
politique... C'est tout ce qui concerne...donc...les déclarations du
pouvoir, de l'opposition. C'est...pour me faire une idée et ensuite je
lis au gré de...des articles sur la société des choses qui
me sont familières...sur les journalistes sur les associations, je ne
rate rien bien sûr de ce qui concerne le domaine des femmes parce que
ça me sert aussi à confectionner le bulletin de notre
association...voilà. C'est comme ça. (...).
* Chercheuse. 45 ans. Est en France depuis 1984. Très
attachée à la lutte pour l'égalité entre les hommes
et les femmes.
Il se dégage néanmoins vis-à-vis du plus
grand nombre de journaux une position très critique, hormis deux ou
trois titres pour lesquels les avis convergent (El-Watan, La Nation, La
Tribune. El-Watan pour ses compétences, La Nation
pour ses analyses, La Tribune à un moindre degré pour
son regard différent.)
La spécification crédibilité est
la mieux partagée. Les locuteurs regrettent en quelque sorte que face
aux médias locaux, (incomplets ou partiaux -TV-) les journaux
algériens n'apportent pas les réponses appropriées. Par
ailleurs pour certains des locuteurs, la presse écrite actuelle n'a pas
réellement changé par rapport à ce qu'elle était.
Elle est certes nombreuse mais elle n'est ni plurielle ni indépendante.
On a marre...parce qu'on trouve toujours la même
chose pratiquement...C'est à dire moi personnellement quand je lis les
journaux, j'ai l'impression de lire la même chose (...). Les gens
recherchent des journaux qui leur disent la vérité, qui leur
donnent l'espoir. Je peux vous jurer que s'il y a un journal qui sortira demain
et en donnant l'espoir ce sera le journal le plus vendu
d'Algérie.
* Journaliste sportif. Vit en France - c'est provisoire-
depuis 1994, seul. A longtemps travaillé pour l'agence officielle
A.P.S.
Les Algériens ils veulent la
vérité. C'est normal. Il faut dire la vérité. Quand
on dit la vérité on s'en sort toujours. Mais quand on ment
à ses compatriotes on perd toujours avec eux.
* Ancien membre du FLN -avant 62 !- Il tient à
préciser la période. Aujourd'hui pré retraité.
D'autres trouvent exagéré de confondre les
titres. Ils nuancent. A la décharge des journalistes nos locuteurs
mettent en avant les difficultés d'exercer le métier. L'espace
que prend la publicité dans certains titres n'est pas compris. De
même l a "manipulation" (ils sont orientés) dont ils sont l'objet
Et c'est vrai que, bon...les journaux
algériens...quand je les achète je m'aperçois que
finalement...ce qu'on peut faire, c'est une critique sur le journalistique
algérien, c'est que, on prend...quelque soit le journal, c'est presque
la même composition, c'est à dire on dirait que c'est le
même texte ; c'est le même journaliste qui travaille pour les
mêmes journaux. Je sais pas c'est une opinion que je me fais c'est
à dire c'est comme si le journaliste il a...Il tape le texte, il a
quatre journaux en même temps c'est peut-être que le journaliste
n'a pas cet esprit d'investigation qu'il y a en France. Pour donner un exemple
: y a un sportif, bob, il se prétend champion du monde Kda-kda
I et cetera...I médaillé olympique...Moi je prends le
journal, je regarde....
Je dis qu'est-ce-que-c'est-que-ces-conneries ? Je
dis, ce journaliste comment tu veux qu'il soit crédible ? Aussi bien le
rédacteur en chef...Je sais pas moi...il téléphone
C'est la Fédération de Tartempion ? Monsieur X est-ce qu'il
pratique chez vous ? Il vérifie pas donc. Parce qu'il y a le
`bisness'. (...) Mais je sais pas moi, quand on est responsable de
journal, il faut quand même vérifier ses sources et être un
peu plus crédible vis-à-vis du lecteur qu'il est censé
informer. Quand je lis un, j'ai l'impression d'avoir lu tous les autres. Et
c'est un peu presque les mêmes photos Makkach ! I il n'y a rien
à faire ! I...Et bon donc le trois quart c'est de la publicité.
Société Tartempion recrute Menna-Mennek I par ci, par
là I comme s'il y avait le plein emploi !...vous avez compris ?...Il
manque...il manque un journal d'investigation qui va au fond des
problèmes. Parce qu'à lire ces journaux on dirait qu'ils oublient
le peuple. On dirait que le peuple n'existe pas. Le quotidien. Moi je
vois un journal qui s'appellerait Le quotidien. Qui travaillerait que
sur le quotidien. Le quotidien du pauvre pèlerin, du pauvre malheureux
qui a du mal, qui a dix gosses, qui a du mal à vivre avec 18 dinars le
lait. Sa préoccupation..., qu'est-ce qu'il pense,...
* Son frère -sportif de haut niveau- a eu maille
à partir avec la presse algérienne. Lui vit en France depuis
1966. Il y est venu pour découvrir le monde.
A part El-Watan qui me séduit parce que
je juge qu'il est à la hauteur de...que ça soit sur le
plan...linguistique, ou sur le plan analyse, il y a quelque chose. Analyse
politico-sociale il est au niveau de la presse française donc en fin de
compte compétences et tout ça. Le reste...si je l'ai à
portée de la main, je le lis comme ça en fin de compte. A part
s'il y a vraiment un dossier culturel.
* 35 ans en France depuis 1989.
Quand même, faut pas exagérer !
Indépendants...Tous les journalistes, les directeurs...la plupart des
responsables des journaux indépendants, enfin entre guillemets
indépendants sont issus d'El-Moudjahid. La plupart hein...
(...) Je m'aperçois petit à petit, au fur et à mesure, que
le contenu...Y a rien. C'est vide. Malgré le nombre, c'est vide. J'ai
acheté Liberté...Enfin, je veux pas être...C'est
un exemple hein. Liberté, ya rien enfin. A part radar
ou je ne sais pas quoi. La première page et la deuxième
page...Après, le reste c'est de la publicité (...). A un moment
donné j'achetai deux, trois hein, vraiment (...). Mais là de plus
en plus c'est vide. Vraiment.
C'est vide...De plus en plus. Avec les problèmes qui se
passent en Algérie, ils ne peuvent pas faire d'enquêtes, ils ne
peuvent pas...peut -être la censure aussi. (...) Ca fait longtemps que
j'ai pas acheté La Nation. Je crois qu'ils ont des problèmes avec
le pouvoir. Ils sont très très...censurés...Sa responsable
c'est une femme c'est ça ? (...) Je pense qu'ils n'ont pas les
moyens. Je dis pas que c'est leur faute hein...je...mais enfin...quand
même.
* Expert comptable. Etabli en France depuis 1973.
Je lis La Tribune. C'est mon deuxième
journal...J'avoue qu'il est assez...de mon point de vue assez bon et qu'il
apporte un autre éclairage par rapport à El-Watan, et
Liberté je l'achète pas systématiquement. Je
l'achète quand les titres...Comme le buraliste me connaît, je
feuillette, puis s'il y a des choses qui m'intéressent je le prends, ou
je le prends pas. La Nation je le prends systématiquement
puisque pour l'instant là où j'achète les journaux c'est
le seul hebdomadaire disponible. Il a parfois un ton agaçant, mais
bon...intéressant...pour...pour la variété du paysage
médiatique algérien.
(...) Dans Liberté je trouve qu'il y a moins
d'info. Il y a trop de pub. Ces trois pages ou quatre pages agaçantes du
milieu. Voilà. Y a moins d'info, ça c'est indéniable. Je
veux dire, si on le mesure en surface et en contenu, je trouve qu'il y a moins
d'info alors bon....
* Universitaire
Chez lez journaux algériens, c'est de l'info
orientée, tous hein (...) . Malgré tous les efforts qu'ils font
bien sûr.
* Gestionnaire de stock en grande surface. Né en
France. 32 ans. Adolescent il a vécu cinq années en
Algérie.
Ils sont manipulés (...) La plupart ils sont
pro-gouvernementaux. Mais j'ai pas le choix. Ce que je trouve je le lis.
* Vendeur. Près de 30 ans. Réside en Banlieue.
Je suis ici depuis pas longtemps.
Et puis certains, je dis bien certains
journalistes...nourrissaient des...des sortes de complots si vous
voulez...contre d'autres journalistes pour la simple raison que leur directeur
ne sont pas d'accord (...) Il nous est arrivé même des fois de
nous insulter par journal interposé, il faut le dire...Mais ça ce
sont des considérations politiques et purement personnelles.
* Journaliste.
Les locuteurs distinguent la presse écrite
éditée en Algérie de celle éditée en France.
Cette dernière n'a pas répondu aux attentes. Les informations
très attendues sur le pays ne sont que partielles. Ces journaux traitent
très insuffisamment les réalités des algériens
vivant en France. Les interviewés ont du mal à s'y
accrocher
Je veux bien...acheter, soutenir ainsi la presse
algérienne mais bon...on peut pas tout acheter...Même si elle
n'est pas chère.
Q : Vous ne la trouvez pas chère...
Cinq francs non. Franchement non...Par exemple
Alger-Info-International, qui a existé un temps, hé ben
valait six francs et moi je ne l'achetais pas. J'avoue que je ne l'achetais
pas...parce que...c'est clair, Alger-Info-International était
entre deux...deux terrains à la fois qu'il n'exploitait pas du tout...On
ne peut pas prétendre traiter de l'actualité française
quand il y a des journaux à un franc plus chers qui sont superbes
comme Le Monde ou Libé et traiter de
l'actualité algérienne dans la manière dont il le faisait
alors que...C'est vrai qu'il suffisait d'attendre le lendemain, mais...Et de
manière bien plus exhaustive et plus intéressante avec les
journaux algériens. Moi je...je prends le cas du mémorandum...Ils
l'ont diffusé par extraits et cetera. Alors que le lendemain tous les
journaux algériens le diffusaient intégralement et c'était
ça qui nous intéressait. Moi je l'achetais quasiment pas. De
temps en temps. Je l'achetais bien sûr au début pour voir, mais
après je trouvais que...ça valait pas...et puis il y a aussi le
fait que...tant qu'à mettre de l'argent il faut mettre de l'argent dans
la presse algérienne parce que...Faut la soutenir. Absolument ! Soutenir
ceux qui sont là-bas...et donc...c'était...Et puis je veux dire
c'était même pas un acte de charité mais...c'est vraiment
plus intéressant.
Q : Il y eu d'autres tentatives ici...
Oui, El-Djazaïr, il était pas mal. Mais
c'est la même chose. Je sais pas. J'ai lu...Je les ai pas tous lus...J'en
ai lus quelques uns...Y avait des articles intéressants
mais...Non...J'avoue que j'ai du mal à m'accrocher à...à
la presse algérienne d'ici. Celle qui se fait ici. D'ailleurs je vois
que les algériens non plus puisque ça n'a rien donné. Ca
n'a pas abouti.
* Femme, 45 ans
Par curiosité, j'achète
Alger-Info...Mais y a rien vous êtes d'accord avec moi, y a
rien. C'est vide. Mais c'est un créneau ! Ils auraient pu ! Je vous
assure qu'il y a une communauté algérienne qui est prête
à l'acheter, à payer mais à conditions qu'il y ait quelque
chose...qu'ils essaient de faire des enquêtes sur l'immigration. Sur ce
qui se passe là-bas (...). Si c'est pour lire les dépêches,
moi je les ai. Il m'arrive d'acheter Libération. Je les ai dans
Libération. Alger-Info il doit donner des infos. Et
sur l'Algérie, sur ce qui se passe là-bas et sur l'immigration.
Il y a un article ou deux bon, soi-disant...c'est très pauvre au niveau
contenu, au niveau forme. Alger-Info ils se disent les
algériens ils sont assoiffés d'informations. Je vous dis moi
j'achète trois, quatre. J'y vais, j'achète. Bon je
paie...J'achète parce que j'ai besoin d'avoir des informations, d'avoir
des opinions un peu partout. Les algériens pour la plupart ils sont
comme moi. Mais ils se sont aperçu que...bon...au niveau contenu, ce
n'est pas ça. Donc Alger-Info a sauté là
dessus...l'immigration est assoiffée d'informations sur
l'Algérie, bon hein ...on va leur...hein...Mais ils font
pas un journal professionnel, bien écrit.
* Homme 45 ans. "apolitique".
Si les radios communautaires ne font pas
l'unanimité ; ces radios
un, c'est de la voyance, je veux dire c'est à
l'opposé de moi, deux c'est du commercial en plus quoi, par contre la
télévision algérienne est très présente. Les
interviewés font état de regrets de ne pas l'avoir. Lien direct
avec le pays. Ils la souhaitent non pour son contenu son discours, ni pour ce
qui y est dit
Je vois souvent l'Algérie. Mais des fois j'aime pas
regarder parce que... Ca me fait rappeler les événements en 90.
Le chômage, les gens ne sont pas...sont stressés. Les critiques,
parce que y a rien du tout. Y a pas d'occupation. Y a rien du tout. Que
ça soit au niveau du recrutement, au niveau du boulot ; y a
rien...y a rien qui marche là-bas...Faut le dire... (...).Il faut dire
ce qui en est. Il faut pas cacher...Alors la télévision ils
disent pas la vérité...Ils disent...Ils montrent que les bonnes
choses...Mais au fond l'Algérie profonde elle souffre. Elle souffre.
Tout le monde souffre là-bas. Et...sur la télé à
chaque fois des fêtes comme ça, des chanteurs, c'est comme si tout
va bien...J'aime pas regarder.
* 27 ans. En France depuis peu.
Ils souhaitent recevoir la chaîne
algérienne non pour son discours, pour son message - Je ne veux pas de
cette télévision. Moi je la regarde pas. Même en
Algérie je la regardai pas. On n'apprend rien. Sauf quand il y avait des
débats. Mais pour ce qui y est : les images -telles quelles- brutes
directes de la réalité du pays, du quartier. (...)Pour un
peu, avoir un peu d'air frais du pays.
Ils souhaitent recevoir la télé
algérienne mais ils appréhendent les difficultés
techniques inhérentes à l'installation de l'antenne parabolique,
mais aussi aux difficultés liées à l'administration
locale.
Malheureusement je n'ai pas la parabole. Parce que
j'habite dans le 6°, le propriétaire de l'immeuble, il m'a interdit
de parabole voila...Je m'informe par la télévision
française.
* Immigré "de la première
génération".
Je suis prêt d'avoir une antenne parabolique.
C'est tout simplement une histoire technique. C'est un immeuble collectif, donc
ça pose des problèmes. Mais je souhaite l'avoir incessamment,
d'ailleurs je pensais déménager ne serait-ce que pour ça
tu vois, parce que c'est important. Les médias français...y a pas
d'information hein... sur ce qui se passe en Algérie.
* 32 ans. Employé de grande surface.
J'ai la fibre algérienne, je suis
algérien. Ok, je suis ici depuis 20 ans et voilà...j'ai soif de
savoir ce qui se passe réellement dans mon pays, malgré que j'y
vais une fois par an, deux fois par an. Moi je ne me suis pas coupé des
réalités algériennes. Je cherche à
savoir...D'ailleurs ma femme n'arrête pas de me dire d'acheter la
parabole...On va changer d'appartement...D'autant qu'il y a une nièce
qui habite juste à côté. Elle, elle a la parabole, elle dit
« ah ! la télé algérienne ! voilà et
cetera... ». Non, mais j'ai décidé de la faire. C'est
sûr hein...
* Expert comptable à Paris. Est arrivé en France
en 1973 pour suivre des études. Part fréquemment en
Algérie.
(...)
Q : Vous parlez de la télé française ?
« Je suis pas parabolée donc je ne vois pas
la télé algérienne...Il faut demander l'autorisation au
syndic. J'habite un immeuble en région parisienne à Malakoff.
Donc il faut demander l'autorisation au syndic. Il faut acheter la
parabole...Bon, vous me direz c'est simple ! ...mais...c'est
des tas de considérations techniques et...On s'en est pas occupé
et quand...je vois des mamans d'enfants...qui ont, elles, la télé
algérienne, d'enfants qui vont aux cours avec ma fille et quand elles me
racontent ce qu'elles ont vu à la télé c'est vrai que je
me dis il faut...Il faut qu'on s'organise pour...Comme on est les seuls
algériens de l'immeuble...bon il faut faire la démarche et...on
l'a pas faite c'est tout. Mais c'est vrai que tôt ou tard on y viendra,
enfin je l'espère.
* 45 ans. Chercheuse.
Ce rapport qu'ont ces locuteurs avec la presse écrite
algérienne est fort. Ce sont des personnes bien engagées dans les
luttes qu'elles soient associatives ou autres. D'ailleurs, ce rapport avec la
presse ils l'inscrivent dans un ensemble de rapports avec l'Algérie :
Ensemble de rapports tout aussi significatifs. Ils sont pourrions-nous
écrire en relation permanente avec le pays. Relation réelle,
physique, par des voyages mais aussi par des rencontres avec d'autres
algériens vivant en France : dans des cafés, des
associations. Par d'autres pratiques culturelles et sociales aussi ; en
allant systématiquement faire (ses) courses à Barbès. (ou
Argenteuil.)
Nous allons pour l'exemple écouter deux
intervenants.
Le premier :
* L'interviewé est un associatif de
métier. Il est arrivé en France à 18 ans en 1966. Il
a continué quelque peu dans le secteur auberges de jeunesse
qu'il connaissait depuis l'Algérie. Dès le jeune âge
j'étais dans le milieu associatif en Algérie .Il y revient
après une parenthèse de 17 années passées dans une
usine à Nanterre I où il réside à ce jour I
où il fut délégué syndical CFDT durant plusieurs
années jusqu'à son licenciement en 1986. C'était
vraiment délibéré quoi.
Invariablement ce lecteur interviendra en français ou
en arabe populaire pour s'exprimer.
Le lien passionnel qu'il entretien avec les journaux du pays
est conforté par la passion qu'il a dans la participation (On a fait
venir l'équipe de Sidi-Bel-Abbes, les Karkabou là (...)
justement de lutter contre les a priori) à la gestion de l'association
des chômeurs de Nanterre. Il fait venir des groupes sportifs, culturels
d'Algérie dans le cadre d'échanges culturels. Les repères
identitaires sont ainsi balisés. Grande est sa peine d'entendre son fils
balbutier (baragouiner) quelques mots d'arabe que celui-ci croit avoir
emprunté à son père.
LE PERE LE GOSSE ET LA LANGUE
ARABE.
C'est là où notre ami T... qui est
justement l'ingénieur qui a fondé l'ENEP m'a proposé
justement la création de cette maison des chômeurs (...).
L'idée m'a plu donc moi j'ai rempilé avec Maurice. On a
crée l'équipe, justement avec Monique et cetera...On a
crée cette maison des chômeurs. (...)
On a fait venir l'équipe de Sidi-Bel-Abbes, les
Karkabou là (...) justement de lutter contre les a priori de
chaque côté de la méditerranée. C'est à dire
pour faire passer le message. C'est vrai que les gens, j'aime pas le terme
immigré, j'aime bien dire les algériens résidant
en France...ou en Amérique...parce que le terme
immigré ça m'horripile...c'est que...en disant que les
gens qui sont nés ici qu'ils prennent pas pour des cons ceux,
là-bas en Algérie et ceux d'Algérie ne prennent pas les
gens pour des cons, d'ici. (...)
Le gosse (...) mes neveux lui parlent en arabe, lui il parle
en français. Mon gosse Ryad, six ans, hé ben quand je
l'emmène en Algérie il parle français. Il comprend
très bien...Bon on lui parle qu'est-ce que c'est ça
? Il répond. Mais il parle pas. Qu'est-ce que c'est un oeuf
? Il répond en arabe. Qu'est-ce que c'est la porte ? Il
répond. Questions-réponses, il répond. Il traduit. Mais il
parle pas. Pourtant on parle avec lui en arabe. Il veut pas en plus. Il parle
Bella, bella...Je lui dis qu'est-ce que tu parles ? Il me
dit je parle arabe...Enaal - Babek c'est ça l'arabe
?... »
Le deuxième :
* 45 ans. Elle est doctorante à Paris. Arrivée
d'Algérie il y a plus de dix ans elle milite pour les droits des femmes
en Algérie. Avec sa famille (enfants et époux) elle réside
en banlieue parisienne. Son téléphone personnel est au bord de la
saturation. Elle passe des soirées entières à
répondre, (à débattre) aux interrogations des uns et
des
autres sur la situation en général en
Algérie, particulièrement celles en rapport aux droits des
femmes.
Cette activité associative "en rapport au pays" est
soutenue par une lecture assidue de la presse algérienne et
française.
MES SOIREES AU TELEPHONE
!
« En fait I la France I devait me servir de tremplin
pour partir aux Etats-Unis ». Ses déplacements pour le pays ne
sont plus aussi nombreux qu'au début de la décennie. Son
activité militante est "débordante". Les repères
identitaires se conjuguent à l'universel. Le droit des femmes est
transfrontalier. Il se dégage chez ces lecteurs passionnés
souvent une filiation idéologique.
Au départ les raisons de mes départs
fréquents en Algérie étaient aussi liées à
mon activité militante et j'avoue qu'au départ j'ai pas du tout
pensé pouvoir faire des choses ici comme je le faisais en
Algérie. Et puis...au fur et à mesure des sollicitations en
France et de l'augmentation il faut bien le dire du nombre d'algériens
et surtout d'algériennes qui venaient en France, on s'est mis à
songer à la perspective de faire des choses plus organisées
d'où la naissance de notre association ici en France et qui a pour
objectif donc....le.....qui continue sur le même programme que
l'association en l'Algérie, c'est à dire l'abrogation du code de
la famille et la promulgation de lois égalitaires et...On s'est rendu
compte que en France ça avait tout à fait son objet d'une part
parce que...il y a beaucoup d'algériens, d'algériennes en
l'occurrence qui souhaitent continuer leur activité en lien avec
l'Algérie et... d'autre part que, même pour les résidentes,
celles qui n'ont pas l'intention de retourner en Algérie, celles qui
sont de nationalité algérienne, sont tout à fait
concernées par ces textes. Donc ça, ça rendait
l'entreprise tout à fait viable. En fait c'est une association tout
à fait indépendante de l'association algérienne,
hein...Souvent je reçois énormément d'appels liés
à l'association. Comme nous n'avons pas de local, et donc il arrive que
je passe des soirées au téléphone.
(...) Par exemple MACHAHO il faut à tout prix que
j'aille le voir mais bon, je suis pas allée, j'ai pas encore eu le
temps. Je suis arabophone mais il est sous-titré français. C'est
comme ça que je le comprendrais. Mais c'est bien de le voir en version
originale aussi même si on comprend pas le berbère hein. J'ai des
amis kabyles, je suis familiarisée, mais je ne comprends rien, hein.
Mais c'est un rythme de langue qui m'est très familier à
l'oreille...Moi ça m'intéresserai plus de le voir en
berbère d'abord parce que ça sera la première fois pour
moi en tant qu'algérienne, c'est important de voir en berbère,
sous-titré français plutôt que de voir la version arabe
dont je sais qu'elle va bientôt sortir aussi. Et c'est très bien
qu'il y a ces versions, pour montrer justement la double culture
algérienne.
Mais moi personnellement ces phénomènes de faire
un film...C'est quand même la première fois hein.
C'est quand même important pour l'Algérie. Donc
j'étais plus intéressée de le voir en version
berbère sous titré français donc version originale
plutôt qu'en version arabe. Et celui-là fait partie de mes
projets... voilà.
|