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C.A.D.H. Charte Africaine des Droits de l'Homme
C.E.D.H. Convention Européenne des Droits de
l'Homme
C.O.A. Code des Obligations de l'Administration
C.P. Code Pénal
C.P.C. Code de Procédure Civile
C.P.P. Code de Procédure Pénale
Cass. Crim. Cassation criminelle
Cour E.D.H. Cour Européenne des Droits de l'Homme
O.N.U. Organisation des Nations Unies
O.U.A. Organisation de l'Unité Africaine
R.F.D.A. Revue française de droit administratif
INTRODUCTION........................................................................................6
PREMIERE PARTIE : LE DELAI RAISONNABLE UN PILIER
D'UNE BONNE
JUSTICE..................................................................................................................................12
CHAPITRE I : LA NECESSITE DU RESPECT DU
DELAI RAISONNABLE..............13
SECTION I : LA VALEUR NORMATIVE DE
L'EMERGENCE DU CONCEPT DE DELAI
RAISONNABBLE.............................................................................14
Paragraphe 1 : La reconnaissance
conventionnelle du droit au délai raisonnable du procès
pénal.......................................................................................................14
Paragraphe 2 : La garantie
constitutionnelle du droit au délai raisonnable du procès
pénal.17
SECTION II : LA PROTECTION PENALE DU DROIT
AU DELAI RAISONNABLE DU PROCES
PENAL........................................................................................20
Paragraphe 1 : Les conditions relatives aux
motifs de la détention provisoire.................20
Paragraphe 2 : Les exigences relatives aux
autorités
compétentes..............................22
CHAPITRE II : LES OBJECTIFS DU DELAI
RAISONNABLE DU PROCES
PENAL....................................................................................................24
SECTION I : LE SOUCI D'UN PROCES JUSTE ET
EQUITABLE..........................24
Paragraphe 1 : La protection des
intérêts en présence au procès
pénal.........................25
Paragraphe 2 : Le souci du respect de la
présomption
d'innocence.............................27
SECTION II : LES GARANTIES POUR UN RESPECT
EFFECTIF DU DELAI RAISONNABLE DU PROCES
PENAL.............................................................30
Paragraphe 1 : Les actions en délai
excessif du procès
pénal....................................30
Paragraphe 2 : Les sanctions du
délai excessif du procès
pénal..................................32
DEUXIEME PARTIE : L'OPPORTUNITE D'UNE REFORME DU
SYSTEME JUDICIAIRE
SENEGALAIS........................................................................36
CHAPITRE I : LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS
LE SYSTEME REPRESSIF
SENEGALAIS............................................................................................37
SECTION I : UNE EFICACITE CRITIQUEE DU
SYSTEME REPRESSIF..................37
Paragraphe 1 : Une efficacité
critiquée au plan
organique........................................38
Paragraphe 2 : Une efficacité
critiquée au plan
matériel..........................................40
SECTION II : L'AMBIGUÏTE DE LA NOTION
DE DELAI RAISONNABLE.............43
Paragraphe 1 : La détermination de
la période à prendre en
compte............................43
Paragraphe 2 : Le caractère relatif
de l'appréciation du délai
raisonnable.....................45
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS PRECONNISEES
FACE A LA DIFFICULTE D'APPLICATION DU DELAI RAISONNABLE DU PROCES
PENAL.......................48
SECTION I : LA RELECTURE DES REGLES DE
PROCEDURE PENALE................49
Paragraphe 1 : L'aménagement de
nouveaux délais pour le traitement des
dossiers..........49
Paragraphe 2: L'approfondissement du
contrôle de l'instruction
préparatoire.................51
SECTION II : LA CELERITE PAR VOIE
D'AMENAGEMENTS PROCEDURAUX......54
Paragraphe 1 : La
célérité par la contractualisation de la justice
pénale........................54
Paragraphe 2 : La
célérité par la restriction des voies de
recours................................58
CONCLUSION..........................................................................................61
Sous le vocable "Droit pénal", on comprend
généralement l'ensemble des règles visant d'une part
l'application des peines déterminées à certains actes que
la loi défend, soit parce qu'ils menacent l'existence de la
société soit parce qu'ils nuisent à ses institutions,
d'autre part, la procédure par laquelle sont constatés poursuivis
et punis ces faits délictueux.
Le procès pénal constitue la mise en oeuvre du
droit pénal. Si le droit pénal dit ce qu'il ne faut pas faire et
également ce que l'on encourt si on le fait quand même, le
procès pénal vise à préciser dans quelles
conditions une personne pourra se voir reprocher ce que le droit pénal
interdit.
Le procès pénal peut être défini
comme un litige soumis à un tribunal, une contestation pendante devant
une juridiction, un contentieux, une espèce. Il est parfois synonyme de
procédure, d'instance. En outre le procès pénal
apparaît comme l'intervention du juge, pour trancher, par application
à la loi pénale, un différend opposant un individu auteur
d'une infraction à la société aux intérêts
de laquelle il est porté atteinte. En effet la procédure
pénale, encore appelée instruction criminelle constitue donc un
ensemble de règles qui permettent de déterminer la manière
dont sera conduit le procès pénal, depuis la constatation de
l'infraction jusqu'au jugement.
Ainsi, une fois les éléments du procès
réunis, celui-ci va pouvoir se dérouler. Ce déroulement va
se matérialiser par une longue suite d'actes de procédure
accomplis tant par les autorités étatiques que par les parties
privées. En effet la procédure pénale obéit
à un certain nombre de principes protecteurs aussi bien de la
société que de l'accusé. Ces principes peuvent être
classés dans deux grandes catégories: la première
étant les garanties générales notamment le droit au
procès équitable et la seconde catégorie s'articule autour
des garanties appartenant à tout accusé. Ce volet concerne entre
autre la présomption d'innocence, le principe de la
légalité des délits et des peines et enfin le droit au
délai raisonnable de la procédure.
Afin de ne léser personne au procès, celui-ci
doit se dérouler dans le plus bref délai. Le droit au
délai raisonnable constitue un élément très
important du procès pénal car il serait vain qu'une justice soit
rendue au terme d'une procédure respectant le droit d'être entendu
équitablement et publique, si la décision n'intervient que bien
des années après l'introduction de l'instance. La solution du
litige pourrait perdre tout son intérêt pour le justiciable et la
justice ne serait pas équitable.
Cependant le procès étant l'affaire des hommes
s'accompagne souvent de lenteurs: on connaît aussi le mot de LA
BRUYERE "le devoir des juges est de rendre la justice leur
métier est de la différer. Certains connaissent leur devoir.
Beaucoup font leur métier."1(*)
L'impératif de célérité a fait
fleurir les adages louangeurs "Le temps qui passe, c'est la
vérité qui s'enfuit"; "Justice tardive équivaut à
injustice"; Justice delayed is justice denied.
Il ne fait plus aucun doute que de nos jours les droits de
l'homme notamment celui d'être jugé dans un délai
raisonnable occupe une place centrale aussi bien sur la scène
internationale que dans l'ordre juridique interne. En effet, au niveau
international, la nécessité d'une célérité
trouve sa justification dans la convention européenne des droits de
l'homme, dans les dispositions du pacte international relatifs aux droits
civils et politiques, la charte africaine des droits de l'homme, etc.... Au
niveau interne, la célérité trouve sa justification dans
la Constitution à travers le titre II relatif aux libertés
publiques. De son côté le code de procédure pénale a
entendu mettre un terme aux pertes de temps. On peut citer l'institution de
délai de rigueur en matière détention provisoire à
travers l'article 127 C.P.P. En plus il faut noter qu'aux termes de l'article
385 C.P.P., une affaire en état d'être jugée ne peut faire
l'objet de trois renvois successifs pour quelque cause que ce soit. On peut
enfin citer l'extension de la notion de flagrance2(*).
Cependant le souci du législateur, en matière
de célérité du procès pénal, apparaît
plus dans sa réglementation de la détention provisoire. Ainsi il
ne la prévoie que pour les infractions d'une certaine gravité et
en limite la durée. En effet il pèse une certaine obligation sur
je juge concernant sa liberté d'intervention en matière de
détention. Il est tenu de prendre en compte d'une part la gravité
de l'infraction et d'autre la nature des investigations à entreprendre
pour la manifestation de la vérité
La préoccupation du législateur va dans le sens
de l'incompatibilité entre la détention provisoire qui est une
mesure avec laquelle le détenu voit sa liberté confisquée
et ses intérêts moraux et matériels remis en cause et la
présomption d'innocence. En jetant le suspicion sur son
honnêteté, sa réputation se trouve compromise par cette
grave mesure qui perturbe dangereusement sa vie familiale professionnelle et
sociale. Et indirectement, l'encellulement en isolant de l'inculpé rend
sa défense difficile. Ainsi présomption d'innocence ne rimant pas
avec détention provisoire, le code de procédure pénale
pose un délai limité qui n'est susceptible de prolongation qu'a
condition de remplir certaines exigences. La détention est un
paradoxe.
La notion de délai raisonnable est une notion floue qui
est difficile à définir. Le terme délai qui se rapporte
à la durée peut s'entendre comme le temps accordé pour
faire une chose. L'ambiguïté et la difficulté proviennent de
l'adjectif raisonnable qui est accolé au "délai". Qu'est ce qui
est raisonnable et qu'est ce qui ne l'est pas?
De prime abord, nous pouvons dire qu'est raisonnable ce qui
est conforme à la raison, au bon sens. Il s'agit d'une notion qui fait
appel à des appréciations du milieu social. C'est ce qui est
admissible dans une communauté à un moment donné. Le
raisonnable varie alors avec le temps et l'espace comme l'ordre public3(*). Les juristes
préfèrent parler de célérité de la
procédure pénale lorsqu'il s'agit d'aborder les questions
relatives à la durée de l'instance judiciaire.
La célérité de la procédure peut
être justifiée dans certaines circonstances. A en juger les
dispositions du C.P.P.S., il semble que la célérité peut
être justifiée par l'urgence soit dans la phase
préparatoire du procès, soit dans la phase de jugement.
Au niveau de la phase préparatoire, la justification
première est le cas où l'on est en présence d'une
procédure de flagrant délit4(*). Il en est de même de la
célérité dans l'instruction en cas de danger de mort d'un
témoin ou d'un inculpé ou en cas d'indices sur le point de
disparaître. En principe, lors de l'interrogatoire de l'inculpé,
il existe un certain nombre d'obligations qui pèsent sur le juge
d'instruction5(*). Mais, en
cas d'urgence, ces formalités de comparution sont
écartées : il y'a une mise à l'écart des
formalités de premières comparutions6(*) et une mise à
l'écart des formalités relatives aux interrogatoires
ultérieures7(*).
L'urgence justifiée dans la phase de jugement se
traduit principalement par la répression immédiate des
délits d'audience. Les juges peuvent se saisir d'office en cas
d'infraction commise à l'audience d'une juridiction de jugement. Il y'a,
là, en l'absence de problème de preuve, une application de la
règle « tout juge est procureur
général ».
Certes ces situations pourraient donner lieu à des
développements très intéressants mais dans le cadre de
cette étude, nous mettrons l'accent sur le cas particulier où
l'infraction commise est portée devant la justice pour un examen et un
jugement. En d'autres termes, lorsqu'un fait susceptible de faire l'objet d'une
infraction est commise, à moins qu'il s'agisse d'une contravention
légère pouvant faire l'objet d'un règlement
immédiat, au moyen de la procédure d'amende forfaitaire, il sera
question ici de voir si le temps écoulé entre la commission de
cette infraction et le jugement de celle-ci est raisonnable.
La célérité n'est pas la
précipitation, mais elle vise a donner au processus pénal un
rythme aussi rapide que possible, sans porter atteinte aux principes
fondamentaux de l'ordre juridique comme la présomption d'innocence et
les droits de la défense. Elle se fonde d'abord sur
l'intérêt de l'opinion publique qui réclame un
châtiment rapide; ensuite elle est également indispensable pour
une bonne obtention des preuves et enfin la célérité va
dans le sens des justiciables:de la victime dont il faut hâter
l'indemnisation et de la personne poursuivie car au bout d'un certain temps la
défense devient malaisée8(*).
En effet l'heure est à l'accélération du
procès pénal, dans une société, dès
l'instant où le retard à rendre la justice est ressenti comme une
frustration, tant par l'opinion publique, qui mesure les interdits à la
vigueur de la réaction des organes essentiels de régulation
sociale que sont les juges répressifs, que par le délinquant qui
souhaite être fixé sur son sort le plus tôt possible, mais
aussi par la victime qui attend qu'on lui rende justice et que son
préjudice soit réparé.
L'intérêt de l'étude de ce sujet
réside dans le fait que la célérité est
exigée devant toutes les juridictions c'est-à-dire même en
matière civile et administrative. Pour ne citer que la matière
administrative, on peut dire que le sursis à exécution a
constitué le principal instrument de l'urgence. Il a néanmoins
connu des évolutions.
En 1976, le législateur français a crée
plusieurs régimes spéciaux de sursis à exécution.
Depuis une loi du 30 juin 2000, en vigueur depuis le premier (1er)
janvier 2001, on ne parle plus de sursis à exécution mais
plutôt de « référé
suspension »9(*).
A la vérité, l'efficacité d'une
procédure d'urgence étant directement dépendante de la
simplicité de sa mise en oeuvre, le législateur l'a bien compris
et a procédé à la mise en place de
référé de droit commun sous un double signe de la
célérité et de la souplesse.
Le juge des référés doit statuer vite.
Pour cela, il peut décider seul, sans conclusions du commissaire du
gouvernement et dans le cadre d'une procédure orale. Incontestablement,
la loi du 30 juin 2000 a atténué l'encombrement des juridictions
administratives et par voie de conséquence les lenteurs
procédurales.
De leur côté, les pénalistes ont
généralement en vue d'accélérer le cours de la
justice, trois moyens à leur disposition:augmenter la capacité du
système en augmentant le nombre de magistrats; réduire les
charges des tribunaux par le biais de la décriminalisation et enfin
imaginer des règles de procédure qui permettent de juger plus
rapidement.
Instruction, enquête et jugement constituent les
différentes phases du procès pénal. Cependant le
procès ne commence officiellement qu'à partir moment où la
partie demanderesse déclenche la poursuite. Mais une décision en
ce sens ne peut souvent être prise par le ministère public
qu'après avoir recueilli certains renseignements sur l'infraction
portée à sa connaissance. Aussi la première phase
officielle est précédée par une phase préliminaire,
celle de la recherche et de la constatation des infractions. Ainsi l'obtention
d'un procès pénal rapide passe nécessairement par une
célérité de la phase précédant la poursuite.
En effet, il est fait obligation à l'officier de police judiciaire
avisé de la commission d'un crime ou d'un délit flagrant de se
transporter sans délai sur les lieux aussitôt qu'il aura
informé le procureur de la république et éventuellement
reçu les instructions de ce magistrat. En somme l'officier de police
judiciaire doit accomplir tous les actes requerrant
célérité afin de faire à l'urgence.
Pour rendre efficace l'exigence de
célérité, il est reconnu des actions en délai
excessif aux individus qui auraient souffert d'un délai
déraisonnable de la procédure. Ces actions doivent permettre
à la défense de faire juger le caractère
déraisonnable de la durée de la procédure, de
manière effective et à toute phase de la procédure.
Relativement aux observations précédentes, on constate que dans
un souci de sauvegarde de la liberté individuelle, la
célérité du procès constitue une garantie
considérable des droits de la défense dont le non respect est
sanctionné.
Cependant, force est de noter que si l'idée de
célérité constitue bien dans notre législation un
principe directeur, l'examen de la pratique révèle que notre
justice pénale est lente et même de plus en plus lente.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire ,eu égard a la
richesse en matière de droits de l'homme et a la diversité des
droits protégés, le système sénégalais met
l'accent plus sur la proclamation et la reconnaissance, que sur la garantie et
la protection stricto sensu. De sorte que la proclamation du droit au
délai raisonnable contraste avec sa protection.
Cette lenteur de la justice en général et du
procès pénal en particulier ont des causes liées aux
facteurs administratifs, politiques et socio-culturels et enfin des causes
relatives à la procédure quant à la saisine de la
juridiction pénale,au règlement des dossiers et au temps des
actes. Peut-on citer l'alourdissement de la procédure, l'accroissement
de la criminalité sans que les moyens de la justice aient
été adaptés en conséquence. En outre, la surcharge
des parquets provoque un encombrement des juridictions, ainsi qu'un retard
général dans le traitement des affaires a l'audience.
La justice pénale devient lente, ce qui n'est point une
qualité. Veut-on des exemples? Au Sénégal, il y'a 400
magistrats dont une quarantaine en détachement dans les
départements ministériels. Ce qui fait qu'il y'a 360 magistrats
pour une population de plus de 12 millions d'habitants. Dans pareilles
conditions, pas de justice équitable et respectueux des droits de
l'homme. Par ailleurs, la lenteur du procès pénal aboutirait
à n'en pas en douter à ce que la preuve des faits ne puisse plus
être rapportée.
En tout état de cause, face à ce fléau,
il s'impose au Sénégal de trouver des voies et moyens pour
l'accélération des procédures.
A la lumière de tout ce qui précède, un
constat se fait : le délai raisonnable est un droit fondamental, un
fondement d'une bonne justice. Toutefois, il connaît dans la pratique des
violations. C'est le cas dans notre pays, le Sénégal où la
justice pénal est lente et où il s'avère nécessaire
de revoir le système répressif.
Pour ce faire, dans une structure bipartite, nos propos
seront axés sur : le délai raisonnable un pilier d'une bonne
justice (première partie) et, l'opportunité d'une reforme du
système répressif sénégalais (deuxième
partie).
La qualité et l'efficacité de
la justice préoccupent les professionnels du droit. Ils se planchent
aujourd'hui plus que jamais sur le thème "délai raisonnable de la
justice". A travers ce thème, plus que d'actualité, avocats,
magistrats et greffiers réfléchissent sur les délais
raisonnables dans les jugements des affaires. A côté de la
question récurrente d'indépendance et d'impartialité,
l'accent est en même temps mis sur la garantie au justiciable à ce
que son procès se termine sans retard excessif. La violation de ce droit
porte atteinte tant à la crédibilité de la justice
qu'à son efficacité pour la protection des droits. Combien de
fois n'a-t-on pas entendu les justiciables ou simplement les professionnels du
droit se plaindre des lenteurs de la justice. En tout état de cause, une
bonne justice est une justice accessible, crédible qui rend des
décisions dans un délai raisonnable.
En effet le déni de justice10(*) s'entend aussi de tout
manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de
l'individu qui comprend le droit pour le justiciable de voir statuer sur ses
prétentions dans un délai raisonnable. Il s'avère
insupportable pour l'individu de devoir attendre de nombreux mois voire de
longues années pour voir son litige tranché. En raison de toutes
ces considérations, il existe un nécessaire respect du
délai raisonnable (chapitre I). Les objectifs visés (chapitre
II), à travers son respect sont en vue d'améliorer
l'équité, la qualité et l'efficacité de la justice,
surtout quand celle-ci est devenue une justice au quotidien, un bien à
consommation naturelle.
CHAPITRE I/ UN NECESSAIRE RESPECT DU DELAI
RAISONNABLE
L'étude du procès pénal
dans un délai raisonnable pose le problème des garanties d'un tel
procès. Il s'agit de voir quelle en est la valeur protectrice. Dans un
premier temps ce droit connaît une valeur normative (section I) car
défini par les traités et chartes internationaux ratifiés
par le Sénégal. Le justiciable qu'il soit demandeur ou
défenseur dans un litige civil ou accusé en matière
pénale, doit avoir la possibilité de faire valoir ses droits sans
retard excessif11(*).Donc
dans l'intérêt du bonne administration de la justice
pénale, le Sénégal à travers le C.P.P.
relève le pari en posant des règles de délais stricts pour
l'accomplissement des actes de procédure (section II).
SECTION I/ LA VALEUR NORMATIVE DE L'EMERGENCE DU CONCEPT DE
DELAI RAISONNABLE
S'il est admis que l'auteur d'une infraction ne peut
être condamné qu'après avoir été jugé
il n'en demeure pas moins que le respect des libertés individuelles
d'une part et la réaction hostile à la délinquance de la
société d'autre part font de la célérité du
procès pénal une nécessité .Il s'agit d'une
exigence qui doit être observée à toutes les phases de la
procédure c'est-à-dire aussi bien dans son déroulement
qu'au niveau du jugement. A cet effet on constate qu'il s'agit d'un droit
conventionnellement reconnu (paragraphe I) et constitutionnellement garanti
(paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ LA RECONNAISSANCE CONVENTIONNELLE
DU DROIT AU DELAI RAISONNABLE DE LA PROCEDURE
La reconnaissance du droit au délai raisonnable se
traduit plusieurs niveaux. En ce qui nous concerne nous verrons les
traités internationaux à (A) et la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples (B).
A/ La reconnaissance du droit au délai
raisonnable par les traités internationaux
L'actualité des droits de l'homme n'épargne pas
la procédure et plus particulièrement le caractère
raisonnable de son délai qui se trouve aujourd'hui dans la sphère
des droits fondamentaux. Il n'est, en effet, pas à démontrer que
le délai raisonnable participe du caractère juste et
équitable du procès pénal .Etre jugé sans
retard est un droit de la personne car un délai trop long constituerait
un dénis de justice .Ce droit a été défini par
plusieurs traités et instruments internationaux.
L'article 6 paragraphe 1 de le C.E.D.H. dispose
notamment « toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue ...dans un délai raisonnable ».
L'article 9 paragraphe 3 du pacte international relatif aux droits civils et
politiques ne dit rien d'autre en énonçant : tout
individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction
pénale sera traduit dans le plus court délai devant le juge ou
une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions
judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou
libéré.
La détention des personnes qui attendent de passer en
jugement ne doit pas être la règle...Dans ce même ordre
d'idées l'article 5 paragraphe 3 de la C.E.D.H. édicte notamment
« toute personne arrêtée ou détenue a le droit
d'être jugé dans un délai raisonnable ou
libérée pendant la procédure » .
Les délais raisonnables prévus par les
dispositions conventionnelles ne paraissent pas pouvoir être
définis pour l'ensemble des procédures. L'aspect raisonnable
s'attachant aux délais doit être apprécié in
concreto pour chaque phase de la procédure. C'est d'ailleurs ce qui
ressorti de la C.E.D.H. qui fait la distinction entre délai raisonnable
de la détention provisoire (art5.3)12(*) ; bref délai pour statuer en
matière de détention (art5.4)13(*) et enfin délai raisonnable de la
procédure (art6 .1)14(*).
Relativement au délai raisonnable de la
détention, jusqu'à présent nul n'a prétendu que la
personne détenue dans le cadre d'une procédure de comparution
immédiate était détenue au delà d'un délai
raisonnable .Dans cette procédure spécifique les
délais de jugement prévus par la loi sont courts et peut
être s'est on rendu compte qu'il ne serait pas raisonnable de
prétendre le contraire.
Le problème se pose alors pour les cas de
détention qui requièrent une information .Il appartient aux
chambres d'accusation de statuer sur ce problème ,lorsque saisies
d'appels formés contre les ordonnances refusant les demandes de mise en
liberté elles doivent, en vue de l'ensemble de la procédure,des
présomptions pesant à l'encontre de la personne mise en examen,
des investigations restant à effectuer, de la complexité de
l'affaire, pour chaque espèce, juger si la durée de la
détention provisoire excède ou non le délai
raisonnable . L'arrêt de la chambre d'accusation 15(*) qui ordonne la prolongation de
la détention sans répondre au mémoire de la personne mise
en examen, qui invoque la violation de l'art 5.3 de la convention encourt
cassation.
En définitive, pour une application de cet article
conduisant à une mise en liberté fondée sur le
dépassement du délai raisonnable, il convient de se
référer à l'arrêt de la chambre d'accusation du
22octobre 199616(*).
En ce qui concerne le bref délai conformément a
l'article5.4 toute personne privée de sa liberté par arrestation
ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin
qu'il soit statué à bref délai sur la
légalité de sa détention, et ordonné sa
libération si la détention est illégale.
S'agissant enfin du délai raisonnable de la
procédure proprement dite, c'est l'article 6.1 qui en apporte une
précision. Nous nous situons dans l'hypothèse d'une personne mise
en examen ou d'un prévenu libre qui estime que la durée de sa
procédure a été excessive. La Cour E.D.H. a lors de son
arrêt du 25 février 1993 rendu dans l'affaire Dobbertin
,condamné la France pour violation de l'article 6 aux motifs qu'une
procédure pénale d'une durée supérieure à
12 ans ne respecte pas le droit reconnu par l'article précité. En
soulignant en l'espèce la lenteur de la procédure, la Cour
affirme que l'article 6 fait peser sur les Etats parties à la
convention, l'obligation d'organiser un système judiciaire apte à
faire respecter la notion de délai raisonnable.
B/ La reconnaissance du droit au délai
raisonnable par la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples
L'intérêt que l'Afrique attache au progrès
des droits de l'homme et des libertés fondamentales , notamment celui
d'être jugé dans un délai raisonnable se manifeste à
travers la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.
Dès 1961, les juristes africains lancèrent
l'idée d'une convention africaine des droits de l'homme. De
congrès en conférences, de conférences en
séminaires, le projet a mûri et les juristes, d'abord
exclusivement préoccupés de la protection des droits civils et
politiques, élargirent leurs travaux à d'autres domaines17(*).
A l'occasion de la conférence des chefs d'Etats et de
Gouvernement des pays membres de l'O.U.A.18(*), tenue à Monrovia, au Liberia, en juillet
1979, il fut décidé d'élaborer une véritable
C.A.D.H., proclamant des droits et organisant leur protection effective en
Afrique. A l'issue de ces réunions d'experts sur le projet de charte,
tenu à Dakar et Banjul en 1981, il fut décidé de soumettre
le texte aux Etats membres de l'O.U.A.
La charte fut adoptée lors de la dix huitième
conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement. Son article 7 dispose
que : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue. Ce droit comprend :...le droit d'être jugé dans un
délai raisonnable par une juridiction impartiale. »
En effet les garanties essentielles d'une justice
équitable figure dans la Charte, en tant que partie intégrante du
droit de chacun à ce que sa cause soit entendue dans le plus bref
délai.
A l'instar des autres traités internationaux, les
droits que garantie la C.A.D.H. implique entre autres celui d'être
jugé sans retard excessif, ce qui interdit que l'on soit détenu,
indéfiniment sur inculpation pénale.
En fait, le droit du justiciable au délai raisonnable
de la procédure peut être considéré comme
étant le troisième élément du droit au
procès équitable. Il serait vain qu'une justice soit rendue au
terme d'une procédure respectant le droit d'être entendue
publiquement et équitablement, si la décision n'intervenait que
bien de années après l'introduction d'instance.
La solution du litige pourrait perdre tout
intérêt pour le justiciable et la justice ne serait pas
équitable. Ce droit est révélateur d'une bonne
administration de la justice et oblige les juges à statuer sans retard
excessif.
La charte africaine est donc un ensemble de dispositions ou
articles garantissant certains droits des peuples. Les Etats africains doivent
appliquer ces dispositions. Il s'agit d'un traité, or quand un Etat
ratifie un traité, il est juridiquement tenu de protéger les
droits énoncés dans ce traité.
PARAGRAPHE II : LA GARANTIE CONSTITUTIONNELLE
DU DROIT AU DELAI RAISONNABLE
La célérité de la procédure
pénale est un des droits fondamentaux affirmé et accepté
par la législation de tout Etat de droit. C'est dans ce contexte que le
Sénégal a ratifié les traités et conventions ayant
pour objet la protection des droits de l'homme notamment celui d'être
jugé sans retard excessif (A). Notons juste que le respect des
dispositions constitutionnelles s'impose du fait que ce texte se trouve au
sommet de la hiérarchie des normes (B).
A/ La ratification des conventions internationales
par le Sénégal
Les droits fondamentaux de la personne notamment celui
d'être jugé sans retard excessif sont fixés par la
Constitution, norme fondamentale, qui a consacré son titre II aux
libertés publiques et à la personne humaine. Il s'y ajoute que le
Sénégal proclame dans le préambule de sa constitution son
attachement aux droits fondamentaux ainsi qu'ils ont été
définis dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 et dans la déclaration universelle du 10 décembre
1948.
Par ailleurs la notion de délai raisonnable figure
à l'article 7 de la charte africaine des droits de l'homme qui
elle-même a valeur constitutionnelle. Cette charte fait partie du droit
positif sénégalais, puisqu'elle figure au préambule de la
constitution de 200219(*).
C'est dire que le Sénégal dispose d'un
environnement adéquat à l'épanouissement des droits de
l'homme et qui est par conséquent conforme aux exigences du délai
raisonnable de la procédure. Le droit sénégalais, en
conformité avec les engagements internationaux garantie donc à
chaque citoyen la faculté de saisir un tribunal et de faire trancher son
litige dans un délai raisonnable.
Ces dispositions de la loi fondamentale confèrent
à l'Etat des obligations de respecter et de protéger la personne
quelque soit par ailleurs sa situation. Ainsi, toute personne
arrêtée ou placée sous détention doit être
jugée le plus vite possible pour qu'elle soit fixée sur son sort.
Selon Walter Savage Landor « une justice tardive est une
injustice 20(*)». La lenteur du procès
déstabilise l'individu et l'installe dans une situation psychologique
pénible. Il a hâte de savoir quelle sera la sentence de la
justice. S'il est coupable il veut savoir s'il va bénéficier de
circonstances atténuantes et s'il est innocent il veut être
libéré immédiatement.
Dans cette perspective, il faut souligner que dès son
accession à la souveraineté internationale, le
Sénégal a voulu mettre en place un Etat démocratique
fondé sur la primauté du droit et des droits de l'homme tels
qu'ils ont été définis par les déclarations et
traités internationaux. Le législateur sénégalais
est donc fortement influencé par l'esprit dégagé sur la
primauté des droits de l'homme.
L'intérêt que le Sénégal porte
à la promotion et à la protection des droits de l'homme et des
libertés individuelles tel que le droit d'être jugé dans le
délai raisonnable vient directement du fait qu'il s'est rendu compte
à l'instar de la communauté internationale que la reconnaissance
de la dignité inhérente à tous les membres de la famille
humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le
fondement de la liberté de la justice et de la paix dans le monde.
Relativement à la dignité, on peut dire sans
conteste qu'il est contraire à la dignité humaine de garder
infiniment prison selon le bon vouloir des "bourreaux". Cependant, si tous les
nouveaux Etats ont reconnu les droits fondamentaux de l'homme, il reste qu'en
pratique la réalité est toute autre. En effet dans certains
Etats, le principe de la primauté des droits et surtout celui
d'être jugé dans un délai raisonnable est très ou
dirons nous, trop souvent battu en brèche au nom du maintien de l'ordre
public, de l'existence de circonstances exceptionnelles. Pour Julius
Nyerere « il est préférable que quelques innocents
souffrent d'une détention temporaire plutôt qu'un seul
traître puisse détruire la nation»21(*). Plus
précisément encore M. Houphouët-Boigny
déclarait en 1963 "Je préfère l'injustice au
désordre : on peut mourir de désordre, on ne peut mourir
d'injustice. Une injustice peut être réparée"22(*).
B / La force juridique des dispositions
constitutionnelles
Du point de vue de la logique juridique, plus la source d'une
disposition est élevée dans l'échelle des normes
juridiques, plus son respect s'impose aux gouvernants. La Constitution est la
règle de droit qui domine et hiérarchise toutes les autres
règles de droit. Le principe paraît aller de soi. Il est
universellement admis et constamment réaffirmé .A travers les
querelles d'école, il prédomine une idée commune : la
constitution est la règle suprême de l'Etat.
Par ailleurs les dispositions qu'elle contient font l'objet
d'une protection absolue. S'il existe un droit qui s'impose à l'action
de tous les pouvoirs publics, aux autorités judiciaires notamment, c'est
la constitution. Le principe se donne une justification de fond car l'objet et
l'utilité des dispositions constitutionnelles commandent de les mettre
hors d'atteinte de ceux à qui elles s'imposent23(*).
La suprématie constitutionnelle se justifie, en
outre, par le fait que la constitution fonde le pouvoir de l'Etat en même
temps qu'elle l'institue. Les principes de subordination et de cohérence
se conjuguent pour imposer la primauté absolue sur toutes les autres
règles juridiques de droit interne, du pacte qui établit le
statut du pouvoir d'Etat. Cette valeur juridique supérieure à
toute autre règle de droit suppose donc que toutes les autres normes lui
sont subordonnées. La hiérarchie coïncide d'abord avec la
hiérarchie des organes dont elles émanent. Par suite, la loi
ordinaire émanant du parlement et du gouvernement agissant toujours en
accord, est soumise à la loi constitutionnelle. La force juridique de la
constitution se traduit dans le langage juridique par diverses expressions
telle celle de légalité24(*), de juridicité25(*)...
En d'autres termes, affirmer la suprématie de la
constitution sur les autres règles juridiques implique que certains
mécanismes de contrôle soient mis en oeuvre pour que soit
assurée la conformité de celles-ci à celles-là et
qu'ainsi le principe de la suprématie des dispositions
constitutionnelles ne demeure pas lettre morte.
Le code de procédure pénale émanant du
législateur au même titre que la constitution reconnaît
implicitement le droit au délai rapide de la procédure à
travers ses dispositions.
SECTION II : LA PROTECTION PENALE DU DROIT AU DELAI
RAISONNABLE
En précisant les conditions relatives aux motifs
(Paragraphe I) et aux autorités compétentes (Paragraphe II) la
législation pénale nationale a voulu limiter les
détentions abusives en ne laissant aux magistrats une liberté
totale d'appréciation.
PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS RELATIVES AUX
MOTIFS DE LA DETENTION PROVISOIRE
Pour les motifs, il est a préciser que la
détention ne doit être ordonnée par le juge d'instruction
que lorsqu'elle est justifiée soit par la gravité des faits (A)
soit par la complexité des investigations nécessaires à la
manifestation de la vérité (B)
A/ Une durée raisonnable de la
détention au regard de la gravité des faits
On peut affirmer sans conteste qu'il existe un lien
étroit entre procès pénal et détention provisoire,
le second étant une mesure préventive à l'égard de
la personne faisant l'objet des poursuites c'est-à-dire du
procès.
Pour faire de la détention une mesure exceptionnelle,
le législateur sénégalais ne l'a prévu que pour les
infractions d'une certaine gravité et en plus il doit en limiter la
durée. L'article 127 C.P.P. dispose « En matière
correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est
inférieure ou égale a 3ans, l'inculpé
régulièrement domicilié au Sénégal ne peut
être détenu plus de 5 jours après sa première
comparution devant le juge d'instruction. En outre aux termes de l'article 127
bis du même code, en matière correctionnelle, à l'exception
des cas ou elle est obligatoire aussi que toutes les infractions
prévues aux articles 56 a 100 du C.P., si la détention est
ordonnée, le mandat de dépôt délivré n'est
valable que pour une durée de 6mois non renouvelable ». Ainsi
le législateur sénégalais a posé des délais
particuliers et chiffrés en matière de détention
provisoire qui ne doit pas dépasser la limite du raisonnable .En
définitive l'article 127 bis crée un délai de 6mois pour
garder une personne en matière correctionnelle.
Seulement, la lecture de ces articles laisse poser un certain
nombre de question. Veulent ils dire que le législateur
sénégalais n'a prévu que la réglementation de la
seule détention provisoire des délits punis de peine
inférieure ou égale à 3ans ? A-t-il voulu supprimer
la détention provisoire lorsque la peine prévue est
supérieure à 3ans ?
B/ Une durée raisonnable de la
détention au regard de la complexité des investigations
nécessaires à la manifestation de la
vérité
Le juge doit veiller au respect du droit au délai
raisonnable de la procédure en fonction de la gravité des faits
reprochés à la personne mise en examen et de la complexité
des investigations nécessaires à la manifestation de la
vérité. Les juges du fond devront déterminer cette
durée en fonction des éléments connexes de chaque
affaire26(*), notamment
l'attitude du détenu lui-même (la fuite de l'inculpé ou la
commission de nouvelles infractions, de même ses propres recours
contribuent à l'allongement de la procédure 27(*) et celle des organes
d'instruction, lenteur injustifiée.
Dans cette perspective le législateur
sénégalais a intégré dans le code de
procédure bon nombre d'articles attestant de sa préoccupation du
droit d'être jugé dans un délai raisonnable. En effet
l'article 63 alinéa 3 généralise l'usage de la
procédure de flagrant délit dés lors que le prévenu
ne conteste pas les faits existants qui lui sont reprochés .Cette
procédure permet de juger le prévenu dés la
première audience. De plus les articles 381 a 385 du même code qui
régissent la procédure de flagrant délit attestent de la
volonté du législateur de faire juger les prévenus dans le
plus bref délai possible. A travers l'article 389 il est fait injonction
au juge de ne pas renvoyer plus de trois28(*) fois, une affaire qui est en état d'être
jugée. Dans ces différents articles le constat demeure qu'il
s'agit de procédure d'urgence ne nécessitant pas en principe des
investigations très poussées. De ce fait susceptible d'être
jugée à court terme .A côté de ces exigences, il
existe des conditions relatives aux autorités compétentes.
PARAGRAPHE II/ LES EXIGENCES RELATIVES AUX
AUTORITES COMPETENTES.
Il s'agit de deux principales obligations pesant sur les
autorités compétentes en matière de détention et
qu'elles doivent respecter: la surmotivation des décisions du juge
d'instruction intervenant après un certain délai de
détention provisoire (A) et la cessation d'office de la détention
si les conditions de l'article 127 du code de procédure pénale ne
sont pas réunies (B).
A/ La surmotivation des décisions du juge
d'instruction intervenant après un certain délai de
détention provisoire
A l'expiration du délai de la détention
provisoire, si son maintien apparaît nécessaire, ce que le juge
apprécie souverainement, elle peut être prolongée par
ordonnance motivée du juge d'instruction rendue sur réquisition
également motivée du procureur de la république, pendant
une nouvelle période, ainsi de suite, s'il est besoin jusqu'au jugement
de l'affaire au fond.
Ainsi ne serait ce que par respect du parallélisme des
formes, toute décision du juge d'instruction tendant à la
prolongation de la détention doit être motivée. En France,
c'est les articles 145-1 et suivants qui sont le fondement de cette
surmotivation. En effet aux termes de l'article
précité « en matière correctionnelle la
détention ne peut excéder 4 mois. Toutefois à l'expiration
de ce délai, le juge d'instruction peut la prolonger par une ordonnance
motivée... » . Et l'article145-2 d'énoncer
qu'en matière criminelle la personne mise en examen ne peut être
maintenue en détention au delà d'un an ; mais que sous
réserve des dispositions de l'article 145-5 le juge peut à
l'expiration de ce délai prolonger la détention pour une
durée qui ne peut être supérieure à 6 mois...
En définitive lorsque la durée de la
détention excède un an en matière criminelle et quatre
mois en matière correctionnelle, les décisions ordonnant sa
prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent
comporter des indications particulières qui justifient en
l'espèce la poursuite de l'information et le délai
prévisible d'achèvement de la procédure. Une exception
à cette obligation existe puisque le juge d'instruction n'est pas tenu
d'indiquer la nature des investigations auxquelles il a l'intention de
procéder lorsque cette indication risquerait d'entraver
l'accomplissement de ces investigations.
Faute d'un renouvellement, l'inculpé doit être
placé en liberté provisoire .Dans la pratique les mandats du juge
d'instruction sont automatiquement renouvelés .Les cas d'omissions
sont rapidement régularisés sur appel des régisseurs de
prison qui suivent de près l'évolution carcérale de
l'inculpé. La détention peut aussi prendre fin par la cessation
d'office.
B/ La cessation d'office de la détention
provisoire en l'absence des conditions posées par l'article
127
Il s'agit ici de la mise en liberté de droit. Elle a
lieu dans les cinq jours qui suivent l'interrogatoire de première
comparution. Elle est tout d'abord réservée selon l'article 127
du C.P.P. aux prévenus qui peuvent justifier de ces trois
conditions : être régulièrement domicilié au
Sénégal, n'encourir qu'une peine dont le maximum est
inférieur ou égal à trois ans (alinéa
1er) et n'avoir pas encore été condamné pour
crime ou à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour
délit de droit commun (alinéa 3).
Le régisseur de l'établissement où est
détenu l'inculpé peut de plein droit procéder à sa
libération immédiate, si au bout de 6 mois le juge chargé
de l'instruction ne renouvelle pas le mandat de dépôt par une
ordonnance motivée. Cette possibilité de la mesure ne concerne
que les délits correctionnels. Le juge d'instruction doit cependant
prendre l'avis du procureur général avant de prolonger la
détention provisoire de l'inculpé. Il peut après avis du
procureur de la république prendre spontanément de
lui-même la décision de mettre l'inculpé en liberté
provisoire comme ce dernier peut en formuler la demande.
Conformément donc aux solutions dégagées
par la Cour Européenne, le législateur sénégalais
précise que la mise en liberté du détenu doit être
ordonnée dès que les conditions présidant à un
placement en détention disparaissent. Il en est ainsi en cas de
disparition du motif ayant justifié le placement29(*) à fortiori la
détention doit-elle cesser lorsqu'il n'existe plus de raisons plausibles
de croire à la participation de l'intéressé à
l'infraction. Il reste cependant que l'appréciation de la durée
raisonnable est une question de fait échappant au contrôle du juge
de cassation ce qui implique par conséquent que sa censure n'intervient
que rarement, malgré les objectifs que son respect tend à
satisfaire.
CHAPITRE II : LES OBJECTIFS DU DELAI RAISONNABLE
DU PROCES PENAL
Ils se manifestent par une protection de différents
intérêts souvent antagonistes lors du procès pénal
à savoir les intérêts de la société, ceux de
la victime et enfin ceux de la personne faisant l'objet des poursuites. Ainsi,
dans le souci d'aboutir à un procès juste et équitable
(section I), un certain nombre de garanties est reconnu aux justiciables
(section II).
SECTION 1 : UN SOUCI D'UN PROCES JUSTE ET
EQUITABLE
Le droit à un procès équitable inclut
à notre sens le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable qui est désormais solidement ancré dans la
sphère des droits fondamentaux. Ce droit appartient à la
catégorie des droits à protection « quasi
absolue » et occupe une place non négligeable dans la
hiérarchie des valeurs protégées par les droits de
l'homme. Il s'agit selon Serge Guinchard de l'idée d'un
équilibre loyal des parties30(*) et pour le doyen Carbonnier le procès
équitable forme le droit naturel de la procédure31(*). Ainsi tenterons-nous de voir
les différents intérêts en cause (paragraphe I). En outre,
la lenteur procédurale est contraire au principe de la
présomption d'innocence (paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ LA PROTECTION DES INTERETS EN
PRESENCE
Même si c'est pour des raisons
differentes, chacune des parties à la procédure tient à ce
que la justice soit vite rendue (A) ; Il en est de même pour la
société à la tranquillité de laquelle il a
été porté atteinte (B).
A/ Un procès juste pour une protection de
l'intérêt des justiciables
La célérité de la procédure va
dans le sens de l'intérêt de la victime dont il faut hâter
l'indemnisation. En effet on peut noter conformément à l'article
deux (2) du code sénégalais de procédure pénale
que « l'action civile en réparation du dommage
causé par toute infraction appartient à tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage causé par l'infraction ».
Il va de soi alors qu'il s'agit ici d'un droit reconnu à toute personne
victime d'une infraction. En effet on ne saurait logiquement admettre qu'une
telle personne puisse accepter éternellement ou à long terme que
le coupable de son mal reste impuni.
Même si la détention provisoire est
considérée comme un outil au bénéfice de la
victime, elle demeure insuffisante à justifier le retard que pourrait
connaître le procès dans son dénouement. La
détention provisoire est insuffisante d'abord parce qu'il s'agit d'une
simple mesure préventive laissant à l'inculpé un certain
nombre de ses droits. Il faut en second lieu prendre en compte le fait que la
détention obéit à certaines conditions et de ce fait
n'intervient pas toujours. En effet elle n'est obligatoire que pour les crimes
contre la sûreté de l'Etat (article 56 à 100 C.P.)32(*) et pour le détournement
de deniers publics (article 252 du C.P.) .Elle devient interdite en
matière contraventionnelle et correctionnelle, lorsque le maximum de la
peine prévue est inférieure ou égale a 3ans et que le
domicile régulier du prévenu est situé dans le ressort du
tribunal compétent. Il en est de même lorsque le domicile n'est
pas situé dans le ressort du tribunal national, cas ou le prévenu
ne peut être détenu plus de cinq jours.
Relativement à la personne faisant l'objet des
poursuites, la lenteur du procès déstabilise l'individu et le met
dans une situation psychologique pénible. La situation des prisonniers
doit avoir un issu rapide. « C'est dur, très dur de passer 13
ans de sa vie en prison surtout quand on a 20 ans en y entrant. De l'enfance je
suis passé au stade adulte sans rien savoir des joies de la vie d'un
adolescent » , disait Ibrahima Diallo33(*). En effet Ibrahima Diallo est une des nombreuses
victimes de la lenteur de la justice pénale sénégalaise.
En fait il a gardé prison pendant 13 ans, pour des faits non
prouvés dont l'examen au niveau de l'instance judiciaire a fait
éclater son innocence. Le principe du droit à être
jugé dans un délai raisonnable vise précisément
à éviter l'existence ou la répétition des cas de
Ibrahima Diallo.
En outre, il faut éviter que les inculpés
subissent une longue détention qui excède la peine. Ce fut le cas
de Mamour Sarr lors des assises de juillet 1997à Dakar. Poursuivi pour
homicide volontaire sur la personne de sa victime Amadou Diouma Diallo, il a
été arrêté le 30avril 1989. L'instruction
terminée, son dossier n'a été inscrit au rôle de la
cour d'assise que le 15 juillet 1997 soit 8ans 2 mois 18 jours après les
faits. Reconnu coupable il a été condamné à 5ans de
travaux forcés et 7.000.OOO de dommages et intérêts aux
ayant droits du de cujus. Les portes de la prison lui furent ouvertes le jour
même du verdict de la cour d'assise puisqu'il avait déjà
largement purgé sa peine pendant longue détention provisoire.
La question est alors de savoir si on peut réellement
réparer ce préjudice ? Peut on attaquer l'Etat pour
demander réparation du préjudice subi ? Aux termes de
l'article 141 C.O.A34(*). « Le dommage causé par le
fonctionnement défectueux d'un service public...n'est
réparé que sous la forme de dommages et
intérêts ». De plus l'article 142 du même
code édicte que les tiers et usagers ont droit à la
réparation du dommage causé par le fonctionnement
défectueux du service public. Toutefois il faut signaler que
contrairement à la France, il n'existe pas au Sénégal un
texte spécial pour réparer les graves injustices. En France
c'est la loi du 17 juillet 1970 et on peut dire qu'un texte similaire s'impose
pour le Sénégal.
Au cas contraire, on pourrait assister avec amertume et
regret au strict spectacle de la libération tardive d'un accusé
ou d'un coupable à chaque session de cours d'assises. Une telle
situation provoque des sentiments de révolte et de frustration à
l'égard de l'institution chargée de rendre la justice. De plus
avec le temps, l'obtention des preuves se fait plus difficilement et c'est
d'ailleurs cette idée qui est l'un des fondements de la prescription de
l'action publique.
Une autre explication peut être donnée de
l'exigence du délai raisonnable mais relative cette fois à la
société.
B/ Un procès juste dans
l'intérêt de la société
En ce qui concerne la société, il n'est pas de
doute que l'opinion publique réclame un châtiment rapide et
surtout pour les infractions les plus graves. En effet ici
l'intérêt réside dans le fait que la procédure
pénale constitue la mise en oeuvre du droit pénal et
révèle les idées que l'on se fait à propos de la
protection des libertés individuelles et surtout de celle des
intérêts sociaux. Cela implique de ce fait que le procès
pénal organisera une répression plus ou moins
sévère qui n'est cependant efficace que si son issu intervient
dans la célérité. La violation de cette exigence porte
atteinte tant à la crédibilité de la justice qu'à
son efficacité pour assurer la protection sociale.
Admettons par exemple le principe aujourd'hui admis dans la
quasi-totalité des Etats, celui de la rétroactivité de la
loi pénale plus douce. Il n'est pas de doute que ce principe ne joue pas
en faveur de la société qui veut généralement que
la sanction soit la plus lourde possible. Il s'avère alors opportun de
statuer sur l'affaire avant que de nouvelles lois entrent en vigueur.
C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le bref
délai de la procédure ou à tout le moins un délai
raisonnable constitue un pilier d'une bonne justice. Sans doute un
problème surgit lorsqu'il s'agit de déterminer avec
précision l'effet immédiat d'une nouvelle loi sur un
procès en cours. Le déroulement partiel de l'instance
empêchera-t-il l'application du nouveau texte ? La jurisprudence
française décide de façon constante que la nouvelle loi
plus douce doit être appliquée tant que le procès n'est pas
irrévocablement clos, et notamment lorsque les faits, après avoir
été jugés au premier degré sont soumis à la
cour d'appel 35(*) ou
à la cour d'assises36(*). En définitive, pour une meilleure
prévention des réactions de la société et un
meilleur respect de ses exigences, la célérité
procédurale demeure une nécessité.
PARAGRAPHE II/ UN SOUCI DU RESPECT DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE
La présomption d'innocence dont
bénéficie toute personne accusée dans un procès est
incompatible avec la lenteur du procès pénal (A). Et pourtant
malgré la proclamation du principe de l'innocence
présumée, la détention des inculpés reste
maintenue. Ce qui est un paradoxe (B).
A/ L'incompatibilité entre la
présomption d'innocence et la lenteur du procès pénal
Le principe de la présomption d'innocence est un
principe sacré en droit criminel. D'un point de vue textuel il a
été affirmé avec éclat dans une déclaration
de Louis XIX en date du 1 mai 1788 selon laquelle « le premier de
tous les principes en matière criminelle ... veut qu'un
accusé fut il condamné en première instance soit toujours
réputé innocent aux yeux de la loi jusqu'à ce que la
sentence soit confirmée en dernier ressort ».
Elle est reprise par l'article 3 de la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 141 de la
déclaration universelle des droits de l'homme élaborée par
l'ONU en 1948. L'article 6 sous section 2 de la convention européenne
des droits de l'homme et l'article 14 du pacte relatif aux droits civils et
politiques ne disent pas autre chose.
Ce principe est aujourd'hui consacré par notre
législation pénale. En effet toute personne
soupçonnée ou suspectée est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
établie. Les atteintes à ce principe sont prévenues,
réparées et réprimées. Il paraîtrait
arbitraire de limiter la présomption d'innocence uniquement aux
règles de preuves, puisqu'elle doit régir toute l'instance
répressive.
Ce serait illogique de faire durer la procédure
pénale ce qui serait en contradiction avec l'innocence
présumée. C'est pour cela que le doyen Carbonnier
écrivait « Scientifiquement, il ne devait pas y
avoir, tant que le procès pénal est en cours, de préjuger
sur la culpabilité ou la non culpabilité de
l'inculpé : ni de présomption d'innocence comme celle que
proclame un peu imprudemment la déclaration des droits, ni a rebours,
de présomption de délinquance ... Ni l'une ni l'autre
présomption mais une condition juridique neutre
d'inculpé... »37(*) Indépendamment de cette approche, ce principe
est aujourd'hui critiqué voire décrié.
Certains auteurs considèrent qu'il est malade et qu'il
constitue une grande hypocrisie du droit pénal car proclamé puis
contourné et méconnu. Même s'il est vrai que la garantie et
la sanction des droits proclamés ne sont pas toujours pleinement
assurées cela ne doit pas être une raison de la remise en cause
ou de la suppression de la présomption d'innocence.
Seulement on ne doit pas oublier que la situation de
présumé innocent avec tous les avantages qu'elle comporte ne
saurait être conçue de sorte à sacrifier la protection de
la société notamment par une accélération de la
procédure pour une affaire nécessitant des investigations
poussées pour la manifestation da la vérité. Parler
d'investigations poussées renvoie nécessairement au
mécanisme de la détention provisoire.
B/ Le caractère paradoxal de la
détention provisoire
D'aucuns se demandent comment peut on être
présumé innocent et voir sa liberté restreinte dans le
cadre de la garde à vue ou de la détention provisoire, pouvant
dans certains cas avoir une très longue durée ? En effet, la
détention provisoire est très grave car fait subir à la
personne soupçonner ou à l'inculpé l'équivalent
d'une peine avant même l'intervention d'une décision
définitive et semble contraire à la présomption
d'innocence. Ne doit t-on pas, pour assurer le respect du principe
tutélaire, denier aux organes répressifs le droit de porter
atteinte a la liberté d'aller et de venir ? En effet le respect de
la présomption d'innocence d'un inculpé apparaît
difficilement inconciliable avec la détention provisoire. Entre celle-ci
et celle la il existe une certaine antinomie.
Priver une personne de sa liberté, une personne
simplement soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit
équivaut à une présomption de culpabilité,
à une infliction de sanction avant une reconnaissance de
culpabilité et une condamnation par une juridiction. En violation de ce
principe, le constat a été fait du nombre considérable des
détenus en attente de procès. Peut on alors conclure à
l'abus fait par les juges de la faculté qui leur est offerte par
l'article 113 C.P.P. de placer les suspects en détention ou sous
contrôle judiciaire. En outre s'il consacre le concept de la
présomption d'innocence, le droit sénégalais n'en contient
pas moins des lois qui la violent. Il en est ainsi de la loi n° 81-53 du
10juillet 1981 qui pose une présomption de culpabilité38(*).
Seulement force est de reconnaître que les individus ne
sont pas mis en détention provisoire n'importe comment, puisque les
magistrats doivent procéder antérieurement à cette grave
mesure à une appréciation des charges. Il ne faut pas oublier
aussi que des considérations essentiellement d'ordre pratique justifient
ce mal nécessaire et utile. En effet la détention provisoire est
aujourd'hui appliquée par la totalité des pays dans
l'intérêt de l'inculpé lui-même comme dans
l'intérêt de la défense sociale et de la répression.
On sait que la détention de l'individu constitue le meilleur moyen de le
mettre à l'abri des réactions de vengeance de la victime ou de la
foule, témoin de la commission de l'infraction, et d'éviter que
l'inculpé commette de nouveaux forfaits.
En définitive, la détention provisoire est un
paradoxe puisqu'elle va a l'encontre de la présomption d'innocence de
tel sorte qu'il faut chercher un juste milieu c'est-à-dire
l'équilibre entre les impératifs d'une défense sociale et
le principe résultant de la présomption d'innocence et des droits
dus à la défense par l'instauration d'un procès dans un
délai bref. Ace niveau, des garanties sont posées.
SECTION II/ LES GARANTIES POUR UN RESPECT EFFECTIF DU
DELAI RAISONNABLE DE LA PROCEDURE
Le droit au délai raisonnable de la procédure ou
d'être jugé dans la célérité a fait l'objet
d'une jurisprudence importante. La violation de ce droit soulève la
question des actions en délai excessif (Paragraphe I) et fait l'objet de
sanctions (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ LES ACTIONS EN DELAI EXCESSIF DU
PROCES PENAL
Elles sont relatives d'une part aux actions tendant à
faire juger du caractère déraisonnable de la procédure
avant jugement (A) et d'autre part à l'action en délai excessif
de jugement (B).
A/ Les actions en délai excessif de la
procédure
Ici il faudra entendre par procédure tous les actes
effectués tant qu'on n'est pas dans la phase de jugement. A ce niveau,
deux axes se dégagent: l'action en délai excessif d'instruction
et l'action en délai excessif de détention provisoire, ces
actions étant consacrées par le droit français.
Au premier regard, s'il l'estime nécessaire, la partie
mise en examen, la partie civile ou le témoin assisté peut
demander la clôture de la procédure d'instruction passé un
certain délai39(*).
Il s'agit d'un délai d'achèvement de l'instruction fixé
par le juge d'instruction lors de la première comparution ou de la
première audition40(*). Les parties peuvent également demander la
clôture de la procédure lorsque aucun acte d'instruction n'a
été accompli durant un délai de quatre mois.
Le juge d'instruction dispose d'un délai d'un mois
pour rendre une ordonnance motivée. Il peut faire droit à la
demande et procéder au règlement de la procédure, en
notifiant aux parties l'avis de fin d'instruction. Il peut rejeter la demande
s'il décide de poursuivre l'instruction. Les parties peuvent saisir le
président de la chambre de l'instruction dans les cinq (5) jours
suivants le délai d'un mois. Il s'agit d'une saisine directe et non d'un
appel.
Cette réglementation découle d'une
évolution car le code de procédure pénale de 1958 n'avait
doté la défense d'aucune action lui permettant de réagir
contre la durée excessive de la procédure et d'en demander la
clôture41(*).
Parallèlement, en droit sénégalais, le
président de la chambre d'accusation s'assure du bon fonctionnement des
cabinets d'instructions du ressort de la chambre d'accusation. Il s'emploie
à ce que les procédures ne subissent aucun retard
injustifié. A cette fin l établit chaque trimestre, dans chaque
cabinet d'instruction un état de toutes les affaires en cours portant
mention, pour chacune, la date du dernier acte d'information
exécuté.
Il sera aussi particulièrement intéressant
d'étudier l'action en délai excessif de la détention
provisoire. Cette action permet à la défense d'obtenir d'une
juridiction une décision constatant le caractère excessif de la
détention provisoire avant le jugement de la personne
poursuivie42(*). Lors des
procédures de demande de mise en liberté, la défense a la
possibilité de faire juger le délai excessif de la
détention du prévenu au regard de l'article 5.3 de la convention
européenne des droits de l'homme. Cet article prévoit que toute
personne a le droit d'être libérée durant la
procédure avent son procès, passé un délai
raisonnable de la détention43(*).
Et les articles 127 et 127 bis du code
sénégalais de procédure pénale fixent quant
à eux des durées précises de détention provisoire
avant procès. En effet, pendant la phase d'instruction en matière
correctionnelle, la détention d'une personne avant jugement est
limitée à cinq (5) jours lorsque le maximum de la peine est
inférieure ou égal à trois (3) ans. Cela est valable pour
l'inculpé régulièrement domicilié au
Sénégal et qui n'a pas déjà été
condamné pour crime ou à une peine d'emprisonnement de plus de
trois (3) mois sans sursis pour délit de droit commun.
Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut se tenir avant
l'expiration du délai prévu de détention provisoire, le
tribunal peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant
les raisons de fait et de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire,
ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle
durée.
B- Les actions en délai excessif de
jugement
Il faut d'emblée signaler que le code
sénégalais de procédure pénale ne prévoit
aucune action spécifique permettant de faire juger la durée
excessive d'une instance de jugement, au regard de l'article 6.1 de la
convention européenne des droits de l'homme. Le code français de
procédure pénale reste aussi muet sur la question44(*).
C'est la cour de cassation française qui donne quelques
éclaircissements. Elle juge qu'une durée excessive n'entache pas
de nullité la procédure et n'ouvre qu'un droit à
réparation du préjudice subi qui a pu en résulter45(*). En l'état du droit
positif alors, l'action en délai excessif de jugement est donc une
action indemnitaire qui doit être portée devant le tribunal de
grande instance46(*) et
devant la cour européenne des droits de l'homme.
PARAGRAPHE II/ LES SANCTIONS DU DELAI EXCESSIF DU
PROCES PENAL
Conformément aux principes généraux du
droit et au souci de préserver la dignité humaine, on
considère que les autorités judiciaires et non l'accusé
doivent accélérer la procédure. L'inexécution de
cette exigence n'entraînant pas la nullité de la procédure
(B), il convient d'abord de voir la réparation du préjudice
découlant de son non respect (A).
A- La réparation du préjudice
dû au délai déraisonnable
Seul le préjudice causé par la détention
provisoire est pris en compte. Ainsi, n'entrent pas dans les prévisions
ni les dommages résultants d'une mesure de contrôle judiciaire ni
celui provoqué par la diffusion d'articles de presse relatif au
demandeur ni encore l'atteinte à la présomption d'innocence
résultant de l'engagement des seules poursuites pénales47(*).
L'évaluation du préjudice tient compte de la
perte de revenus subi pendant la détention ou après
l'élargissement si un licenciement est intervenu du fait de
l'incarcération. Elle comprend les salaires et les congés
payés ainsi que la perte de chance de retrouver un emploi à
condition qu'elle soit directement liée à la détention.
Moralement, le préjudice peut être apprécié en
tenant compte de l'âge, des éléments de la
personnalité, de l'environnement familial et social...
En l'absence de droit européen du droit à
réparation des conséquences dommageables d'une détention
provisoire injustement subi par un innocent, il appartient aux Etats de
légiférer comme ils l'entendent en la matière48(*).
Dans cette perspective donc, l'action en réparation
suppose qu'un préjudice ait été causé. S'agissant
du dépassement du délai raisonnable, le dommage paraît
réalisé dès que la durée de la procédure
excède la mesure du raisonnable: il en découle que le dommage
peut être considéré comme établi alors même
que le processus judiciaire se poursuit49(*).
Cependant il faut signaler qu'il n'y a pas de texte
spécial dans notre législation pénale pour réparer
les grandes injustices qu'inflige le fonctionnement défectueux de notre
système judiciaire50(*). Les seuls textes dont peuvent se prévaloir
les justiciables, pour obtenir réparation, sont les articles 141 et 142
C.O.A. précités.
En droit comparé, certains pays sont allés plus
loin s'agissant du droit à réparation. C'est le cas de la France.
En effet, modifié par la loi du 15 juin 2000 et celle du 30 septembre
2000, l'article 149 du code de procédure pénale a introduit un
principe de réparation intégrale du préjudice subi par la
personne qui a été détenue au cours d'une procédure
terminée à son égard par une décision de non lieu,
de relaxe ou d'acquittement devenue définitive51(*).
En dehors du code de procédure pénale, le
législateur français a adopté une loi du 30 juin 2000
insérant un article 21 ter dans le titre préliminaire du code
d'instruction criminelle: "si la durée des poursuites pénales
dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la
condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer
une peine inférieure à la peine minimale prévue par la
loi".
Au surplus la position de la cour européenne est la
suivante: les juridictions nationales doivent appliquer une sanction
conformément à leur système juridique: les sanctions
suivantes ont été admises: acquittement, réduction de
peine, irrecevabilité des poursuites et abandon des poursuites par le
parquet52(*).
La sanction doit respecter certaines conditions : être
adéquate, convenable et constituer une juste réparation53(*). Ainsi une réduction de
la peine doit être réelle, mesurable, suffisante eu égard
à l'étendue de la violation alléguée et constituer
clairement la sanction apportée au dépassement du délai
raisonnable. D'une manière générale la cour se montre
très sévère, compte tenu de l'importance, pour l'Etat de
droit, de l'efficacité et de la crédibilité de la justice
que sape l'excessive lenteur des procès54(*).
En découle l'obligation pour l'Etat d'organiser son
système juridictionnel de manière à pouvoir satisfaire les
exigences de l'article 6.1 de la convention européenne des droits de
l'homme.
Toutefois une personne mise en examen saurait elle se fonder
sur une prétendue durée excessive pour arguer de la
nullité de celle-ci? La cour de cassation estime que non.
B/ L'absence de nullité de la
procédure pour cause de durée excessive.
Ne pourrait on pas soutenir que les articles 6.1 de la
convention européenne des droits de l'homme et 7 de la charte africaine
des droits de l'homme étant d'ordre public, la sanction de la violation
d'une règle d'ordre public est la nullité55(*).
En effet, dans l'hypothèse où la personne est
détenue, la sanction du non respect du délai raisonnable ou de
bref délai est immédiate. Il s'agit en d'autres termes de la mise
en liberté d'office.
Certains auraient souhaité aller plus loin et attacher
une nullité de procédure à la méconnaissance du
délai raisonnable.
Une telle position paraît cependant difficile à
soutenir, et l'on ne voit pas en quoi les actes de procédure seraient
entachés de nullité.
La chambre criminelle a statué sur ce problème
et posé le principe suivant, applicable à tous les justiciables,
libres ou détenus. "Si, en application de l'article 6 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
dans un délai raisonnable, la durée excessive d'une
procédure pénale n'entraîne pas la nullité. Elle
permet seulement à celui qui en aurait souffert de saisir
éventuellement la juridiction nationale compétente d'une demande
en réparation ou, s'il y'a lieu, de saisir la commission
européenne des droits de l'Homme"56(*).
La cour de cassation a rajouté que si un arrêt
de la cour européenne des droits de l'Homme, constatant dans une affaire
le non respect du délai raisonnable au sens de l'article 6.1, permet
à celui qui s'en prévaut de demander réparation, il est
sans incidence sur la validité des procédures relevant du droit
interne57(*). La solution
de cet arrêt est réaffirmée par une décision du 4
mai 199458(*).
Souhaiter que la justice soit bien rendue implique non
seulement que la décision du juge soit juridiquement correcte mais aussi
qu'elle intervienne dans un délai utile. Il suffit pourtant de lire
certains arrêts des juridictions pour constater que la revendication
d'une accélération du service public de la justice est devenue
générale et la règle vaut aussi au Sénégal.
Toutefois en ce qui le concerne nous verrons d'abord les manquements
constatés dans le système judiciaire (chapitre I) puis les
solutions préconisées (chapitre II).
CHAPITRE I /LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS LE SYSTEME
JUDICIAIRE SENEGALAIS
Nous pensons que la justice ne doit pas être
administrée avec des retards à en compromettre la
crédibilité. La procédure devrait être synonyme de
respect des droits de la défense et donc des libertés
individuelles.
Toutefois en ce qui concerne notre pays, le constat est que
généralement les procès connaissent un issu trop lent. Eu
égard à cet état de fait, certains en concluent au mal du
système sénégalais dans la recherche de
l'efficacité ou tout simplement critiquent le système
répressif sénégalais (section I).
Par ailleurs, en l'absence de définition exacte de la
notion de délai raisonnable et à en juger le caractère
ambigu de la notion (section II), on se rend compte la lenteur n'a pas comme
seule cause la défaillance du système.
SECTION I/ UNE EFFICACITE CRITIQUEE DU SYSTEME
REPRESSIF SENEGALAIS
L'exigence d'une justice rendue avec
célérité n'est pas respectée au
Sénégal. Plusieurs facteurs entraînent un encombrement des
rôles dans les tribunaux, de sorte que les dossiers restent des
années sans être traités. Il est par ailleurs
fréquent de voir des accusés faire plusieurs années de
détention dans l'attente d'un jugement. Parmi ces facteurs, nous
retiendrons, principalement, les facteurs d'ordre administratif (Paragraphe I)
et les facteurs d'ordre juridique (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ UNE EFFICACITE CRTIQUEE AU PLAN
ORGANIQUE
Pour un bon fonctionnement du système
répressif, une bonne administration de la justice s'avère
importante. Au Sénégal les insuffisances ressortent aussi bien au
niveau des institutions judiciaires (A) qu'au niveau du personnel judiciaire
(B).
A/ Au niveau des institutions
judiciaires
Il s'agit des organes chargés de dire le droit à
savoir les juridictions. Notre étude portera sur leurs moyens
matériels, leur répartition, leurs structures.
Les problèmes d'équipement sont primordiaux
pour un bon fonctionnement de la justice, or l'on constate que la justice
sénégalaise fonctionne dans un état de pénurie.
Les moyens matériels font justement défaut, en
raison de l'augmentation du contentieux en général et de la
multiplication des conflits et affaires judiciaires en particulier. Il faut
mieux organiser, pour éviter les pertes de temps et encombrements.
L'insuffisance des cabinets d'instructions, chargés de réunir les
preuves entrave par voie de conséquence à la
célérité.
La décentralisation au niveau judiciaire devrait
être poursuivie. Il faut mettre en place par exemple, de nouvelles cours
d'appels. En effet on sait qu'il y'a quatre cours d'appels au
Sénégal. La cour d'appel de Dakar reçoit en appel les
jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de Dakar, Thiès et
Diourbel. La cour d'appel de Kaolack a comme ressort les tribunaux
régionaux de Kaolack, Fatick et Tamba. La cour d'appel de Saint Louis
connaît en deuxième degré les litiges jugés en
première instance par tribunaux de Saint Louis et Louga. Enfin, la cour
d'appel de Ziguinchor est compétente pour les tribunaux de Ziguinchor et
Kolda. La concentration judiciaire demeure un inconvénient majeur
entraînant très souvent des lenteurs excessives.
En tout état de cause, les lenteurs dues par ces
facteurs sont imputables à l'Etat, sans que ce dernier puisse se
retrancher derrière les lacunes essentielles de sa loi nationale ou de
la complexité de son organisation judiciaire59(*).
Dans cette même perspective, l'extension du nombre des
cours d'assises est à envisager pour éviter d'acquitter des
détenus après jugement ou encore de libérer aux assises
des personnes ayant purgé la totalité de leur peine avant
jugement60(*).
En outre, il est difficile de concevoir que l'institution
judiciaire puisse fonctionner en l'absence d'une informatisation. A ce niveau
une attention particulière est à observer, au sujet notamment de
la cyber criminalité. Là encore, les magistrats
sénégalais en particulier sont en retard et des efforts seraient
entrain d'être faits pour remédier à un tel obstacle.
On ne saurait, enfin s'abstenir de dire que parmi les causes
de la lenteur de la justice sénégalaise figure aussi, le principe
de l'unification. Il s'agit d'un principe qui veut que tous les litiges soient
portés dans le même ordre de juridiction. Plusieurs raisons ont
été avancées pour expliquer l'option du
législateur sénégalais61(*). A l'instar de la France, le Sénégal
devrait aller dans le sens de la séparation62(*). Ainsi les tribunaux seraient
partagés entre un ordre judiciaire et un ordre administratif qui
représentent deux pyramides hiérarchisées de tribunaux,
relevant, chacun, d'une juridiction suprême qui lui est propre et qui
peut annuler ses décisions.
Bien organisées, les juridictions peuvent dès
lors fonctionner grâce à un personnel judiciaire qu'il convient
d'étudier.
B/ Au niveau du personnel
judiciaire
Deux conditions sont particulièrement
nécessaires pour qu'une justice soit rendue dans un délai
raisonnable : il s'agit d'une part d'augmenter les ressources humaines et
d'assurer aux agents chargés de rendre la justice une
indépendance par rapport à toute influence externe. L'exigence
d'une justice rendue avec célérité n'est pas
respectée au Sénégal. Le déficit de personnel
entraîne comme conséquences des lenteurs et des dénis de
justice. Il est de ce fait plus qu'important de renforcer les moyens humains.
Parler de respect du délai raisonnable implique l'impérieuse
nécessité de revoir les moyens humains au premier rang desquels
figurent les magistrats chargés de rendre la justice.
Pour que les tribunaux puissent siéger avec la
célérité qui sied, il ne suffit pas seulement d'augmenter
le nombre de magistrats recrutés. Encore faudrait il que ceux-ci
bénéficient d'un statut leur permettant de préserver leur
indépendance ou de résister aux pressions qui s'exercent sur eux.
En vérité, chaque jugement, parce qu'il
prétend à l'instauration d'une justice sert au-delà du
bien commun qu'il vise, un intérêt particulier : celui pour
la personne poursuivie de connaître son sort à l'issu d'un
procès équitable tenu dans un délai raisonnable.
Mais ne nous y trompons pas, telle mission ne pourra
être accomplie avec succès que si les magistrats disposent d'un
environnement convenable, des moyens de travaux suffisants voir performants et
surtout d'une rémunération raisonnable. Balzac ne disait il pas
déjà au dix neuvième (19ème)
siècle la même chose lorsqu'il
écrivait : «Aujourd'hui, le magistrat, payé
comme un fonctionnaire, pauvre pour la plupart du temps a troqué sa
dignité d'autrefois contre une morgue qui semble intolérable
à tous les égards qu'on lui fait ; car la morgue est une
dignité qui n'a pas de point d'appui. La gît le vice de
l'institution actuelle »63(*) .
C'est donc dire que les lenteurs de la justice pénale
en général et du procès pénal en particulier ont,
au Sénégal, des causes liées aux facteurs
économiques, politiques, et socioculturels ; des causes
liées aux effectifs judiciaires ; et enfin des causes relatives
à la procédure quant à la saisine des juridictions
pénales et quant au règlement des dossiers et le temps des
actes.
Au même titre que ces facteurs administratifs, il
existe des facteurs qui sont inhérents à la rédaction
même de notre code de procédure pénale et qui sont
considérés comme étant d'ordre juridique.
PARAGRAPHE II/ UNE EFFICACITE CRITIQUEE AU PLAN
MATERIEL
Les éléments constitutifs de la lenteur, au plan
matériel, sont de deux ordres. Ils tiennent à la fois de
l'absence de garantie temporaire en matière criminelle dans le C.P.P.
(A), et à l'existence de differentes phases de la procédure et
qui sont incontournables à certains égards (B).
A/ L'absence de garantie temporaire de
détention provisoire en matière criminelle dans le
C.P.P.
La détention provisoire rappelons-le est d'une
durée de six (6) mois renouvelable en matière de délit
mais en matière criminelle il n'y a pas de limite de temps.
D'un côté, même si elle est critiquable,
l'absence de limite de temps de détention en matière ce crime,
peut être considérée comme une nécessité
impérieuse. On peut redouter, en effet que le délinquant ne
prenne la fuite, continue son activité criminelle, fasse pression sur
des témoins, détruise les indices de son acte, les obligations du
contrôle judiciaire s'avérant à exclure de tels risques. En
outre la détention peut utilement protéger le délinquant
contre certaines réactions de vengeance et même faciliter, dans
une politique de défense sociale, son observation, voire l'application
d'un traitement médical ou médico-psychologique.
Mais d'un autre côté, il s'agit d'une lacune
très grave de la part du législateur. Elle est d'abord, de toute
façon, pleine d'inconvénients pour l'inculpé, à la
fois sur le plan psychologique et social et sur le plan juridique. A cet
égard il fait peser sur l'individu une véritable
présomption de culpabilité entraînant une augmentation des
risques de condamnation et déterminant parfois un durcissement de la
répression en incitant le juge à prononcer une peine
d'emprisonnement au moins égale à la durée de la
détention.
En droit comparé, plus particulièrement en
France, l'article 145-1 du code de procédure pénale décide
que dans le principe, la détention en matière criminelle ne
saurait dépasser un (1) an. Toutefois un dépassement est possible
pour une durée de six (6) mois, laquelle durée est renouvelable
selon des ordonnances rendues après débat contradictoire et
indiquant le délai prévisible d'achèvement de la
procédure64(*).
Mais, règle importante, les prolongations sont
plafonnées en ce sens que la détention ne saurait dépasser
deux (2) ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt
(20) ans de réclusion ou de détention criminelle et trois (3) ans
dans les autres cas, voire quatre (4), lorsque les faits ont été
commis hors du territoire national et aussi lorsque la personne est poursuivie
pour plusieurs crimes65(*). En résumé la détention en
matière criminelle en France peut être d'un (1) an, de deux (2)
ans, de trois (3) ans et ne peut dépasser quatre (4) ans.
C'est dire alors que le justiciable sénégalais
ne devrait pas être tenu de répondre du silence de la loi et subir
arbitrairement une détention dont la cessation ne dépend que de
l'action des autorités judiciaires. Cette situation conduit souvent le
jugement à accuser un retard ce qui a pour conséquence le
dépassement du délai raisonnable de la procédure.
B/ L'existence de quatre phases difficilement
contournables
Hormis le cas de flagrant délit, qui est une
procédure rapide car l'auteur de l'infraction est traduit sur le champ
devant la justice par le procureur de la République après une
instruction sommaire du dossier66(*), ce qui évite toute perte de temps, tout
procès pénal connaît généralement, quatre
phases que sont : l'enquête, la poursuite, l'instruction et le
jugement. Ces étapes du procès pénal peuvent être
divisées en deux ordres à savoir une phase préparatoire du
procès et une phase décisoire qui est le point d'aboutissement
du processus pénal.
On constate donc que par la simple application de la loi, on
peut être confronté à des situations où le
procès peut avoir, à la limite, un dénouement lent.
Dans le procès pénal, la phase
préparatoire est le stade de la recherche de la preuve et est
caractérise par l'intervention respective de la police judicaire et du
juge d'instruction. Elle coïncide avec l'enquête, effectuée
pour l'essentiel par les officiers de police judiciaire, la poursuite
diligentée par les parties poursuivantes et l'instruction menée
par le juge d'instruction et la chambre d'accusation.
L'enquête est la phase du procès pénal
qui se déroule avant le déclenchement des poursuites. Il existe
deux (2) grandes formes d'enquête : celle qui est menée aux
fins de l'identification de l'identité de la personne et celle, plus
importante, qui est conduite aux fins d'élucidation des faits. Selon le
C.P.P., l'enquête concerne deux (2) modalités67(*).La poursuite est normalement
déclenchée par le ministère public ou la partie
lésée
Au cours de la phase de l'instruction, un magistrat
spécialisé, le juge d'instruction, recherche, sous le
contrôle de la chambre d'accusation, s'il existe contre un individu des
charges sérieuses justifiant le renvoi de celui-ci devant la juridiction
de jugement. L'instruction est donc la phase du procès où
s'effectue « la mise en état de l'affaire ».
Elle est aussi appelée information. Comme l'enquête donc,
l'instruction par le juge tend à la recherche des éléments
qui, ultérieurement permettront à la juridiction de jugement, si
elle est saisie, de porter une appréciation sur l'infraction et son
auteur.
Il existe une théorie commune à ces trois
stades. C'est la recherche de la preuve qui apparaît comme l'objet
essentiel de la phase préparatoire.
La phase décisoire marque l'aboutissement du processus
pénal. Elle a, en effet, pour objet deux questions : celle de la
culpabilité et celle de l'application de la peine.
Son importance est parfois négligée par certains
esprits qui sont impressionnés par le fond de l'enquête et de
l'instruction préparatoire - parfois des années d'instruction et
une demi heure d'audience- et aussi par le fait que la décision de
renvoi apparaît comme une pre-condamnation.
Les variations les plus importantes de cette phase concernent
le jugement des crimes par la Cour d'Assises, le jugement des délits et
enfin quelques procédures exceptionnelles.
Par le jugement une première décision est
prise par une juridiction dite de premier degré. Par la suite, des
recours pourront être intentés par les parties contre cette
décision, par l'effet desquelles l'affaire est rejugé en fait et
en droit par les juridictions de fond.
SECTION II/ L'AMBIGUITE DE LA NOTION DE DELAI
RAISONNABLE
Les arrêts sur l'exigence d'une procédure
opérant dans un délai raisonnable sont nombreux. Les textes de
base sont évidemment les articles 6.1 de la C.E.D.H. et 7 de la C.A.D.H.
Il s'agit à la lecture de ces textes d'éviter la lenteur
excessive de la justice tout en évitant à la personne en cause de
subir longtemps une très grande incertitude sur son sort.
Cependant, vu qu'aucune législation ne définit
la notion de délai raisonnable, les juridictions ont comblé ce
vide, en déterminant cas par cas s'il y'a ou non dépassement du
délai raisonnable. Dans tous les cas son application suppose la
réponse à deux questions : il convient d'abord de
déterminer le délai de la procédure. C'est ce que la cour
européenne appelle la période à prendre en
considération (Paragraphe I). Il faut ensuite qualifier le délai,
ce qui donne lieu à son appréciation (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ LA DETERMINATION DE LA PERIODE PRISE
EN COMPTE
Afin d'être en mesure de se prononcer sur le
caractère raisonnable ou non de la durée de la procédure,
il est logique de s'intéresser à la procédure dans son
intégralité. A cet effet la période de
référence s'étend du premier jour de la procédure
(A) à son dernier jour (B).
A/ La fixation du point de départ de la
procédure
Le point de départ de la procédure en
matière de procédure pénale est aussi appelé le
« dies a quo ». Contrairement à ce qui se passe en
matière civile où le délai raisonnable commence, en
principe, à courir à partir de la saisine du tribunal68(*), en matière
pénale, la question fait l'objet de controverses.
Au sens de l'article 6.1, le délai court à
partir du moment où la personne se trouve accusée. La notion
d'accusation s'entend de façon autonome et non par
référence au droit national. Il peut s'agir de la date
d'arrestation antérieure à la saisine de la juridiction de
jugement.
Dans un premier temps la cour prend en compte le
critère de mise en accusation formelle, c'est-à-dire soit les
premières accusations69(*), soit de l'arrestation70(*)
Dans un second temps, la cour entend par accusation soit la
notification officielle de reproche d'avoir commis une infraction pénale
par arrestation, placement en détention provisoire, audition71(*) , soit le moment
où la personne a le sentiment d'être soupçonnée
d'une infraction pénale72(*).
La position de la cour de cassation française est
similaire, sauf que cette cour précise que ce délai ne court
qu'au moment où l'intéressé est accusé de faits
punissables auxquels se rapporte l'action publique, c'est-à-dire
lorsqu'il vit sous menace de poursuites judiciaires en raison de tout autre
acte d'enquête ou d'information. Il faut qu'il en résulte des
conséquences directes sur sa situation personnelle, notamment parce
qu'il s'est vu obliger de prendre certaines mesures afin de se défendre
des accusations portées contre lui73(*).
Notera t-on que dans l'arrêt Eckle du 15 juillet 1982,
la cour a pris en considération la date à laquelle le
requérant avait reçu notification d'un mandat de saisie et de
perquisition alors que dans l'arrêt Corigliano du 10 décembre
1982, elle devait retenir la date à laquelle était parvenue au
requérant la « communication judiciaire »,
délivrée par le parquet informant officiellement
l'intéressé de l'ouverture d'une procédure pénale
contre lui.
Lorsqu'il s'agit d'infraction collective, la cour
européenne détermine le point de départ du délai
par rapport à n'importe quel fait qualifié infraction faisant
l'objet des poursuites. En revanche, la cour de cassation estime qu'en
matière d'infraction collective, l'ensemble des infractions doit
être jugé dans un délai raisonnable, qui ne peut commencer
à courir qu'a la date où la personne poursuivie s'est
trouvée dans l'obligation de se défendre du chef du dernier fait
manifestant l'intention frauduleuse74(*).Une fois le point de départ fixé, il
faut voir la date à laquelle la procédure prend fin.
B/ La fixation du terme de la procédure
Le délai à apprécier couvre l'ensemble
de la procédure en cause, y compris les instances de recours même
en cassation éventuellement75(*).
Le principe applicable à la détermination du
début de la période vaut également pour la fin de
celle-ci, en ce sens que la période en question dure jusqu'à ce
que la situation de l'intéressé cesse d'être
affectée par le fait qu'il se trouve sous le coup d'une accusation
pendante contre lui. En d'autres termes, la fin du délai coïncide
avec le moment où une décision judiciaire met fin à
l'incertitude du prévenu quant aux charges pesant sur lui76(*).
Généralement, la date à retenir est
celle à laquelle a été statué sur le bien
fondé de l'accusation. Mais d'une manière plus
générale, le point final ou « dies ad quem »
peut être toute décision mettant fin à la procédure
d'une autre manière par exemple lorsque le parquet décide
d'arrêter les poursuites pénales. Il n'existe plus, à
partir de ce moment d'accusation pénale.
S'agissant plus précisément de la durée
de la détention provisoire, seul le point final pose problème.
C'est le cas par exemple lorsque l'accusé se trouve en détention
provisoire pendant tout le procès. Tenant compte du principe de la
présomption d'innocence, on pourrait arguer de ce qu'en de telles
circonstances, la détention provisoire se prolonge jusqu'à la
condamnation définitive, par le dernier degré de juridiction. Tel
est le point de vu exprimé par la commission européenne. Mais la
cour maintient que si un prévenu est condamné en première
instance à une peine de prison, sa détention est, à partir
de ce moment, justifiée au regard de l'article 5.3 C.E.D.H., comme une
détention régulière après condamnation77(*) .
A coté de la période de référence
existent aussi des éléments de référence pour
l'appréciation de durée raisonnable ou non de la
procédure.
PARAGRAPHE II/ LE CARACTERE RELATIF DE
L'APPRECIATION DU DELAI RAISONNABLE
La notion de délai raisonnable est une notion
complexe, relative (A).La jurisprudence de la cour européenne est
désormais bien établie, en ce qui concerne les principes
directeurs. Chaque affaire, du reste, présente des particularités
qui relèvent d'une appréciation in concreto (B), par les organes
de contrôle.
A/ La difficulté d'appréciation du
caractère raisonnable ou non du délai
Le délai raisonnable est une formule ambiguë pour
plusieurs raisons, notamment parce que cette formule ne peut avoir le
même sens pour le juge et pour le justiciable.
Les justiciables estiment que l'administration n'a pas
travaillé avec la célérité voulue ; les
autorités tenteront de démontrer que des motifs légitimes
justifient la durée de la procédure. Par exemple, un service de
contrôle médical essayera de prouver que l'enquête est le
résultat d'une étude longue et détaillée des
prestations et prescriptions des dispensateurs de soins.
De plus le délai ne peut être quantifié.
Il s'agit d'un concept à contenu variable, réfractaire à
toute approche dogmatique et repose sur des critères
d'appréciation incertains qui risquent de soulever des problèmes
d'interprétation. Si la complexité de l'affaire est un
critère objectif, il n'en est pas de même pour
l'appréciation des comportements des autorités et des personnes
impliquées.
Par conséquent, son appréciation conduit
forcement à prendre en compte toutes les données. En effet, un
délai trop long est générateur d'un déni de justice
et un délai trop bref peut conduire à une justice arbitraire et
expéditive78(*)
.
L'ambiguïté et la difficulté
d'appréciation viennent plus particulièrement de
l' « adjectif raisonnable » ajouté au
délai. Par le concept raisonnable, on peut entendre ce qui est
modéré, mesuré, qui se tient dans une juste
moyenne79(*).
Le caractère relatif de l'appréciation du
délai peut aussi avoir comme cause les limitations apportées
à l'article 6.1 de la convention européenne des droits de
l'homme.
Il s'agit de limitations générales explicites,
conformément à l'article 15 du même texte de la convention
européenne des droits de l'homme: guerre, danger public menaçant
la vie de la nation, ou implicites80(*).
En résumé, si être jugé sans
retard excessif est un droit de la personne qui participe au droit à un
procès équitable, force est de retenir que l'appréciation
du temps est une donnée relative. Aussi l'équilibre entre
« une justice pénale rapide qui participe à
l'efficacité de la répression et le respect des droits de la
défense qui constitue l'un des fondements d'un Etat de droit »
est difficile à établir.
Parce que le concept est à contenu variable, comme
nous l'avons précisé, pour apprécier si le
requérant a été jugé dans un délai
raisonnable, il convint dès lors de ne pas procéder in abstracto,
mais plutôt en tenant compte de plusieurs critères
d'appréciation.
B/ Les critères d'appréciation du
délai raisonnable
Ces critères sont permanents et assurent la
prévisibilité et la sécurité juridique propres
à toute interprétation d'une règle de droit81(*). Traditionnellement trois
critères sont utilisés.
D'abord la complexité de l'affaire, ce qui inclut
toutes les données de fait et de droit. Divers éléments
peuvent attester de la complexité de l'affaire en fait, pour
établir les faits pertinents et en droit, complexité de
l'administration de la preuve : nombre de prévenus, volume et
difficulté de l'affaire, nombre de personnes auditionnées, nombre
des charges dirigés contre le requérant et ses coaccusés,
enquête à l'étranger...L'incertitude de la règle de
droit peut être également un élément important
expliquant certaines lenteurs procédurales82(*).
Il y'a ensuite le critère tenant au comportement du
requérant, qui ne peut par son attitude dilatoire, retarder le cours de
la justice. En principe, en matière pénale les prévenus ne
sont pas obligés de collaborer de manière effective avec la
justice. Ils ont toujours droit au silence83(*).Cependant certains justiciables n'hésitent pas
à user de moyens qui peuvent s'avérer contraires à
l'exigence de célérité. Ils devront en subir les
conséquences .Il en est ainsi lorsqu'il change sans cesse d'avocats ou
tarde, volontairement, à communiquer à la justice les
pièces qu'elle lui réclame ou encore quand il prend la fuite.
Ainsi même si l'accusé n'est pas tenu à une
coopération active avec les autorités judiciaires pour
accélérer la justice, l'absence d'un minimum de
coopération n'entre point en considération dans
l'appréciation du délai raisonnable84(*).
Par ailleurs, certains retards ne sont imputables ni à
l'Etat, ni au justiciable. Par exemple, l'absence du coprévenu ou de
l'avocat d'un coprévenu.
Enfin l'attitude des autorités judiciaires qui doivent
tout faire pour que les affaires ne s'enlisent pas et qui sont tenues à
une véritable obligation de résultat. Les Etats doivent organiser
leur service de la justice, afin que les affaires soient traitées sans
retard. Cette exigence se rattache au principe de bonne administration.
Certaines autorités pourraient invoquer une surcharge structurelle. A
titre d'illustration : manque de magistrats, sous équipement,
organisation générale déficiente, encombrement des
rôles, manques de moyens budgétaires, difficultés de
recrutement, surcharge de travail. Cet argument ne peut être soutenu
puisque, par leur adhésion à la convention européenne et
pour les Etats africains, à la charte africaine des droits de l'homme,
les Etats membres se sont engagés à établir une
organisation judiciaire qui réponde aux exigences de
célérité.
En dehors de ces trois critères et depuis quelques
années, la commission européenne des droits de l'homme a tendance
à prendre en compte l'enjeu du litige pour la vie du requérant.
Ce critère vise particulièrement la dignité du
requérant, car il est touché par un allongement du délai
de jugement85(*). La cour
a plusieurs fois affirmé que l'appréciation de la durée du
procès devait être plus strict lorsqu'il s'agit d'un conflit de
travail dont dépendent les conditions de vie du travailleur.
En somme, ces critères sont raisonnables. Mais il faut
bien convenir que leur mise en oeuvre est mal malaisée, tant ils sont
enrobés dans le flou et l'imprécision.
Les lenteurs judiciaires constituent une tare principale du
système répressif sénégalais. Il nous a paru alors
intéressant de tenter de cerner les limites de ce fléau.
Faudrait-il, pour ce faire, oeuvrer pour l'adoption de solutions, sous forme
notamment de réformes.
CHAPITRE II/ LES SOLUTIONS PRECONNISEES FACE A LA
DIFFICILE APPLICATION DU RESPECT DU DELAI RAISONNABLE
La célérité ou rapidité n'est pas
la précipitation mais elle vise à donner au processus
pénal un rythme aussi rapide que possible, sans porter atteinte aux
principes fondamentaux de l'ordre juridique. Par conséquent, en cas de
dépassement du délai raisonnable de la procédure, il peut
être invoqué l'article 6.1 C.E.D.H. Toutefois notre
législation ne prévoyant pas de sanction
spécifique86(*),
alors qu'il est nécessaire d'éviter de laisser l'inculpé
dans l'incertitude et de ne pas prolonger indûment ses souffrances, deux
principales solutions se présentent: il s'agit d'une part de
procéder à une relecture des règles (section I) et
d'autre part de favoriser la célérité par la voie
d'aménagements procéduraux (section II).
SECTION I/ LA RELECTURE DES REGLES DE PROCEDURE
PENALE
La rapidité de tout service public dépend en
principe des moyens qui sont mis à sa disposition en personnel et en
équipement. Toutefois en attendant que le problème des moyens de
la justice soit complètement résolu, differentes mesures
contribuent à apporter des palliatifs à la lenteur. Il en est
ainsi, notamment, de l'aménagement de nouveaux délais pour le
traitement des dossiers (Paragraphe I) et de l'approfondissement du
contrôle de l'instruction préparatoire (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ L'AMENAGEMENT DE NOUVEAUX DELAIS
POUR LE TRAITEMENT DES DOSSIERS
Sans que l'on prétende à une liste exhaustive,
on peut signaler, au passage, en raison de leur intérêt pratique,
de nouvelles méthodes de traitement et de suivie des dossiers. Ces
méthodes visent à réguler le calendrier du procès
en éliminant au maximum les causes de lenteur. L'institution de nouveaux
délais de procédure (A), ainsi que l'avancement du débat
contradictoire dans la procédure (B) provoqueront, sans doute, des
bouleversements inimaginables dans la recherche de la
célérité.
A/ L'institution de nouveaux délais de
procédure
S'il est vrai que le code sénégalais de
procédure pénale a connu des évolutions notables il n'en
demeure pas moins que les reformes sont restés insuffisantes.
En effet, des avancées spectaculaires sont
notées depuis le code de l'instruction criminelle jusqu'à nos
jours, en matière de droits humains et de libertés fondamentales.
A ce titre, on sait que le code de l'instruction criminelle a connu une
évolution sous la IIIème République. Jusqu'en 1935, les
garanties de la liberté individuelle furent augmentées. Ce fut le
cas de la garantie loi du 8 décembre 1897 relative aux droits de
l'inculpé au cours de l'instruction. Le prévenu a
désormais le droit de se faire assister d'un conseil dès sa
première comparution. La présence, son accès au dossier
et les suggestions qu'il peut faire au magistrat instructeur, constituent une
introduction d'un élément de contradiction à la
procédure qui continue de rester de type inquisitoire87(*).
D'un autre côté le code de procédure
pénale a, lui-même, évolué depuis sa promulgation
avec la loi n° 65-61 du 21 juillet 196588(*).
A ce sujet, le législateur sénégalais
dans le but de mettre fin aux pertes de temps a pris un certain nombre de
mesures notamment la détermination des délais de rigueur89(*), la limitation du nombre de
renvoi90(*), l'extension
de la notion de flagrance aux mineurs91(*). Dans le même sens, le législateur a
renforcé les mesures de contrôle de la garde à vue et a
aussi limité le temps de la détention provisoire.
Toutefois malgré tous ces efforts, une analyse
poussée laisse entrevoir des lacunes et qu'il est encore
nécessaire de revoir, certains points de la procédure.
Notre législateur devrait, surtout, penser à
une reforme allant dans le sens de l'institution d'un délai de
détention en matière criminelle. Au surplus, il faut penser
à réduire, la latitude dont dispose le juge d'instruction en
matière de prolongation de la détention provisoire en
matière correctionnelle, le délai de six (6) mois étant
considéré comme trop long.
Enfin le législateur, à l'instar de son
homologue français, pourrait introduire dans le C.P.P., un article
incitant clairement au respect du délai raisonnable. L'article
préliminaire du C.P.P. français dispose qu'il doit être,E
statué, définitivement sur l'accusation dont la personne fait
l'objet dans un délai raisonnable92(*).
B/ L'avancement du moment du débat
contradictoire
La notion de procès équitable implique, en
principe, le droit pour les parties à un procès à prendre
connaissance de toute pièce ou observation présentée au
juge et de la discuter. Il y va notamment de la confiance des justiciables dans
le fonctionnement de la justice : elle se fonde, entre autres, sur
l'assurance d'avoir pu s'exprimer sur toute pièce au dossier. Mais
encore faudrait-il que ce droit soit exercé dans une limite raisonnable
de temps. Il serait, en effet, contradictoire, du fait que ce principe est
étroitement lié au respect du délai raisonnable de
permettre au justiciable d'exciper de sa violation, lorsqu'une pièce ne
lui est pas communiquée, pour retarder le processus pénal.
Le principe du contradictoire est donc le principe qui veut
que chaque partie soit en mesure de discuter les prétentions, les
arguments et les preuves de son adversaire. Il est indispensable que tout
plaideur puisse avoir, de manière permanente, connaissance des
prétentions de son adversaire, des moyens qu'il excipe, des preuves
qu'il apporte.
En matière pénale, le respect de la
contradiction, autrement dit le respect des droits de la défense prend
une importance toute particulière en raison des intérêts en
jeu.
En effet, e principe permet d'assurer le caractère
juste et équitable du procès et est souvent rendu par
l'expression « droits de la défense ». Ce qui
laisse supposer qu'il n'assure que la sauvegarde des intérêts du
défendeur, alors qu'il s'applique aussi au profit du demandeur.
Le principe du contradictoire ne concerne pas seulement les
rapports entre les parties, mais aussi les relations de celles-ci avec le juge.
Il implique deux choses : que les parties aient la possibilité de
choisir un défenseur et qu'elles puissent apporter la preuve de leurs
prétentions. C'est un élément fondamental de la
loyauté de l'instance qui s'impose, en plus des parties, au juge et en
toutes matières93(*). Le juge a non seulement l'obligation de faire
observer ce principe, mais il doit aussi l'observer lui-même. Ces deux
obligations du juge quant au respect du principe du contradictoire ne sont pas
expressément et clairement posées par le législateur
sénégalais. Mais on peut les retrouver à travers une
certaine analyse des dispositions du C.P.P. et du C.P.C.
D'abord, le juge doit veiller à ce que les parties
respectent le principe du contradictoire. C'est ainsi que le juge peut, avant
de statuer, prendre toutes mesures qu'il estime utiles pour
l'éclairer94(*).
PARAGRAPHE II/ L'APPROFONDISSEMENT DU CONTROLE DE
L'INSTRUCTION PREPARATOIRE
Quant les actes d'instruction ont été accomplis
par le juge d'instruction lui-même ou par d'autres personnes à la
suite de commission rogatoire, un contrôle est exercé sur les
conditions de régularité et d'efficacité dans lesquelles
les opérations d'instruction ont été conduites. Ce
contrôle émane en premier lieu de la chambre d'accusation (A). Il
peut aussi émaner des parties (B).
A/ Le contrôle de l'instruction par la
chambre d'accusation
Dans le déroulement du procès, l'instruction
préparatoire occupe une très grande place. Le juge qui en a la
charge exerce des pouvoirs considérables sur les personnes. C'est
pourquoi son activité est contrôlée. Le C.P.P.,
prévoit que ce contrôle est exercé par la chambre
d'accusation, mais s'agissant précisément du contrôle du
respect du délai raisonnable, il est du ressort de son président
à qui le législateur dote de pouvoirs considérables.
En effet, le président de la chambre d'accusation est
chargé de veiller au bon fonctionnement des cabinets d'instruction de
son ressort. Dans l'exercice de cette mission générale, il
vérifie si les procédures ne subissent aucun retard
injustifié. A cette fin, il établit chaque trimestre dans chaque
cabinet d'instruction un état de toutes les affaires en cours portant
mention, pour chacune des affaires, de la date du dernier acte d'information
exécuté95(*).Un état spécial doit être
dressé pour les affaires dans lesquelles sont impliqués des
inculpés en détention provisoire.
Lorsqu'il l'estime nécessaire et au moins deux (2)
fois par an, le président de la chambre d'accusation ou le magistrat
délégué par ses soins, visite les maisons d'arrêt du
ressort de la Cour d'Appel et vérifie la situation des inculpés
en détention provisoire. Il peut alors saisir la chambre d'accusation,
pour qu'elle statue sur le maintien d'une détention ou une mise en
liberté. Toute affaire qui entre au cabinet du juge d'instruction depuis
plus de six (6) mois,doit obligatoirement faire l'objet d'un rapport
circonstancié, si, au bout de cette période elle n'est pas
réglée.
En outre, le président est chargé
d'éviter que la chambre d'accusation ne soit saisie de façon
injustifiée, par des demandes dilatoires. En premier lieu, il exerce un
contrôle lorsque la chambre d'accusation est directement saisie. En
matière de détention ou de contrôle judiciaire, il peut
décider que la demande de mise en liberté ou de main
levée est manifestement irrecevable et rendre une ordonnance
motivée disant qu'il n'y a pas lieu de statuer. En second lieu, lorsque
la chambre d'accusation est saisie d'un appel, le président rend une
ordonnance de non admission de l'appel, lorsque la décision
attaquée n'ouvre pas ce recours. Il filtre les demandes en
décidant, par ordonnance, s'il y'a lieu ou non de saisir la chambre
d'accusation.
De ces situations où le président joue un
rôle de filtre afin d'éviter une réunion inutile de la
chambre d'accusation, il faut rapprocher le cas, s'inspirant d'un souci
comparable, où le législateur désigne directement ce
magistrat pour confirmer ou infirmer la décision du juge d'instruction
en réponse à avocat qui a demandé à remettre
à son client la reproduction de la copie d'un acte ou d'une pièce
de procédure. La décision du juge peut en effet, être
déférée par l'avocat au président de la chambre
d'accusation qui statue, par décision écrite et motivée,
non susceptible de recours.
B/ Le contrôle de l'instruction par les
parties au procès
Au bénéfice des parties poursuivantes, il
devrait être prévu en plus du contrôle de l'instruction par
la chambre d'accusation et, comme en droit français, un droit
général de surveillance, exercé par le ministère
public, et d'autre part des garanties et des droits dont jouit la partie
civile.
En droit français, procureur de la République
peut requérir du magistrat instructeur des actes d'instruction
précis. (perquisition, audition des témoins, délivrance
d'un mandat...). Si le juge d'instruction estime qu'il n'y a pas lieu de
procéder à ces actes, il doit s'y refuser par une ordonnance
motivée. Le ministère public c'est-à-dire le procureur de
la République et même le procureur général peut
interjeter appel de cette ordonnance comme de toutes les ordonnances du juge
d'instruction. Pour faciliter au procureur de la République l'exercice
de ce contrôle et lui permettre de requérir sans perdre de temps
toute mesure que le dossier révèle opportun, l'article 82
alinéa 2 du code français de procédure pénale
l'autorise à exiger, à tout moment, la communication de la
procédure, à charge pour lui de la restituer dans les vingt
quatre (24) heures (aucune sanction n'étant cependant prévue si
ce délai n'est pas respecté).
Nulle part dans le C.P.P.S., on ne trouve la reconnaissance
d'un contrôle de l'instruction préparatoire à
l'inculpé et à la partie civile. Il s'agit encore, à ce
niveau, d'un retard du législateur sénégalais. Dans un
pays comme la France, la situation est toute autre.
Aussi bien, l'inculpé peut réclamer, en
provoquant une ordonnance dont il peut faire appel, si elle ne lui donne pas
satisfaction et une expertise96(*), ou un complément d'expertise97(*), et particulièrement
une expertise motivée ou médico-psychologique98(*).
Encore la cour de cassation a-t-elle estimé que
l'ordonnance de refus de l'examen médical ou médico-psychologique
n'était pas susceptible d'appel99(*), et la loi du 29 décembre 1972 a-t-elle
confié au président de la chambre d'accusation le soin de
décider s'il y'avait lieu de porter l'appel de l'ordonnance rendue en
matière d'expertise devant cette juridiction.
Il convient, cependant, de signaler qu'en sollicitant
à tout moment sa mise en liberté et en faisant appel du refus qui
lui est opposé, l'inculpé peut indirectement critiquer
l'opportunité de l'ordonnance de mise en détention provisoire, du
mandat de dépôt ou d'arrêt dont il avait fait l'objet.
Quant à la partie civile, elle peut critiquer le refus
opposé à la demande d'expertise ou de supplément
d'expertise qu'elle a pu formuler100(*), même si ce droit se trouve, désormais,
soumis à certaines restrictions.
SECTION II / LA CELERITE PAR VOIE D'AMENAGEMENTS
PROCEDURAUX
La célérité par voie
d'aménagement procédural pourrait, dans notre droit, avoir le
mérite de limiter la lenteur de la justice. Il est sans aucun doute
admis que l'encombrement des cabinets est l'une des causes majeures du non
respect du délai raisonnable. Pour remédier à cela, il
s'avère nécessaire de promouvoir le règlement amiable des
litiges pénaux (paragraphe I). On peut aussi envisager une autre
technique : la restriction des voies de recours (paragraphe II).
PARAGRAPHE I/ LA CELERITE PAR LA
CONTRACTUALISATION DE LA JUSTICE PENALE.
Il s'agirait d'un phénomène de
"dejudiciarisation"consistant à retirer aux juridictions
étatiques certains litiges pour leur trouver d'autres modes de
règlements certainement plus adaptés(A). Une autre technique
devrait être empruntée au droit compare, le plaider coupable
(B).
A/ La promotion du règlement amiable des
litiges pénaux
Il faut développer le règlement non
juridictionnel des litiges. En effet, la justice à elle seule ne peut
tout résoudre. La complexité et la lenteur des procédures
contentieuses ne sont pas toujours souhaitables pour certaines infractions
n'exigeant pas un certain formalisme. Ainsi plusieurs solutions sont
possibles.
Cependant dans le cadre de ce sujet nous nous limiterons
à l'étude de la médiation pénale et de la
conciliation.
La médiation pénale intervient dès que
l'infraction est portée à la connaissance du parquet. Il s'agit
d'un mode de solution des conflits, consistant pour la personne choisie par les
antagonistes, à proposer à ceux-ci un projet de solutions, sans
se borner, d'efforcer de les rapprocher101(*). C'est donc une technique qui concourt à la
célérité et dont l'initiative appartient au procureur de
la république.
L'article 32 du code sénégalais de
procédure pénale ne dispose t-il pas que " le procureur de la
république peut procéder lui-même à la
médiation pénale, ou déléguer tout ou partie de la
tache à un médiateur pénal tenu à une obligation de
neutralité et de secret. Le médiateur vérifie l'accord des
partis en litige sur le principe du recours à la médiation
pénale, les aidera à trouver une solution acceptée par
elle. Cette solution ne doit être contraire ni à l'ordre public ni
aux bonnes moeurs. Le médiateur pénal contrôlera si
nécessaire la bonne exécution des engagements".
En d'autres termes, le tiers désigné
appelé médiateur tente ici de résoudre un litige en
formulant une recommandation qui lie les parties qui y ont
adhéré. La médiation pénale offre la
célérité aux parties alors qu'il faut attendre plusieurs
mois voire des années pour obtenir une décision de justice.
Dans cette perspective, le tribunal lorsqu'il estime que les
faits constituent un délit, pour la réparation du
préjudice né de l'infraction, peut recourir avec le consentement
des parties à la médiation pénale. En
réalité, de nombreux petits délits qui ne trouvent pas de
satisfaction satisfaisante dans les lourdeurs des procédures
judiciaires, pourraient être concernés par la médiation
pénale.
Toutefois, la lecture de l'article 570 du code de
procédure pénale limite la portée de la médiation
pénale aux mineurs. Ainsi pourrait-on envisager une extension de la
notion102(*).
Il existe à côté de la médiation
pénale une autre procédure appelée conciliation qui permet
d'éviter la surcharge des tribunaux par une multitude de petites
infractions. La conciliation est un mode de règlement fondé sur
le renoncement volontaire et réciproque des parties à certains de
leurs droits et débouche sur un compromis. Il s'agit en d'autres termes
d'un mode de solution consensuelle. Elle privilégie la libre discussion
entre les parties. C'est enfin un mode de règlement définitif.
L'accord des parties, une fois constatée par un procès verbal
signé par elles, met fin au litige. Par ailleurs, elle est efficace dans
la recherche de la célérité. C'est une technique que l'on
retrouve dans le droit belge et le droit hollandais. Contrairement à la
médiation pénale, la conciliation pénale n'existe pas dans
le droit positif sénégalais103(*).
M. Abdou Diouf, ancien président de la
République du Sénégal, lors de la rentrée des cours
et tribunaux de 1997 disait: " la conciliation est un mode traditionnel de
règlement des litiges dans nos sociétés. L'art de la
concertation fait le génie africain. Pourquoi ne pas cultiver nos
traditions, lorsqu'il se trouve, qu'elles répondent
précisément à un besoin des sociétés...il
faut favoriser chaque fois que c'est possible le règlement non
juridictionnel des litiges"104(*).
Il se peut, en effet, que la recherche d'une solution
juridique paraisse inopportune car tout jugement fait apparaître un
vainqueur et un vaincu et cette situation laisse, généralement,
des traces dans les relations ultérieures entre les parties en
procès105(*).
Au surplus, il s'agit d'une procédure simple et peu
coûteuse.
B / L'institution du "plaider coupable" en
droit sénégalais
Le Sénégal, à l'instar d'autres pays
étrangers, devrait instituer le "plaider coupable" encore appelé
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. En
effet, à l'étranger, pour accélérer le cours de la
justice on a évoqué la possibilité de faire appel à
cette technique106(*).
L'objectif est simple: organiser un traitement plus rapide d'un nombre
important de délits. En France, le "plaider coupable" est applicable aux
délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou
d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à
5 ans107(*).
A ce niveau, il y aurait une suppression du débat sur
la preuve: l'auteur des faits choisirait de plaider coupable après avoir
été informé dès son arrestation de son droit de se
taire, son avocat présent108(*). A vrai dire, il s'agit d'une sorte de jugement
immédiat, une procédure sommaire de nature particulière en
ce sens qu'il permet au juge de statuer immédiatement si le
prévenu reconnaît les faits, en prononçant un jugement de
condamnation, séance tenante. C'est donc une procédure qui
épargne du temps aux magistrats.
La comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité autorise au juge à prononcer non seulement des peines
d'amende mais aussi d'emprisonnement, ce qui permet de juger rapidement et
efficacement le nombre de délits et crimes peu importants.
Le système est séduisant et très
utilisé dans les pays anglo-saxons, environ 90 fois sur 100 aux
Etats-Unis109(*).
Le droit portugais connaît un système de
procédure abrégée qui s'intéresse à la seule
question de la procédure et subordonne à l'existence de preuves
"preuves simples et évidentes" de la culpabilité110(*).
En France, la comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité a fait son entrée dans le palais de justice le
1er octobre 2004111(*) et déjà l"entreprise semble être
un succès: selon les premières statistiques, deux tiers des
juridictions pénales appliquent le "plaider coupable"112(*).
On sait donc aisément que le gain de temps
escompté ne réside pas seulement dans la suppression du
débat sur la culpabilité comme nous le montre le nom de cette
procédure mais également et essentiellement dans la suppression
du débat sur la peine. La question de la peine n'est pas débattue
lors de l'audience, le juge n'ayant d'autre solution que d'homologuer ou non la
proposition du parquet.
En considération des observations
précédentes, on constate que le "plaider coupable" fait
apparaître une procédure que nous pouvons qualifier de "diminutif
au jugement". En effet le qualificatif diminutif tient à ce que
l'audience se vide du débat sur la culpabilité et sur la peine,
l'une et l'autre se déterminant en amont devant le procureur de la
République. L'office du juge est cantonné à la
vérification de l'existence d'une qualification, au constat d'un accord
et d'un rapport de proportionnalité entre le comportement
reproché et la peine acceptée113(*).
Déjà en 1990, la commission "justice
pénale et droit de l'homme" en France proposait une simplification des
procédures quand l'accusé plaide coupable, laquelle
simplification aurait consisté à mettre l'accent sur le
débat relatif à la peine et non à celui relatif à
la culpabilité.
En effet, il n'est en rien nécessaire de
débattre de la culpabilité lorsque celle-ci est reconnue et
acquise avant l'audience. Toujours est-il que le fait de reconnaître sa
culpabilité, à condition que cette même reconnaissance soit
libre et volontaire n'est en rien préjudiciable à
l'intéressé, dès lors, d'une part, que celui-ci conserve
une faculté de rétractation devant le juge et d'autre part que
sont prises les mesures nécessaires à la conservation des preuves
en cas de rétractation.
En définitive, l'idée d'intégrer dans le
système sénégalais, la possibilité pour la personne
poursuivie de plaider coupable n'est pas rejetée. On peut même
avancer qu'il s'agit d'une nécessité qui s'est faite jour.
PARAGRAPHE II/ LA CELERITE PAR LA RESTRICTION DES
VOIES DE RECOURS
Le caractère raisonnable du délai de jugement
d'une affaire doit s'apprécier, à la fois, de manière
concrète, en tenant compte de sa complexité, des conditions de
déroulement de la procédure mais aussi de manière globale
-compte tenu notamment de l'exercice des voies de recours. A cet effet, il
s'avère utile d'inventer ou de favoriser des techniques de renversement
des voies de recours. La restriction des voies de recours peut être
envisagée par, d'une part la limitation ou l'interdiction des voies de
recours (A) et, d'autre part l'étranglement des recours en
nullité (B).
A/ La limitation et l'interdiction des recours en
réformation et en cassation
Les voies de recours sont des procédures qui
permettent de soumettre une affaire déjà jugée, à
un nouvel examen judiciaire. Elles sont l'appel, l'opposition, la purge de la
contumace, le pourvoi en cassation et le pourvoi en révision. Si le
principe est que toute décision doit être susceptible de voies de
recours, car la justice est l'oeuvre des hommes et est nécessairement
faillible, il n'en demeure pas moins que pour donner au processus pénal,
dans sa totalité, un rythme rapide, deux limitations lui sont
apportées: il n'est pas absolu et le bénéficiaire ne peut
exercer son droit que dans un délai limité.
Tout d'abord l'appel est enfermé dans un délai
dont le non respect conduit à une irrecevabilité d'ordre
public114(*), sauf en
cas de force majeure strictement entendu115(*) .
Le code sénégalais de procédure
pénale fixe des délais brefs et impératifs ouverts aux
parties pour leur permettre de faire appel ou de former un pourvoi en
cassation. L'article 485 dispose "sauf dans les cas prévus à
l'article 494116(*), et
hors le cas de force majeure, l'appel est interjeté dans le délai
de trente (30) jours à compter du prononcé du jugement du
contradictoire117(*).
Par ailleurs, sous la responsabilité du greffier en
chef, la requête contenant les moyens d'appel et les pièces de
procédure sont envoyés par le procureur de la république
au parquet de la cour dans le délai de trois (3) mois et ce dernier
devra enrôler l'affaire dans deux (2) mois118(*).
Toujours soucieux d'une célérité le
législateur, en matière d'opposition, indique dans l'article 478
du code de procédure pénale que si la signification du jugement a
été faite à la personne du prévenu, l'opposition
doit être formée dans les délais ci- après :
-trente jours si le prévenu réside sur le
territoire de la république
-quarante cinq jours dans les autres cas.
La seconde technique réside dans l'interdiction des
voies de recours, soit par la loi, soit par la jurisprudence. En effet,
l'arrêt d'acquittement d'une cour d'assise n'est pas susceptible d'appel
comme toutes les décisions de la cour d'assise. De plus, ne peut faire
l'objet d'un pourvoi en cassation de droit commun, les décisions des
Hautes Cours de Justice; pour des raisons d'ordre pratique.
En France, au stade de l'instruction, pour éviter que
la chambre d'accusation ne soit saisie d'appels en des matières exclues
par la loi, le président de cette chambre rend d'office une ordonnance
de non admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de
recours119(*) .
B/ L'étranglement des recours en
nullité
La question de la régularité des
procédures est l'objet d'une traditionnelle opposition entre deux
considérations: celle du respect des formes, et par delà de la
défense d'une part et celle de la célérité de
l'action policière et judiciaire d'autre part.
De prime abord, du point de vue procédural, il importe
que les nullités puissent être sanctionnées le plus
rapidement possible après le moment où elles sont apparues. La
nullité d'un acte devant souvent s'étendre au-delà de
l'acte annulé lui-même, il ne peut qu'être
préjudiciable au rapide déroulement des procédures, que de
laisser continuer des investigations dores et déjà
affectées, sans le constater rapidement.
Cette faveur pour la célérité
apparaît à propos des juridictions aptes à prononcer la
nullité d'un ou de plusieurs acte. C'est en principe la chambre
d'accusation et exceptionnellement la juridiction de jugement lorsqu'il n'y a
pas eu instruction préparatoire.
Une fois saisie d'un recours en nullité, la chambre
d'accusation doit statuer dans les cinq (5) jours de la réception du
dossier120(*).
La solution retenue en 1958 par le code de procédure
pénale français et qui interdisait à une partie de
soulever une nullité avant de comparaître devant la juridiction de
jugement aboutissait à retarder le cours du procès. Cependant
dans la crainte d'assister à l'invocation tardive des nullités,
par des justiciables désireux de reculer l'issue du procès, cette
pratique est aujourd'hui abandonnée.
Depuis les lois des quatre (4) janvier et vingt quatre (24)
avril 1993, les parties, en France, se voient reconnaître le droit
d'agir dès l'instruction préparatoire. Toutefois ce droit est
sévèrement encadré par la loi et la jurisprudence, pour
éviter des procédés dilatoires.
En définitive si les voies de recours constituent des
garanties précieuses d'une bonne justice et qu'il s'avère
nécessaire de donner aux justiciables des garanties contre les risques
d'erreur, en leur permettant de provoquer un nouvel examen du procès
lorsque l'issu de celui-ci ne leur est pas favorable, il reste que cette
prérogative ne doit pas être utilisée de manière
abusive. C'est le cas par exemple lorsque le demandeur agit dans le seul but
d'entraver la célérité en portant ainsi atteinte aux
droits de l'autre partie. A titre d'exemple, on peut citer la personne
poursuivie, qui, étant sûre de sa culpabilité et de la
sanction qui pourrait l'atteindre, utilise cette faculté.
Les garanties de l'homme en procès
contribuent à donner à la justice l'apparence d'être bien
rendue. Dès lors le procès pénal équitable ne se
définit pas seulement par l'exigence de l'équité, de
l'impartialité. Il implique aussi le respect du délai
raisonnable.
La notion de délai raisonnable fait l'objet d'une
importante jurisprudence en droit comparé. Les illustrations nous
viennent de la Cour européenne des droits de l'homme, du Comité
des droits de l'homme des Nations unies ou tout simplement de la Commission
africaine des droits de l'homme.
La longueur des procédures peut être, sans
difficulté, assimilée à un véritable déni de
justice. Passé un certain délai la défense devient
malaisée et on peut assister à une disparition totale ou
partielle des preuves.
Le délai raisonnable de la procédure recherche
l'équilibre entre des intérêts opposés : le
justiciable estimera que l'administration n'a pas travaillé avec la
célérité voulue et les autorités tenteront
toujours de démontrer que des motifs légitimes justifient la
durée de la procédure.
Le délai raisonnable revêt un pôle positif
et un pôle négatif. D'une part, il présente l'avantage de
suppléer les carences législatives. D'autre part, il repose sur
des critères d'appréciation incertains qui risquent de soulever
des problèmes d'interprétation.
Les instances qui décideront que le délai n'est
pas raisonnable prononceront une sanction au cas d'espèce. Ainsi le
délai raisonnable est apprécié rigoureusement.
Nous pensons que l'intérêt du justiciable, de la
paix judiciaire et de l'harmonisation des règles juridiques constituent
un argument en faveur de l'interprétation de la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples et de la Convention Européenne des
Droits de l'Homme par les juridictions nationales. La démarche des
juridictions équivaudra alors à la détermination de
l'existence d'un lien de causalité entre chacun des critères et
le délai écoulé.
Si le délai trouve sa cause dans la complexité
de l'affaire ou le comportement du requérant, il n'y a pas violation de
l'article 7 de la C.A.D.H. Si le comportement des autorités est à
l'origine du retard, il y'a violation de l'article 7, sauf si la cause du
délai trouve son origine dans des motifs légitimes comme les
nécessités de l'enquête, l'encombrement passager et
imprévisible des rôles pour lequel auraient été
prises immédiatement des mesures appropriées mais qui auraient
causé entre-temps un allongement du délai.
L'article 7 de la C.A.D.H. prescrit la
célérité des procédures judiciaires et consacre
donc implicitement le principe d'une bonne administration de la justice.
A vrai dire la célérité de la
procédure pénale sénégalaise est mise en cause. Il
faut tout simplement souhaiter que dans l'avenir, les principes ayant trait
à une bonne administration de la justice ainsi qu'au respect des droits
humains connaissent une évolution.
En définitive, remarquons que les autres garanties
accordées dans le procès sont sanctionnées par la
nullité. Par conséquent nous nous demandons pourquoi
réserver un sort différent au délai raisonnable.
I/ CONSTITUTION SENEGALAISE DU 22 JANVIER 2001
(préambule et titre II)
II/ CODES :
-Code pénal sénégalais
-Code de procédure pénal
sénégalais
- Code des obligations de l'administration
sénégalais
- Code de procédure civile sénégalais
III/ OUVRAGES
BERGER Vincent, jurisprudence de la C.E.D.H. 8éme
édition
BRAHINSKY Corrine Renault, Procédure pénale,
pages 1219 et suivants et 1259 et suivants
JEAN PAUL DOUCET, le droit criminel la protection de la
personne humaine, 3ème édition, préface de
André Vitou, Gazette du Palais
KABA Sidiki, Les droits de l'homme au Sénégal,
collection Xam sa yoon, p.104 et suivants
LOUS FAVOREU, PATRICK GAIA, droits st libertés
fondamentales, 1ère édition, Dalloz
MADIOT Yves, droits humains et libertés publiques,
édition Masson, p.70 et suivants
PRADEL Jean, Procédure pénale,
10ème édition 2000-2001, édition Cujas
PRADEL Jean et VARINARD A., Les grands arrêts de la
procédure pénale, 3éme édition
SAINT PIERRE François, Le guide de la défense
sociale, 2éme édition, Dalloz
STEPHANI Gaston, LAVASSEUR Georges et BOULOC Bernard,
Procédure pénale, 4éme édition, Dalloz, p.752 et
suivants
WAHSMANN Patrick, Les droits de l'homme, 4éme
édition, Dalloz
IV/ REVUES :
Bulletin d'information de la cour de cassation, octobre 1995,
EISSEIN M. La durée des procédures civile et
pénale dans la jurisprudence de la C.E.D.H.
J.C.P.1994-I-3802, AUVRET P. Le respect de la
présomption d'innocence.
La semaine juridique, 5 février 2003, n °6, 1.108,
DOMINIQUE Koronsky, Détention provisoire : la réparation des
dommages.
La semaine juridique, édition générale 21
juillet 1999 n° 29, édition du jurisclasseur Procédure
pénale : présentation de la loi n° 99-515 du 23 juin
1999 renforçant l'efficacité de la procédure.
R.F.D.A., 2000, bimestrielle 16ème
année, septembre-octobre
R.S.C., n° 2, avril 2002, trimestrielle, Dalloz
Recueil Dalloz, hebdomadaire 179ème
année 1er cahier (rouge) 29 mai 2003 n° 21/7118
Recueil Dalloz, hebdomadaire, 181ème
année, 28 juillet 2005, n° 29/7214, p. 1953-2024
Recueil Dalloz, hebdomadaire, 21 octobre 2004 ? n°
37/7178
Revue de l'association sénégalaise de droit
pénal, 1995
Revue de science criminelle 1982-291, BOLLE P.H. Les lenteurs
de la procédure pénale.
Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé, juillet-septembre 2005, n° 3
Revue internationale criminelle et politique, 1984-402, PRADEL
Jean, La célérité du procès pénal.
Revue sénégalaise de droit pénal,
juillet-décembre 1995, n° 56-7-8
V/ DOCTRINE
HOROMTALLAH Cheikh, docteur en droit et avocat a la cour, La
présomption d'innocence, p.258 et suivants
La célérité de la procédure
pénale, séminaire international organisé par l'institut
international de science criminelle les 11 et 14 septembre, R.I.D.P.
1995,n°4-5 et n° 66
VI/ THESES
FALL Bounama, l'application judiciaire des conventions
relatives aux droits de l'homme, 2006
GUEYE Fandiagua, la difficile application des conventions
relatives aux droits de l'homme
NDIAYE Mamadou, la prison au Sénégal, 1992
TOHODJI Camara Abdoulaye, la protection pénale du
suspect, 2000
VII/ DOCUMENTS SUR LES DROITS DE L'HOMME
C.E.D.H. et contentieux administratif français,
coopération et développement ; collection dirigée par
Jacques Bourrinet, in economica
Charte Africaine des Droits de l'Homme.
Convention Européenne des droits de l'homme
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789
Déclaration universelle des droits de l'homme de
1948
Directives et principes sur les droits a un procès
équitable et a l'assistance judiciaire en Afrique, adoptés par la
Commission Africaine des Droits de l'Homme en 2003.
Droits humains fondamentaux, recueil de documents
internationaux, Bruxelles 1993, p.227 et suivants
Les droits de l'homme questions réponses, par Leah
Levin ulster par Plantu, 2éme édition, 50éme anniv
D.U.D.H. 1948-1998. p.15 et suivants
NDIAYE Youssoupha, Les droits de l'homme en Afrique, Institut
des droits et de la paix, U.C.A.D., législation
sénégalaise en matière de droits de l'homme
Pacte international relatifs aux droits civil et politique
VIII/ WEBOGRAPHIE :
www. coe-int / t/ dg1/ leg alcooperaton : les
travaux préparatoires du CCJE, procès équitable dans un
délai raisonnable
www. fbls. net/6-1 délai. html, le délai
raisonnable : article 6-1 C.E.D.H., models de recours et jurisprudence de
la C.E.D.H.
www. oboulo. com/ délai raisonnable procédure
www. xibar. net, le temps du procès : les acteurs
veulent un délai raisonnable pour dire le droit (chercher dans
google.com
REMERCIEMENTS....................................................................................1
DEDICACES..............................................................................................2
LISTE DES
ABREVIATIONS........................................................................3
SOMMAIRE..............................................................................................4
INTRODUCTION.......................................................................................6
PREMIERE PARTIE : LE DELAI RAISONNABLE UN
PILIER D'UNE BONNE
JUSTICE..................................................................................................................................12
CHAPITRE I : LA NECESSITE DU RESPECT DU
DELAI RAISONNABLE..............13
SECTION I : LA VALEUR NORMATIVE DE
L'EMERGENCE DU CONCEPT DE DELAI
RAISONNABBLE.............................................................................14
Paragraphe 1 : La reconnaissance
conventionnelle du droit au délai raisonnable du procès
pénal.......................................................................................................14
A- La reconnaissance du droit au délai
raisonnable par les traités
internationaux..............14
B- La reconnaissance du droit au délai
raisonnable par la Charte Africaine des droits de l'Homme et des
peuples...........................................................................................................16
Paragraphe 2 : La garantie
constitutionnelle du droit au délai raisonnable du procès
pénal..17
A- La ratification des conventions
internationales par le
Sénégal.................................18
B- La force juridique des dispositions
constitutionnelles...........................................19
SECTION II : LA PROTECTION PENALE DU
DROIT AU DELAI RAISONNABLE DU PROCES
PENAL........................................................................................20
Paragraphe 1 : Les conditions relatives
aux motifs de la détention
provisoire.................20
A- Une durée raisonnable de la
détention au regard de la gravité des
faits.......................21
B- Une durée raisonnable de la
détention au regard de la complexité des investigations
nécessaires à la manifestation de la
vérité............................................................21
Paragraphe 2 : Les exigences relatives
aux autorités
compétentes..............................22
A- La surmotivation des décisions du
juge d'instruction intervenant après un certain délai de
détention...................................................................................................22
B- La cessation d'office de la
détention provisoire en l'absence des conditions posées par
l'article
127................................................................................................23
CHAPITRE II : LES OBJECTIFS DU DELAI
RAISONNABLE DU PROCES
PENAL....................................................................................................24
SECTION I : LE SOUCI D'UN PROCES JUSTE
ET EQUITABLE..........................24
Paragraphe 1 : La protection des
intérêts en présence au procès
pénal.........................25
A- Un procès juste pour une protection
de l'intérêt des
justiciables..............................25
B- Un procès juste dans
l'intérêt de la
société........................................................27
Paragraphe 2 : Le souci du respect de la
présomption
d'innocence..............................27
A- L'incompatibilité entre la
présomption d'innocence et la lenteur du procès
pénal..........28
B- Le caractère paradoxale de la
détention
provisoire...............................................29
SECTION II : LES GARANTIES POUR UN
RESPECT EFFECTIF DU DELAI RAISONNABLE DU PROCES
PENAL.............................................................30
Paragraphe 1 : Les actions en
délai excessif du procès
pénal....................................30
A- Les actions en délai excessif de
procédure........................................................30
B- Les actions en délai excessif de
jugement.........................................................32
Paragraphe 2 : Les sanctions du
délai excessif du procès
pénal..................................32
A- La réparation du préjudice
dû au délai
déraisonnable...........................................32
B- L'absence de nullité de la
procédure pour cause de durée
excessive..........................34
DEUXIEME PARTIE : L'OPPORTUNITE D'UNE REFORME
DU SYSTEME JUDICIAIRE
SENEGALAIS........................................................................36
CHAPITRE I : LES MANQUEMENTS CONSTATES
DANS LE SYSTEME REPRESSIF
SENEGALAIS............................................................................................37
SECTION I : UNE EFICACITE CRITIQUEE DU
SYSTEME REPRESSIF..................37
Paragraphe 1 : Une efficacité
critiquée au plan
organique........................................38
A- Au niveau des institutions
judiciaires..............................................................38
B- Au niveau du personnel
judiciaire..................................................................39
Paragraphe 2 : Une efficacité
critiquée au plan
matériel..........................................40
A- L'absence de garantie temporaire de
détention provisoire en matière criminelle dans le
CPP...........................................................................................................................................40
B- L'existence de quatre phases difficilement
contournables......................................41
SECTION II : L'AMBIGUÏTE DE LA
NOTION DE DELAI RAISONNABLE.............43
Paragraphe 1 : La détermination
de la période à prendre en
compte............................43
A- La fixation du point de départ de
la
procédure...................................................43
B- Le terme de la procédure
pénale....................................................................45
Paragraphe 2 : Le caractère
relatif de l'appréciation du délai
raisonnable......................45
A- La difficulté d'appréciation
du caractère raisonnable ou non du
délai........................46
B- Les critères d'appréciation
du délai
raisonnable..................................................47
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS PRECONNISEES
FACE A LA DIFFICULTE D'APPLICATION DU DELAI RAISONNABLE DU PROCES
PENAL.......................48
SECTION I : LA RELECTURE DES REGLES DE
PROCEDURE PENALE................49
Paragraphe 1 : L'aménagement de
nouveaux délais pour le traitement des
dossiers..........49
A- L'institution de nouveaux délais de
procédures..................................................49
B- L'avancement du moment du débat
contradictoire..............................................50
Paragraphe 2: L'approfondissement du
contrôle de l'instruction
préparatoire.................51
A- Le contrôle de l'instruction par la
chambre
d'accusation.......................................52
B- Le contrôle de l'instruction par les
parties au
procès............................................53
SECTION II : LA CELERITE PAR VOIE
D'AMENAGEMENTS PROCEDURAUX......54
Paragraphe 1 : La
célérité par la contractualisation de la justice
pénale........................54
A- La promotion du règlement amiable
des litiges
pénaux.........................................55
B- L'institution du « plaider
coupable » en droit
sénégalais.......................................56
Paragraphe 2 : La
célérité par la restriction des voies de
recours................................58
A- La limitation et l'interdiction des
recours en réformation et en
cassation....................58
B- L'étranglement des recours en
nullité.............................................................60
CONCLUSION..........................................................................................61
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................63
TABLE DES
MATIERES............................................................................65
* 1 Pradel J., Procédure
pénale, 10ème édition 2000-2001, éd.
CUJAS, p. 303
* 2 Voir articles 381 a 385
C.P.P. et 45 et suivants C.P.P.;
* 3 Solange Ngono, le
procès pénal camerounais au regard des exigences de la Charte
Africaine des Droits de l'Homme, l'Harmattan 2002.
* 4 Article 45 et suivants
C.P.P.S.
* 5 Articles 101 à 105
C.P.P.S.
* 6 Article 102 C.P.P.S.
* 7 Article 106 C.P.P. et 117
C.P.P. français.
* 8 Chambre d'accusation,
Liége, 20 mars 1986:"une personne ne peut rester trop longtemps sous le
coup d'une accusation a raison du préjudice moral et physique qui peut
lui être causé par l'accusation", cité par H.Bosly et C. de
Valkeneer, R.I.D.P., pp 433 et suivants.
* 9 R.F.D.A. 2000, bimestrielle,
16eme année, septembre-octobre, page 921-1174, Dalloz, Bernard
Pecteau.
* 10V. Vocabulaire juridique
Cornu G. association Henry Capitant 4è édition, puf
* 11 D. Allix, le droit au
procès pénal équitable, justice n° 10, 1998, p.19
* 12 "Toute personne
arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au
paragraphe 1.c) du présent article, doit aussitôt être
traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi
à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être
jugée dans un délai raisonnable, ou liberty pendant la
procédure..."
* 13 "Toute personne
privée de sa liberté par arrestation ou détention a le
droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à
bref délai sur la légalité de sa détention et
ordonne sa libération si sa détention est illégale."
* 14 "Toute personne a droit
à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable,..."
* 15 Cassation criminelle, 14
mai 1996, Bulletin criminel numéro 203.
* 16 Bulletin information,
c.cass, 15 décembre 1996, n° 1333.
* 17 Droits humains
fondamentaux, Recueil de documents internationaux, Bruxelles 1993.
* 18 Organisation de
l'Unité Africaine.
* 19 V. Constitution de la
République du Sénégal 2002
* 20 Kaba Sidiki, Les droits de
l'homme au Sénégal, collection xaam sa yoon, pp 104 et
suivants
* 21 Revue de droit
contemporaine, n° 2, 1964, p.9
* 22 Madiot Yves, Droits de
l'homme et libertés publiques, Edition Masson; cité par Gonidec,
tome II, p 60.
* 23 Delperée Francis,
les données constitutionnelles, 2ème édition, Maison F.
Larcier, s.a, 1987, page 102.
* 24 Principe exprimé
par l'adage latin « nullum crimen, nulla poena sine lege »
selon lequel tout acte constituant un crime ou un délit doit être
défini avec précision par la loi ainsi que les peines qui lui
sont applicables
* 25 Caractère de ce qui
est placé sous l'empire du droit par opposition aux normes de la vie
sociale : moeurs convenances, morale, religion
* 26 Cass. Criminelle, 16
janvier 1990, Droit pénal, 138.
* 27 Cass. Crim 2 septembre
1997; cf C.E.D.H. 10 novembre 1996, Stägmüller
* 28 "...Lorsque le dossier est
en état d'être jugé, l'affaire ne peut faire l'objet de
plus de trois renvois pour quelque cause que ce soit. Après trois
renvois successifs l'affaire est obligatoirement jugée.
* 29 Art 5 ss. 3; C.E.D.H.10
novembre 1996 Stägmüller et C.E.D.H. 26 juin 1991 Letellier.
* 30 S.Guinchard "vers une
démocratie procédurale", Justices 1999 N°1 p.103
* 31 J.Carbonnier, Droit civil
introduction, Paris, 21ème éd. PUF 1992 coll. Thémis
p.361.
* 32 Art 56 "sera coupable de
trahison et puni de mort tout sénégalais...ou à provoquer
un accident"...art 100 "les personnes reconnues coupables de délits
définis au présent chapitre...en réparation ouverte
à la victime."
* 33 Journal "le cafard
libéré " n° 251 du mercredi 25 novembre 1992.
* 34 Code des obligations de
l'administration.
* 35 Cass.crim. 11 janvier
1995; bulletin criminelle n° 17, 1 fevrier1995.
* 36 Cass.crim. 10
décembre 1985; bulletin criminel 399.
* 37 J.Pradel, Procédure
pénale, 10eme édition, 2000, Cujas.
* 38 JORS n°4846, 1981,
page 714.
* 39 Article 175-1et suivants
du code français de procédure pénale.
* 40 En France ce délai
est d'un maximum d'un an en matière correctionnelle et 18mois en
matière criminelle (cf. 116 C.P.P.)
* 41 Loi du 4 janvier 1993 et
du 15 mai 2000
* 42 Saint-Pierre
François, Le guide de la défense sociale, 2ème
éd. Dalloz
* 43
* 44Saint-Pierre
François, Le guide de la défense sociale, 2ème
éd. Dalloz
* 45 Cass. Crim. 7 mars 1989,
Bull. crim. N°109
* 46 Article L781 du code de
l'organisation judiciaire
* 47 La semaine juridique du 5
février 2003 n°6: Détention provisoire, la réparation
des détentions par Dominique Karsonty, 1,108
* 48 Koering Joulin R.,
L'indemnisation des victimes d'erreurs judiciaires, Mélanges offerts
à P. Drai, Le juge entre deux millénaires, Dalloz p. 70
* 49 Docquir
St-François: Délai raisonnable: l'exigence d'un recours effectif
en droit interne, année 2001, p.274
* 50 Kaba Sidiki, Les droits de
l'homme au Sénégal, collection Xaam sa yoon, p.104 et s.
* 51 La semaine juridique du 5
février 2003, La réparation des détentions par Dominique
Karonsky, 1,108
* 52 C.E.D.H., arrêt
Eckle c/ Allemagne, 15 juillet 1982
* 53 C.E.D.H., arrêt H c/
Allemagne 13 décembre 1984
* 54 C.E.D.H., arrêt
Espagne Union Elementaria Sanders du 7 juillet 1989.
* 55 Dans les conclusions de
l'affaire Van Hout, R.F.D.A., 1989, page 57 et suivants, le commissaire du
gouvernement avait envisagé le dépassement du délai
raisonnable comme motif d'annulation d'une décision administrative.
* 56 Cass. Crim., 7mars 1989:
Bulletin criminel n° 291
* 57 Cass.Crim. 3
février 1993, Bulletin crim. n° 57, Dalloz 1993, p. 515
* 58 Bulletin crim. n°
166, Dalloz 1994
* 59 G.C. Jonathan, la
C.E.D.H., Collection droit public positif, dirigé par Louis Favoreu, in
Economica, page 419.
* 60Assises de juillet 1997,
cas de Mansour Sarr, dans les droits de l'homme au Sénégal, page
105 de Sidiki Kaba
* 61 Raisons d'ordre
économique, financier et technique.
* 62 Un ordre administratif et
un ordre judiciaire.
* 63 C.Cass. Audience
solennelle de Rentrée des Cours et Tribunaux, année 1992-1993,
droits et responsabilité des ²juges.
* 64Cass. Crim., 12 septembre
1999, bulletin criminel n°192, cassation de l'arrêt d'une chambre
d'accusation qui rejette la demande de mise en liberté d'individu
détenu depuis plus d'un an, sans indiquer le délai
prévisible d'achèvement de la procédure.
* 65 Il s'agit des crimes
mentionnés aux livres II du code pénal (crimes contre les
personnes) et IV du même code (trafic de stupéfiants, terrorisme,
proxenitisme, extorsion de fonds, crimes commis en bande organisée)
* 66 Voir article 63 C.P.P.
* 67 Articles 49 à 69 du
C.P.P. : enquête de flagrance et enquête
préliminaire.
* 68Toutefois, la date
où la partie opposition, la tentative de conciliation et la
procédure préliminaire constituent, notamment, des exceptions
à ce principe
* 69 Ouvertures des
enquêtes préliminaires, dates de perquisition ou de saisie,
inculpation
* 70 C.E.D.H., arrêt
WEMHOFF, 27 juin 1968, série A, page 27
* 71 F.Kuty, le droit au
procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en
2001 page 591.
* 72C.E.D.H., arrêt
Metzger, 31 mars 2001, série A, vol 56, page 18.
* 73 Cass. Crim. 20 mars 2000,
revue de droit pénal et criminel, 2000, page 577.
* 74 Cass. Crim., 17 mai 2000,
revue de droit pénal et criminel, 2002, page 577.
* 75 Dans l'arrêt Maini,
le délai s'achève avec l'arrêt de la C.C., qui a
clôturé la procédure.
* 76 L.Declercq, le
délai raisonnable ou le retard excessif dans les affaires
pénales : article 6.1 C.E.D.H., revue de droit pénal, 1989,
page 599.
* 77Arrêt C.E.D.H., 28
mars 1990, série A, n° 175 ; W.Peukert, la
célérité de la procédure pénale, page
679.
* 78 Madiot Yves, les droits de
l'homme, Paris, 2ème édition, p. 132.
* 79 G. Cornu, Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, P.U.F., 2000.
* 80 C.E.D.H., arrêt
Klass, 6, septembre 1978, série A, n° 28, page 32.
* 81 M.Picard et P.Tituin,
commentaire de l'article 5.3 C.E.D.H.
* 82 Arrêt Preto et
autres contre Italie, 8 decembre1983, série A n° 7
* 83 Article 14.3, g, du pacte
international du 19 décembre 1966, relatifs aux droits civils et
politiques.
* 84 Solange Ngono, le
procès pénal camerounais au regard des exigences de la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, l'Harmatan, 2002.
* 85 O.Corten, l'utilisation du
raisonnable par le juge international, Bruxelles, Bruylant, 1997, page 576.
* 86 Sauf les articles 141et
142 C.O.A. précités.
* 87 Notions de
procédure pénale, Lamine Thior, contrôleur principal,
Chevalier de l'Ordre National du Mérite, 1993.
* 88 En vigueur le 1
février 1966, dans le but de dégager les bases d'une reforme
judiciaire profonde permettant l'adaptation effective de la justice
sénégalaise aux grands principes qui doivent la régir, une
Conférence nationale judiciaire s'est tenue à Dakar du 15 au 19
mai 1984
* 89 C'est la raison pour
laquelle les expressions telles que « doit immédiatement, doit
transmettre sans délai... » ont été
supprimées et l'article 129 dispose par exemple que la demande de mise
en liberté provisoire est transmise au parquet dans les 48 heures.
* 90Voir article 389 C.P.P.
* 91 Voir article 85 C.P.P.
* 92 Depuis la loi n°
2000-516 du 15 juin 2000.
* 93 Reims, 13juillet 1983,
Gazette du palais 1983. 691, note Nagel
* 94 Voir aussi les articles
384 et 403 C.P.P. et 60 infiné C.P.C.
* 95 Article 211 C.P.P.
* 96 Article 156 alinéa
2
* 97 Article 167
alinéa 2
* 98 Article 81 alinéa
7
* 99 Cass. Crim29 avril 1960,
R.S.C., 1960, page 661
* 100 Articles 156 et167et
4
* 101 Cornu G. vocabulaire
juridique, association Henri Capitant, P.U.F.
* 102 V. article 570 du code
de procédure pénale du Sénégal
* 103 En matière
civile, l'article 7 du code de procédure civile permet au juge, dans
tout litige, et en tout état de la procédure, de tenter une
conciliation des parties même d'office.
* 104 Cour de Cassation,
audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux, vol.3
année 97-98;
* 105 Le colloque de Pau de
1981 de l'Association internationale des sciences juridiques, compte rendu de
J. Verin : le règlement extrajudiciaire des litiges, R.S.C.,
n° 1, page 171.
* 106 Jean Pradel,
Procédure pénale, p. 297.
* 107 Article 455 CPP
France.
* 108 F. Casorla, RIDP 1995,
p. 524, Sur le consensualisme en général
* 109 Jean Pradel,
Procédure pénale, p. 297.
* 110 Article 391.A à
391.E code de procédure pénale portugais.
* 111 Delage Pierre
Jérôme, La CRPC: quand la pratique ramène à la
théorie, Dalloz 28 juillet 2005.
* 112 W. Roumier, Mise en
oeuvre de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, Droit pénal, avril 2005.
* 113 André Giudicelli,
Repenser le plaider coupable, RSC juillet septembre 2005
* 114 Cass. Crim. 12 mai 1955,
Michelle Laure Rassat, Procédure Pénale, page 763.
* 115 Cass. Crim. 24 juillet
1967, J.C.P., page 67. II. 15266.
* 116 Où le procureur
général forme son appel par déclaration au greffe de la
cour, dans le délai de 3 mois à compter du jour du
prononcé du jugement...
* 117 Il y'a toutefois
quelques exceptions aux articles 485.1; 485.2; 485.3 et 396 C.P.P.
* 118 Article 482
alinéas 1 et 2.
* 119 Voir article 186
infiné code de procédure pénale France
* 120 Article 165 C.P.P.
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