CHAPITRE 1 Problématique
Le rendement interne de l'éducation s'apprécie
différemment soit que l'on se place du point de vue de l'investissement
réalisé par le bénéficiaire de l'éducation
soit qu'on l'examine sous l'angle d'un établissement de formation qui
cherche à participer au développement économique de son
environnement. Après avoir clarifié cette notion, nous
présenterons les théories sociologiques majeures sur le rendement
scolaire et poserons les questions qui nous intéressent dans la cadre de
cette recherche.
Section 1 Clarification de la notion de « rendement
interne»
Selon le point de vue du bénéficiaire de
l'investissement éducatif, le rendement interne ou privé
représente l'élément clef de la théorie du capital
humain développé par Becker. Nous présentons ici les
principes, les applications et les limites.
Paragraphe 1 Théorie du capital humain (Becker)
Becker considère que l'éducation constitue un
investissement impliquant couts, gains et donc rentabilité. D'autres
auteurs qui le suivent atténuent cette vue très
économique.
A. Principes et applications
Lorsqu'on parle de taux interne de rendement de
l'éducation en économie, on fait exclusivement allusion aux gains
et espérance de gains que le bénéficiaire de
l'éducation compte réaliser ou réalise quand il franchit
l'étape d'acquisition des connaissances. Ce processus est similaire
à celui de l'entreprise qui investit un capital dans une activité
et en retire un bénéfice financier. Avant de passer à
l'acte d'investissement, l'entreprise met sur la balance plusieurs options de
rentabilisation du capital qu'il possède. Il utilisera alors la
technique de capitalisation qui consiste à effectuer des calculs pour
obtenir la valeur future d'une somme possédée aujourd'hui. La
technique est fondée sur les taux d'intérêt du
marché et se traduit mathématiquement par la formule suivante:
Be=Bo(1 + i)t
Où Be représente la somme que
l'investisseur est supposé gagner dans le futur, B0 représente la
valeur actuelle de la somme considérée, i le taux
d'intérêt sur le marché et t le nombre d'années
d'investissement envisagé. Plus le taux d'intérêt i est
élevé, plus la somme Be est élevée ainsi
que la rentabilité.
L'investisseur procède alors par comparaison. Il met
sur la balance deux projets d'investissement et compare leur rentabilité
grâce à la technique de capitalisation. Il choisira donc
naturellement le projet pour lequel le taux de rendement est plus
élevé. Pour Becker, il en va de même de l'investisseur en
matière d'éducation. La théorie du capital humain postule
que le niveau de salaire est la conséquence de la qualification de
l'individu éduqué. Ce postulat justifie alors un salaire
élevé pour une qualification élevée. Ceci implique
un autre argument: l'éducation augmente la productivité de
l'individu car cela représente une perte pour l'investisseur de
rémunérer un individu non productif. Avant Becker, Adam Smith
postulait: « On peut s'attendre à ce que le métier que
l'homme qualifié apprend lui rapporte un salaire supérieur
à celui du travail non qualifié et rembourse sa dépense
totale d'éducation majorée au minimum du profit habituellement
rapporté par un capital d'égal montant»5.
Tous ces postulats sont empreints de beaucoup de «
mécanicité» et c'est à juste titre que les
auteurs qui suivront feront évoluer l'idée de rentabilité
éducative.
B. Limites et contributions
Pour les tenants de la théorie du signal et du filtre,
la validité de la relation qualification-productivité et donc
éducation-revenu résultant du diplôme est à revoir
pour une meilleure appréciation du rendement éducatif. Pour les
tenants de la théorie du signal comme Spencer, l'employeur ignore la
productivité de l'individu qu'il cherche à recruter. Il utilise
comme indices de productivité potentielle le sexe, la race, l'âge
et le niveau
5 Cité dans le Cours d'Economie de
l'Education, Pierre Gravot, UT 1, 2007
d'éducation. Etant donné, comme le pensent
beaucoup d'auteurs, que l'école développe les aptitudes conformes
aux attentes du système capitaliste, l`employeur se fonde sur cette
conviction pour attribuer un certain signal à l'individu
éduqué. C'est ainsi que Arrow pense que «
l'éducation n'a pas d'effet sur la productivité mais indique
que l'individu est capable d'être plus efficace dans son emploi
»6. Cette thèse se rapproche de la théorie
du filtre qui affirme que l'école ne sert qu'à
sélectionner les individus qui détiennent de leur milieu
d'origine les talents nécessaires pour être productif. Tous
acceptent cependant que l'école ne peut qu'améliorer cette
productivité.
Par ailleurs, en plus de la dimension monétaire, les
dimensions culturelles, intellectuelles et sociales viennent renforcer
l'appréciation de l'investissement éducatif et produisent la
notion de rendement social. Dans son cours d'Economie de l'éducation,
Pierre Gravot retient quelques une de ces dimensions. Le statut, la
responsabilité, l'indépendance, la stabilité, la
localisation, la pénibilité constituent une première
dimension très importante de l'éducation. L'individu n'investit
pas seulement pour des motifs de retour monétaire mais aussi pour
pouvoir jouir de ces facteurs sociaux. L'éducation est aussi un bien de
consommation pour lequel le bénéficiaire tente de maximiser
l'utilité en tenant compte de son revenu. En reconnaissant qu'elle est
un bien de consommation, ce point de vue anéantit l'idée de
rentabilité du capital humain. Dans le cas du système
français à scolarité obligatoire en primaire et
secondaire, l'éducation représente un bien collectif qui
bénéficie à la communauté entière. Ici
aussi, le calcul en terme de rendement interne s'émousse. Enfin,
l'incertitude dans le choix, incertitude née de l'aléa
inhérent aux perspectives de gain, de l'information imparfaite et de la
rationalité limitée ne joue pas non plus en faveur du capital
humain.
Cette présentation de la théorie du capital
humain nous permet simplement de clarifier la notion de rendement interne ou
privé dans sa définition. Nous proposerons maintenant une autre
conception du « rendement interne» qui nous intéresse
dans ce mémoire.
6 Cité dans le Cours d'Economie de
l'Education, Pierre Gravot, UT 1, 2007
Paragraphe 2 Rendement scolaire
La notion de rendement que nous allons circonscrire dans les
lignes qui suivent est celle qui sera retenue dans le cadre de la
rédaction de ce mémoire. Elle fait appel à deux notions
connexes que sont la productivité et la valeur ajoutée.
A. Productivité
En économie marchande, la productivité est le
« rapport entre le rendement effectif (production des biens) et
l'unité de l'un ou plusieurs des facteurs de production
choisie»7 selon le Lexique des sciences sociales de
Grawitz. Mathématiquement parlant:
Où P représente la productivité
recherchée, r le rendement etf les facteurs de
production. Plus la valeur des facteurs est élevée, plus la
productivité diminue. Le bon gestionnaire marchand tentera de produire
le maximum de biens avec une quantité de facteurs donnée. Il
augmentera alors la productivité de son entreprise.
Dans le cas des établissements de formation, ce
comportement du bon gestionnaire marchand est l'inverse de celui du
gestionnaire d'établissement car l'augmentation de la
productivité de son établissement signifie soit la production de
plus de diplômés à moyens constants ou de
diplômés en nombre constant en minimisant les facteurs de
production. Concrètement, augmenter la productivité signifie
dégrader les conditions d'encadrement et produire des
diplômés au moindre cout.
Cette clarification de la notion de productivité nous
permet donc de préciser quelles sont les conditions positives pour un
établissement de formation pour générer un output
acceptable, output que nous retrouvons aussi dans la notion de valeur
ajoutée.
7 Madeleine GRAWITZ, Lexique des sciences sociales,
Editions DALLOZ 2004
B. Valeur ajoutée
En sciences sociales, la valeur ajoutée
représente la «différence entre l'input et
l'output» selon le Lexique des sciences sociales de Grawitz. Nous
avons préféré cette définition car elle n'est pas
très spécifiquement économique et nous permet de traiter
du rendement scolaire. L'approche systémique des établissements
de formation qui use du concept de « système» pour
analyser les organisations est plus apte à définir la notion de
valeur ajoutée.
Plusieurs définitions sont données du concept
« système»; nous retiendrons ici la définition
simplifiée de Jean-William Lapierre et nous y ajouterons pour
clarification les éléments proposés par Jean-Claude Lugan.
Pour Lapierre, « le système est un ensemble organisé de
processus liés entre eux par un ensemble d'interactions à la fois
assez cohérents et assez souples pour le rendre capable d'un certain
degré d'autonomie »8. L'accent est mis ici sur
« processus », « interactions », «
autonomie ». Lugan9 a proposé une
définition qui ajoute les concepts de « actions »,
« effets », « permanence », « existence
», « dynamique », « temporel »,
« téléonomie », « congruence
», « performance », « sous-système
», « adaptation », « échange
», « input », « output» et
« transformation ». Lugan, se basant sur ces concepts clefs,
cite alors trois caractéristiques essentielles d'une organisation
concrète de formation : « une organisation éducative est
une boite noire avec des entrées et des sorties»; c'est un
« système plus ou moins ouvert»; c'est un
système complexe parce qu'elle « conjugue des faits, des
artefacts, des acteurs qui sont déjà en eux-mêmes des
systèmes complexes ». Schématiquement, l'organisation
éducative en tant que système peut être
représentée de la façon suivante:
8 Cité dans le Cours d'Economie de
l'Education, Pierre Gravot, UT 1, 2007
9 Jean Claude Lugan, Approche Systémique
des Organisations de Formation, UT1
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Avant de traiter, chiffres à l'appui, de ce rendement
pour le Collège Charles Lwanga de Sarh, examinons les théories
sociologiques majeures qui ont tenté de diagnostiquer le
phénomène du rendement scolaire.
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