Rendement Interne du College Charles Lwanga de Sarh (Tchad): Cas de la cohorte 1987-1994( Télécharger le fichier original )par Mekone Tolrom Universite de Toulouse 1, Sciences Sociales - Diplome d'Universite: Ingenierie de la Formation et des Systemes d'Emploi 2007 |
Paragraphe 2 Relâchement généré par le luxeUn proverbe Ngambaye, une ethnie de la région méridionale du Tchad, dit: « Ngolo ndje may tel mbeu», ce qui peut se traduire par: « Le fils du bourgeois ne réussit pas ». Ce proverbe, bien que de portée très limitée, exprime bien ce phénomène qui peut être généré dans les milieux bourgeois. Les Ngambaye ont remarqué que beaucoup d'enfants issus des milieux aisés, se sentant matériellement en sécurité, prennent de liberté avec les travaux scolaires. C'est la même chose qui se passe en France et reporté par Bourdieu dans son livre. Ce détachement de la chose scolaire ne va pas sans conséquences négatives pour tous les élèves qui le pratiquent. En dépit du soutien qui leur est officieusement accordé en raison de leur appartenance à la bourgeoisie, certains échouent. Au Tchad, l'effet de l'environnement social amplifie ce phénomène. Certains enfants issus des familles aisées disposent de ce dont ils ont besoin, aujourd'hui et demain. N'est-ce pas l'école a pour but de s'assurer un avenir meilleur? Or, cet avenir meilleur est déjà assuré par les parents. Pourquoi les enfants consentiront-ils encore autant de sacrifices pour ce qui est déjà acquis? Contre parfois leur médiocrité, ils brandissent leur héritage social et finissent par abandonner l'école. Ce paradoxe montre une fois de plus que le savoir n'est pas la propriété d'une classe et que les échecs et les succès ne découlent pas de la simple appartenance à une classe. Mais Bourdieu, fidèle à sa logique de condamnation des classes populaires, diabolise l'idée de l'effort. Il officie le culte de l'héritage, du don, de la grâce. C'est même une justification de la paresse sinon comprendre que quelqu'un qui reçoit sans effort soit plus « adoré» que quelqu'un qui fournit de l'effort pour produire? Sans se laisser impressionner par sa théorie, nous allons examiner le rôle du revenu qu'il sous-estime. Section 3 Le rôle central du revenu dans le rendement scolaire Comme le pensent Siegel et Campbell dans leur étude, l'effet du revenu sur l'éducation est supérieur à celui de l'éducation sur le revenu. Pour permettre de corriger les insuffisances nées du déséquilibre occasionnées par l'insuffisance des ressources économiques, l'appréciation du rendement scolaire doit être systémique; Paragraphe 1 L'appréciation du rendement doit être globaleLorsqu'à l'université on se plaint du manque de niveau des étudiants et des échecs en masse au premier cycle, ce n'est que distraction. Ce sont les effets pernicieux des manquements dans les études secondaires. Aucune précaution n'est prise à l'entrée de l'université et à l'université pour s'assurer le succès de ceux qui y entrent. Le baccalauréat a un objectif politique et non académique. Il ne sélectionne donc pas les élèves au mérite académique. Si l'on remonte au lycée, les élèves ne disposent pas des mêmes atouts à cause de ce qu'ils proviennent d'un autre cycle d'enseignement qui ne leur a pas fourni les mêmes outils intellectuels. Si l'on remonte au cycle primaire, les enfants n'ont pas vécu les mêmes expériences dans leur environnement familial et ne disposent donc pas des mêmes aptitudes scolaires. Et si l'on remonte toute la chaine, on retrouve le revenu. De sa retraite, il pilote la machine des devenirs, il dicte les attentes, il rend orgueilleux, il rend humble. Cette toute puissance peut être réduite à sa simple expression si toute la société s'arme de volonté pour la vaincre. La mobilité sociale est ici en jeu. Raymond Boudon définit celle-ci comme « la différence, en fonction des origines sociales, dans les probabilités d'accès aux différents niveaux socioprofessionnels »28. La mobilité sociale appelle à son tour la lutte des classes. 28 Raymond BOU DON, L'Inégalité des chances, Editions Hachette Littératures 1984 Celle-ci a été portée sur la grande place publique par Marx et plusieurs autres auteurs. Malgré les révolutions et les vouloirs politiques démocratiques, elle a existé, elle existe et elle existera. De ce point de vue, qui croyez-vous troquera sa place de noble d'aujourd'hui contre celle du prolétaire d'hier ou même lui en céder un peu ? C'est une lutte perpétuelle car le pouvoir appelle le pouvoir. Conséquemment, l'inconscient des prétendants détenteurs de la culture savante, synonyme de la détention du pouvoir économique et leur volonté de perpétuer le mouvement capitaliste qui leur est favorable, conditionne les finalités de transfert des savoirs. Car, comme le constate Joël de Rosnay: « Avec la réussite viennent les honneurs, la considération, le respect, la situation, la sécurité, l'aisance matérielle, le pouvoir aussi. Valeurs essentiellement égoïstes d'une civilisation fondée sur la conquête et la domination de la nature; l'asservissement de l'homme par l'homme ». Le savoir transféré aux masses populaires, même étant fait dans une même classe où se trouvent les élèves issus de la bourgeoisie, a pour finalité de servir le capitalisme en demeurant à leur place, la classe populaire. Il y va du maintient de la division du travail. C'est ici que certains auteurs pensent, comme l'écrit Pierre Gravot, qu' « elle est inévitable dans la mesure où l'économie a besoin pour fonctionner d'une main d'oeuvre diversifiée aux qualifications différentes et qu'il n'est évidemment pas question que tout le monde accède aux hautes qualifications d'où la nécessité d'un filtrage ». Qui, croyez-vous, a le droit d'accéder aux hautes qualifications? Il est vrai que c'est un leurre de proclamer la fin d'une gestion partisane des savoirs, mais accepter la mobilité sociale est un début à un rééquilibrage du rendement scolaire. Paragraphe 2 Corrections possibles aux insuffisances scolaires Une fois la mobilité sociale acceptée, deux catégories de corrections peuvent être apportées aux insuffisances scolaires: économiques et académiques. La correction économique est celle qui consiste à appliquer un slogan comme celui en cours aux Etats Unis: « No child left behind». Dans notre cas, le slogan serait: « Aucun élève ne doit piétiner à l'école pour des motifs économiques ». Du primaire au supérieur, l'Etat doit mettre en place des mécanismes financiers pour assurer la scolarité complète à tous les citoyens qui disposent d'un faible revenu. Nous disons bien « au supérieur» car beaucoup pensent que le supérieur ne relevant pas de la scolarité obligatoire, celui qui veut y accéder doit s'en fournir les moyens. C'est une erreur car le fils de l'ouvrier n'en bénéficiera jamais et le fils de ce dernier à son tour et l'objectif fixé par la bourgeoisie, jaloux de ses acquis, est atteint: pas de mobilité sociale, chacun reste à sa place. C'est ainsi que les élèves issus des milieux populaires, qui s'étaient surpassés pour obtenir un niveau académique même meilleur que celui des élèves bourgeois sont condamnés à s'arrêter en chemin et servir la division du travail à la place qui leur est réservée. La correction académique est nécessaire pour combler les manquements occasionnés ça et là par les avatars de divers ordres. Prenons le cas des « Community Colleges» américains. Ce sont deux années qui forment les élèves arrivés du lycée avant de les envoyer à l'université où il passe encore deux ans pour obtenir le bachelor (l'équivalent du Master I européen). A la différence du DEUG français qui se concentre sur une branche générale, le droit ou l'économie par exemple, ces deux années offrent une formation pluridisciplinaire à chaque étudiant. Ces Collèges pratiquent le « open enrollment ». Il n'existe pas de sélection qui peut écarter un candidat à l'entrée dans ces collèges. Certains s'étonneront en croyant que c'est une promotion officielle de la baisse de niveau. En réalité, c`est plutôt une source d'équité. Le problème de revenu pour payer la scolarité est largement résolu pour les élèves issus des « low income families29 ». Pour ce qui est du niveau scolaire, un test du genre TOEFL30, le COMPASS31 ou l'ASSET32, où il n'y a ni échec ni succès « universel» est administré aux candidats. Les points obtenus lors de ces tests permettent de placer les élèves dans les classes où ils sont aptes à réussir et progresser. Le cas des mathématiques et de l'Anglais est plus facile d'explication. Lorsqu'un élève veut préparer un « Associate of Sciences» où les disciplines scientifiques dominent, un bon score lui permet de se placer en Maths 123 par exemple et de progresser à travers Maths 124, 125, 126 et ainsi décrocher son « Associate of Sciences» en complétant bien sûr sa formation avec les autres disciplines qui suivent le même principe. A supposer qu'à l'issue du test, il soit placé en Maths 085, ce qui est très loin du 29 Familles à faible revenu 30 Test of English as Foreign Language 31 Comprehensive Computerized Placement and Diagnostic Assessment System 32 Advanced mathematics test in college algebra « College level », il pourra toujours prétendre préparer un « Associate of Sciences ». Il travaillera à sa mise à niveau en parcourant avec succès Maths 85, 98, 101, 122, 123, etc. et finir en Maths 126 comme celui qui a obtenu le bon score. Il le fait avec retard mais néanmoins il accomplit l'oeuvre de son désir Aussi, l'étudiant américain du premier cycle, en principe, ne peut être « laissé derrière» ni pour des motifs économiques ni pour des motifs académiques. Il a le soutien du système éducatif, soutien qui se prolonge dans plusieurs domaines sociaux. Cette méthode mettra à nu la grossièreté de la théorie sociolinguistique de Bernstein. Quand il dit que le langage public ne permet pas de communiquer les idées, il dénie aux hommes l'aptitude naturelle à communiquer. Il fait primer l'expression orale sur l'objectif de la communication alors que la communication sans parole est suffisante tandis que la parole sans communication ne remplit pas son rôle social. Il en est de même du cas de Bourdieu. La pédagogie rationnelle qu'il propose est loin d'être réalisable parce qu'il faudrait préalablement changer la logique capitaliste, ce qui est tout aussi irréalisable. Balayer du revers de la main l'argument du revenu qui peut faire changer beaucoup de choses et proposer un projet complètement irréalisable, ce n'est rien moins que préférer le statut quo pour valider sa théorie au fil du temps. |
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