Comportement organisationnel des sites de
coopératives maraîchères de Kinshasa vis-à-vis
des contraintes environnementales
Publié en octobre 2007 dans l'ouvrage : Les performances
des organisations africaines. Pratiques de gestion en contexte incertain,
coll. "Conception et dynamique des organisations", L'Harmattan, Paris, pp.
89-106. Sous la direction de : Nizet, Jean et Pichault, François.
Blaise Muzingu
Nzolameso1
Résumé
L'auteur s'intéresse aux relations qu'entretiennent les
sites de coopératives maraîchères à Kinshasa avec
leur environnement. Dans un premier temps, l'auteur aborde la question de la
contribution de ces sites au développement de la filière
maraîchère, à la fois sur le plan social (création
d'emplois, diminution de l'insécurité alimentaire),
économique (développement de solidarités susceptibles de
faire face aux aléas climatiques affectant la rentabilité) et
agro-environnemental (utilisation des déchets biodégradables pour
fertiliser les cultures, réduction des problèmes
d'insalubrité). Dans un deuxième temps, le texte se centre sur
les contraintes auxquelles sont confrontés les sites de
coopératives maraîchères (faible niveau d'encadrement
technique, faibles capacités financières, carences en
matière d'outillage, problèmes d'approvisionnement en semences de
qualité, utilisation non contrôlée des pesticides). En se
référant à la théorie de la dépendance des
ressources, il approfondit et compare de manière systématique les
stratégies mises en place par deux sites maraîchers à
l'égard de contraintes similaires. L'analyse aboutit au constat de
stratégies for-
1 Ingénieur Agronome et fonctionnaire au
ministère du Développement rural en R.D.C, Blaise MUZINGU
NZOLAMESO est titulaire d'un DEA en développement, environnement et
sociétés (UCL). Il est chercheur à l'université du
CEPROMAD (Kinshasa). Ses domaines de compétence sont les dynamiques
agraires et l'organisation des coopératives. Il réalise
actuellement une thèse à l'université catholique de
Louvain portant sur l'organisation des sites maraîchers
coopérativisés à Kinshasa.
(
blaisemuzingu@yahoo.fr)
tement différenciées de contrôle des
ressources, qui pourraient expliquer les contributions inégales des
sites au développement de la filière maraîchère.
Introduction
Confrontée à une dégradation de la
situation sociale, économique, politique et environnementale, la ville
de Kinshasa (République Démocratique du Congo) est sujette
à une paupérisation importante de sa population. Après
l'échec des programmes de stabilisation et d'ajustement structurel des
années 80, elle a connu les deux pillages des années 91 et 93,
auxquels se sont ajoutés les différents événements
politico-militaires qui ont entraîné des déplacements
massifs de population vers les grands centres urbains non touchés par
les conflits. Dans un tel contexte, une dynamique locale de
développement s'est déployée au sein de la ville de
Kinshasa comme dans le reste du pays, non exempte, cependant, de
contradictions. Les auteurs désignent cette dynamique, selon les cas,
sous les vocables d'« économie informelle », d'«
économie solidaire » ou d'« économie populaire
».
Selon Peemans (1997), les pratiques populaires combinent
à la fois des stratégies individuelles, la formation de
réseaux et des constructions associatives plus ou moins
élaborées. Elles sont toutes liées à des contextes
définis par l'histoire ancienne et récente, aux résultats
de rapports de force, à la nature particulière de la crise de
l'État. Ces pratiques font partie intégrante du processus de
développement qui combine plusieurs logiques, à savoir
l'économie, la redistribution, la solidarité et la mise en place
de régulations destinées à sécuriser les acteurs
concernés. Lapeyre (2002) considère que la réalité
des pratiques populaires qui ont cherché - au fil du temps et des
offensives déstabilisatrices - à sécuriser les conditions
de vie des acteurs concernés, a longtemps été
voilée.
Dans cet article, nous intégrons au cadre de
l'économie populaire les activités d'une agriculture en pleine
ville ayant trait à la survie. Plus précisément, notre
intérêt se porte sur les cultures maraîchères
pratiquées tantôt dans des sites structurés, tantôt
dans des espaces non structurés (plates-bandes le long des grandes
artères de la ville, terrains de football, alentours des écoles,
des marchés et de certaines églises, etc.).
De multiples processus d'organisation conduisent un site
maraîcher à se structurer : « coopérativisation »
(Gentil, 1984), « ONGisation »
(Trefon, 2004), mutualisation, association d'exploitants
maraîchers, etc. Les coopératives maraîchères
représentent 58 % de l'ensemble des formes d'organisation. Les origines
du processus de « coopérativisation » remontent à la
coopération française qui en a été l'initiatrice
vers les années 1962 avec une phase test axée sur le centre
maraîcher de Kimbanseke.
Nous étudions ici les sites de coopératives
maraîchères en tant que système ouvert ainsi que leur
comportement vis-à-vis des contraintes environnementales. Nous entendons
par filière maraîchère un ensemble d'activités
liées à la production et à la commercialisation de
légumes, feuilles, fruits et racines. À Kinshasa, le
maraîchage apparaît comme la principale activité de
l'agriculture urbaine.
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