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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.3.2.1. Médias et banlieues : le traitement journalistique

L'image controversée de la banlieue doit pour beaucoup aux médias et leur traitement du problème. Depuis la fin des années 1950, leur développement et le rôle croissant de la télévision ont contribué à renforcer, atténuer ou afficher des opinions jusque-là assez peu exprimées.

Un traitement d'abord relatif

Les années 1950 voient l'apparition de reportages encore peu engagés sur les grands ensembles, expliquant surtout l'installation des premiers résidents dans ces nouvelles formes d'habitations. Cependant, soulevée par les sociologues la question de la délinquance juvénile est brièvement évoquée à partir des années 1960 ; l'absence de structures et l'anonymat qui découlent de ces grands espaces seraient propices à des formes de violence. Par la suite, quelques reportages et documentaires continuent de développer cette analyse avant de prendre une place grandissante au cours des années 1970. En 1971, la visite du ministre du Logement Albin Chalandon à la cité des Quatre-Mille à La Courneuve est couverte par une équipe de télévision. Dans son reportage, celle-ci ne manquera pas de s'attarder sur les carreaux cassés, les papiers jonchant le sol tandis que les habitants se plaignent déjà de l'insécurité et de la malpropreté ambiantes.

En cette fin de décennie pointent les préoccupations grandissantes liées aux dérives d'un environnement urbain malsain et qui se dégrade, et liées à l'apparition des premières violences dans les grands ensembles et les écoles. En 1979, les premières émeutes urbaines éclatent à Vaulx-en-Velin mais avec un traitement toujours assez relatif de l'événement de la part des médias. Cependant, celles de 1981 feront l'objet de toutes les attentions.

Depuis 1981 : la surmédiatisation du phénomène

Durant l'été 1981, alors que les rodéos s'enchaînent à la cité des Minguettes à Vénissieux (Rhône), les événements font l'objet d'une couverture médiatique inédite ; l'« été chaud » apparaît à la une de tous les journaux télévisés ou de la presse. Le « malaise des banlieues » surgit pour la première fois, alors que les journaux connotés tendance politique de droite (Le Figaro, France-Soir) évoquent un lien entre délinquance et immigration. Les termes de « zonards », « loubards », « zoulous », « racailles » sont remis à l'ordre du jour, confortant l'amalgame fait entre banlieue et violence. Parallèlement, un jeu réciproque entre banlieusards et médias se met en place ; les émeutes urbaines perdurent car on parle de l'événement. Parfois, au fil des années, quelques violences éclatent aux mêmes dates en signe d'anniversaire.

Avec les nouvelles émeutes de 1990 à Vaulx-en-Velin, toujours dans la banlieue de Lyon, le phénomène des banlieues gagne encore en ampleur et voit une couverture médiatique encore plus intense. Dans la décennie qui suit, le phénomène devient banal et les « vrais chiffres de la délinquance » sont exposés à longueur d'articles. Les descriptions précises d'éventuels actes de violence sont affublés de photographies « chocs » de voitures en flammes ou de jeunes à l'air menaçant. La télévision s'empare aussi du sujet en le mettant en scène dans ses reportages. Et lorsque des émeutes éclatent, des chroniques y sont consacrées au moment des faits et souvent des reportages anniversaire sont mis en boîte, l'année d'après. La recherche de l'audience est souvent à l'origine de ce sensationnalisme. Mais ces tableaux contribuent à forger l'image négative de la banlieue. L'assimilation entre violences et populations fragiles à faibles revenus s'inscrit naturellement dans les esprits, à laquelle s'ajoute souvent le lien de l'origine des populations concernées et « l'intégrisme musulman ». Dès lors, la stigmatisation s'effectue simplement ; certaines écoles présentent des risques, tout comme certains quartiers. Certaines populations sont à éviter car elles présentent tous les maux de la société. Et comme le précise Guy Lochard dans son article La « question de la banlieue » à la télévision française. Mise en place et évolution d'un conflit de représentations »56(*) : « On retrouve donc là une forme bien connue de balancement rhétorique (pour/contre, aspects positifs/aspects négatifs) qui est la marque même du sens commun. »

Pour anecdote, le journal régional de France 357(*) a récemment consacré un reportage à la ville de Saint-Maur des Fossés (Val-de-Marne) qui, en 2006, s'est vue obligée de construire des logements sociaux, sous peine de voir ses terrains réquisitionnés par le préfet du département ; ce dernier avait l'intention de lancer un Projet d'Intérêt Général à l'encontre de la commune58(*). En 2005, le préfet avait déjà saisi contre cette ville en augmentant de 79 % l'amende annuelle pour non respect de la loi SRU. A cette époque, le maire divers droite, Jean-Louis Beaumont avait déclaré : « Si nous n'avions pas fait le choix de payer l'amende annuelle pour conserver notre cadre de vie, l'application de cette loi reviendrait à construire (...) 5 000 logements supplémentaires », tout en encourageant les habitants à signer une pétition demandant « l'abrogation de la loi SRU-Gayssot » 59(*).

Aujourd'hui, le bras de fer entre la mairie de Saint-Maur des Fossés et le préfet continue ; l'équipe municipale avait d'autres projets pour les terrains sélectionnés par le préfet et lui a donc adressé un dossier de modification du Plan d'Occupation des Sols au nom de la libre administration des communes comme principe constitutionnel.

Et au journaliste de conclure son reportage en expliquant que les logements sociaux ne sont pas amenés à être bâtis sous peu à Saint-Maur des Fossés et il parle « ainsi de tranquillité préservée pour les habitants de la ville ».

* 56 LOCHARD Guy, La « question des banlieues » à la télévision française. Mise en évolution d'un conflit de représentation in DELPORTE Christian (dir.), Médias et villes (XVIIIème-XXème) : actes du colloque des 5 et 6 décembre 1997. Tours : CEHVI, collection « Publications de l'Université François-Rabelais de Tours », 1999.

* 57 Edition régionale de Paris Ile-de-France. France 3, le 19 avril 2007.

* 58 En 2006, la ville compte 5,4 % de logements sociaux sur son territoire.

* 59 Cité dans « A Saint-Maur, "le scandale des immeubles vides" ». Saint-Maur Blog, vendredi 2 décembre 2005.

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