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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.2.3. L'enjeu fondamental : favoriser la mixité sociale

2.2.3.1. Définition de la « mixité sociale » : une notion floue

La « mixité sociale » reste une notion encore peu définie en sociologie. Rares sont les dictionnaires à inclure cette notion dans leurs colonnes ; ou alors, c'est selon le point de vue de l'éducation (mixité scolaire) ou de la religion (mariage mixte). Quant aux textes officiels, ils évoquent souvent la mixité sociale selon une définition en négatif, comme l'« absence de déséquilibre » ou « l'absence de concentration ».

De façon générale, le terme de « mixité » était absent de certains dictionnaires, il y a encore trente ans. Aujourd'hui, il se définit comme une situation « formée de plusieurs éléments de nature différente et qui participent de leurs différentes propriétés »51(*). Du point de vue sociologique, la définition reste encore floue, évoquant « une situation de coexistence entre des individus dotés de caractéristiques sociales différentes »52(*). Mais la notion reste très large, car elle peut se traduire par des critères d'âge, de revenus, ou encore des catégories socioprofessionnelles ou socio-culturelles. Aucun consensus n'est à noter sur la définition de ce terme en France. Quant aux lois elles-mêmes, elles n'explicitent pas le concept dont elles font l'objet.

Seul le Dictionnaire critique de l'habitat et du logement donne la définition suivante de la « mixité sociale » : « On désigne par mixité sociale l'objectif d'une politique sociale visant, par l'élaboration des programmes de logement notamment, à faire coexister différentes classes sociales au sein d'une même unité urbaine » 53(*). Cependant, à la suite des législations mises en place, cette définition réduit la mixité sociale à la question du logement.

La mixité est donc une sorte de vision idéale. Elle revient à mélanger afin d'agir sur la composition sociale du lieu visé, afin de passer à un état de ségrégation à un état d'équilibre ; elle se définit dans un cadre spatial, au niveau d'une ville, d'un quartier, d'un bâtiment ou pour certains au niveau d'une cage d'escalier...

2.2.3.2. Loi SRU et mixité sociale : la politique en évolution

Les années 1980 : revaloriser les Zones Urbaines Sensibles

Les politiques des années 1980 reposaient sur la notion de « discrimination positive territoriale ». Après avoir entrepris la réhabilitation de l'habitat, les émeutes de banlieues de la fin des années 1970 obligent les élus à donner une réponse globale, mêlant urbanisme et social. Les politiques de la ville, telle qu'elles naissent à cette époque, consistent donc à cibler des territoires afin de réduire l'écart entre le reste de la ville. Des procédures spécifiques et des moyens supplémentaires sont donc mis en place afin de favoriser l'éducation, l'emploi, l'intégration.

Mais ces analyses continuent d'opérer une séparation entre les quartiers « normaux » et les quartiers « à problèmes ». Très vite, elles présentent leurs limites surtout lorsque éclatent de nouvelles émeutes au début des années 1990. La vision de la politique de la ville est donc encore amenée à évoluer. C'est le cas avec la loi SRU qui reprend les principes de la LOV.

La loi SRU : fondre les catégories fragiles dans le tissu urbain...

Dans les études des années 1990, la ségrégation est identifiée comme étant le facteur du malaise des banlieues. La concentration dans un même espace résidentiel des populations pauvres et en majorité immigrées est un frein à leur insertion dans la société et sur le marché du travail. En effet, le cumul des difficultés matérielles, financières et sociales peuvent être à l'origine d'un repli communautaire devenant une limite supplémentaire à l'intégration et considéré en France comme une menace pour la République et les principes de laïcité. Dans ce contexte ségrégatif, les termes de « sous-culture marginale » et « ghetto » réapparaissent ; des études mettent en avant la notion de « ville à deux vitesses » pour parler des quartiers dévalorisés se juxtaposant aux quartiers favorisés.

Face aux échecs des politiques précédents, le principe de mixité sociale sur l'ensemble du territoire est alors perçu comme le facteur de cohésion. Avec la loi SRU, la législation impose de ne plus simplement retrouver du lien social au niveau des quartiers mais au contraire de les réintégrer physiquement et symboliquement dans la ville. La lutte contre l'exclusion passe par une répartition plus équilibrée des groupes sociaux dans l'espace urbain.

Différents travaux (en particulier menés à l'étranger), on mit en avant l'influence de l'environnement sur le parcours de l'individu. Lorsque la ségrégation est forte, des tendances négatives se dessinent au niveau de la réussite scolaire, du taux d'emploi, de la rémunération et du degré d'intégration dans la société. L'enjeu de la loi SRU est donc de parvenir à casser ces effets de la ségrégation due à la cohabitation des mêmes classes fragiles dans un même espace résidentiel. La dissémination du logement social, avec le quota des 20 % par commune est donc prônée dans le but de créer une dynamique pour les populations les plus fragiles au contact des individus plus aisés.

Maintenues depuis les années 1980 au niveau de quartiers rencontrant des problèmes, les politiques de la ville ont donc été obligées de changer leur échelle d'action avec le passage à la loi SRU. L'enjeu de ces politiques est de passer à une échelle beaucoup plus globale afin d'y développer la cohésion social. Le PLH ne s'adresse donc plus uniquement aux quartiers jugés comme prioritaires mais l'ensemble du territoire de la commune devient le degré de référence. Et en favorisant l'intercommunalité, l'agglomération devient le terrain pour les buts économiques. Par ces différents moyens, la législation cherchent à limiter l'étalement des habitations sociales en périphéries des villes. La loi SRU reprend le principe énuméré lors de la mise en chantier de la LOV : les politiques de la ville sont la recherche d'un équilibre entre les territoires, les territoires les plus favorisés ayant le devoir de solidarité et d'accueil envers les populations les plus pauvres.

... par le biais de la législation

Une autre innovation de la loi SRU par rapport aux moyens déployés dans les années 1980 est le passage à la législation et la contrainte. Les politiques mises au point vingt ans plus tôt étaient basées sur le principe du contrat et de volontariat de la part des communes ; seulement les maires ont été peu nombreux à se porter candidats.

Avec la loi SRU, les collectivités territoriales sont obligées de définir des objectifs communs en partenariat avec l'Etat. Et différents échelons de la vie sociale y sont associés : les travailleurs sociaux, les bailleurs, les services publics et les habitants participent à l'élaboration de ces plans. Si les objectifs ne sont pas remplis, les communes se voient infliger des sanctions par logement manquant et peuvent voir leur terrain réquisitionné par le préfet.

Reprenant les principes de la LOV de 1990, la loi évolue concernant les sanctions financières. Dix ans plus tôt, la réalisation des logements sociaux pouvait être aseptisée par la possibilité d'y échapper en versant une contribution financière auprès d'un organisme compétant pour réaliser ces logements.

Cependant, l'idée de disséminer les logements sociaux dans le tissu urbain doit se confronter à des stéréotypes remontant aux politiques des années 1950, expliquant aussi les difficultés d'application de la loi SRU.

* 51 Dictionnaire Le Robert, édition 2000.

* 52 ZEIDMAN Claude, Article « Mixité » in AKOUN André et ANSART Pierre (dir.), Dictionnaire de sociologie. Paris : Le Robert Seuil, 1999.

* 53 BRUN Jacques, SEGAUD Marion, DRIANT Jean-Claude, Dictionnaire critique de l'habitat et du logement. Paris : Armand Colin, 2003.

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