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Envoyé Spécial : une approche de l'environnement à la télévision française (1990-2000).

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par Yannick Sellier
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Histoire et Audiovisuel 2007
  

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c- L'émergence d'une éthique de l'environnement.

Sous le haut patronage de Jacques Chirac, un colloque est organisé, le 13 décembre 1996, à la Sorbonne : « Ethique et environnement». Dans son discours d'introduction, Corinne Lepage, Ministre de l'environnement, en appelle à une approche pluridisciplinaire de l'environnement ainsi qu'à une confrontation des expériences, prenant acte du fait que « l'environnement devient en soi une confluence de questions économiques, scientifiques, sociales, politiques et morales. »103(*) Selon l'édition 2000 du dictionnaire Petit Larousse, l'éthique est d'abord la partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale. C'est aussi, ce qui nous intéresse tout autant sinon plus, un ensemble de règles de conduite. L'environnement impose donc de réfléchir de nouveau aux valeurs morales qui fondent notamment le système politique le prenant en compte. Cette dimension occultée en France jusqu'en 1992 (jusqu'à ce que les philosophes tels que Luc Ferry s'en inquiètent), est cependant et dès l'origine ressentie très fortement par les journalistes.

Ceux-ci, durant les séquences plateau, apparaissent ou se disent souvent en empathie avec la misère, les blessures, les souffrances, voire les deuils de ceux qu'ils ont rencontré au cours du tournage de leur émission. Au cours du visionnage des reportages du corpus, nous nous sommes ainsi aperçu que les pleurs des personnes sont souvent pris en gros plan (même si la personne se détourne de la caméra ou demande que l'on arrête de filmer) : ce qui rend le moment difficilement supportable pour un téléspectateur éprouvé, de manière récurrente et sur des plans différents, tout au long du reportage. Avec l'introduction du « principe de précaution », l'exigence éthique, proche de la déontologie en médecine, devient la composante d'un environnement repensé, non plus en terme de « nature », de « paysage », mais en terme d'interaction, de relation directe entre l'activité humaine et les conséquences sur la vie des hommes impliqués ou non dans cette activité.

Le rapport Bruntland, commandé par les Nations Unies, intitulé « Notre avenir à tous » (traduit de l'anglais « Our common future ») et publié en 1987, rendait compte des problèmes environnementaux d'une manière globale. Il y était question du « sort des générations futures ». Ainsi peut-on lire dans ce rapport des propos du type : « L'incapacité de l'homme à intégrer ses activités dans cette structure (la Terre) est actuellement en train de modifier de fond en comble les systèmes planétaires. »104(*). Or dans son livre sur La responsabilité envers les générations futures, publié en français en 1994, Dieter Birnbacher, explique que d'une manière générale, la population marque une certaine indifférence envers l'avenir. Cette indifférence est seulement tempérée par l'intérêt des individus pour le destin futur de ceux qui leur sont proches. Tous les membres des « générations futures » n'ont donc pas la même signification : l'individu ne s'intéresserait qu'au bien futur des membres d'un groupe étroitement limité, auquel il appartient, et ce d'une manière approximative dans où le bien futur le préoccupe105(*).

Or avec l'amiante, le pyralène et bientôt les organismes génétiquement modifiés, l'individu se sent plus que jamais concerné. Certes, ces produits, peuvent encore affecter l'environnement naturel (la Seine pour le pyralène, la perturbation des équilibres écologiques pour les organismes génétiquement modifiés). Mais ils affectent d'abord et surtout (d'après les journalistes) ou du moins, ils risquent d'affecter (selon les experts et les scientifiques) la santé des personnes et des Français en l'occurrence. Nous l'avons dit l'environnement n'est plus seulement quelquechose à protéger, à préserver, il s'agit à présent de l'assainir pour le bien immédiat de tous. En termes éthiques, c'est un droit et une responsabilité qui incombe à chacun en fonction de son domaine de compétence.

Si la moralisation de la nature aurait pu avoir pour conséquence un certain immobilisme et un défaut d'autonomie de la personne humaine, l'éthique, appliquée à l'environnement, permet au contraire d'envisager l'environnement comme une dynamique. Corinne Lepage, dans sa dernière allocution le 13 décembre 1996, se sent encore obligée de rappeler que l'approche politique de l'environnement « n'est plus une affaire d'utopistes, de rêveurs baba cool mais une affaire de responsables politiques, économiques, confrontés à la réalité. Autrement dit, l'éthique est une partie de cette réalité que le travail des journalistes conditionne et façonne en partie. L'éthique, associée à l'environnement, dans le discours de Corinne Lepage renvoie expressément à trois dimensions106(*).

Elle est « humaniste » car les Français sont parfaitement capables de s'extirper par leurs propres moyens des difficultés rencontrées en la matière sans verser dans les extrêmes que sont la seule logique de la rentabilité économique et l'abrogation des droits de l'Homme. Elle comporte un enjeu de solidarité au présent, contre l'oubli du passé (cf. pour Envoyé spécial, les rétrospectives et les rediffusions) pour une prise en compte du futur (cf. pour Envoyé spécial, les recommandations, les estimations, l'omniprésence de la figure de la mère et de l'enfant). L'éthique, en ce qui concerne l'environnement, est enfin un enjeu politique, une manière de chercher et de trouver un sens dans la vie.

En 1996, le Pape Jean-Paul II fait un appel en faveur d'une éducation universelle à la responsabilité écologique. Il va de soit à présent qu'Envoyé spécial participe de cette éducation. Du fait de leurs expériences au cours de la période 1992-1996, pour ce qui est de l'éthique, les journalistes tirent des enseignements similaires à ceux de Corinne Lepage. Le montage, le commentaire et la diffusion du reportage sont autant de manière de rendre compte de cette expérience. La sensibilité d'Envoyé spécial est souvent en phase ou précède de peu l'évolution générale de la sensibilité de la société en matière d'écologie. Quand elle ne l'influence pas directement. Le cas de l'amiante en fut un exemple, la « journée sans voiture » initiée, en France, par le magazine en est la concrétisation.

* 103 Lepage Corinne, « Allocution », dans Ethique et environnement, Actes du Colloque, Paris, La documentation française, 1997, p. 17

* 104 Bruntland Grottarlem (président de la commission), « Une Terre, un Monde », dans Notre avenir à tous, Commission Mondiale de l'Environnement et du Développement, 1987 [n.p.]

* 105 Birnbacher Dieter, La responsabilité envers les générations futures, Paris, PUF, Coll. « Philosophie Morale », 1994 [Stuttgart, 1988], p. 25

* 106 Lepage Corinne, « Discours de clôture », dans Ethique et environnement, Actes du Colloque, Paris, La documentation française, 1997, pp.. 171-182

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld