4.1. Conclusion
Manger à Kinshasa, est un défi de tous les
jours pour la population. Mais l'on constate que c'est plus un problème
de pauvreté généralisée et de manque de pouvoir
d'achat que d'échec agricole et de commercialisation défaillante.
De part la situation socio-économique désastreuse, les Kinois
sont passés maîtres dans l'art de développer des
stratégies de lutte et de faire face à des chocs imprévus
et des aléas. Le refuge dans le secteur de la débrouillardise
« économie populaire » caractérisée pour les uns
par les activités agricoles qui offre les meilleurs perspectives pour
une croissance soutenue et dont bénéficient des larges couches de
la population.
Cette activité maraîchère qui a
crée des paysans dans la ville, reste certainement celle qui favorise
donc la création d'emplois dans le secteur agricole urbain et surtout
dans les secteurs périphériques. La plupart de ces
activités sont souvent palliatives, mais certaines d'entre elles
pourraient devenir plus régulières, si la politique
économique encourageait le développement d'exploitations
familiales ou individuelles, notamment par l'accès au petit
crédit.
Néanmoins, l'agriculture urbaine ne permet
guère de s'enrichir, c'est en fait une activité de survie qui
exige d'abord de connaître les techniques agricoles et de protection des
cultures contre les parasites et les aléas climatiques; elle demande
encore de maîtriser la planification des cultures, les techniques
culturales pour dominer la concurrence entre producteurs et établir des
relations correctes avec les commerçantes très bien
organisées qui se chargent de vendre les produits maraîchers.
On lui reconnaît le rôle important
d'améliorer la vie de ses acteurs dont les femmes, actrices majeures de
cette activité informelle, économiquement par la vente des
produits ou la dispense d'achat, et nutritionnellement grâce à des
produits agricoles frais et plus variées. Son but n'est pas
l'éradication de la pauvreté ou de la faim dans le pays; mais
elle est le fait de gens qui s'aident eux-mêmes, cultivant le lopin de
terre auquel ils ont droit pour l'alimentation, la vente. Cette agriculture a
aussi un effet positif sur l'environnement car la production de compost,
très utilisé dans l'agriculture urbaine, contribue à la
gestion des déchets et à l'assainissement du milieu.
Mais les dangers qu'elle fait courir aux consommateurs sont
nombreux. Il y a lieu de citer la consommation par les déchets humains
ajoutés au compost sans traitement, par les huiles de vidange et les
métaux (Pb par exemple) ; empoisonnement par les insecticides ; peste
répandue par les rats attirés par le compost; pollution des sols
et des nappes d'eau souterraines par des produits.
Avec des bénéfices partagés :
nourriture, emploi, revenu, assainissement, valorisation et gestion des
déchets, la participation des femmes dans le processus de production et
de commercialisation, et malgré ses limites et problèmes divers,
nous réalisons que la filière maraîchère à
Kinshasa, permet:
· la contribution positive à la
sécurité alimentaire urbaine par sa disponibilité en
quantité et en qualité, l'approvisionnement permanent en
légumes produits localement et l'accessibilité de la population
à ces légumes qui constituent complément nutritionnel
intéressant par rapport à la sécurité alimentaire
;
· la création d'emploi et une
génération des revenus ;
· la contribution à l'assainissement urbain, au
recyclage et à la valorisation23 des déchets.
Les perspectives sur la dynamique maraîchère
dans la province urbaine de Kinshasa étant prometteuses, le renforcement
des mesures ou les actions à réglementer le système
foncier, accroître la production, renforcer le dispositif de
commercialisation des légumes et accorder les micro crédits aux
maraîchers permettraient de dynamiser d'avantage la filière
maraîchère et contribuer à la durabilité de la ville
de Kinshasa.
4.2. Perspectives
Le secteur maraîcher urbain s'est
développé dans de nombreux quartiers de Kinshasa, soit par
nécessité, soit sous l'impulsion de l'évolution du
standing de vie et des habitudes alimentaires. Bien que son utilité soit
reconnue, le secteur est négligé, les systèmes
d'approvisionnements en sont méconnus. Faute de stratégie et
d'encadrement adéquats, on assiste au développement
incontrôlé qui est pourtant étroitement lié à
la gestion de l'espace urbain, des ressources en eau, à la protection de
l'approvisionnement des consommateurs en produits de qualité.
Au regard des aspects positifs et négatifs que
présente la filière maraîchère à Kinshasa,
une attention particulière mérite de lui être
accordée par les autorités municipales. Aussi dans
le souci de bien gérer les sites d'attraction des
producteurs maraîchers, il implique de les sécuriser en faveur des
nombreuses fonctions qu'elles assurent en délimitant celles qui peuvent
accueillir les activités économiques.
L'extension de ces périmètres urbains agricoles
devra être inscrite dans les plans futurs d'urbanisation et les
dynamiques d'évolution de cette agriculture urbaine devront être
accompagnées en fonction des stratégies suivantes :
4.2.1. Stratégies relatives à la
réglementation du système foncier
· l'état doit réglementer et
contrôler les modalités d'occupation des terres et de
l'attribution des concessions, pour faciliter et garantir la
pérennité des aménagements des périmètres
maraîchers ;
· anticiper et gérer les crises et conflits des
acteurs autour de l'accès aux ressources urbaines.
4.2.2. Stratégies relatives à la
production maraîchère
· privilégier la production et la diversité
des légumes locaux, eu égard aux multiples problèmes
phytosanitaires que posent les légumes de types européens ;
· veiller d'une part sur la qualité des ordures
ménagères enfouis pour fertiliser le sol de peur de le polluer et
d'autres parts tenir compte de rémanences des engrais et pesticides
utilisés afin d'éviter les risques d'intoxications ;
· assurer l'approvisionnement en intrants et surtout
face à la difficulté des semences, nous croyons qu'à court
terme, les maraîchers ont intérêt à produire leurs
propres semences, au moins en ce qui concerne les légumes congolais qui
ne posent que peu de problèmes de «
dégénérescence » dans les conditions
écologiques locales. Cette auto production de semences pourrait
constituer la solution intermédiaire en attendant que la ferme
semencière assure une production suffisante de semences de
qualité ;
· assurer la réhabilitation des infrastructures
hydrauliques en vue de la maîtrise totale des eaux d'irrigation et de
drainage ;
· assurer et renforcer les services d'encadrement et de
vulgarisation des maraîchers par l'augmentation du nombre d'encadreurs
qualifiés, par la motivation et la rémunération
conséquente du personnel ; et par la formation continue.
Il ressort de toutes ces stratégies que l'effort de
l'Etat de redynamiser l'emploi, le secteur économique dans un climat
politique stable résoudra le problème de l'existence des jardins
spontanés.
Enfin, encourager la dynamique maraîchère dans le
respect des facteurs environnementaux, doit constituer la préoccupation
de l'autorité de tutelle par l'entremise de ses services
spécialisés.