L'agriculture à Dèrègouè est
pratiquée pour la subsistance et les revenus monétaires. Les
cultures pratiquées varient très peu d'une exploitation à
une autre, de même que les moyens de productions. Les
céréales sont les principales cultures vivrières et le
coton y constitue la culture de rente privilégiée des paysans.
2.4.1.1. Les cultures pratiquées et l'outillage
agricole
Les principales spéculations cultivées sont : les
cultures vivrières et celles de rente.
· Les cultures vivrières
Les céréales sont les principales cultures
vivrières, mais on y cultive les tubercules.
Les céréales sont cultivées pour faire
face au besoin de subsistance des familles. Les principales
céréales sont le mil, le sorgho, le maïs et le riz. Elles
connaissent une évolution croissante en production et en superficie (Cf.
graphique n°8, page 36) dans le département de Sidéradougou,
et partant à Dèrègouè. Cependant, les
céréales, notamment le mil et le maïs, sont souvent
commercialisés. Le rendement à l'hectare de ces deux
spéculations varie entre
15 et 35 sacs de 100 kg. Le prix de l'unité de sac de
100 Kg sur les marchés locaux fluctue entre 9000 et 11000 F CFA selon
les périodes de l'année.
Graphique : n°8
20000
15000
10000
5000
Evolution de la production
céréalière dans le département
de
Sidéradougou
0
1995/1996 2002/2003 2003/2004
Période
Sorgho Maïs
Mil
Riz Fonio
Source : ZATA du département de
Sidéradougou, campagne agricole 2002-2003
Les céréales notamment le mil et le maïs
jouent un rôle déterminant dans les rapports entre autochtones et
migrants à Dèrègouè. En effet, chaque migrant qui
obtient d'un chef de terre une parcelle est redevable à ce dernier, en
ce sens que celui-ci est dans l'obligation de remettre 2 à 4 tines de
mil ou maïs chaque récolte.
Les tubercules sont dominés par les patates, les
ignames, etc., et sont beaucoup plus cultivés par les autochtones et les
Karaboro. La culture des tubercules est peu développée à
Dèrègouè, mais sa production est croissante dans le
département de Sidéradougou. Elle est
passée de 2013 tonnes à 3706.6 de 1995 à 2004 (ZATA de
Sidéradougou/Campagne agricole 2002-2003), soit un taux d'augmentation
de 84%.
· Les cultures de rente
Elles concernent les oléagineux, les arbres fruitiers et
le maraîchage.
Le coton représente la principale culture
oléagineuse dans le département de Sidéradougou. Mais
l'arachide, le sésame, le sésame et le woandzou restent des
spéculations non moins importantes comme en témoigne le graphique
ci-dessous (graphique n°9, page 36). 68% des exploitants
enquêtés pratiquent la culture du coton sur une superficie moyenne
de 3,6 ha chacun. Toutefois, certains paysans ont des champs de coton dont les
superficies dépassent largement cette moyenne, et atteigne souvent 10
ha. La culture du coton connaît un
essor à Dèrègouè, et en
général dans le département de Sidéradougou (Cf.
photo n°1, page 118 en annexe 2). Cela s'est traduit par une
évolution croissante de la production de coton et de la superficie
occupée par cette culture (Cf. graphique n°9).
Graphique : n°9
12000
10000
4000
2000
8000
6000
0
Evolution de la production des oléagineux dans
le
département de Sidéradougou de 1995 à
2004
1995/1996 2002/2003 2003/2004
période
coton Arachide Sésame Niébé Woandzou
Source : ZATA de Sidéradougou/Campagne
agricole 2002-2003
L'arboriculture se traduit par l'existence de nombreux
vergers de mangue, d'anacarde, etc. L'anacardier est l'arbre le plus
prisé des paysans, notamment des migrants. Il a été
introduit au Burkina Faso dans les années 60 dans l'optique de
protéger les sols et de lutter contre la désertification ; cet
arbre est devenu une culture à but commercial et stratégique.
Dans la province de la Comoé, sa culture a pris une importance avec
l'arrivée significative des migrants et ses enjeux sont à la fois
stratégiques et économiques. « La production de
l'anacarde se développe de plus en plus avec les migrants qui exploitent
en moyenne 4 à 5 ha. La production de l'anacarde représente un
investissement profitable sur une longue durée. La tine varie entre 3500
et 4000 F CFA. La plantation d'arbres apparaît chez les migrants comme
une façon de créer ou de consolider des droits permanents et
transmissibles. » (Kagone M, 2004
:47). Bien qu'émergeant, la pratique de
l'arboriculture par les migrants butte à certaines perceptions
coutumières relatives à l'accès à la terre (nous y
reviendrons largement dans la deuxième partie du mémoire) :
l'arbre est perçu comme une essence dont la plantation sur une parcelle
sous-entend une appropriation privée de l'espace à long terme.
La culture de bananes et le maraîchage y sont aussi
pratiqués. Ils se développent aux abords des cours d'eau,
notamment la rivière Koba, principal cours d'eau du site d'étude.
Ils
sont surtout pratiqués par les « nouveaux acteurs
» et les nouveaux migrants dont l'installation dans la zone est
récente.
Ces spéculations citées ci-dessus sont
cultivées au moyen d'outils et d'intrants variés, et ce pour
accroître le rendement des sols et la production. Néanmoins,
l'usage des outils traditionnels tels que la daba est perceptible
L'outil de travail traditionnel reste la daba. Par ailleurs,
la pratique de la culture attelée par le biais de la traction animale y
est très développée. L'usage de la traction animale pour
les travaux de labour, de sarclage et de buttage a été
intégré dans les moeurs culturales des paysans grâce
à l'ORD dans les années 70. Il s'est
généralisé avec le développement de la culture du
coton et l'arrivée de migrants qui ont l'expérience de telles
pratiques. Les outils modernes (laboureur, butteur, sarcleur, etc.) sont acquis
sous formes d'achat, de troc, de location et de contrats (Cf. tableau n°2,
page 40). Mais l'achat demeure le principal mode d'acquisition de ces outils
des paysans, soit 58% des exploitants enquêtés. Outre l'usage de
ces outils agricoles, les paysans adoptent plusieurs techniques pour
diversifier et accroître leurs productions.
2.4.1.2. Les techniques de culture et de
fertilisation
Les périodes de culture s'étendent
généralement d'avril à décembre. Les mois d'avril,
de mai et souvent de juin représentent la période de labour et
des semis, tandis qu'octobre, novembre et décembre sont les mois de
récolte. Les mois de juin, août, juillet et septembre sont
réservés aux travaux de sarclage, de buttage et de traitement
phytosanitaire des cultures ensemencées (Cf. graphique n°9, page
41).
· L'association de culture
Il se traduit par l'ensemencement de plusieurs plantes dans
un même champ. Les principales cultures associées dans la zone
sont le sorgho, le maïs, l'arachide, l'haricot, etc. Dans les vergers
d'anacardier, les anacardiers sont associés aux plantes
saisonnières (coton, céréale, etc.) lorsqu'ils sont
nouvellement plantés. Dans ce cas de figure, l'association prend fin
à la maturation des plantes d'anacarde.
· L'assolement/rotation
Cette technique consiste à parcelliser les
unités de production et d'y ensemencer des plantes aux exigences
différentes sur chaque parcellaire. Les cultures sont alternées
successivement d'un parcellaire à un autre et d'une année
à une autre. Dans la zone de Dèrègouè, après
l'ouverture d'un nouveau champ, les paysans exploitent successivement les
spéculations suivantes :
- sorgho, coton, maïs, coton, millet, arachide ;
- haricot, sorgho, maïs coton, maïs, millet.
L'utilisation d'engrais et l'irrigation sont les principales
techniques mises en oeuvre par les paysans pour accroître le rendement de
leurs champs.
· L'utilisation des engrais
Les engrais chimiques, notamment le NPK et l'urée,
sont les principaux fertilisants des sols utilisés par les paysans pour
accroître des exploitations. Ces intrants sont soit achetés au
comptant, soit par l'entremise de la Sofitex sous forme de prêt
remboursable. Au fait, la Sofitex fournit les intrants aux producteurs de coton
par le canal des GPC sous la forme de prêt pour permettre à ces
derniers de pratiquer la culture du coton. Selon les paysans
enquêtés : « pour accéder aux intrants de la
Sofitex il faut être membre d'un GPC, ensuite posséder un champ de
coton d'au moins 5 ha afin de bénéficier des intrants pour les
champs de coton et les champs de maïs. Pour 5ha de champ de coton, la
Sofitex octroie des intrants d'1 ha de maïs. Une superficie d'1 ha de
coton correspond à 3 sacs de 50Kg d'NPK et 1 sac d'urée plus 10
litres de pesticides. Cela revient à environs 45.000 F CFA remboursable
à la Sofitex pour 1 ha pour la campagne 2004/2005». Le
rendement moyen à l'ha selon nos enquêtes varie entre 1 et 1tonne
et 1/2, ce qui procure respectivement 175000 et 187500 F CFA pour la campagne
2004/2005.
Les engrais chimiques ne sont pas les seuls intrants
utilisés dans la production. Certains paysans enquêtés
affirment utiliser la fumure organique pour accroître la fertilité
des sols de leurs champs. Il s'agit particulièrement des agro-pasteurs
et de certains nouveaux acteurs.
Tableau °2: les modalités
d'acquisition de la charrue ou des tracteurs
Source : Enquête de terrain, 2005
· L'irrigation
Cette technique a vu le jour dans les années 1990 avec
l'appui du projet PSSA/FAO qui a financé l'aménagement d'un
bas-fond rizicole de 30 ha. A ce bas-fond, s'ajoute le périmètre
irrigué dont l'aménagement et la fourniture de motopompe a
été possible avec l'appui du PNGT et du PADL, en vue du
développement de la culture de contre saison dans la zone. Par ailleurs,
les techniques d'irrigation sont aussi pratiquées par les «
nouveaux acteurs » qui y détiennent des fermes agro-pastorales (Cf.
photo n°2, page 118 en annexe). L'irrigation est pratiquée surtout
aux abords de la rivière Koba et ses affluents, dont les eaux
constituent la principale source d'alimentation des périmètres
irrigués. Les exploitants par le biais de motopompes ou d'un
système mécanique irriguent leur.
Graphique n°10
" " " " " " " " " " " " " "
Janv Fé v M ars A vril M ai Ju in Ju ill A oû t S
ep t O ct Nov Déc Janv
TENDANCE GENE
COTON
SORGHO
MAÏS
RALE
LE CALENDRIER AGRICOLE A DEREGOUE
B uttage
Sarclage
Sé me nce
LEGENDE
Labour
Récolte
Source: E n quête de terrain 2005/2006 Néya
Sihé Août 2006
2.4.2. L'élevage
L'abondance du potentiel fourrager et la présence de
nombreux points d'eau naturels ont favorisé le développement de
l'élevage dans le département de Sidéradougou, et partant
à Dèrègouè. Ce développement s'est
accentué suite aux luttes contre les glossines sur les rives de la
rivière Koba et à l'aménagement de la zone pastorale de
Sidéradougou. Les espèces élevées et les
systèmes d'élevage sont divers.
2.4.2.1. Les espèces
élevées
Le cheptel est composé principalement de ruminants
(bovins, ovins, caprins, asins) et des monogastriques (volailles, porcs, etc.).
Dans la Comoé, l'effectif de ces espèces a augmenté ces
dernières années comme le démontre le tableau ci-dessous.
Cependant, cette croissance cache des problèmes vécus par
certains éleveurs de la zone et qui entraînent une migration de
ces derniers vers des pays voisins. En effet, selon S. D, un responsable de
groupement d'éleveur peul dénommé « Djamdjalo
», le cheptel est en régression dans la zone, car de nombreux
éleveurs migrent vers les pays voisins, en particulier le Ghana
où ils sont bien accueillis. « J'ai moi même une partie
de mon cheptel dans ce pays ». Selon lui, cette émigration des
éleveurs peul vers le Ghana s'explique par la saturation foncière
qui se traduit par le manque de pâturages et de passages pour les
troupeaux, suite à l'accroissement des parcelles de culture.
Tableau N° 3: Evolution du cheptel dans la
province de la Comoé
Source : plan de campagne 1995/1996 et
DPRA/Comoé, déc. 2003
2.4.2.2. Les techniques d'élevage
L'élevage dans la zone d'étude est de type
extensif. L'alimentation du bétail est en général
assurée par les ressources naturelles (eau, végétation,
etc.) et les résidus de culture. L'exploitation du pâturage
naturel implique soit la sédentarisation soit la transhumance. Par
ailleurs, ces techniques évoluent selon l'activité principale des
producteurs et l'amplitude de mobilité du cheptel. Ainsi, deux
principaux types d'élevage se distinguent dans la zone. Il s'agit de
l'élevage peul et l'élevage des agriculteurs.
· L'élevage peul
L'élevage peul a un caractère culturel et
économique. Les espèces sont seulement vendues pour faire face
à des besoins (achat de moyen de locomotion, préparation des
cérémonies, etc.). Il est difficile d'obtenir des chiffres
fiables sur la taille des bovins, car les Peul sont réticents à
fournir des informations à ce sujet. Néanmoins, nous avons
dénombré 20 à 30 têtes de bovins conduits
généralement par les pasteurs que nous avons rencontrés
pendant les enquêtes. L'élevage peul peut être classé
comme suite :
- l'élevage transhumant ; il concerne
les bovins zébus (bos indicus) et les taurin (bos Taurus) et se
caractérise par une grande mobilité des pasteurs en compagnie de
leurs bétails. Les éleveurs sont en perpétuel mouvement
à la recherche de pâturages et de points d'eau pour d'abreuver les
troupeaux. Ils se déplacent sur de longues distances d'une saison
à une autre. Selon Chartier (1982) cité par Chrystel Meallet et
al. (1997 :13) « L'amplitude de transhumance est en moyenne de 35 Km
avec un maximum de 100 Km ». Cet élevage de transhumance
côtoie un élevage moins mobile ;
- l'élevage sédentaire ; il se
traduit par des mouvements de bétail de faible amplitude qui se limite
au terroir avec un rayon de mobilité d'environs 5 Km. Les troupeaux sont
à chaque fois ramenés dans les concessions. Les terres de culture
récoltées sont les lieux de parcage du troupeau. Mais en pleine
saison de culture des enclos sont construits afin de pouvoir les garder.
Les ruminants sont les espèces dominantes de cet
élevage ; néanmoins, ces éleveurs pratiquent
l'élevage de la volaille, notamment les pintades. Outre l'élevage
peul, on' y observe l'élevage pratiqué par les paysans dont la
vocation principale est l'agriculture.
· L'élevage des paysans
agriculteurs
Les espèces élevées sont des
métis. Parmi ces paysans qui pratiquent l'élevage, on y distingue
les agro-pasteurs d'avec les agriculteurs, en ce sens que la part relative du
bétail dans les revenus globaux des agro-pasteurs est supérieure
à celle des agriculteurs. Chez les agro-pasteurs, il existe un
équilibre entre l'élevage et l'agriculture, ce qui n'est pas le
cas pour ce qui concerne les agriculteurs. Dans le système
d'élevage des paysans, l'utilisation des résidus de
récolte comme fourrage est général ; la fumure animale
ainsi que la traction animale sont utilisées.
Les agro-pasteurs associent l'élevage aux
activités agricoles et leur troupeau est confié aux
éleveurs peul. Par conséquent, Leurs bêtes font aussi
l'objet de transhumance. Par contre, les agriculteurs sédentaires
pratiquent surtout l'élevage de boeuf de traction et de la volaille
à cause du développement de la culture attelée. Les boeufs
de traction sont utilisés pour les travaux champêtres. Les animaux
partagent la même concession que ces agriculteurs.
En dépit de la délimitation des zones
pastorales et agro-pastorales, l'élevage, notamment celui des ruminants,
se trouve confronté à des difficultés liées
à l'accès aux pâturages et aux points d'eau. Ces
problèmes que rencontre l'élevage dans cette zone sont
stimulés par la pression démographique et la saturation
foncière, conséquence de la colonisation agricole massive
amorcée ces dix dernières années dans la zone
d'étude.