Selon les informations relatives au peuplement de
Dèrègouè, il ressort que les Tiéfo sont les
fondateurs du village. Les recherches de Malo Houodié (2005) dans la
zone révèlent que « les détenteurs actuels des
maîtrises territoriales des villages de (...),
Dèrègouè, Sidéradougou sont des Tiéfo (...).
Les Tiéfo auraient vécu dans la région de Kong avant de
s'installer dans l'actuelle province de la Comoé. Ils formèrent
de petits villages comme Gouandougou, Noumoundara le long de leurs parcours
». Cependant, l'historique du père fondateur du village fait
l'objet de nombreuses controverses. En fait, le nom du fondateur du village ne
fait pas l'unanimité entre les lignages autochtones ; d'où la
narration de récits divergents.
Selon le chef du village (Dougoutigui), « c'est
Ouattara Amoro qui est le fondateur de Dèrègouè
». Ce dernier serait un chasseur originaire du village de
Gouandougou. « L'actuel Dèrègouè était son
lieu de chasse .... Il faisait des vas et viens entre Gouandougou et
Dèrègouè à la recherche de gibiers. S'étant
habitué et ayant apprécié le lieu, il décida d'y
rester définitivement. C'est ainsi qu'il baptisa le village «
Derpien » (qui signifierait en langue tiéfo « je m'y suis
habitué) » et fit venir sa mère Matogoma et ses
frères qui résidaient à Gouandougou ».
Une deuxième version, contraire à la
précédente et narrée cette fois par le « Batigui
» (chef des eaux) affirmerait que « c'est Sawari
(ancêtre du lignage se réclamant du Balankanafêsso) qui est
le fondateur de Dèrègouè. Quand il est arrivé ici
(allusion faite au site), il n' y' avait personne. En son temps, il y 'avait de
la viande (allusion faite aux animaux sauvages) et tout le lieu était la
brousse. Il l'apprécia, décida d'y élire domicile et le
baptisa « Derkpin », qui signifierait « il m'a maintenu
».
Le lignage du chef de village et du chef des eaux sont les
deux grands lignages propriétaires terriens de la zone. Bien qu'ils
soient tous des Tiéfo portant le même patronyme, ces derniers ne
s'accordent pas sur le nom du père fondateur du village, chacun se
réclamant la paternité. En effet, selon S. B, un dioula
assimilé au Tiéfo par matrilignage, « les descendants de
Sawari sont venus de Dramandougou et ceux de Ouattara Amoro, de Gouandougou.
Mais tous sont originaires de Kong. Il serait difficile de dire qui est-ce qui
se serait-il installé en premier ». Pour Mr D., ATAS de la
zone « les deux lignages (les descendants de Sawari et ceux de Amoro)
se disputent la paternité du village. Chacun affirme que c'est son
ancêtre qui est le premier à s'être installé. Or, il
paraîtrait que ces deux étaient tous des chasseurs qui avaient
comme site de chasse Dèrègouè. Mais leurs tentes
étaient situées de part et d'autre de la colline, raison pour
laquelle nul n'était au courant de la présence de l'autre. Un
jour, l'un vit une flamme, il s'approcha et constata une autre présence
humaine. Et comme chacun affirmait qu'il était le premier sur le site,
ils décidèrent ensemble de se partager les pouvoirs du village.
Ainsi les descendants d'Amoro et de Sawari ont respectivement à leur
charge la gestion du « Dougou » (village et le fétiche
protecteur du village) et du « Ba » (actuel rivière Koba et
ses affluents) ».
Selon la famille du chef de terre de Kounbrigban, faisant
partie de la descendance d'Amoro, « les descendants de Sawari et
d'Amoro sont des cousins. Mais, ce sujet est un sacré dans le village.
Au fait, les deux étaient dans le village et la femme de Sawari
décéda. Amoro décida alors de donner sa fille comme
épouse à Sawari afin qu'il puisse assurer une progéniture.
Mais, cette alliance devait rester sacrée. On ne devrait pas en parler.
C'est parce qu'aujourd'hui il y' a l'argent dans la terre, chacun se
réclame la paternité du village ».
Loin de nous l'intention de jouer le rôle de juge sur
cette question, raison pour laquelle nous avons faire usage du temps
conditionnel pour évoquer la polémique qui règne autour de
l'histoire de la paternité de notre zone d'étude. Cependant,
l'unanimité des populations sur cette question est que ce sont les
Ouattara de l'ethnie tiéfo qui sont les premiers occupants du
site, par conséquent propriétaires terriens
coutumiers de la zone. Cette polémique autour de l'histoire du premier
fondateur de Dèrègouè est l'une des raisons principales de
son partage en trois grands territoires coutumiers: «
Dougoutiguifêsso », « Balankanafêsso » et
« Missifêsso ». Après s'être
installés, les Tiéfo ont été suivis par les Dioula,
avec qui ils forment le groupe autochtone. Tous comme les tiéfo, ils
seraient originaires de Kong et s'y seraient installés entre le 18 et 1
9ème . Ceux-ci portent les patronymes suivants Diawara;
Sanogo et Touré. Ils et sont les pionniers de l'islamisation de la
zone.
Cependant, à partir des années 1970 on assiste
à des vagues de migration en direction de la zone d'étude dont
l'objectif principal est la recherche de terres et de pâturages.