CONCLUSION GENERALE
Située au sud-ouest du Burkina Faso, plus
précisément au Nord-est du département de
Sidéradougou dans la province de la Comoé, le site de
Dèrègouè présente des conditions naturelles
favorables au développement des activités agro-pastorales. La
nature des sols, la végétation conjuguée à la
relative abondance et régularité des précipitations, sont
des facteurs qui ont rendu possible la diversification des activités
agricoles. Ce potentiel a favorisé le choix de cette région pour
l'aménagement d'un site agro-pastoral par les autorités
étatiques. Aussi a-t-il stimulé ouverture d'un front pionnier de
forte colonisation agricole par l'immigration de populations de provenances
variées. Ce qui a influencé les pratiques foncières.
Nous avons abordé l'étude des problèmes
fonciers à Dèrègouè sur la base des 3
hypothèses suivantes :
1. l'accroissement démographique et la pression sur les
terres sont l'un des facteurs déterminants des problèmes fonciers
qui affectent les pratiques agricoles;
2. les droits d'exploitation agricole qui découlent des
modes d'accès à la terre en vigueur à
Dèrègouè ont crée des situations
d'insécurité et de précarité foncières
3. les problèmes d'insécurité et de
précarité foncières incitent les exploitants agricoles
à mettre en oeuvre des stratégies pour stabiliser leurs droits
d'usage sur la terre.
L'analyse des données collectées confirme ces
hypothèses. En effet, le site de Dèrègouè a connu
un accroissement rapide de sa population suite à la migration et au
croit naturel. En 8 ans (1996 à 2004), la population a augmenté
avec un taux de progression de 64.4%. Cette croissance, surtout liée
à la migration, a intensifié la pression démographique sur
la terre, entraînant ainsi une mutation des modes d'accès à
la terre. Des transactions foncières telles que le métayage, la
« vente » et les contrats fonciers de courte durée ont
émergé. La terre est devenue un objet de convoitise, accentuant
de ce fait la compétition foncière entre les acteurs aux
origines, statuts socio-économiques et objectifs variés. Ce
contexte a favorisé la recrudescence des problèmes
d'insécurité et de précarité foncières. Ces
difficultés se traduisent à travers les retraits de terre, la
réduction de la superficie des champs, la remise en cause de
l'autorité coutumière, les déguerpissements fonciers,
l'interdiction de planter et la cession de droits de culture de courte
durée. Elles ont des incidences sur les pratiques agricoles, les
rapports entre les
acteurs : abandon de la jachère, blocage des
investissements agricoles à long terme, émigrations agricole,
conflits fonciers etc.
Bien que son effet ait été significatif dans
l'émergence des problèmes fonciers, la croissance
démographique n'est pas le seul facteur explicatif des
difficultés liées à l'accès à la terre. En
effet, le développement de la culture du coton avec ses corollaires que
sont l'extension des superficies et la monétarisation des transactions
foncières ainsi que l'intervention de l'Etat (RAF, politique
d'aménagement du territoire et de reforestation) ont aussi
contribué à rendre instables les droits d'usage sur la terre
à Dèrègouè. Face à la recrudescence de ces
problèmes, certains paysans mettent en place des stratégies pour
stabiliser leurs droits dans le temps et l'espace. Mais malgré ces
stratégies, les problèmes demeurent. C'est pourquoi, il est
nécessaire pour une amélioration de la situation foncière
des paysans et partant, pour la stabilité sociale d'entreprendre les
actions suivantes:
· empêcher les remises en cause de
contrats fonciers sans raisons valables
Il est donc nécessaire d'adopter une approche
participative dans les situations de retraits de terres et de réductions
de superficies de champs dont bénéficient certains exploitants.
Cette approche doit être consensuelle en impliquant les personnes
ressources : par exemple, les décisions de remise en cause des contrats
fonciers permanents devraient être prises par un collège
composé de personnes ressources autochtones et migrantes avec
l'implication de l'autorité administrative. Les motifs avancés
dans ces situations doivent être en phase avec les principes
traditionnels dont le non-respect pourrait permettre une expulsion. Dans les
cas de réduction de superficies des champs, il est nécessaire de
fixer un seuil de superficie à partir duquel une parcelle pourrait faire
l'objet de réduction. Par exemple la taille moyenne des ménages
étant de 7 habitants dans la Comoé (INSD, 1996), on pourrait
permettre une telle pratique lorsque l'exploitant possède un champ dont
la superficie en hectare est supérieure à l'effectif des membres
résidents de son ménage. Pour ce qui concerne le
déguerpissement des exploitants de la ZPS, la mesure devrait s'appliquer
à tous si elle doit avoir lieu. Elle ne devrait pas être
localisée comme ce fut le cas en 2004 à
Dèrègouè où seulement quelques hameaux de culture
ont été saccagés. En plus, il serait important de trouver
des lopins de terre pour satisfaire les exploitants installés dans la ZP
si ceux-ci doivent définitivement quitter la zone au profit de
l'élevage. Car bien avant que le site ne soit délimité des
populations d'agriculteurs y vivaient. Dans le cas contraire, il serait
adéquat de faire un inventaire des exploitants installés sur
ledit site tout en vérifiant la végétation naturelle
encore disponible, afin de créer des conditions où
éleveurs et agriculteurs pourraient vivre en harmonie. Aussi, faudra
t-il freiner les
nouveaux défrichements du fait de l'essor de la culture
du coton. Par ailleurs, il serait bien de réaménager les pistes
de bétail qui mèneront au pâturage encore disponible et aux
points d'eau. Ensuite sensibiliser les exploitants afin que les
dégâts de champ ne fassent pas l'objet de conflits, mais en retour
interpellé aussi les éleveurs pour que les incidences ne soient
pas préméditées.
· Stabiliser les clauses qui régissent
les transactions foncières
Il concerne en particulier les contreparties fixes ou «
landa » (part symbolique versé pour les offrandes, avant tout
défrichement) et périodiques (redevance en nature
versé en tine de céréales), puis l'interdiction de planter
imposée à certains exploitants.
Le constat est que le versement « landa » sous
sa forme nature est rare. Elle est en général donnée
en espèces et n'est plus stable. Ce qui entraîne des divergences
dans l'appréciation des transactions foncières comme c'est le cas
pour la « vente » de terre. En plus, cette contrepartie offre plus de
chance aux nantis dans la course pour l'accès à la terre. Cela
crée des confusions dans les pratiques qui suscitent des craintes pour
ce qui concerne la durabilité des droits. Il est donc nécessaire
d'harmoniser et de rendre stable la contrepartie qui doit être
donnée avant de défricher une parcelle. La valeur de cette
contrepartie doit se faire en fonction de la superficie cédée. Il
serait donc intéressant que les autorités administratives
définissent les types de contrats fonciers en tenant compte des
réalités du terrain. Pour ce qui concerne le loyer en nature, il
doit être redéfinir : par exemple fixer le nombre de tines
versé par chaque métayer en fonction de la superficie des champs
qu'il exploitent en tenant compte du rendement moyen de céréales
à l'hectare. Ce loyer doit servir aussi au développement de la
zone. On pourrait par exemple demander à chaque propriétaire
terrien de verser une certaine quantité de sacs qu'il perçoit
chaque fin de campagne agricole auprès des métayers, qui pourrait
être vendue et épargner en vue de la construction
d'infrastructures socio-économiques pour l'intérêt de la
zone.
Si la culture arbustive regorge des intérêts
économiques, il ne faut cependant pas occulter le contrôle foncier
pérenne qu'il permet ; raison pour laquelle les propriétaires
terriens craignent que les usufruitiers plantent des arbres sur leur domaine.
Il y'a donc nécessité d'intégrer le droit de planter dans
les transactions foncières. Il faut permettre aux agriculteurs
exploitants qui veulent se sédentariser dans la zone de planter des
arbres dans leurs champs. Les exploitants, autochtones comme migrants, doivent
avoir la possibilité de planter. Cependant, lorsqu'ils voudraient
quitter le village définitivement, la terre devrait revenir sous le
contrôle foncier de la communauté villageoise si celui-ci n'a plus
de membre de son ménage dans le village.
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