Ils sont liés d'une part à la durée de
validité des droits d'usage sur la terre, et d'autre part, à la
longévité des cultures imposées aux exploitants agricoles.
Ces problèmes ne relèvent pas des perceptions locales comme c'est
le cas pour ce qui concerne l'insécurité foncière. Mais
c'est un état de fait qui, même s'il permet aux paysans de
cultiver, ne leur permet cependant pas d'orienter leurs activités
agricoles dans le long terme. Ainsi, les travaux de terrains ont
révélé deux formes de précarité
foncière :
· La cession des droits de culture
temporaires
La cession des droits de culture temporaires est une pratique
émergente dans la zone d'étude. Sur les 254 transferts de terre
enregistrés, 64 contrats fonciers, soit 26,6% étaient des
contrats précaires, c'est-à-dire de courte durée. Cette
pratique consiste en général à céder un droit de
culture saisonnier dont la validité ne dure que pendant une campagne
agricole à une tierce personne lorsque cette dernière sollicite
une terre pour cultiver. Les raisons qui expliquent l'émergence d'une
telle pratique sont l'insuffisance et le manque de terre et surtout, le
désir des cédeurs de consolider leur emprise sur les parcelles
non exploitées.
Faute d'acquérir des parcelles où ils pourront
jouir de droits d'usage permanents sur la terre, certains exploitants sont
contraints d'accepter les contrats précaires même s'ils ne leur
permettent que d'exploiter lesdites terres pour une période
limitée. C'est une alternative pour pratiquer l'agriculture dans un
contexte où la terre est « finie », mais lorsque cette
situation perdure elle devint un souci pour l'exploitant et sa famille.
La cession de droits d'usage saisonniers sur la terre n'est
pas le seul fait qui empêche de bâtir une emprise foncière
durable voire pérenne sur la terre. Il y'a aussi le fait d'interdire
à un exploitant le droit de planter des arbres à
longévité pérenne sur sa parcelle, gage de
pérennisation d'un contrôle foncier sur l'espace.
Les exploitants les plus exposés aux droits d'usage de
courte durée sur la terre sont les nouveaux migrants moins nantis,
installés dans la zone ces cinq dernières années.
Arrivés dans un contexte de raréfaction de la terre, ces migrants
négocient des parcelles sous contrats de courtes durées quitte
à ce qu'ils gagnent de nouveaux espaces cultivables où ils
jouiront de droits d'usage permanents sur la terre. 2.7% des exploitants
enquêtés sont des attributaires saisonniers. Par ailleurs,
certains bénéficient de droits permanents, mais exploitent des
terres
par le biais de contrats précaires du fait de
l'insuffisance de terres. Ces derniers ont des champs dont les superficies
varient entre 2 et 3 ha.
· L'interdiction de pratiquer les cultures
arbustives
Les cultures arbustives pratiquées en
général dans la zone d'étude sont les arbres fruitiers :
manguier, anacardier, agrume, etc. Ces arbres ont une longue durée de
vie. Outre leurs intérêts économiques, ils jouent un
rôle déterminant dans les rapports fonciers entre les individus.
En effet, planter un arbre dans un champ est perçu comme un signe
d'appropriation, voire d'aliénation de l'espace. En conséquence,
les chefs de terre interdisent à priori sa plantation aux personnes
qu'ils considèrent être des « étrangers» dans le
village. « Si tu donnes une place (référence faite
à une parcelle de culture) à quelqu'un et s'il plante des arbres,
cela veut dire que la terre ne t'appartient plus. C'est pourquoi on refuse la
plantation d'arbre à certaines personnes » Ce sont les propos
couramment tenus pour justifier l'interdiction de planter sur les parcelles.
L'interdiction de planter sous-entend la culture de plantes
dont la longévité ne dépasse pas la période d'une
campagne agricole. Ce qui suppose que la durée de validité des
droits correspond à la durée de vie des cultures mises en terre.
Dès l'instant qu'elles sont récoltées, la terre revient au
cédeur qui peut décider de rompre le contrat avec l'exploitant.
C'est cette situation qui pose des difficultés à certains
migrants. Les remises en cause de contrats sont récurrentes et la seule
garantie de pouvoir conserver leurs champs est la plantation d'arbres.
Très souvent, l'arbre n'est pas planté à des fins
économiques, mais plutôt pour marquer une présence
pérenne sur la parcelle exploitée. Cependant, lorsqu' un
exploitant n'arrive pas à planter des arbres dans son champ, tout se
passe comme si la durée du droit dont il jouit était une campagne
agricole, parce que la terre pouvant faire l'objet de retrait après
chaque récolte.
L'interdiction de planter est devenue un problème
sérieux avec l'émergence de la « vente » du droit de
planter. De plus en plus, les migrants qui ont les moyens financiers
accèdent au droit de planter en contrepartie d'argent. Cette situation
défavorise les moins nantis qui, faute de moyens, sont contraints de se
contenter du droit de cultures annuelles.
Pour ce qui concerne la précarité liée
à l'obligation de cultiver des plants annuels au détriment des
cultures pérennes, tous les migrants sont vulnérables. Mais cette
vulnérabilité diminue avec la durée d'installation dans la
zone. Plus l'installation d'un migrant dure, moins le droit de planter des
arbres dans son champ lui sera interdit. En général, il s'agit
des exploitants migrants installés pendant la première et
deuxième vague de migration, c'est-àdire entre les années
70 et 80. De même, le statut économique permet à certains
migrants
d'avoir un accès facile au droit de planter. Ainsi,
l'ancienneté et le pouvoir économique deviennent deux
paramètres qui permettent aux migrants d'être moins
vulnérables aux droits fonciers précaires.