4.1.3. Le déguerpissement foncier : une situation
d'insécurité vécue par les migrants et les autochtones
Le déguerpissement foncier est un
phénomène qui « consiste à chasser les occupants
d'un sol par voie d'exécution forcée administrative,
l'administration considérant que ces gens n'ont aucun droit à
être là. L'évacuation du lieu se fait
généralement par la force et sans en référer
à l'autorité judiciaire» (Tribillon J-F, 1993 ;
cité par Gérard Ciparisse et al, 2005). Cette définition
reflète ce qui s'est déroulé les 24 et 25 mai 2004, en
pleine campagne agricole dans la zone pastorale de
Dèrègouè. Des paysans qui exploitaient ce site à
des fins agricoles, ont été expulsés par les
autorités étatiques (préfecture, police, gendarmerie,
service technique, etc.) du département de Sidéradougou.
4.1.3.1. Le peuplement de la zone pastorale et le
déguerpissement
La zone pastorale de la Koba (allusion faite à la
rivière Koba qui jouxte la partie Est et Nord de la zone pastorale) est
située à cheval sur les départements de
Sidéradougou et de Péni. Ce site fait partie de la grande «
zone aménagée de Sidéradougou » qui, elle, a
été identifiée dans les années 1960/70 dans le
cadre du projet « Amélioration de l'élevage traditionnel
dans les CRPA des Haut-bassins et de la Comoé » financé par
la FED. Cet espace d'une superficie de 308.700 ha est réparti en zones
pastorale, agropastorale et agricole couvrant respectivement 128.800 ha, 51.800
ha et 144.100 ha. Ce n'est qu'en l'an 2000 que cette zone a été
entièrement balisée par arrêté conjoint portant
délimitation de la zone pastorale.
L'aménagement de la zone pastorale et les
sécheresses des années 1970 ont stimulé la migration
d'éleveurs peul vers la zone de Sidéradougou en cette
période. Par ailleurs, nos enquêtes ont
révélé que les premiers éleveurs en provenance du
nord et du centre du pays se sont sédentarisés à
Dèrègouè dans les années 1980. Mais avant la
délimitation de la zone, des hameaux de culture y existaient et
étaient habités par des agriculteurs. Ce constat montre que la
zone pastorale de la Koba a été occupée et
exploitée par des agriculteurs avant le déguerpissement en
2004.
L'année 2000 marque la période
d'intensification des migrations agricoles dans la zone d'étude, et
surtout le retour des émigrés burkinabé de la Côte
d'Ivoire dans des conditions difficiles. Pour mieux gérer le retour de
ces migrants, l'Etat à travers ses démembrements a
sollicité l'appui des chefs de terre pour faciliter l'insertion de ces
migrants dans les localités où ils voudront s'installer. Cette
situation a offert l'opportunité aux chefs de terre qui convoitaient la
zone pastorale. Ainsi, de nombreuses parcelles y seront attribuées
à des migrants avec pour conséquence, un accroissement des
superficies emblavées et une régression du pâturage et des
pistes de bétail. Cela a entraîné une recrudescence des
litiges entre agriculteurs et éleveurs. Ces derniers iront se plaindre
par le canal du syndicat des éleveurs SEOAB auprès
l'autorité administrative qui a décidé enfin de
déguerpir les paysans installés dans la zone pastorale en mai
2004.
Pour ce qui concerne ce déguerpissement, notons que
des préavis ont été adressés aux paysans par
l'entremise des RAV. Mais ils n'ont pas influencé les paysans qui ont
continué d'exploiter la zone. Fort de ce constat, la préfecture,
la police, la gendarmerie, les services techniques d'agriculture et
d'élevage, de façon conjointe, ont déguerpi de force les
paysans les 24 et 25 mai 2004. Ainsi, des champs ont été
détruits, des habitations saccagées et incendiées pour
obliger les agriculteurs à abandonner le site et les champs qu'ils
avaient ensemencé (Cf. photo n°3, 4 et 5, en annexe 2 page 119).
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