La gestion des terres est assurée par les chefs de
terre qui interviennent dans leurs domaines fonciers respectifs (Cf. carte
n°3, page 50). Ils y installent et attribuent les terres selon des
principes coutumiers dont l'application change selon que le demandeur d'une
parcelle est autochtone ou migrant.
Selon les chefs de terre de la zone d'étude la
« terre est un bien collectif. Nous ne la refusons pas à
quiconque voudrait l'exploiter pour subvenir à ces besoins de
subsistance. On ne la vend pas». La superficie des terres
attribuées aux « étrangers » est fonction de la taille
de leurs ménages respectifs. Certes la terre est un bien collectif
à Dèrègouè comme dans toute société
traditionnelle africaine, mais les règles qui régissent la mise
en valeur des parcelles attribuées permettent de distinguer deux types
de droits :
- le droit de « propriété » ou droit
« éminent » dévolu aux propriétaires terriens
;
- le droit d'usufruit, c'est-à-dire « un
droit réel de jouissance qui confère à son titulaire
(usufruitier), le droit d'utiliser une chose, d'en percevoir les revenus, mais
non d'en disposer » (Gérard Ciparisse, 2005) ; il est
délégué aux individus n'appartenant pas aux groupes des
propriétaires terriens.
L'installation des étrangers et le défrichement de
l'espace à des fins agricoles par ceux-ci sont
précédés de rituel accompli avec :
- des poulets lorsque l'usager ne doit pas habiter dans son
champ ;
- des poulets plus une chèvre lorsque l'usager doit
construire une concession dans son champ.
Le versement de cette contrepartie appelé «
landa » doit précéder le défrichement et
l'exploitation de l'espace attribué. Á la fin de la saison
agricole, chaque exploitant offre une part non-définie de sa
récolte pour les cérémonies, dont le but est d'adresser
des remerciements aux ancêtres pour la saison écoulée et
les implorer pour de bonnes récoltes à l'avenir. Par ailleurs,
les migrants sont tenus de respecter des interdits et les obligations relatifs
à la mise en valeur des terres par les populations dites «
étrangère ».
Á priori, lorsque la terre est attribuée
à un exploitant allochtone qui n'est pas membre du lignage d'un chef de
terre celui-ci est dans l'obligation de cultiver du « siman
», qui correspond aux cultures vivrières destinées
à la consommation (sorgho, millet, maïs). En conséquence, il
ne bénéficie pas du droit de planter des arbres pérennes.
En plus, pour éviter que son droit ne lui soit retiré par les
propriétaires terriens, il doit par conséquent respecter les
interdits suivants :
- ne pas travailler dans le champ les lundis et vendredi ;
- ne pas jouir des certains arbres présents dans le champ
: Karité, Néré, Tamarinier ; - interdiction de creuser des
puits et des forages ;
- S'abstenir de faire des rapports sexuels dans le champ,
etc.
Selon les chefs de terre le « non-respect des interdits
entraîne le retrait de la parcelle, voir l'expulsion de celui qui en est
l'auteur ».
Ces principes coutumiers régissant la gestion
foncière dans la zone ne sont pas stables, ils évoluent. En
effet, les travaux de terrain ont révélé
l'évolution de plusieurs éléments qui caractérisent
l'accès à la terre dans la zone d'étude : les
contreparties versées lors de l'attribution des terres, les interdits
relatifs à l'exploitation des parcelles, etc. Ainsi, plusieurs modes
d'accès à la terre se distinguent dans la zone d'étude.