IV.- PROSPECTIVE D'AJUSTEMENT DES POLITIQUES
LAITIERES :
L'intervention gouvernementale s'est située
principalement aux deux niveaux distincts que nous avons étudiés
dans la partie précédente, la ferme et l'unité de
transformation. C'est à ces deux niveaux de concrétisation
directe, qu'il est nécessaire de s'attacher.
1.- Mode d'organisation au niveau de la ferme et de son
environnement :
Le diagnostic de la situation de
l'élevage bovin dans la zone d'étude reflétant l'impact
des politiques antérieures et nouvelles et le mode de perception des
effets du marché international ont conduit à l'identification des
éléments permettant de comprendre les raisons de l'insuffisance
de production et le manque à gagner significatif malgré les
différentes formes de soutien et d'encouragement initiées.
La politique de renforcement des investissements à la
ferme et l'implication des services d'appui a eu des effets sensibles mais
encore insuffisants. La vitesse de croissance de la production laitière
est restée peu significative, les progrès réalisés
dans le cadre du développement du bovin laitier au niveau de la ferme,
sont encore faibles.
Des caractéristiques d'évidence de la faiblesse
de la production laitière au niveau de la ferme ont été
relevées, il s'agit de :
- La taille limitée des fermes d'élevage.
- La faiblesse de la ressource en eau pour l'abreuvement et
l'irrigation.
- Le nombre réduit de vaches laitières par
ferme, dû essentiellement aux deux causes précédentes.
- La médiocrité des rations alimentaires.
- L'insuffisance du suivi technique.
- La faiblesse des systèmes d'organisation de la
production et de la collecte.
- L'absence de cohésion entre l'approvisionnement et la
production.
- L'insuffisance du suivi et de l'intérêt
accordé au marché du bovin laitier.
Ces contraintes contiennent des éléments qui
ont une incidence directe sur la faiblesse de la production.
L'amélioration passe obligatoirement par la mise en place de moyens
capables de lever ces contraintes et de modifier positivement le contenu de la
production sans être à l'origine de difficultés nouvelles
perturbatrices de l'environnement socio - économique de la ferme .
Pour cerner de manière efficace la mise en place de
ces moyens, il y aurait lieu de définir et d'identifier l'unité
d'organisation élémentaire en mesure de maîtriser les
dispositifs et instruments à mettre en place et par laquelle transite
l'ensemble des formes de soutien, d'encouragement, d'incitation et de
sauvegarde des intérêts des producteurs. Il s'agit par ailleurs de
caractériser la place qu'occupe l'exploitation agricole dans la
chaîne de production laitière et de définir les relations
qu'elle se charge d'entretenir avec les acteurs de son environnement. Il s'agit
de l'élaboration d'un cahier de charges que chacun devra respecter.
Sur la base de ces éléments d'approche, il
serait nécessaire de mettre en place un dispositif concret d'inventaire,
de suivi et d'évaluation permettant d'engager des travaux de
planification et de projections à concrétiser au fur et à
mesure de la mise en place des actions de développement à
l'échelle globale de l'aménagement du territoire. Initiées
par l'intervention gouvernementale, ces actions de développement sont
fortement appréciées au niveau de la ferme, notamment l'appui
à la mise valeur, l'amélioration des systèmes de
mobilisation et d'adduction d'eau, le renforcement des voies d'accès,
l'extension des sources d'énergie et l'acquisition d'équipements
modernes de production. Il est utile de souligner chaque fois qu'il sera
nécessaire que la libéralisation ne pourrait en aucune
façon devenir synonyme d'anarchie et que l'obligation de planification
et de cohérence de l'économie à l'échelle de la
ferme est d'une importance capitale.
Les critères d'établissement de l'unité
d'organisation élémentaire doivent être fondés sur
la nécessité de permettre un suivi personnalisé de la
ferme dans toutes ses activités de production et d'existence dans le
tissu socio-économique de sa zone d'intervention. L'étude a
permis d'entrevoir qu'une unité d'organisation élémentaire
ne pourrait suivre de manière appropriée plus d'un millier de
vaches laitières appartenant à plus d'une soixantaine de
producteurs. Il est nécessaire de tenir compte aussi d'autres
critères tels que l'accès, la proximité,
l'homogénéité de la zone, les moyens de production et
l'environnement socio-économique. Par ailleurs, cette forme
d'organisation n'obtiendra les résultats escomptés qu'avec au
moins une quinzaine de producteurs pour pouvoir répondre aux
critères administratifs et juridiques qui régissent les modes
d'organisation actuels des acteurs socio-économiques soucieux de
bénéficier de la protection et du soutien de l'Etat.
En matière de production, il est utile d'instaurer le
raisonnement en fonction de la vache laitière et l'espace vital
normalisé qui lui est nécessaire. Les critères de
rationalité exprimés sous cette forme engagent la
réalisation d'investissements nouveaux tels que le volume de fourrage
vert et implicitement les besoins en eau et la surface à
l'irrigué, le dimensionnement des étables et des
équipements d'exploitation. L'exemple de Dina Integrated Farm, dans le
désert égyptien, illustre bien la richesse des
possibilités que peut développer un pays. Cette ferme de 7000 ha,
5000 VL Holstein et 150 puits creusés jusqu'à 120 mètres
de profondeur emploie 1000 personnes environ et produit 7000L/an/vache en
moyenne. Ce type d'expérience d'envergure, l'Algérie ne l'a pas
encore tenté, mais il est peu probable qu'elle échapperait
à la règle, car l'objectif de développement de la
production laitière est incrusté, et des tentatives de taille
plus modeste ont été enclenchées, à titre
d'exemple : l'exploitation de GEP Kherfi Fréres de Guerrara
fondée en 1988, 230 hectares, un forage de 1200 m de profondeur avec 110
Holstein et une moyenne de 25 litre / jour / vache. (Agroligne n°3,
2000)
Par ailleurs, la mise en place des programmes de santé
animale implique nécessairement l'application de systèmes
d'alimentation contrôlés avec une définition exacte des
rations alimentaires par phase et gabarit. Dans ce sens, la gestion
appropriée d'un programme de formation par étapes aux techniques
modernes de conduite d'élevage laitier est une condition incontournable
dans la prise en charge du développement des productions du lait et de
la viande, fortement liées entre-elles dans leurs aspects technique et
socio-économique.
Le lait, dans la situation actuelle de sa production locale
est peu rentable, il est fortement lié à la viande dont la
rentabilité dans ces mêmes conditions est intéressante pour
les producteurs, il ne peut en être dissocié. Le
développement de la production de viande bovine entraîne
nécessairement une croissance de la production du lait.
L'étude (3eme partie) a montré que
le niveau de rentabilité de l'exploitation d'élevage, à
son seuil minimum dans le contexte actuel, se situe aux environs de la
disponibilité de 7 vaches en lactation sur 300 jours à 3 500
litres au moins et une mise bas tous les 24 mois. Ainsi l'exploitation devra
posséder au moins une quinzaine de vaches laitières et leurs
descendances ce qui indique que la surface minimum devrait être de 11,25
ha dont 2,75 ha à l'irrigué. Beaucoup d'exploitations
n'atteignent pas ce seuil minimum. C'est vers ce type d'objectif qu'il est
nécessaire de s'orienter en réunissant les conditions
rationnelles de cessions, de locations et de mises en valeur, pour permettre
aux éleveurs faisant partie d'une même unité d'organisation
élémentaire d'évoluer progressivement vers ce seuil
minimum qui serait celui d'éleveur laitier. Par contre, en
deçà, il s'agirait beaucoup plus d'éleveurs pour la
viande. Le passage de la fonction de producteur de viande à producteur
de lait est un progrès qui nécessite un accompagnement de gestion
que l'unité devra prendre en charge.
L'unité d'organisation élémentaire est
un maillon d'une importance primordiale mais inexistant dans la situation
actuelle. Ses fonctions sont remplies par un ensemble éparse d'acteurs
cloisonnés entre eux, assurant tant bien que mal une part de la
collecte, la santé, l'administration, le financement lorsqu'il existe,
etc. Il s'agit de regrouper au sein d'une structure l'ensemble de ces services
d'appui à la production que les producteurs animeront au sein de leur
unité d'organisation élémentaire qui agira en leur nom
avec le soutien et la participation de l'Etat comme organe de suivi,
d'encouragement et de régulation vis-à-vis de l'environnement.
Cette structure pourra se charger d'assurer la collecte du lait au profit des
producteurs par l'acquisition de ses propres moyens de transport et de
stockage, de veiller à la santé des animaux et leur
généalogie par le suivi, l'enregistrement et la gestion du
marché du BLM, d'entreprendre les démarches nécessaires
pour les approvisionnements réguliers en intrants et de contribuer en
participant à l'identification, la planification et la mise en oeuvre
des actions d'aménagement et d'investissements de l'Etat dans la zone
qui la concerne. C'est à ce niveau que l'intervention gouvernementale
est la plus efficace et qu'elle s'exprime sous forme de renforcement d'actions
de développement et non pas de subvention à la production.
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