Les résultats de la décentralisation
via l'exploitation forestière ont permis de créer les
délégations provinciales, départementales,
d'arrondissements et les postes forestiers du Ministère de
l'environnement et des forêts. Mais, « le Cameroun s'est
doté d'instruments juridiques lui permettant de gérer et de
conserver de façon durable les ressources naturelles dont il dispose
notamment en ce qui concerne le régime des forêts, de la faune et
de la pêche ( loi no 94/01 du 20 janvier 1994.) Le décret
d'application no 95/531/Pm du 23 août 1995 de la loi portant
régime des forêts, de la faune et de la pêche, confie en son
article 13, la gestion des ressources génétiques
forestières aux administrations chargées des forêts, de la
faune, de I 'environnement et de la recherche scientifique
»68.
Pour mieux renforcer cette décentralisation
auprès des populations locales, le Cameroun a procédé en
1990, avec l'appui de la coopération internationale, à une
importante réforme qui s'est appesanti à la mise en oeuvre des
forêts communautaires, c'est --à-dire « une foresterie
axée sur les gens. Ici, la foresterie communautaire est
considérée comme l'ensemble des processus dynamiques de
responsabilisation des communautés rurales dans la gestion des
ressources forestières, pour contribuer à I 'amélioration
de leurs conditions de vie et promouvoir le développement local
»69.
Cette gestion des forêts communautaires
préoccupe le
ministère de l'environnement car elle reste
encore innovatrice
mais, « elle remonte à la promulgation de
la loi no 94/01 du
67 KARSENTY Main ,
Vers la fin de l'état forestier ? (Appropriation des espaces et
partages de la rente forestière au Cameroun) In recueil de textes
marc Hufty et Frank Muttenzer : La biodiversité : De l'action collective
à la gouvemance.
68
www.foa.org.2002.p.1.
BIGOMBE LOGO, Patrice , Foresterie communautaire et
réduction de la pauvreté rurale au Cameroun : Bilan et tendances
de la première décennie.In world rainforest movement,
2002,p.1.
20 janvier 1994 portant régime des
forêts, de la faune et de la pêche et le décret
d'application du régime des forêts, et à l'adoption, en
novembre 1995, de la nouvelle politique forestière du Cameroun
»70.
D'une manière générale, «
Plusieurs pays ont oeuvré en faveur d'une administration plus
équitable de leurs ressources naturelles, en transmettant la prise de
décision ainsi que le contrôle des ressources aux populations
locales. En 1994, le Cameroun a adopté une nouvelle loi accordant aux
communautés locales la possibilité d'un contrôle accru sur
les forêts et la faune, principalement en réponse aux conditions
imposées par les bailleurs de fonds concernant les Prêts
d'ajustement structurel (PAS). La promulgation de cette loi a toutefois
pâti d'un manque de soutien considérable au niveau national. Les
rivalités d'intérêts, conjuguées à la forte
centralisation de l'appareil administratif camerounais, ont
empêché une réelle transmission de pouvoirs en
matière d'aménagement de la faune
»71.
On note cependant certains efforts encouragés
par des ONG; C'est le cas du projet effectué sur le mont Cameroun qui
est un bon exemple car les zones forestières situées sur le Mont
Cameroun abritent l'une des biodiversités les plus variée
d'Afrique de l'Ouest . On y trouve notamment de nombreuses espèces
végétales et animales rares et endémiques mais cependant,
l'intensification de la vente de gibier, et le défrichement
illégal des arbres par les agriculteurs à grande échelle
entraînent le déclin des peuplements animaux et
végétaux. Pour pallier cela, « Sur une période de
cinq ans, la présence du Projet du Mont Cameroun (MCP) a aidé la
population locale à maîtriser et articuler ses
préoccupations et ses intérêts, en vue d'obtenir un droit
de regard en matière d'aménagement des terres forestières
dans la région d'OngeMokoko. Longtemps méfiante à
l'égard du projet, la communauté de la Plaine de Boa adjacente a
conclu son propre ( marché) avec une entreprise privée
d'exploitation forestière. Toutefois, grâce aux conseils et
à l'appui du projet, une Évaluation des Incidences sur
l'Environnement (EIE) a servi d'outil de décision participatif,
permettant ainsi de mieux
70
www.wrm.org.uy/countries/cameroon/bigombe.html
71EGBE EGBE Samuel , Les
droits, les communautés et l'aménagement de la faune au
Cameroun,2001.,In
www.odifpeg.uk.27/04/03
cerner les options d'exploitation foncière
et d'abandonner ce projet d'abattage à grande échelle. Depuis
lors, les activités participatives ont engendré un processus de
cartographie et d'aménagement foncier dynamique et organisé au
sein de la communauté, de même qu'un vaste éventail
d'initiatives individuelles en matière d'aménagement des
ressources, qui visent à contribuer directement aux objectifs suivants :
moyens d'existence améliorés, administration performante,
capacité locale accrue pour l'aménagement forestier et foncier,
ainsi que conservation de la biodiversité - but du projet
»n.
L'une des volontés du gouvernement camerounais
à travers son cadre juridique montre le degré de volonté
de L'Etat de faire de la participation active des populations autochtones un
élément essentiel de la nouvelle politique forestière car
celle-ci améliorait l'action des populations locales dans la
conservation et la gestion des forêts. Ceci contribuerait non seulement
à élever leur niveau de vie, mais à faciliter le
contrôle et la réalisation des inventaires, ainsi qu'une meilleure
exploitation des résultats. Le ministère chargé de la
gestion des forêts a fixé des normes d'inventaire sur le plan de
la préservation des forêts, afin de conserver ce patrimoine
forestier tout en assurant des possibilités de coupe.
Mais, on note aussi une réforme juridique qui
est confondue avec le changement de mode de gouvemance : « D'où
l'impasse actuelle du processus de réforme forestière au
Cameroun, premier pays producteur de bois d'Afrique Centrale, qui devait
préfigurer une nouvelle génération de politiques et de
codes forestiers dans le bassin du Congo, objet de toutes les attentions de
l'aide environnementale »73.
.
L'adoption de la loi de 1994 relatif la création
des forêts communautaires auprès des villageois n'est pas
passé inaperçu au Cameroun car elle permet de garantir la
sécurité des espaces péris villageois. Cependant, «
la constitution de ces forêts communautaires est soumise à la
délimitation publique du domaine forestier permanent sur la base des
propositions du plan de zonage. De cette délimitation dépendra
l'ampleur
72 ACWORTH James, EKWOGE henry,et al.,
Vers une conservation participative de la
biodiversité des forêts de la région d'onge-Mokoko
au Cameroun.2001,In
www.odifpeg.org27/04/03
73 KARSENTY Alain ,Vers la fin de
l'état forestier ? ( Appropriation des espaces et partages de la rente
forestière au Cameroun) In recueil de
textes Marc Hufty et Frank Muttenzer : La Biodiversité : De l'action
collective à la
gouvernance,lUED,2002/2003.
de la forêt communautaire potentielle de
chaque village... C'est donc un véritable partage du territoire entre
administration forestière et paysanne qui est en jeu. Et, ce partage
possède tous les traits d'un jeu à sommes nulles »" et,
« Conformément à l'article 37, alinéa 5 de la loi de
1994 portant régime des forêts, et aux articles 3 ( 11) et ( 16)
puis 27 ( 4) et (5) du décret d'application y relatif une forêt
communautaire est une zone du domaine forestier non- permanent, pouvant mesurer
jusqu'à 5000 ha, et faisant l'objet d'une convention de gestion entre
une communauté villageoise et l'administration des forêts. Le plan
d'aménagement fait partie intégrante de la convention ou du
contrat d'aménagement ainsi conclu entre l'administration des
forêts et la communauté villageoise. La durée de la
convention de gestion est la même que celle du plan d'aménagement,
et la période minimale fixée est de 25 ans. Ainsi, si le plan
d'aménagement d'une forêt s'étale sur 50 ans, la convention
de gestion restera valable pour la même période
»".
Dans le cadre de la législation camerounaise,
il est important de noter que « une convention d'aménagement
d'une forêt communautaire ne confère à la
communauté, ni des droits de propriétés sur le domaine, ni
quelque titre de propriété sur la forêt elle-même.
Dans les deux cas, les droits de propriétés sur le domaine
foncier et sur la forêt demeurent ceux de l'Etat. Toutefois, les
avantages dont bénéficie la communauté sont définis
dans le cadre du plan concédé d'aménagement. Lorsque les
activités arrêtées dans le plan d'aménagement sont
respectées, les produits forestiers qui en découlent deviennent
la propriété exclusive de la communauté concernée.
En somme, nous pouvons observer qu'une forêt communautaire fait
essentiellement partie du domaine forestier national soumis à une
convention conclue entre l'administration des forêts, et une
communauté villageoise donnée. En retour, pour peu qu'elle assure
la gestion de la forêt communautaire conformément aux dispositions
du plan concerné de gestion, ladite communauté jouira des
produits de cette forêt, à titre de sa propriété
exclusive. Il convient également de noter que les forêts
communautaires ne
74KARSENTY Alain ,Vers la fin de 1
'état forestier ? ( Appropriation des espaces et partages de la rente
forestière au Cameroun) In recueil de textes Marc Hufty et Frank
Muttenzer : La Biodiversité : De l'action
collective à la gouvernancejUED,200212003.
75
www.minef.cin/forêtcommunautaire.htrn.2002,p.1.
constituent pas simplement une nouvelle forme
d'exploitation du bois. Le cadre politique et juridique révèle
clairement que les forêts communautaires sont conçues pour
permettre aux populations locales de s'impliquer dans la gestion à long
terme de toutes les ressources forestières pour le bien de toutes les
couches de cette communauté »76.
De part sa richesse en ressources naturelles, «
le cas du Cameroun constitue 1 'un des plus grands défis pour la
foresterie communautaire sous les tropiques et a suscité un
intérêt exceptionnel dans la communauté internationale. Une
refonte radicale de la législation forestière en 1994 a ouvert la
voie à la participation de la communauté dans la gestion des
forêts pour une production commerciale des bois [....1 Toutefois, ces
progrès prennent du temps et exigent de la ténacité et un
engagement financier à long terme de la part aussi bien des acteurs
locaux que des bailleurs de fonds internationaux »n
.Cependant, « l'introduction du concept de foresterie communautaire
dans la législation forestière au Cameroun à travers la
notion de forêts communautaires a constitué une très grande
innovation dans la sous-région d'Afrique centrale. Selon les acteurs du
secteur forestier et du développement en général, ce fut
une grande révolution dans le secteur forestier au Cameroun. Toutefois,
environ sept ans après 1 'adoption de la nouvelle loi de janvier 1994,
le développement des activités ne semble pas répondre aux
attentes. Seulement une dizaine de forêts ont été
attribuée et sont actuellement plus ou moins aménagées par
les communautés »78.