3.3.2. La volonté de changer/sauver le monde
(tentation de la toute-
puissante)
Même si les étapes que nous décrivons ne
s'enchaînent pas forcément dans le temps, le
bénévole aura tendance à vouloir agir s'il n'est pas parti
après la première étape. Rencontrer des personnes en
situation de précarité peut nous renvoyer des situations que nous
ne pouvons accepter ou refuser de voir. Une fois le stade du choc passé,
nous restons sur nos prérogatives de résoudre la pauvreté.
Alors, nous pensons mettre en oeuvre des stratégies hautement
élaborées. Ces gens ont des manques, des besoins, nous allons les
combler, les remplir et tout ira bien... Le bénévole obtient des
résultats et cela est normal. Cependant il va être dans
l'obligation de se rendre compte que cela ne marche pas à chaque fois et
que plus les échec arrivent plus il se pose la question de la
pauvreté. Il ressent douloureusement son non-pouvoir sur certaines
personnes. Il peut même être confronté à des
accompagnements de personnes qui s'enfoncent plus dans la misère que de
s'en relever. Ici, deux pistes peuvent s'ouvrir. Une première est de
rejeter la responsabilité sur les pauvres. Ils refusent le
développement qui est proposé et nous entendons des phrases comme
« Ils sont feignants, ils ne veulent pas s'en sortir, ce sont des
anarchistes, etc. ». Certaines tentatives versent dans l'affectif et le
déraisonnable, dans une fuite en avant où sa famille est mise en
péril au nom de la solidarité avec les plus pauvres qui n'ont
rien demandé. Une autre qui peut en découler est de se
résigner.
3.3.3. Le résignement
Du bénévole sachant comment faire, nous arrivons au
stade du doute. De la lutte contre la pauvreté programmée et
encadrée, on passe à la relativisation « à quoi cela
sert-
il ? ». Cela arrive souvent quand un accompagnement a
été couronné de « succès » et que la
personne « rechute ». Le bénévole est en plein doute.
En quoi ai-je failli ? Comment faire ? D'ailleurs, faut-il faire ? Le
bénévole va faire ici une expérience humaine de vivre avec
la personne dans sa vulnérabilité.
3.3.4. Une autre démarche où l'autre est au
centre.
Il va rencontrer sa propre vulnérabilité chez
l'autre vulnérable « l'indice d'une capacité à
être affecté par autrui, disposition à s'exposer à
la vulnérabilité de l'autre, où je découvre ma
propre vulnérabilité. « Bien avec toi » : esquisse de
la rencontre de l'autre à partir de ma propre
vulnérabilité. »59. C'est au prix de cette
rencontre que son bénévolat va devenir non pas efficace mais
fécond. Il rentre dans la gratuité de l'accompagnement. « Je
ne t'accompagne pas pour t'en sortir mais par ce que l'on est frère en
humanité ». Cette fraternité fondamentale va devenir le
moteur de l'engagement. Lors d'une rencontre de bénévoles, nous
questionnions l'engagement des bénévoles sur leur relation
à l'association et aux pauvres. Des bénévoles
récents témoignaient ainsi : « Nous sommes venus au Secours
Catholique pour donner, pour aider, etc. » Des bénévoles qui
étaient au sein de l'association depuis plusieurs années
témoignaient ainsi « Nous avons beaucoup reçues des
personnes rencontrées. » Elles ne disaient pas que les pauvres
étaient des gens formidables mais que l'accompagnement de ces personnes
les avaient transformées. Elles étaient devenues plus humaines et
fraternelles, plus justes. Elles témoignaient que la relation aux
personnes n'était plus centrée sur leur pauvreté mais sur
leur personne. Leur relation n'était plus centrée sur leur propre
réussite, résultat mais sur l'autre. « Le souci face aux
choses n'est pas le souci pour autrui : préoccupation contre
sollicitude. Dans l'un je m'épuise besogneusement, dans l'autre me voici
décentré : le monde s'organise autour d'un autre que
moi-même et, ce faisant, s'élargit de façon inattendue.
Autrui m'offre un point de vue inédit sur le monde familier.
»60 Dans cette approche l'autre devient ce qu'il est et non pas
ce que je souhaite qu'il soit. Il y a un réel décentrement dans
l'approche de l'accompagnement. Dans cette relation, le renforcement des
capacités va avoir une grande force car la personne sera
réellement au centre du processus dans un accompagnement ou sa place
n'est plus à la périphérie de la relation.
|