5.2.3.3. Contrôle
décentralisé
Dans un système auto- organisé, il n'y a pas de
prise de décision à un niveau donné, suivie d'ordres et
d'actions prédéterminées. En effet, dans un système
décentralisé, chaque individu dispose d'une vision locale de son
environnement, et ne connaît donc pas le problème dans son
ensemble. La littérature des systèmes multi- agents emploie
souvent ce terme ou celui « d'intelligence artificielle
distribuée », bien que, d'une manière
générale, l'étude des systèmes multi agents tende
à utiliser des modèles de comportement plus complexes, fonde
notamment sur les sciences de la cognition. Les avantages d'un contrôle
décentralise sont notamment la robustesse et la
flexibilité : systèmes robustes, car capables de continuer
à fonctionner en cas de panne d'une de leurs composantes ; flexibles,
car efficaces sur des problèmes dynamiques.
5.2.3.4. Hétérarchie
dense
L'hétérarchie dense est un concept issu
directement de la biologie, utilisé pour décrire l'organisation
des insectes sociaux, et plus particulièrement des colonies de fourmis
[19]. La définition peut être traduite comme suit :
Une colonie de fourmis est une variante particulière de
hiérarchie qui peut avantageusement être appelée une
hétérarchie. Cela signifie que les propriétés des
niveaux globaux agissent sur les niveaux locaux, mais que l'activité
induite dans les unités locales influence en retour les niveaux globaux.
L'hétérarchie est dite dense dans le sens ou un tel
système forme un réseau hautement connecte, ou chaque individu
peut échanger des informations avec n'importe quel autre. Ce concept est
en quelque sorte opposé à celui de hiérarchie ou, dans une
vision populaire mais erronée, la reine gouvernerait ses sujets en
faisant passer des ordres dans une structure verticale, alors que, dans une
hétérarchie, la structure est plutôt horizontale Figure
(5-1).
Fig. (5-1) : [a] Hiérarchie dense ; [b]
Concept opposé
On constate que ce concept recoupe celui de contrôle
décentralisé, mais aussi celui de stigmergie, en ce sens que
l'hétérarchie décrit la manière dont le flux
d'information parcourt le système. Cependant, dans une
hétérarchie dense, tout type de communication doit être
pris en compte, tant la stigmergie que les échanges directs entre
individus.
5.2.3.5. Les pistes de
phéromones
Les fourmis ont la particularité d'employer pour
communiquer des substances volatiles appelées phéromones. Elles
sont attirées par ces substances, qu'elles perçoivent grâce
à des récepteurs situés dans leurs antennes. Ces
substances sont nombreuses et varient selon les espèces. Les fourmis
peuvent déposer des phéromones au sol, grâce à une
glande située dans leur abdomen, et former ainsi des pistes odorantes,
qui pourront être suivies par leurs congénères Figure
(5-2).
Les fourmis utilisent les pistes de phéromone pour
marquer leur trajet, par exemple entre le nid et une source de nourriture. Une
colonie est ainsi capable de choisir (sous certaines conditions) le plus court
chemin vers une source à exploiter, sans que les individus aient une
vision globale du trajet.
En effet, comme l'illustre la figure (5-2), les fourmis le
plus rapidement arrivées au nid, après avoir visite la source de
nourriture, sont celles qui empruntent les le chemin le plus court. Ainsi, la
quantité de phéromone présente sur le plus court trajet
est légèrement plus importante que celle présente sur le
chemin le plus long. Or, une piste présentant une plus grande
concentration en phéromone est plus attirante pour les fourmis, elle a
une probabilité plus grande d'être empruntée. La piste
courte va alors être plus renforcée que la longue, et, à
terme, sera choisie par la grande majorité des fourmis.
On constate qu'ici le choix s'opère par un
mécanisme d'amplification d'une fluctuation initiale. Cependant, il est
possible qu'en cas d'une plus grande quantité de phéromone
déposée sur les grandes branches, au début de
l'expérience, la colonie choisisse le plus long parcours.
D'autres expériences, avec une autre espèce de
fourmis, ont montré que si les fourmis sont capables d'effectuer des
demi-tours sur la base d'un trop grand écart par rapport à la
direction de la source de nourriture, alors la colonie est plus flexible et le
risque d'être piégé sur le chemin long est plus faible.
Fig. (5-2) : Les Fourmis réelles suivent un chemin
entre le Nid et la Nourriture. (B) Un obstacle apparaît sur le
chemin : Les Fourmis choisissent de tourner soit à gauche soit
à droite avec une probabilité égale. (C) La
phéromone est déposé plus rapidement sur le chemin le plus
court. (D) Toutes les fourmis ont choisi le chemin le plus court.
Il est difficile de connaître avec précision les
propriétés physico-chimiques des pistes de phéromone, qui
varient en fonction des espèces et d'un grand nombre de
paramètres. Cependant, les métas- heuristiques d'optimisation de
colonies de fourmis s'appuient en grande partie sur le phénomène
d'évaporation des pistes de phéromone. Or, on constate dans la
nature que les pistes s'évaporent plus lentement que ne le
prévoient les modèles. Les fourmis réelles disposent en
effet « d'heuristiques » leur apportant un peu plus
d'informations sur le problème (par exemple une information sur la
direction). Il faut garder à l'esprit que l'intérêt
immédiat de la colonie (trouver le plus court chemin vers une source de
nourriture) peut être en concurrence avec l'intérêt
adaptatif de tels comportements. Si l'on prend en compte l'ensemble des
contraintes que subit une colonie de fourmis (prédation,
compétition avec d'autres colonies, etc.), un choix rapide et stable
peut être meilleur, et un changement de site exploite peut
entraîner des coûts trop forts pour permettre la sélection
naturelle d'une telle option.
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