Conclusion générale
Plus de quatre décennies d'exploitation
pétrolière en Afrique centrale, le bilan de l'impact de cette
activité sur l'environnement est très lourd. Cet impact se
présente sous divers aspects et atteint différents milieux.
Le milieu marin est le premier à être
affecté par la pollution, le pétrole étant exploité
essentiellement offshore dans cette région. Cette pollution du milieu
marin implique donc celle des côtes et des plages qui forment ce milieu,
le tout conduisant à une diminution des possibilités de
pêche et de tourisme.
L'Afrique centrale, région a forte présence
de forêts tropicales, l'exploitation du pétrole qui s'y pratique
affecte durement ce milieu. La dégradation des forêts entraine la
disparition de la diversité biologique. Car ces forêts constituent
un « trésor mondial », un « poumon
mondial » pour la préservation de la diversité
biologique selon Walter Kansteiner. Cette idée a conduit à
l'institutionnalisation de la protection du bassin du Congo55. On y
trouve des espèces inscrites sur la liste rouge de l'UICN. Cependant,
cet impact sur les ces milieux a de graves répercutions sur la
société, la politique et l'économie de cette
région. D'où on parle d'un des conséquences
sociopolitiques et économiques.
Cet impact est dû au manque d'une bonne politique
environnementale des multinationales pétrolières qui
opèrent dans cette région.
Toutefois, conscientes de la nocivité de leurs
activités sur l'environnement, les multinationales ont
développé des stratégies en vue de minimiser cet impact.
Ainsi, elles ont adopté des codes de conduite, des chartes et des labels
environnementaux qui prennent en compte des préoccupations
d'environnement. Cependant, les solutions apportées ne sont pas la
hauteur des résultats escomptés. Faute de pouvoir protéger
l'environnement, les multinationales multiplient des actions sociales qui du
reste ne répondent pas parfois aux besoins des populations. Des
écoles et des centres médicaux sociaux construits en pleine
forêts manquent du personnel. Les populations sont obligées de
payer eux-mêmes les enseignants et les médecins. N'ayant plus des
possibilités financières à cause de la dégradation
de l'environnement, les enfants ne vont plus à l'école, le taux
de mortalité augmente suite aux moyens limités d'accès aux
services de santé de base.
55 - le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo
(PFBC) est défini comme « une association qui regroupe
29 organisation gouvernementales et non gouvernementales et qui s'efforce
d'améliorer la communication et la coordination entre ses membres
concernant leurs projets, programmes et politiques pour promouvoir la gestion
durable des écosystèmes et des ressources naturelles des
forêts du bassin du Congo, ainsi que pour améliorer la vie des
habitants de la région. Le PFBC ne participe pas directement à la
mise en oeuvre ou au financement des programmes et ne dispose pas de
secrétariat ou de personnel. Par contre, il assure un service de
coordination entre bailleurs de fonds et organismes d'exécution et sert
de forum pour le dialogue. Le PFBC vise à sensibiliser davantage les
bailleurs et autres aux programmes qui sont actuellement financés et mis
en oeuvre par ses organisations membres, à relever l'efficacité
de ces programmes et des activités de coordination correspondantes,
ainsi qu'à identifier et éliminer les lacunes et les
chevauchements des programmes et des financements »
Au plan sociopolitique, la pollution occasionne beaucoup de maux.
D'abord il sied de rappeler que c'est à son
environnement que la population de l'Afrique centrale doit sa survie. Car c'est
de ce dernier qu'elle tire l'essentiel des subsistances. De cet environnement
dépend l'Agriculture même si les pratiques appliquées ne
sont pas protectrices de l'environnement (itinérante sur brûlis),
de lui proviennent le poisson et la viande pour l'alimentation. De cet
environnement, dépend toute la vie de cette population, le
pétrole ne bénéficiant qu'à élite au
pouvoir. En détruisant l'environnement l'exploitation du pétrole
ne permet pas aux parents de payer les frais scolaires et de santé de
leurs enfants par manque de ressources. On voit alors la décroissance
rapide du taux de scolarisation, du taux de maladies surtout respiratoire
males connues par le passé dans cette région. On voit
également l'augmentation de la pauvreté (Cf. Indice du
développement humain) à travers les conflits sociopolitiques
inter-états ou internes qui n'ont pas d'autres explications que la lutte
pour le contrôle de la manne et c'est sous l'exploitation
pétrolière que la dette des pays d'Afrique centrale a
quadruplé.
Sur le plan économique, le pétrole n'a
pas permis à cette région de
« décoller » économiquement. Ces Etats
peinent toujours sur le poids de la dette malgré l'exploitation du
pétrole. Les effets de la pollution sur l'économie ne sont pas
encore très visibles sauf aux esprits avisés qui savent que le
pétrole est une ressource non renouvelable. Et si son exploitation a
entraîné la destruction de l'environnement, à la longue ces
Etats ne seront plus à même de juguler leurs problèmes
d'alimentation.
L'attitude des multinationales à ne pas
protéger l'environnement est favorisée par les liens forts
qu'elles tissent avec les pouvoirs en place. Il est aujourd'hui connu en
Afrique que « pour se maintenir au pouvoir il faut être en
bonne relation avec les compagnies pétrolières surtout
françaises. Le cas de M. Pascal LISSOUBA et la guerre civile de 1997 au
Congo Brazzaville, la rébellion tchadienne autour de la zone
pétrolifère du pays en sont des illustrations
parfaites56. Cela se justifie par la dépendance
économique que ces Etats ont vis-à-vis du pétrole et de
l'implication de ces multinationales pétrolières à la
gestion de ces Etats de l'Afrique centrale.
Ce comportement des pétroliers et des hommes
politique est aussi favorisé par le cadre légal et la
société civile, encore en quête d'identité. En
effet, en Afrique centrale la plupart des textes législatifs et
conventionnels adopté en matière de protection de l'environnement
ne sont pas appliqués. Pour mémoire, l'Afrique en
général y compris les Etats de l'Afrique centrale est l'une des
premières régions ou continents au monde à avoir
adopté une convention sur la conservation de la nature, la Convention
d'Alger de 1968, précédée par la convention sur les
ressources phytogénétiques de 1967 adoptée à
Kinshasa. Alors que les instruments de cette même nature adoptés
en Europe et en Amérique contribuent efficacement à la protection
de la nature, en Afrique et Afrique centrale en particulier ils constituent du
« droit dormant ». En outre le mécanisme de
transposition ne marche pas bien ; souvent les conventions adoptées
au niveau international ne trouvent pas une application au niveau national.
56 - voir le rapport de la Commission des Affaires
Etrangères précité, l'audition de Pascal LISSOUBA, ex
président de la République du Congo et NGALEZY YORONGAR,
député tchadien.
Lire aussi à ce sujet l'article de Benoît
KOUKEBENE, Le pétrole, facteur de développement ou du sous
développement : le cas de l'Afrique centrale, Juillet 2006
La société civile notamment les ONG de
l'Afrique centrale se cherchent encore. De graves problèmes entravent
leurs activités. D'une part des problèmes internes, ceux-ci sont
liés à la configuration de ces ONG. Celle-ci manque encore du
personnel qualifié dans les différents domaines de leurs
interventions. Souvent, ce sont les timides individus
désespérés par ceux qu'ils vivent et ne trouvant pas les
moyens de l'exprimer ils se constituent en ONG non qualifiée d'ailleurs
pour dénoncer le mal. Les principales ONG qu'on trouve sont des ONG
internationales comme la WWF, les Amis de la terre etc. qui, du reste n'ont pas
de représentations locales. Les ONG locales manquent de financement et
ne peuvent pas mener des opérations de grande envergure. Et lorsqu'elles
révèlent quelques vérités cachées aux
populations, elles le font au risque de leur vie. Les compagnies
pétrolières n'hésitent pas de recourir à la
violence pour les disperser et l'Etat ne manque pas d'occasion pour les
suspendre. Tout près de l'Afrique centrale, les répressions de
Shell contre les populations de la région pétrolière du
Nigeria illustre bien ce cas de figure. Mais aussi, lorsqu'on envisage mener
une exploitation pétrolière, les études d'impact qu'on
mène le sont pour la bonne forme, les opinions des citoyens et des ONG
ne sont pas pris en compte57.
Dans ces conditions, comment alors emmener les
multinationales pétrolières à respecter les environnements
dans les quels elles travaillent en Afrique centrale ?
A cette question plusieurs voies de sorties sont
envisageables :
Tout d'abord couper les liens entre le monde du pétrole
et celui de la politique en développant de véritables Etats
démocratiques. Avant cela, il faut tout d'abord développer les
autres secteurs économiques comme l'agriculture, l'agropastorale,
l'élevage afin que l'économie ne soit pas dépendante de la
manne pétrolière dont on sait d'ailleurs que le prix n'est pas
stable.
Redynamiser les ONG en sensibilisant les populations afin que
leur travail trouve un écho au sein de la population. Cela ne pourra
être effectif que si l'on assure l'autofinancement des ONG.
Enfin il faut opérer la transposition des
conventions adoptées au niveau international ou régional à
travers des lois et décrets sur le plan national.
57 - voir Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM, mémoire sur le
thème «Les ONGO et la protection de l'environnement en Afrique
centrale, sous la direction de Gérard MONÉDIAIRE
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