Paragraphe 1 : Les codes de conduite
Selon une étude de l'Organisation pour la
Coopération et le Développement Economique, on peut
définir ces codes privés comme l'énoncé par la
société « des normes et des principes régissant
la manière de conduire son activité »32. Les
codes de conduite sont des instruments à caractère intentionnel
qui définissent des objectifs à atteindre mais, leur valeur
juridique reste discutable.
a) Le caractère intentionnel des codes de
conduite
Longtemps, l'industrie du pétrole comme toutes
les autres formes d'industrie se sont développées en dehors des
« préoccupations environnementales » 33.
Ce n'est qu'à partir des années 70, suite aux catastrophes comme
l'échouage d'Amoco Cadiz que la communauté internationale, suite
à la pression des ONG et des organismes internationaux, a senti
l'urgence de lutter pour la protection de l'environnement.
La pression des organismes internationaux (OCDE),
régionaux (Conseil de l'Europe) et des ONG (Greenpeace, .....) a
poussé les multinationales pétrolières à adopter
les codes de conduite. Ceux-ci définissent les intentions ou des
objectifs à suivre en matière de droits de l'homme et de
protection de l'environnement. Cependant, ces documents sont souvent
rédigés par des spécialistes de droit enfermés dans
leurs bureaux, sans avoir mis pied sinon pour une courte durée dans un
champ pétrolier.
Dans cette course aux codes de conduite, c'est Shell la
première à avoir adopté un code de conduite. La position
de Shell traduit les dénonciations faites à son endroit dans le
Delta de Niger. Shell fut succédée par TotalFinaElf en 2000.
32 - Codes de conduite : étude exploratoire sur
leur importance économique. Groupe de travail du Comité des
échanges de l'OCDE.
33 - loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature,
art. 2
Dans sa préface au code de conduite de TotalFinaElf,
monsieur Thierry DESMARET, Président Directeur Général du
Groupe énonce que « Nos valeurs de base sont le
professionnalisme, le respect des collaborateurs du Groupe, le souci permanent
de la sécurité et de la protection de l'environnement ainsi que
la contribution à l'essor des communautés qui accueillent nos
activités ».
Ces codes, chartes ou déclarations de
principes, les intitulés varient, ressemblent souvent à des
textes pour les consommateurs qu'à un outil de marketing destiné
aux syndicats ou aux associations tiers-mondistes ou de défense de
l'environnement. Dès lors, à côté des modèles
avancés par les entreprises elles-mêmes ou encore proposés
par des organisations non gouvernementales, sont apparus des codes
proposés par des institutions gouvernementales, à l'instar de
ceux élaborés par le Bureau International du Travail (BIT) ou
encore, plus récemment, le Parlement Européen, ou encore, le code
de conduite des multinationales de l'Organisation pour la Coopération et
le Développement Economique.
b) Valeur juridique des codes de conduite
La valeur juridique des codes est un
élément important lorsqu'on veut parler de la
responsabilité des multinationales pétrolières. Doit-on
les placer au même titre que des lois auxquelles elles sont tenues, ou
bien encore que de simples intentions ou de simples objectifs à
atteindre dépourvus de la force obligatoire ou contraignante ?
Sinon, quelle est la valeur de ces codes ?
La réponse à toutes ces interrogations
nous amènent à analyser le comportement de ces multinationales
sur le terrain, en Afrique centrale en particulier, à travers les
différents cas sus évoqués (Oléoduc Tchad /
Cameroun, le champ de Gamba, les terminaux de Kribi et de Djeno). De l'examen
de ces cas fait dans la première partie de ce travail et les
conclusions sont très décevantes.
C'est pourquoi, l'on ose croire que ces codes, comme dit plus
haut ne répondent qu'à un souci d'image suite aux
dénonciations dont elles sont la cible, non pas à une
volonté réelle de protection de l'environnement et de tous les
autres objectifs qu'elles se sont fixées. Tout ceci découle du
contexte et du processus de leur élaboration.
Les code sont élaborés par les
multinationales pétrolières elles-mêmes et se concentrent
généralement sur des questions précises ci-dessus
évoquées. Volontaires, le non respect des principes
érigés dans ces codes n'est pas
« sanctionnable »34en droit. Néanmoins,
le droit ne considère pas que le caractère juridiquement
sanctionnable d'un document soit la condition nécessaire et suffisante
de son fondement en droit. Dans son intervention à la session du
Tribunal permanent des peuples sur les conditions de travail dans le secteur
textile, René De SCHUTTER cite Giorgio SACEDOTI à propos de la
portée des codes de conduite. « La théorie juridique,
écrit ce dernier, s'est libérée du préjugé
selon lequel la sanction est une donnée essentielle pour
reconnaître à une règle un caractère juridique. La
théorie du droit international s'est libérée à son
tour d'un autre préjugé selon lequel il n'y aurait de droit que
là où il y a une procédure formelle de création de
la règle, bien établie à
l'avance... »35
34 - Anne PEETERS, Les codes de conduite,
instrument de régulation des multinationales ?
Le meilleur ou le
pire
GESEA Asbl, 1999
35 - En Afrique la mise en cause d'un pétrolier est
synonyme d'atteinte à l'Etat. Cf. la répression de Shell contre
le peuple Ogoni au Nigéria appuyée par les forces de l'ordre de
cet Etat
Il ressort que les codes de conduite peuvent bien
servir de base pour engager la responsabilité des multinationales
pétrolières.
Cependant, qui peut intenter une telle action et
devant quel juridiction compte tenu de l'implication de ces multinationales
dans la gestion de ces Etats d'Afrique centrale, mais aussi et surtout de la
faiblesse de la société civile et de la faible mobilisation des
ONG.
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