V/ Le système auditif et l'implant
cochléaire
Généralement l'étude du système
auditif se fait avec des stimuli acoustiques. La possibilité d'effectuer
des recherches chez les sujets porteurs d'un l'implant cochléaire est
intéressante. Elle permet de stimuler directement les fibres auditives
afférentes du modulus en s'affranchissant de toute la
biomécanique cochléaire active ainsi que des fonctions de
transfert non-linéaires de l'oreille externe et de l'oreille moyenne.
La possibilité d'étudier l'adaptation de la
stimulation électrique aux contraintes physiologiques et
psycho-physiques du sujet implanté, ainsi que le type de traitement et
codage du signal qui va permettre au sujet une compréhension de la
parole sans les trois oreilles (externe, moyenne et interne) permettrait
peut-être de mieux comprendre le fonctionnement du système
auditif.
L'IMPLANT COCHLEAIRE
II Généralités sur l'implant
cochléaire
Article 1 :
TRAITEMENT DU SIGNAL DE PAROLE POUR SOURDS-PROFONDS :
L'IMPLANT COCHLEAIRE S. Gallégo, S. Garnier, C. Berger-Vachon
Revue d'électronique et d'électricité
1997, 8: 50-53
L'objectif de cet article est de définir de
manière didactique le principe de fonctionnement de l'implant
cochléaire. Il retrace brièvement son histoire en
décrivant la phase expérimentale, l'utilisation clinique et les
évolutions en performance liées au traitement du signal. Les
différentes étapes pour l'implantation du patient ainsi que
l'organisation nécessaire à une bonne réhabilitation du
sujet porteur de l'implant cochléaire sont succinctement
décrites.
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T
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DOSSIER
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Mots-clés :
Implant cochléaire, Surdité, Codage du
signal, Instrumentation médicale.
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raitement du signal de parole
pour sourds-profonds : l'implant
cochléaire
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par S. GALLEGO, S. GARNIER, Ch. BERGER-VACHON, CNRS - UPRESA
5020, Université Claude Bernard de Lyon
L 'ESSENTIEL
Ill L'implant cochléaire est un appareil qui vise
à remplacer, dans l'oreille interne, la fonction de l'organe de
Corti.
n Le succès d'une réhabilitation de la
surdité à l'aide de cette méthode nécessite une
étroite collaboration entre l'équipe médicale et
paramédicale en charge du patient et l'équipe scientifique qui
doit adapter au mieux les possibilités de la machine et faire
évoluer la technique.
A la jonction de l'homme et de la machine, l'implant
cochléaire recode le signal de parole.
Le cerveau devra interpréter.
1. INTRODUCTION
S Y N O P S I S
n The cochlear implant is a device that is intended to
perform the functions usually performed by the Corti organ.
n Successful application of this method will require close
cooperation between the healthcare team and the scientific team responsible For
optimizing machine capabilities and developing the technique.
On connaît depuis longtemps, l'existence de liens entre
l'électricité et l'audition. Dès la fin du XVIII;
siècle, Volta avait remarqué qu'en mettant une différence
de potentiel d'une cinquantaine de volts entre ses deux oreilles, il percevait
une espèce de chuintement. Cette expérience, qui frisait
l'inconscience, ouvrait, sans le savoir, un chapitre très important des
relations entre la science et la santé.
Par la suite, autour de l'année 1930, Stevens à
Boston et Gersuri en URSS ont déclenché des sensations auditives
chez des sujets sourds, en reproduisant (avec des tensions moindres)
l'expérience de Volta.
Une date importante est à retenir avec la travail de
Clarke à Melbourne (1979) qui érigeait un principe longtemps
considéré comme un dogme : "l'implant cochléaire doit
transmettre les éléments qui caractérisent la phonation".
Ces éléments sont classiquement le fondamental laryngé et
les formants [2]. Cela a conduit à l'implant cochléaire Nucleus
qui est toujours le plus diffusé sur la planète, notamment
grâce à la structure commerciale et l'assistance technique mise en
place sur tous les continents par la société Cochlear, filiale de
la puissante compagnie Dunlop Pacific. Cette petite merveille technologique,
parfaitement adaptée aux possibilités de l'électronique de
1980, a ensuite été remise en cause pour revenir au codage
classique du spectre de la voix en bandes de fréquences
distribuées dans l'oreille. Ce principe a été beaucoup
défendu, notamment par l'école française du professeur
Chouard et du physiologiste Mc Leod.
L'article de référence dans la discipline, date
de 1957. Il est l'oeuvre des Français Djourno et Eyries dans la Presse
Médicale [1]. Les auteurs avaient produit une sensation auditive chez un
sujet sourd en lui implantant une bobine délivrant sur la cochlée
une tension électrique alternative. Il était donc possible de
passer, en transcutané, une information depuis le milieu
extérieur vers l'organe sensoriel de l'ouïe. Néanmoins, les
résultats qu'ils avaient obtenus étaient d'une qualité
tellement mauvaise qu'ils ne dépassaient pas le domaine de
l'anecdote.
Reprise aux Etats-Unis, la technique allait connaître un
nouvel essor, notamment avec les travaux de House à Los Angeles qui
réalisait le premier implant cochléaire portable et obtenait
l'agrément de la FDA (Food and Drug Administration). Ensuite le premier
congrès était organisé sur ce thème en 1973
à San Francisco. Il réunissait les chirurgiens et scientifiques
interpelés par la question.
Peu de temps après (1974), le professeur Chouard
à l'hôpital St Antoine de Paris réalisait la
première implantation en France et il prenait place parmi les pionniers
de la discipline.
rampe vestibulaire membrane basilaire
rampe tympanique
fenêtre ovale
étrier
BASE
APEX
fenêtre ronde
I. Membrane basilaire déroulée :
sélection d'une fréquence sonore.
Exemple d'implants cochléaires.
(Le DIGISONIC
de la société MXM).
L'oreille interne a pour propriété d'analyser
l'onde acoustique et de la distribuer le long de la cochlée, en fonction
de la fréquence qui est détectée par la membrane basilaire
(figure 1).
L'implantation cochléaire s'est
disséminée à grande vitesse au cours des années
quatre-vingt et maintenant plus de 20 000 personnes portent cette technologie
de par le monde.
Quelques implants cochléaires dominent actuellement le
marché mondial. Nous pouvons citer :
le Nucleus (société Cochlear, Melbourne),
le Clarion (société Advanced Bionics, San
Francisco),
le Digisonic (société MXM, Vallauris),
le Combi 40 (société Med-el, Innsbruck),
le Laura (société Antwerp Bionic Systems,
Anvers)... En France, la plupart des grandes villes .possèdent des
équipes qui posent l'implant cochléaire.
En Juin 1997, la section Automatique du club EEA
(Electronique, Electrotechnique, Automatique) a organisé à
Montpellier les journées Automatiques et Santé axées sur
l'interpénétration des techniques scientifiques et
médicales. De par son aspect "traitement du signal pour la
réhabilitation des surdités profondes" l'implant
cochléaire faisait partie du programme [3].
2. PRINCIPE DE L'IMPLANT
COCHLÉAIRE
On sait que l'oreille, récepteur d'information, est
constituée de trois parties [4] :
oreille externe,
oreille moyenne,
La membrane basilaire, ainsi que l'organe de Corti qu'elle
supporte, sélectionne de façon spatiale les composantes
fréquentielles qui constituent l'onde acoustique.
L'implant cochléaire cherche à reproduire ce
mécanisme. Il est représenté figure 2.
2. Représentation synoptique du fonctionnement de
l'implant cochléaire.
oreille interne.
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DOSSIER
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LE GÉNIE BIOMÉDICAL
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construction
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étage fréquence
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compression
logarithmique
canal n
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3. Représentation synoptique de la partie
externe.
3. RELATION AVEC LE PATIENT
Les personnes concernées par l'implant
cochléaire sont porteuses de surdités profondes liées
à une défaillance complète de l'organe de Corti. Dans
l'oreille interne, l'organe de Corti transforme les vibrations acoustiques en
un stimulus électrochimique qui est distribué sur les
terminaisons du nerf auditif. Les voies de l'audition transmettent ensuite
cette information vers le cortex cérébral qui va
interpréter ce message comme venant du sens de l'ouïe. Cette
interprétation fait appel, bien sûr, à toutes les fonctions
supérieures de l'homme, à ses possibilités et à
tout le passé qu'il a emmagasiné depuis sa naissance et
même peut-être avant.
Donc, lorsque l'organe de Corti est totalement détruit,
les amplifications du signal resteront sans effet. Par contre, on peut
court-circuiter sa fonction à l'aide du mécanisme décrit
ci-dessus. Il est bien clair que ceci est seulement sensé copier le
fonctionnement physiologique de l'oreille. selon l'état actuel de nos
connaissances. Le message qui est transmis au cortex cérébral est
très appauvri par rapport à celui qui arrive avec une audition
normale. Il est important que le patient puisse s'y adapter. On admet donc que
les conditions suivantes doivent être requises avant une implantation
cochléaire :
le patient est porteur d'une surdité totale
bilatérale,
les excitations électriques tests sont positives, ce qui
indique que le nerf auditif est toujours fonctionnel,
l'examen orthophonique montre que le patient pourra utiliser
la "lecture du visage" de son interlocuteur et a un bon niveau de langage, ce
qui devrait lui permettre de reconstituer la teneur du message,
les essais de réhabilitation avec les aides auditives
classiques se sont avérés négatifs,
le profil psychologique du patient et son soutien familial
indiquent sa motivation pour s'adapter au nouveau code auditif qui lui sera
fourni,
Le signal acoustique, capté par un microphone, est
soumis à un étage d'analyse. Le résultat du traitement
sert ensuite à moduler une radiofréquence qui franchit la
barrière cutanée par induction
électromagnétique.
Le signal est ensuite reçu et démodulé par
la partie interne.
Les différentes fréquences sont
détectées et l'énergie correspondante est
distribuée sur les électrode réparties le long de la
Cochlée, pour simuler le phénomène physiologique
observé sur une cochlée normale.
Considérons maintenant la partie externe. Son
fonctionnement est représenté sur la figure 3.
Le signal acoustique est capté par un microphone, puis
amplifié. Il est ensuite décomposé selon l'énergie
contenue dans les bandes spectrales réparties sur la gamme utile de
l'audition. Puis cette énergie est compressée pour que la
dynamique acoustique soit adaptée à la dynamique
électrique des terminaisons du nerf auditif arrivant sur la
cochlée.
Pour chacun des canaux, une impulsion est construite. Sa
surface est proportionnelle à l'énergie électrique issue
de la compression logarithmique. Un séquenceur permet de construire un
jeu d'impulsions séquentielles représentant l'énergie
détectée dans les n canaux.
Une porteuse est ensuite modulée en amplitude avec ces
impulsions.
De l'autre côté de la peau, les impulsions sont
détectées de manière séquentielle et
distribuées le long de la cochlée les unes après les
autres. Cette stratégie est désignée sous le nom de CIS
(Continuous Interleaved Samples).
Actuellement, le fonctionnement décrit figure 3 est
réalisé numériquement [5]. Le signal d'entrée est
échantillonné, puis une FFT permet de déterminer, à
l'aide de raies, sa structure spectrale. Les raies sont ensuite
rassemblées en bandes avant d'attaquer la compression logarithmique. Ce
mode de fonctionnement est très répandu ; il correspond notamment
à celui qui est effectué par l'implant français Digisonic
[5].
52
I REE N° 8 5z Septembre 1997
mieux comprendre et faire évoluer une technique
coûteuse et qui fait appel aux fonctions supérieures de l'homme.
Autant pour la Société que pour le Patient, on doit tirer le
meilleur parti des systèmes de traitement du signal très ouverts
qui sont actuellement mis en place.
Remerciements
Les auteurs remercient les organismes et personnes qui
soutiennent leur recherche, la société MXM, le groupement GIPA,
les Hospices Civils de Lyon et le CNRS, ainsi que les professeurs L. COLLET, A.
MORGON et E. TRUY de l'Hôpital Edouard Herriot de Lyon.
Bibliographie
[1] DJOURNO A, EYRIES C, VALLENCIEN B. " De l'excitation
électrique du nerf cochléaire chez l'homme, par induction
à distance, à l'aide d'un microbobinage inclus à demeure
", Presse Med., 35, 1417-1423 (1957).
[2] CALLIOPE. " La parole et son traitement automatique ",
Masson, 1989.
[3] BERGER-VACHON C. " Implant cochléaire; aspect
technique ", journées Automatiques et Santé, Montpellier 5-6 Juin
1997, Actes : partie Handicap 2.
[4] GRIBENSKI A. " L'audition ", collection "Que sais-je", PUF
(1994).
[5] BELIAEFF M., DUBUS P., LEVEAU J.M., REPETTO J.C., VINCENT
P. " Sound Processing and Stimulation coding of DIGISONIC DX10 15-channel
Cochlear Implant ", Advances in cochlear implant, Ed. IJ. Hochmair (Innsbruck).
1994;198-203.
Stéphane GALLEGO prépare une thèse de
doctorat en génie Biomédical sur les mesures objectives avec
l'implant cochléaire au laboratoire "Neurosciences et systèmes
sensoriels". CNRS UPRESA 5020 de l'Université Claude Bernard de Lyon.
Stéphane GARNIER prépare une thèse de
doctorat en génie Biomédical sur l'évaluation de la
perception du signal acoustique au laboratoire "Neurosciences et
systèmes sensoriels". CNRS UPRESA 5020 de l'Université Claude
Bernard de Lyon.
Christian BERGER-VACHON est professeur d'Instrumentation
Médicale au laboratoire "Neurosciences es systèmes sensoriels".
CNRS UPRESA 5020 de l'Université Claude Bemard de Lyon.
son QI atteste de ses possibilités à apprendre un
nouveau langage,
son consentement 'éclairé' est
nécesiaire pour qu'il connaisse à l'avance les difficultés
qu'il va rencontrer et qu'il devra surmonter,
son état physique est assez bon pour lui permettre de
résister au choc opératoire.
L'équipe d'implantation est pluridisciplinaire et elle
corn prend :
le chirurgien bien sûr,
un médecin O.R.L. qui vérifie la surdité
et éventuellement les signes associés dans le cas d'un
polyhandicap,
l'orthophoniste pour assurer la rééducation,
l'audioprothésiste pour assurer l'entretien classique du
processeur externe (fils, connecteurs....),
le technicien de réglage pour adapter au patient les
multiples paramètres du traitement du signal (seuils, compressions,
bandes de fréquence...),
le psychologue pour le nécessaire soutien à
apporter,
le coordinateur pour optimiser les multiples rendez- vous et
pour gérer l'ensemble des sujets implantés sur un centre,
l'assistante sociale, pour l'aide à la prise en charge
financière des appareils (170 à 180 kF l'unité),
le groupe scientifique.
On ne peut pas se contenter de poser cette technologie sans
essayer de la faire évoluer. De plus, le suivi des résultats du
patient et l'adaptation de la stratégie de codage sont des
éléments importants conditionnant la réussite ou
l'échec de l'implantation. Le spécialiste du traitement du signal
a donc totalement sa place dans le groupe de prise en charge des personnes
implantées, avant et après le geste chirurgical, voire même
pendant si on veut vérifier en temps réel au bloc
opératoire le bon fonctionnement de l'appareil lors de sa mise en
place.
4. CONCLUSION
La lutte contre le handicap associé à une
surdité profonde ou totale, en employant la thérapeutique de
l'implant cochléaire, fait appel à une prise en charge du patient
très rigoureuse.
Il y a d'une part l'aspect médical (médecin,
chirurgien) et paramédical (orthophoniste, audioprothésiste,
psychologue, technicien) et d'autre part l'aspect scientifique pour
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